Où la "grande foule" sert-elle par un service sacré ?
Reportons-nous au printemps de l'année 1980. Peu de Témoins de Jéhovah sont au courant de ce qui s'est passé en ces jours-là au siège central de Brooklyn et dans certaines congrégations de la région.
Ainsi, nombreux sont ceux qui se sont fait baptiser il y a cinq, dix, voire quinze ans, et qui ignorent qu'à l'époque la Société procéda à une série d'exclusions pour le moins retentissantes.
"Le Service du Royaume" (actuellement "Le Ministère du Royaume") du mois d'octobre 1980, page 1, première colonne, annonçait ceci:
"Nous vous signalons avec tristesse que cinq membres de la famille du Béthel de Brooklyn ainsi que quelques autres frères de la région de New York ont été récemment exclus. Il y a eu quelques cas d'apostasie contre l'organisation et, dans plusieurs congrégations du peuple de Dieu, on a tenté de former des sectes. (Tite 3:9-11). Ces choses ne nous étonnent pas, car nous savons que nous vivons une époque difficile. Des déviations éprouvèrent également la congrégation du premier siècle, comme nous l'apprend la lecture des Saintes Ecritures.
- I Tim. 1:20; 4:1; II Tim. 2:17,18; I Cor. 15:12,13; Actes 20:29,30. - Nous espérons que ces personnes reviendront à la raison, se repentiront et retourneront à l'organisation de Jéhovah, pour leur bien éternel."
Deux mois plus tôt, en août, cette communication faisait la une du Service du Royaume en anglais.
Notons que les exclusions ne découlaient pas d'immoralité, de calomnie, de vol ou autres péchés similaires, mais bien d'apostasie, et il était précisé qu'il s'agissait d'apostasie contre l'organisation.
Remarquons aussi que le ton du commentaire de la Société (qui se compare à la congrégation du premier siècle) ne manquait pas de culpabiliser ces "membres de la famille du Béthel et autres frères", puisqu'ils étaient dépeints comme des gens "blasphémateurs", "faisant attention à des paroles inspirées trompeuses et à des enseignements de démons", "bouleversant la foi de quelques-uns", " loups tyranniques", "disant des choses perverses". (se référer aux textes bibliques cités).
Quelles sont donc ces "choses perverses" qui s'étaient étendues "comme la gangrène" (II Tim. 2:17) au coeur même de l'organisation ? Bien sûr, il serait vain de vouloir chercher une réponse dans les publications de la Société. Mais il est certain que ceux qui furent excommuniés ne se firent pas prier pour donner les raisons de leur éviction à leurs proches et aux médias.
Que de graves évènements ébranlèrent la Watch Tower au début des années 80, il ne subsiste pas le moindre doute.
Que des Béthélites se réunirent clandestinement le soir dans leurs chambres pour réexaminer certaines doctrines et qu'ensuite ils se mirent à en discuter dans les couloirs du siège de Brooklyn est un fait à présent bien connu. Qu'à la même époque, un des instructeurs en vue de l'école de Galaad, Edward Dunlap, ainsi qu'un des membres du Collège Central, Raymond Franz, les rejoignirent et remirent en question plusieurs enseignements est évident. Que le Collège Central vit cela d'un très mauvais oeil et congédia de nombreux "déviationnistes" en fut, bien sûr, le résultat inévitable et logique.
Avant de passer au vif du sujet, survolons très rapidement le déroulement des évènements majeurs qui se produisirent particulièrement entre avril 1980 et décembre 1981.
Plusieurs membres du Béthel de Brooklyn et des environs de New York sont exclus en avril 1980. - Edward Dunlap fait également partie du lot du début 80.
Raymond Franz, lui, ne subit pas le même sort, tout au moins pas à ce moment-là, car on ne trouve aucun motif tangible pour l'exclure. De plus, lors du vote de routine au sein du Collège Central, le quota requis des deux tiers n'est pas atteint, ce qui fait qu'aucune décision ne peut être prise dans ce sens. On demande toutefois à Franz de quitter le Collège Central et la famille du Béthel.
Vers la fin du mois de mai 1980, Franz envoie sa lettre de démission au dit Collège et quitte le Béthel (Ceci n'est un secret pour personne, puisque, toujours dans le "Service du Royaume" d'octobre 1980 (août en anglais), nous lisons ceci: "Nous vous informons que frère Raymond Victor Franz n'est plus membre du Collège central et de la famille du Béthel de Brooklyn depuis le 22 mai 1980. (Nous précisons qu'il ne s'agit pas de frère Frédéric W. Franz, l'actuel président de la Société.)"
Pour la petite histoire, précisons que Frédéric W. Franz est l'oncle de Raymond.
Tout Témoin de Jéhovah qui veut bien se donner la peine de lire entre les lignes se rendra compte du lien évident qui existe entre la série d'exclusions et le départ de R. Franz, puisque les faits sont rapportés dans le même "Service du Royaume".
Après son départ de Brooklyn, Franz doit trouver un emploi pour assurer sa subsistance. Il est engagé par un certain Peter Gregerson, un frère qui dirige une petite chaîne de supermarchés en Alabama et qui a déjà beaucoup d'autres Témoins à son service. Gregerson lui procure également un logement dont il est le propriétaire. - (Signalons que Franz a quitté le Béthel en compagnie de son épouse).
Gregerson s'était déjà posé pas mal de questions au sujet des doctrines de "l'esclave fidèle et avisé". Au fil du temps, ses doutes ne feront que prendre consistance. Au cours de ses recherches, une Tour de Garde (qui fera d'ailleurs l'objet de notre examen), va l'ébranler tout particulièrement (et pas seulement lui) et conforter sa décision de quitter l'organisation.
Désirant à tout prix éviter l'exclusion, Gregerson écrit une lettre de disassociation qu'il remet à la Société le 18 mars 1981.
Pourquoi une telle lettre ? Pourquoi choisir la dissociation plutôt que d'encourir l'exclusion ?
Parce qu'à cette époque, celui qui se dissocie n'est pas relégué au rang des exclus. Les membres de la congrégation peuvent continuer à le fréquenter et à lui adresser la parole. Seule la dissociation consécutive à l'affiliation à un parti politique, à un emploi en conflit avec la Bible ou à l'accomplissement du service militaire est passible des mêmes sanctions que l'excommunication, mais pas une simple lettre de dissociation pour motif personnel.
N'oublions pas que Gregerson à plus de trente coreligionnaires qui travaillent pour lui. De plus, il appartient à une très grande famille dont quasi tous les membres sont Témoins de Jéhovah.
Son exclusion entraînerait de sérieuses difficultés. Tout d'abord ses employés seraient dans une situation délicate et inconfortable; celle de se retrouver au service d'un exclu. Ensuite, les liens familiaux auxquels il tient seraient rompus avec la plupart de ses proches. La simple disassociation est donc de loin préférable.
Mais comment la Société va-t-elle procéder pour exclure Raymond Franz ?
Son stratagème va se révéler tout à la fois intelligent et calculé.
Le meilleur moyen de mettre définitivement hors course ce personnage fort encombrant, catalogué parmi les "traîtres", n'est-il pas de modifier les règles depuis longtemps établies ? Ne suffit-il pas simplement de décréter que toute forme de disassociation équivaut à une exclusion ?
Qu'il en soit ainsi ! - Le 15 septembre 1981, la Société fait paraître une Tour de Garde qui stipule ceci: "Si donc quelqu'un qui était chrétien choisit de se joindre aux hommes que Dieu désapprouve, il serait bien que la congrégation reconnaisse officiellement, par une brève communication, que la personne en question s'est retirée et n'est plus Témoin de Jéhovah. Ceux qui cessent d'être "des nôtres" en rejetant délibérément la foi et les croyances des Témoins de Jéhovah devraient à juste titre être considérés et traités de la même façon que les personnes qui ont été exclues pour avoir péché." (Traduction française parue dans la Tour de Garde du 15 décembre 1981 - "Le bon point de vue sur l'exclusion" - page 22 - sous le titre "Ceux qui se retirent volontairement").
Mesure-t-on vraiment toute la portée de cette nouvelle procédure ?
Dans le but de régler ses comptes avec Raymond Franz, pour poser un tremplin sur lequel elle pourra mieux sauter pour l'exclure, la Société va automatiquement pénaliser tous les Témoins de Jéhovah !
Oui, les "frères et soeurs" du monde entier vont tous être punis parce qu'il faut absolument punir Raymond Franz !
Quelques temps plus tard, on "surprendra" Franz en compagnie de Gregerson, en train de prendre un repas dans un restaurant. Au vu des nouvelles données de la Tour de Garde du 15 septembre, ce repas sera le motif tout trouvé pour une excommunication en bonne et due forme. Le périodique ne précise-t-il pas qu'"un repas est un moment de détente et de fraternisation. Par conséquent, la Bible interdit aussi toutes relations amicales avec une personne exclue, comme lors d'un pique-nique, d'une soirée, d'une partie de ballon, d'une promenade à la plage, d'un spectacle ou d'un repas".
Ainsi, le 31 décembre 1981, sous la pression de la machine judiciaire de la Watch Tower, Raymond Franz sera exclus. Comme le soulignera le magazine "Time", il aura perdu le ciel pour un simple repas au restaurant.
Il était Témoin de Jéhovah depuis le 1er janvier 1939 (donc tout juste 43 ans) et membre du Collège Central depuis 1972.
Il écrivit de nombreux articles pour la Tour de Garde. Une de ses oeuvres marquantes fut l' "Auxiliaire pour une meilleure intelligence de la Bible", qu'il rédigea en collaboration avec d'autres membres du Béthel.
A présent, retournons à la question posée il y a quelques paragraphes: Quelles sont "les choses perverses" qui avaient secoué l'organisation ?
Eh bien, beaucoup de points étaient remis sur le tapis, notamment la doctrine des "deux destinées" professée par les Témoins de Jéhovah. Cette doctrine sépare en effet les "vrais chrétiens" en deux classes bien distinctes: 1) une classe s'élevant à 144.000 élus cultivant comme espérance la vie dans le ciel, ainsi que le grand privilège de régner avec Jésus,
2) une autre classe comprenant tous les autres disciples du Christ qui aspirent vivre éternellement sur une terre transformée en paradis. De cette doctrine va découler un axiome pour le moins original, mais qui sera fortement contesté: Jésus n'est pas le médiateur entre Dieu et les hommes (en général), mais uniquement le médiateur entre Dieu et ce groupe de 144.000 élus. (Voir l'étonnante affirmation de la Société qui souligne que la Bible ne dit pas que Jésus est le médiateur entre Dieu et "tous" les hommes, mais seulement entre Dieu et "les" hommes) - (Consulter pour de plus amples informations "Questions des lecteurs" dans la Tour de Garde du 15 juillet 1979 et l'article "Bienfaits que procure un seul médiateur entre Dieu et les hommes" dans la Tour de Garde du 15 février 1980).
Un autre résultat surprenant mais qui s'imbrique parfaitement dans cette conception de la médiation, c'est que ceux qui font partie de la classe terrestre ne sont pas dans la nouvelle alliance (dont Christ est le médiateur), mais ils jouissent des bienfaits de cette alliance et de relations particulières avec Dieu uniquement par le fait qu'ils sont associés à ceux qui déclarent faire partie du "reste" des 144.000 vivants encore sur la terre (TG 15/2/80).
Afin de rétablir un peu de discipline au sein de ces trublions qui empoisonnaient l'existence de l'organisation et qui mettaient en péril son unité, le Collège Central décida (entre autres), de faire paraître une Tour de Garde-clé.
Elle est datée (en anglais) du 15 août 1980 et comporte deux sujets d'étude: " The "Great Crowd" Renders Sacred Service Where ? " et " Sacred Service In This Time Of The End".
Parue en français le 15 novembre 1980, les deux sujets d'étude sont libellés comme suit: " 0ù la "grande foule" sert-elle par un service sacré ? " et " Le service sacré au "temps de la fin" ".
Nous nous attarderons, dans l'étude qui va suivre, au premier article, qui est de loin le plus important, et nous examinerons attentivement le texte de Révélation chapitre 7 versets 9 à 17, texte de base de cet article.
Disons pour commencer que loin de rétablir l'ordre et la paix, ce périodique allait provoquer un énorme tollé et une vague de désapprobation et de critiques qui allait entraîner une nouvelle série de retraits et d'exclusions. Parmi ces retraits, nous relèverons celui de Jon Mitchell, un des secrétaires du Collège Central.
Avant d'aller plus loin, et pour bien saisir toute l'essence de ce qui se déroula en 1980-1981 à Brooklyn, pour bien comprendre les tenants et aboutissants de la controverse et ses implications, il est nécessaire d'assimiler la signification de deux mots grecs qui se réfèrent étroitement au Temple de Dieu dans la Bible.
Ces deux mots sont "NAOS" et "HIERON" (prononcer hiéron. - Pour la terminaison "on", détacher le o et le n, comme dans la ville de "Bonn" - cette remarque est valable chaque fois que vous trouverez "on" en grec).
Que représentent donc le "Hiéron" et le "Naos" par rapport au Temple ?
- Le "Hiéron" se réfère à l'ensemble du Temple, y compris les cours extérieures. C'est la totalité des structures du Temple. - On le traduit par "Temple".
- Le "Naos" se réfère au coeur du Temple, à l'endroit le plus sacré. C'est le Sanctuaire, qui abrite le Saint et le Très-Saint. - On le traduit par "Sanctuaire", "Temple-Sanctuaire", "Temple", en notant que cette dernière traduction peut prêter à confusion avec le "Hiéron". Pour spécifier clairement que le texte original parle du Naos, une bonne traduction de la Bible utilisera "Sanctuaire" ou "Temple-Sanctuaire".
William Vine (abondamment cité par les Témoins de Jéhovah dans d'autres circonstances), en donne une excellente définition dans son traité explicatif des mots grecs du Nouveau Testament ("Vine's Expository Dictionary of New Testament Words"):
1. Hiéron - Le neutre de l'adjectif hiéros, "sacré", est utilisé comme substantif pour désigner "un lieu sacré, un temple" - par exemple, celui d'Artémis (Diane) - ou encore celui de Jérusalem. Il est employé pour l'édifice entier, avec ses pourtours et autres parties, mais il est distinct du naos, le "sanctuaire intérieur".
A part les Evangiles et les Actes, "hiéron" est uniquement utilisé en 1 Cor. 9:13.
Christ parla dans une des cours du temple, dans lesquelles tout le monde avait accès.
Hiéron n'est jamais employé métaphoriquement.
La construction du temple mentionné dans les Evangiles et dans le livre des Actes fut commencée par Hérode en 20 avant Jésus-Christ. Le temple fut détruit par les Romains en 70 de notre ère.
2. Naos - "une chapelle ou sanctuaire".
Naos était utilisé:
- Chez les païens, pour désigner une chapelle abritant l'idole (miniaturisée par la suite).
- Chez les Juifs, pour désigner le sanctuaire dans le "Temple". Dans ce sanctuaire, seuls les prêtres pouvaient légitimement pénétrer.
Christ, étant de la tribu de Juda, n'était de ce fait pas prêtre. Il n'entra pas dans le naos du temple de Jérusalem lors de son séjour terrestre.
- Par Christ, métaphoriquement, pour désigner son propre corps physique.
- Dans l'enseignement des apôtres, toujours métaphoriquement, pour désigner l'Eglise, le corps mystique du Christ, ou encore une église locale, ou le corps physique d'un croyant pris individuellement.
- Pour désigner le "Temple" dans la vision de l'Apocalypse.
- Pour désigner le Seigneur Dieu Tout-Puissant et l'Agneau, comme étant le "Temple" de la nouvelle Jérusalem céleste.
La distinction entre hiéron et naos est proprement définie dans la Tour de Garde du 1er août 1961 (en français), sous le titre "Le temple au temps des apôtres". - page 236.
On lit: " En réalité, ce temple ne comprenait pas un seul bâtiment, mais plusieurs constructions dont le sanctuaire-temple occupait le centre. La langue originelle explique très clairement cela, car les écrivains des Ecritures établissent une différence entre les deux par leur emploi des mots hiéron et naos. Hiéron se référait à tout le territoire dépendant du temple, tandis que naos s'appliquait à la structure même du temple, qui avait remplacé le tabernacle du désert."
Dans le livre "Alors sera consommé le mystère de Dieu" (1969), on retrouve une explication similaire: "Le temple-sanctuaire ou naos (grec) n'occupait qu'une partie de l'enceinte du temple ... " (page 280).
Cette distinction est encore présente dans l' "Auxiliaire pour une meilleure intelligence de la Bible" (1971) - page 144 - rubrique "Temple" (grec hiéron "temple", naos "sanctuaire, résidence (en particulier d'un dieu), temple").
Le dictionnaire biblique "Insight on the Scriptures" (en 2 volumes) publié par la Société en 1988 (à présent disponible en français sous le titre "Etude perspicace") est devenu très évasif quant à cette distinction. Sous la rubrique "Temple" il dit: "Habitation divine, lieu saint ou sanctuaire; qu'il soit matériel ou spirituel, lieu utilisé pour le culte. Le terme hébreu hékhaï, traduit par "temple", signifie aussi "palais". Les mots grecs hiéron et naos sont tous deux traduits par "temple" et peuvent désigner soit l'ensemble des bâtiments du temple, soit son édifice central; naos, qui signifie "sanctuaire" ou "habitation (demeure) divine" désigne parfois (ndlr: "at times" dans le texte anglais) précisément les chambres intérieures sacrées du temple".
(Notons l'emploi inexact et abusif de "at times" / "parfois", alors que "naos" désigne principalement les pièces intérieures ! [Saint et Très-Saint])
Retournons aux commentaires de William Vine. Il ressort de ses remarques que le terme "hiéron" a uniquement été consigné dans les Saintes Ecritures pour désigner le temple terrestre, édifice fait de pierres, de bois, de métaux précieux et autres matériaux.
Comme le temple céleste (c'est-à-dire dans la discussion qui nous intéresse, celui mentionné par Jean dans le livre de l'Apocalypse), n'est pas matériel, il aurait été illogique que l'apôtre le qualifie de "HIERON".
C'est pourquoi Jean emploie NAOS pour désigner cet édifice spirituel. Ne perdons pas de vue que, d'après la Bible, le NAOS, c'est-à-dire le sanctuaire, ou temple-sanctuaire, représente le ciel même.
Par conséquent, le temple qui est dans le ciel ne peut être que naos dans son intégralité, ne peut être que sanctuaire.
Le problème est le suivant: Comment est-il possible que "la grande foule", vue par Jean dans la Révélation, ne se trouve pas dans le ciel, mais sur la terre, alors que le texte original grec montre sans ambiguïté qu'elle se trouve dans le naos ou sanctuaire, qui lui est dans le ciel ?
Voici ce texte tel que nous le trouvons en Révélation chapitre 7, verset 15, passage décrivant la grande foule (2ème partie du verset):
Kaï (et) latreuousin (ils sont rendant un service sacré) autô (à lui) èméras (de jour) kai (et) nuktos (de nuit) èn (dans) tô (le) naô (temple-sanctuaire) autou (de lui)
(prononciation du texte grec et traduction littérale).
On remarque donc que ceux de la grande foule rendent un service sacré dans le "naos" - Comme la langue grecque est soumise aux déclinaisons (voir plus loin), la graphie "naô" est en fait le mot "naos" décliné au datif (après "èn", dans).
Le texte que nous venons de mentionner est repris de l'ouvrage "The Kingdom Interlinear Translation of the Greek Scriptures" (en abrégé KIT) publié par la Watch Tower Bible & Tract Society of Pennsylvania en 1969.
Pour ceux qui possèdent ce livre et qui ont la possibilité de vérifier, ils constateront que dans la traduction mot à mot en anglais, on trouve l'expression "temple-sanctuaire" en-dessous de "naos", en Révélation 7:15, alors que dans la traduction libre en seconde colonne, le terme "temple-sanctuaire" est réduit à "temple".
Comment donc "déménager" la grande foule en la faisant passer du ciel (naos, sanctuaire, temple-sanctuaire) sur la terre (ou, comme le précise l'organisation, dans la cour terrestre du temple ou "Cour des Gentils") ?
Apparemment, rien de plus simple ! La Société va greffer une "extension" artificielle au mot naos, en affirmant qu'il peut aussi, dans certaines circonstances, désigner le temple tout entier, avec ses structures extérieures. - (Voir "Insight" et "Etude perspicace").
Ainsi, lorsque le livre de la Révélation affirme que cette grande foule adore dans le naos, elle dira: Oui, mais il faut donner un autre sens à "naos". Il faut entendre ici que la grande foule ne se trouve pas dans le temple, mais à l'extérieur de celui-ci, dans les parvis terrestres du temple.
Et ce qui semble incroyable devient réalité. On va supposer que ce que Jean a vu n'est pas vraiment ce qu'il a vu !
Non, probablement Jean n'a pas vu la grande foule dans le naos (en faisant fi du texte grec), mais dans la cour extérieure du temple réservée aux Gentils !
Nous avons la preuve de cette vision "revisitée" de l'apôtre dans la Tour de Garde du 1er juillet 1996 - page 20 - qui déclare: " Etant donné qu'ils (les membres de la grande foule) ne sont pas des Israélites spirituels, membres de la classe sacerdotale, Jean les a probablement vus qui se tenaient dans la cour extérieure du temple, la Cour des Gentils."
Cette affirmation est à peine croyable et téméraire ! Jean, guidé par l'esprit saint, écrit ce qu'il voit vraiment, la grande foule qui adore (rend un service sacré) "èn tô naô, "dans le temple-sanctuaire".
La Société se rend certainement compte de la liberté qu'elle prend avec les Saintes Ecritures, puisqu'elle tempère ses propos avec un précautionneux "probablement".
Mais " Ne dramatisons pas !", dira-t-elle. Si nous précisons qu'il s'agit (probablement) de la Cour des Gentils, nous ne nions pas du tout que la grande foule soit dans le naos. Nous disons simplement que le naos est plus que le sanctuaire, c'est un domaine plus étendu qui comprend les autres structures du temple.