Initiation à l'étude des religions du Livre
Chapitre I: Histoire d'Israël
Selon l'Ancien Testament, Israël est l'ensemble de douze tribus. Le nom est présenté sous la forme d'une personnification d'un personnage dont le nom, Jacob, est changé en Israël et qui apparaît comme étant le père des douze ancêtres des tribus (Gen. XXXII,29). Il est toutefois impossible de reconstituer l'histoire du nom. Celui-ci est composé du nom El et d'un terme sémitique signifiant "lutte".
Isaac, fils d'Abraham, prit Rebecca pour femme et enfanta à l'âge de 60 ans deux enfants jumeaux: Esaü qui naquit le premier, suivi de Jacob (Gen. XXV). Jacob épousa deux soeurs: l'aînée, Léa, qui lui donna six fils et la cadette Rachel qui lui donna deux fils. En outre Jacob eut deux fils avec Bala, la servante de Rachel et deux fils avec Zephara, la servante de Léa (Gen. XIX-XXV,18).
La plus ancienne mention du nom "Israël" apparaît sur une stèle dans la nécropole des pharaons à Thèbes (se trouve maintenant au Musée égyptien du Caire). Sur cette stèle, il y a 27 lignes à la gloire du Pharaon Menephta (-+1225) s'emparant de quelques villes palestiniennes et détruisant "Israël". À côté du mot "Israël" se trouve le signe idéographique de "peuple étranger".
I. Situation avant la constitution de la Ligue des douze tribus
A. Nos sources
En dehors de l'Ancien Testament, nos sources sont peu nombreuses.
1. Textes égyptiens de la XIIe dynastie (vers 1.800 av. J.C.) sur tessons d'argile mentionnant les ennemis de l'Égypte, notamment ceux de l'Asie voisine: la Palestine, la Phénicie. On y trouve des indications d'ordre ethnique, des noms de princes et de localités.
2. Textes de Mari: Ce sont les archives des rois de Mari (ancienne ville du moyen Euphrate), contenant des textes juridiques et économiques, ainsi que la correspondance politique des rois de Mari avec leurs voisins proches ou lointains. Ces renseignements concernent la Syrie, mais pas la Palestine.
3. Textes d'Amarna (400 tablettes trouvées en 1887) dans les restes d'une résidence du pharaon Amenophis IV (1375-1358). Il s'agit de la correspondance du Pharaon et de son prédécesseur avec les peuples d'Asie, écrite en caractères babyloniens sur tablettes d'argile. On y trouve des renseignements détaillés sur la politique, les événements contemporains, les populations et la vie en Palestine et en Syrie. C'est l'une des sources importantes de la préhistoire d'Israël.
4. Textes de Ras-Shamra (découverts en 1929-1939 dans les ruines de l'ancienne ville d'Ugarit sur la côte en face de Chypre). L'écriture est cunéiforme alphabétique (29 caractères). On est assez loin d'Israël ; on y trouve donc peu de renseignements directs sur Israël même, mais une information utile pour comprendre le milieu préhistorique.
Nous devons donc prendre la plupart de nos informations dans les récits de l'Ancien Testament. L'histoire de l'Ancien Testament est elle-même très complexe.
B. Les textes bibliques
a. Récits yahvistes
(Dieu y est appelé YHVH, Yahvé):
Ces premiers récits furent sans doute mis par écrit vers le milieu du Xe siècle, à l'époque de Salomon, dans le Royaume du Sud. Ils débutent par les traditions sur la création du monde, traditions empruntées aux grandes épopées mésopotamiennes. Ils retracent ensuite l'histoire jusqu'à celle des Royaumes de David et de Salomon, en passant par l'histoire des Patriarches, des douze tribus et des peuples voisins. Dieu est très humain et souvent présenté comme un homme, quoique tout autre, car il commande et le péché de l'homme, c'est de désobéir et de vouloir se prendre pour Dieu. Cela lui attire la malédiction divine. Toutefois Dieu est toujours prêt à pardonner.
Il faut remarquer qu'à l'époque des Patriarches, Dieu n'est pas encore appelé Yahvé, mais est évoqué sous le vocable "El", nom générique signifiant "dieu" ou "divinité". C'était aussi le nom du chef du panthéon des dieux de Canaan. Il se retrouve dans des noms donnés par les Patriarches pour évoquer le dieu qu'ils vénéraient:
El-Chaddai: le dieu de la montagne,
El-Elyon: l'Exalté
El-Olam, dieu de l'Éternité ou l'Éternel.
On le retrouve aussi dans de nombreux noms de lieu comme Bethel, la maison de Dieu et aussi dans Israël.
Le nom de Yahvé a été révélé à Moïse: "Je suis Yahvé. Je suis apparu à Abraham, Isaac et Jacob, mais sous mon nom de Yahvé, je ne me suis pas fait connaître d'eux" (Exode 6:3).
Sources possibles du récit yahviste:
* Épopée d'Atra-Hasis (le très intelligent) dont une copie datant de 1600 av. J.C. fut trouvée à Babylone. Elle nous raconte que les dieux fatigués par toutes les corvées qu'ils ont à assumer ont créé l'homme avec de l'argile mélangée avec le sang d'un dieu égorgé. Mais l'humanité prolifère et fait tellement de bruit que les dieux lui envoient des fléaux et finalement le déluge pour l'anéantir. Mais Éa avertit un homme qui construisit un bateau et y fit monter un couple de tous les animaux.
* Poème Enouma Elish (Lorsqu'en Haut) (datant de 1100 av. J.C.): Au début de tout, il y avait deux principes sexués, Apsou, les eaux douces, et Tiâmat (tehôm, l'abîme), les eaux salées de la mer. De là sortirent les dieux que Tiâmat voulut tuer. Mardouk vainquit Tiâmat et la sépara en deux comme une huître pour en faire la voûte céleste. Puis Mardouk créa l'homme à partir du sang d'un dieu révolté.
* Épopée de Gilgamesh, écrite à l'époque de Sumer, puis développée en Assyrie et en Babylonie ; elle fut recopiée en Palestine et chez les Hittites. Gilgamesh qui a vu mourir son ami Enkidu découvre l'horreur de la mort et cherche la plante d'immortalité. Quand il l'a découverte, elle lui est dérobée par un serpent et Gilgamesh doit se résigner à mourir.
b. Récits élohistes
Dieu y est appelé Elohim, pluriel de El, dieu principal des Cananéens tel qu'il apparaît dans les textes d'Ugarit au côté de Baal, dieu de l'orage et de la pluie, et de sa soeur Anat (Astarté), déesse de la guerre. Cette histoire sainte fut rédigée vers le milieu du VIIIe siècle dans le Royaume du Nord. Les anciennes traditions sont réécrites d'une manière moins vivante car Dieu est tout autre que l'homme. Il ne peut se manifester qu'au travers de songes ou par des théophanies. D'où l'importance des prophètes dans ces récits.
c. Tradition deutéronomiste
Après la chute de Samarie en 722, des lévites se réfugient à Jérusalem ; ils apportent avec eux les lois rédigées dans le Royaume du Nord. Ils les organisent et les complètent. C'est la première version du Deutéronome. Sous le roi impie Manassé, le livre deutéronomiste tombe dans l'oubli. Déposé au Temple, on le retrouve en 622 sous le règne de Josias, dans la version actuelle.
Vers 700, les deux versions Yahviste et Elohiste sont fusionnées à Jérusalem, une fusion qui est plus qu'une simple addition des deux textes, mais qui donne l'occasion de compléter et de développer les traditions. La nouvelle version ainsi créée prend le nom de "jéhoviste".
d. Tradition sacerdotale: (livres des prêtres)
Elle débute pendant l'exil à Babylone dans les années 587-538. Les prêtres relisent les anciennes traditions et complètent les anciens textes. Cette oeuvre semble être achevée vers 400. La version finale des cinq premiers livres de l'Ancien Testament est généralement attribuée au prêtre Esdras.
e. Classement des livres
Pour les Juifs, ces premiers livres portent le nom de Torah (la loi). À la suite de ceux-ci, nous trouvons les livres attribués aux prophètes de Juda et d'Israël, appelés Neviim, puis finalement les autres livres, appelés ketubim. Si nous réunissons la première lettre de ces trois mots, TNK, nous formons le mot Tanak qui est le nom de la Bible en hébreu.
Ce classement a été adopté par la Bible oecuménique (TOB), avec à la fin les livres qui ne sont reconnus que par les catholiques sous le nom de "deutérocanoniques": Baruch, Ecclésiastique ou Siracide, Judith, 1er et 2e Macchabées, Sagesse.
La plupart de ces livres ont été écrits en hébreu sur des rouleaux de papyrus, sauf quelques rares passages en araméen. À l'origine les voyelles étaient absentes laissant la place à plusieurs lectures. Ce n'est qu'à partir du VIIe siècle de notre ère que des savants juifs, appelés massorètes, ont fixé le sens du texte en ajoutant des points au-dessus ou en dessous des consonnes à titre de voyelles.
Au cours des derniers siècles avant l'ère chrétienne, ces livres ont été traduits en grec pour l'usage des Juifs de la diaspora qui ne parlaient plus l'hébreu ou l'araméen. Les plus anciennes sont les traductions d'Aquila, de Symmaque et de Théodotion. La traduction la plus célèbre est appelée "la Septante". Selon la légende, elle a été réalisée par 72 savants appelés à Alexandrie et qui, travaillant séparément, ont produit la même traduction (IIIe siècle Av. J.C).
Les originaux de ces traductions ont disparu car ils étaient aussi écrits sur des rouleaux de papyrus qui est une matière peu résistante au temps, sauf des fragments souvent très courts retrouvés dans les fouilles archéologiques. Lorsqu'un rouleau était détérioré par l'usage, on le recopiait. À partir de la fin du troisième siècle, on utilise un nouveau matériau, le parchemin, beaucoup plus résistant. Les textes sont recopiés sur des feuilles (recto verso) reliées en codex. Les deux plus anciens manuscrits conservés de cette manière datent du quatrième siècle de notre ère. Nous ne possédons donc que des copies de copies.
* Les livres traduits en grec ont été classés en quatre parties:
Le Pentateuque, les livres historiques, les livres prophétiques, les livres sapientiaux. Ce classement a été adopté par la plupart des bibles chrétiennes.
D'autres versions parmi les plus anciennes ont été faites en syriaque, en copte et en latin (notamment la célèbre "Vulgate", traduction de Saint Jérôme (fin IVe-début Ve siècle).