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    La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie»

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    Message  Arlitto Ven 20 Nov 2020 - 15:57

    La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie»

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    Les orthodoxes russes privilégient d'ordinaire la croix à huit branches, aussi appelée crucifixion. 
     

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    L'axe vertical de la croix est coupé de trois branches horizontales. La branche intermédiaire, la plus longue est reservée aux bras étendus du Crucifié. La branche supérieure représente l'inscription en grec, latin et hébreu que Pilate avait ordonné de clouer à la croix, selon la coutume romaine qui rendait ainsi public le motif de la peine.
     

    Contrairement à la tradition catholique qui représente les pieds du Christ cloué d'un seul clou, l'iconographie orthodoxe suit la tradition selon laquelle les pieds du Christ ont été cloués séparement, ce que sont venus confirmer les études réalisées sur le Suaire de Turin.
     

    La branche horizontale inférieure de la croix sert ainsi d'appui aux pieds du Crucifié. L'une de ses extrémités est surélevée, montrant le ciel où est reçu le Bon Laron, l'autre extrémité indiquant l'enfer qui attend le mauvais laron, celui qui ne se repentit point.
     

    Sous la croix est souvent figuré un crвne, la tête d'Adam, qui selon la tradition aurait été enterré à l'endroit même de la Crucifixion du Christ. Depuis la croix s'écoule le sang du Christ, rendant vie à Adam, à l'homme, à l'humanité. 
     

    Auprès de la croix, se tiennent la Mère de Dieu et l'apôtre Jean, le disciple bien-aimé. Sont également souvent représentés les instruments de la Passion, la lance, transpersant le côté du Christ, l'éponge vinaigrée donnée au Seigneur par le soldat romain. 
     

    On trouve parfois des représentations de la croix avec une demi-lune. Ce symbole, que l'on associe parfois à la victoire du Christianisme sur l'Islam était cependant connu bien avant les affrontements entre chrétiens et musulmans et signifie ici l'alliance de la croix et de l'ancre, symbole d'espérance. La demi-lune symbolise aussi la coupe de l'Eucharistie et le sang du Christ offert pour le rachat des péchés humains. On trouve aussi la croix et la demi-lune sur les coupoles des églises consacrées à la Mère de Dieu : la lune symbolise ici la Mère de Dieu, la Croix rappelle le Christ, soleil de vérité.

    Priez puis silence ...

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    Message  Arlitto Ven 20 Nov 2020 - 15:58

    Symboles chrétiens
     
        Voici une présentation brève des principaux symboles chrétiens qui vous pouvez voire soit dans ou sur les  églises, soit dans les peintures chrétiennes, soit dans les enluminures.  Cette liste n’est pas exhaustive.
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       La croix est par excellence le symbole de la foi chrétienne : signe de dévotion avec le signe de croix, signe de reconnaissance avec le crucifix porté au cou par les chrétiens ou installé dans les maisons et les églises. La croix condense en fait la passion du Christ et l'histoire du Salut. La croix est pour les chrétiens signe du Christ qui a souffert et qui est mort pour sauver les hommes. Elle est aussi symbole de vie. Enracinée dans la terre, le pied de la croix représente la foi assise sur de profondes fondations. La branche supérieure, c'est l'espérance montant vers le ciel.
    La largeur de la croix est l'image de la charité qui s'étend jusqu'aux extrémités du monde. La croix nous relie au Christ.

       On peut distinguer trois types différents de croix, selon la branche du christianisme à laquelle on appartient.
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      La croix huguenote ou protestante.Composée d'une croix de Malte, les branches (au nombre de 4, comme les Evangiles) sont reliées entre elles par un motif circulaire qui, d'une part, rappelle la couronne d'épines du Christ crucifié et qui, d'autre part, forme entre chaque branche un coeur, à la fois symbole de l'amour de Jésus pour nous et rappel de son commandement aimez-vous les uns les autres (Jean XIII,34). Les pointes aux extrémités de chaque branche sont arrondies en forme de boules et au nombre de huit comme les béatitudes.  En bas, la colombe en pendentif représente évidemment le Saint-Esprit qui descend du ciel sur les fidèles.
     
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      La croix orthodoxe comporte huit branches, on l’appelle aussi croix de crucifixion. L’axe vertical de la croix est coupé de trois branches horizontales. La branche du milieu, la plus longue, est réservée aux bras étendus du Christ. La branche supérieure représente l’écriteau que Pilate fit apposer au dessus de la tête de Jésus et portant en grec, latin et hébreu le motif de sa condamnation (INRI - Jésus le Nazaréen, Roi des Juifs). La branche inférieure est destinée aux pieds du Christ. En effet, dans la tradition orthodoxe, les pieds ont été cloués séparément.                                                      
    NB : les orthodoxes font le signe de croix de droite à gauche.
     
     
     
      La croix catholique ou latine. C’est chez les catholiques que l’on trouve la plus grande variété de croix. La croix de base est simple, avec deux branches, une verticale et une horizontale.Le corps de Jésus n'est pas dessus, car il est ressuscité. A la différence des protestants, les catholiques ont très vite fait des représentations du Christ sur la Croix. Ainsi dans les Eglises, le corps martyr du Seigneur fait partie intégrante de la représentation de la croix. Chez les chrétiens d’orient il arrive que l’on représente le Christ sur la croix comme étant déjà ressuscité, avec de beaux habits et le mot Victoire inscrit tout proche.
      NB : les catholiques font le signe de croix de gauche à droite, depuis le IVème siècle. Avant, le signe de croix de croix prenait la forme de celui que l’on fait maintenant avant la lecture de l’Evangile, triple marque sur le front, les lèvres et la poitrine, les trois parties supérieures de l’homme (intelligence, amour, force) se trouvant ainsi placées sous la protection de la croix.
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      Durant les premiers siècles, surtout durant les persécutions, les chrétiens utilisaient le symbole du poisson pour se reconnaître entre eux sans attirer l’attention des autres. De cette manière ils symbolisaient leur appartenance au Christ. En effet, chacune des lettres qui compose le mot poisson en grec donne, en acrostiche, le nom et le titre du Christ, c'est-à-dire " Jésus Christ de Dieu le Fils Sauveur  ", soit ICHTUS, Iéssous Christos Théou Uios Sotèr.
     
      Le poisson fait également allusion à l’épisode évangélique de la multiplication des pains et des poissons par le Christ, ainsi qu’à la parole de Jésus aux premiers apôtres : « vous serez pécheurs d’hommes »
     
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      Le chrisme est formé des lettres khi (X) et rhô (P) ; ces majuscules grecques sont les premières lettres du mot Christ; les lettres alpha et oméga signifient que le Christ est à l'origine de toute chose. C'est un symbole pour le christianisme depuis Constantin le grand, qui croyait en cette prophétie:"In Signo hoc Vinces" (Sous ce signe vous serez victorieux).
    Ce chrisme est souvent inscrit dans un cercle, signe géométrique de la perfection divine.
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          L’agneau est très symbolique :
    - Dans l’Ancien Testament il représente le sacrifice demandé par Dieu à Abraham, à la place de celui de son fils.
    - Dans le Nouveau Testament l’agneau est le symbole du Christ, appelé Agnus Dei dans l’Evangile de Jean. Il symbolise la pureté, la candeur, l’innocence et la justice. Jésus est le messie, l'agneau attendu, qui conduit le troupeau des brebis de Dieu. Enfin, le Christ s’offre en sacrifice pour la libération et le salut de l’homme, prenant ainsi la place de l’agneau sur l’autel qu’est sa croix.
    - Dans l’Apocalypse, 28 fois le mot agneau désigne le Christ.
     
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      Le navire qui voyage sur la mer symbolise l'Eglise de Jésus-Christ qui subit la fureur des vagues de l'athéisme, du matérialisme, de ceux qui de diverses façons la combattent. Mais ce navire qu'est l'Eglise ne coule jamais et sans peur il maintient son cap jusqu'à l'arrivée au bon port qui est le Royaume de Dieu tant promis.
     
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         Le cerf a différentes significations :
    - le cerf blanc, dans l’iconographie médiévale, représente le Christ ou son envoyé. Le Christ en croix est apparu entre les bois d'un cerf à saint Eustache et à saint Hubert.
    Le cerf qui boit à la fontaine symbolise les chrétiens qui sont issus de toutes les nations et qui, assoiffés, accourent aux sources de la vérité chrétienne.
    Le cerf figure souvent dans les scènes bibliques, au Paradis, parmi les animaux de la Création dans l'Arche de Noé.
    le cerf représente l'âme d'après le psaume XLII de David "comme une biche se penche sur des cours d'eau, ainsi mon âme penche vers toi, mon Dieu".
    - le cerf chasse le serpent, symbole du diable, en le piétinant et il se protège du venin en buvant de l'eau vive de source (le chrétien se protège du péché en puisant dans la sainte écriture).
     
       La colombe est symbole de l’Esprit-Saint. Elle descend sur le Christ lors de son baptême (Mt3:16, Mc1:10, Lc3 :22, Jn1 :32). Lors du déluge, c’est une colombe qui ramènera à Noé un brin d’olivier de la terre ferme (Gn8 :11).
     
       La vigne symbolise d'abord le Seigneur qui est la Vigne et ensuite les membres de son Eglise, qui en sont les sarments. Elle nous rappelle aussi le mystère de la Sainte Communion. La vigne est la première plantation de Noé dans la Genèse (Gn9 :20)
     
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      Les Rameaux d’olivier nous rappellent l’entrée triomphale du Christ à Jérusalem. Lors de la cérémonie des rameaux, on se remémore cet événement de la vie de Jésus, peu de temps avant qu’il ne soit livré. 
     
      Le Bon Pasteur est symbole du Christ, berger de son troupeau, qui ne veut égarer aucune de ses brebis (parabole de la brebis égarée). Cette représentation provient des paroles mêmes de Jésus : " je suis le bon Pasteur " (Jn 15,11).
    Désormais, le pasteur représente celui qui veut suivre le Seigneur et répandre sa parole : le prêtre chez les catholiques et les orthodoxes, qui est d’ailleurs justement appelé Pasteur chez les protestants. Ces nouveaux pasteurs veillent sur le troupeau des brebis du Christ, cherchant sans cesse à ramener les brebis égarées.
     
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       Le pélican, qui ouvre son flanc pour nourrir ses petits de son sang est symbole de la crucifixion mais aussi du Christ qui, lors du dernier repas, dit aux disciples « Prenez et buvez en tous, ceci est mon sang, versés pour vous ». Le Christ, par sa passion, offre aux hommes son sang pour le rachat des péchés.
      Le phénix, qui renaît de ses cendres, est un symbole de la résurrection du Christ.
       Le paon symbolise l'immortalité de l'âme, la résurrection (sans doute parce que son plumage se renouvelle au printemps et que son corps ne se putréfie pas), la Divine Grâce qui descend sur le baptisé et le fait renaître, l'incorruptibilité de l'âme, le fidèle qui communie au corps et au sang du Christ.
       Le Tétramorphe est la représentation des quatre évangélistes sous leur forme allégorique, en se référant à des particularités de leurs Evangiles. On retrouve souvent cette représentation dans les mosaïquesAinsi le lion représente Marc (son Evangile commence par des scènes au désert), le taureau Luc (il parle du prêtre Zacharie, membre de la tribu de Lévi dont le symbole est le taureau), l’aigle Jean (le prologue de son évangile s’élève à des hauteurs vertigineuses) et enfin l’homme représente Matthieu (donne la généalogie de Jésus).Le Tétramorphe peut aussi figurer le Christ. En effet Jésus s'est fait homme (l'homme), il s'est fait victime immolée (le taureau), il a traversé la mort sans s'y endormir, qualité que l'on attribue au lion, et il est monté au ciel (l'aigle).
     
      Le pain : symbole chrétien majeur, qui avec le vin est au centre de la célébration eucharistique ("prenez et mangez, ceci est mon corps...").
     
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       L’ancre symbolise la sécurité, l'espérance et le salut des membres de l'Eglise, qui croient en Jésus et à son oeuvre salvatrice. Cette signification nous est donnée dans l'épître aux Hébreux (6, 19).
     
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      La pomme est le symbole du péché originel de l’homme, de la tentation de Adam et Eve, et du châtiment infligé ensuite par Dieu.
     
      L’encens est beaucoup utilisé lors des cérémonies. Il est symbole de la prière qui monte vers Dieu mais représente aussi l’odeur du Royaume céleste. Son usage est mentionné dans la Bible (Exode 30, 8 / Ps 140 (Septante) / Lc 1, 9-10)
     
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       L’huile est très symbolique :
    - dans l’Ancien Testament, elle est la force de Dieu qui vient en nous. Ainsi quand Samuel oint David (1S 16, 13). Elle sert à consacrer prêtres, prophètes et rois.
    - le jeudi Saint, lors de la messe chrismale, l’évêque bénit ou consacre 3 sortes d’huiles : µ l’huile des catéchumènes qui fortifie le futur baptisé dans son futur combat avec le péché. µ l’huile des infirmes et des malades. µ le Saint Chrême, huile parfumée par adjonction d’un baume et rappelant l’huile dont on se servait dans l’AT : signe de bénédiction de Dieu, elle sert au baptême, à la confirmation, à l’ordination et à la consécration des autels et des églises. (Catholiques)
      
     
     
       Il existe de nombreux autres symboles tels l’eau, le feu, l’enclume, le sel ou encore les couleurs. La liste ci-dessus n’est pas exhaustive.
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    Message  Arlitto Ven 20 Nov 2020 - 15:58

    LES SYMBOLES CHRETIENS


    L'Eglise Orthodoxe use abondamment des symboles. Ce sont des signes ou des objets capables de manifester Dieu aux hommes, et qui nous conduisent, par-delà leur apparence matérielle, à l'union et à la connaissance authentique des réalités éternelles. Ainsi en est-il par exemple de la Croix : pour les chrétiens elle est le symbole central, non seulement parce qu'elle est l'instrument du salut opéré par le Christ, mais aussi parce qu'elle témoigne de la vocation des disciples du Christ : " Celui qui veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive " (Mc 8,34 ). D'où le signe de la Croix que les chrétiens orthodoxes font sur eux-mêmes : réunissant le pouce, l'index et le médius de la main droite en signe de la Sainte Trinité, ils se signent du front vers la poitrine et de l'épaule droite vers l'épaule gauche (au lieu de la manière latine). Ce symbole unique résume et récapitule toute notre vie chrétienne.

    Le symbole est donc une réalité dans le monde visible, qui correspond à une autre réalité, parfois visible elle aussi, parfois invisible mais au delà de ce qui est représenté. Le symbole est un signe qui pointe vers cette vérité originelle plus vaste, dont le sens est inépuisable, et avec laquelle il est mystérieusement relié. Le symbole n'est jamais déchiffré une fois pour toutes. On peut ainsi méditer sans fin sur ses significations possibles et par lui se laisser guider sur la voie qui reconduit au symbolisé, c'est-à-dire à son origine vraie. Le symbole est une réalité vivante qui nous transforme. Il est de ce fait, dit le P. Thomas Hopko, " un mode de révélation et de communion qui transcende la simple communication verbale ou intellectuelle. La mort du symbole survient lorsqu'on se met à l'inventer de toute pièce, à l'expliquer en termes rationnels ou à le réduire à une banale illustration dont le sens n'est plus immédiatement saisi dans l'expérience spirituelle vivante de l'homme. "

    Les symboles ont surtout commencé à être utilisés pendant les persécutions des premiers siècles : ne pouvant pas s'exprimer librement, les chrétiens d'alors utilisèrent des signes pour rester en contact entre eux et se reconnaître. Plusieurs de ces symboles sont aujourd'hui utilisés dans les arts ecclésiastiques tels l'iconographie, la sculpture sur bois, les vases sacrés, les ornements sacerdotaux, les éditions de livres religieux, l'ornementation des iconostases...

    Nous vous en proposons ici quelques-uns :
    L'Alpha et l'Omega
    Ces deux lettres de l'alphabet grec se réfèrent au livre de l'Apocalypse de Saint Jean 11, 8. Ils signifient le commencement et la fin, le premier et le dernier, qui sont Dieu et le Christ. Autrement dit, ils traduisent la divinité et l'éternité du Seigneur. Ces lettres sont tantôt écrites séparément et tantôt entrelacées ou composées avec les lettres grecques X et P (= Christ ) ou encore avec la Croix.
    L'Ancre
    Elle symbolise la sécurité, l'espérance et le salut des membres de l'Eglise, qui croient en Christ et à son oeuvre salvatrice. Cette signification nous est donnée dans l'épître aux Hébreux (6, 19). L'ancre est représentée tantôt seule tantôt mêlée à d'autres compositions.
    L'Agneau
    Ce mot et cette représentation revêtent une signification messianique. Il symbolise Jésus-Christ, qui est l'agneau de Dieu et qui s'offre en sacrifice pour la libération et le salut de l'homme. Il nous a paru utile et nécessaire de nous étendre d'avantage sur ce symbole et c'est pourquoi nous reproduisons ici ce que nous enseigne le livre de catéchèse Dieu est vivant (Ed. du Cerf, 1987, pp. 181-184) sur la signification de l'Agneau dans la tradition biblique.
    La Fête de la Pâque
    Quand vos fils vous demanderont que signifie pour vous ce rite ? vous leur répondrez : c'est le sacrifice de la PÂQUE, en l'honneur du Seigneur, qui a passé devant les maisons des Fils d'Israël, en Egypte, lorsqu'il a frappé l'Egypte, tandis qu'il épargnait nos maisons (Exode 12, 26-27).
    De génération en génération, les pères vont transmettre à leurs fils le sens de cette fête. L'Agneau pascal ne doit pas être un sacrifice vain dont on a oublié la signification. Depuis la nuit des temps, à travers la Loi transmise par Dieu à Moïse, et de Moïse à son peuple (Deutéronome 6, 20-25), le symbole de l'Agneau sera gardé avec vénération et restera toujours présent à la mémoire d'Israël. L'Agneau sans tache rappelle aux Hébreux que leurs premiers-nés ont été sauvés de la mort et que le peuple tout entier a été libéré de la servitude et des travaux forcés pour marcher vers la Terre promise...
    A la fête de la Pâque, célébrée selon les préceptes de la Loi, le plus jeune de chaque famille pose, depuis l'époque de Moïse, la question suivante : " Pourquoi cette nuit est-elle différente des autres nuits ?" Alors le plus ancien de la communauté, autour de l'Agneau immolé (la Pâque dans la Tradition de l'ancien Israël était célébrée autour de l'Agneau immolé selon les préceptes de Moïse jusqu'à la destruction du Temple de Jérusalem, destruction que le Seigneur comparera à la mort de son Corps) évoque l'exode du peuple juif, le grand départ dans la nuit, sous la conduite du Seigneur Dieu lui-même manifesté dans la Nuée ou la Colonne de feu. L'ancien fait surgir de la nuit des temps, devant l'enfant émerveillé, l'image de Moïse brandissant son bâton sur la Mer Rouge, les flots fendus en deux et le Grand Passage (Pesah = Pâque) d'Israël à pied sec à travers les hautes murailles d'eau. Puis la Main toute-puissante de Dieu délivre à tout jamais les juifs de leurs oppresseurs égyptiens car les trombes d'eau se referment et recouvrent Pharaon, ses chars et ses cavaliers.
    Isaïe et l'Agneau pascal
    " Nous l'avons entendu et connu, nos pères nous l'ont raconte, nous ne le tairons pas à leurs enfants, nous le raconterons à la génération qui vient " (Psaume 77, (78) 3-4).
    Le prophète Isaïe a reçu, comme tout juif, l'Agneau pascal en héritage par le récit de ses pères ; lorsqu'il décrira les affres du Serviteur souffrant, humilié, outragé, homme de douleur qui ne résiste pas au mal, qui tend son dos aux coups et reçoit soufflets et crachats sans détourner la face (Isaïe 50, 4-9), Isaïe fera coïncider ce sacrifice volontaire et expiatoire du Messie ou Christ à venir (Isaïe 53, 4-5) avec l'Agneau immolé de la tradition mosaïque. En effet, le quatrième chant du Serviteur de Dieu se termine sur la mise à mort de l'Agneau innocent :
    " Comme un Agneau conduit à la boucherie, comme devant les tondeurs une brebis muette et n'ouvrant pas la bouche, par coercition et jugement il a été saisi, qui se préoccupe de sa cause ? Oui ! Il a été retranché de la terre des vivants ; pour nos péchés, il a été frappé à mort. On lui a dévolu sa sépulture au milieu des impies et son tombeau avec les riches alors qu'il n'a jamais fait de tort, ni sa bouche proféré de mensonge !... Il s'est livré lui-même à la mort et a été compté parmi les pécheurs alors qu'il supportait les fautes des multitudes et qu'il intercédait pour les pécheurs " (Isaïe 53, 7-9, 12.)
    Jean-Baptiste et l'Agneau pascal
    L'image de l'Agneau rédempteur, transmise de père en fils, de bouche à oreille, éclaira le prophète du Très Haut, Jean le Baptiste qui s'écria, sur les bords du Jourdain, à la vue d'un homme de modeste apparence : " Voici l'Agneau de Dieu qui ôte les péchés du monde" (Jean 1, 29) désignant ainsi Jésus comme le Serviteur souffrant d'Isaïe qui serait livré à la mort en supportant les fautes des multitudes.
    Jean l'Evangéliste et l'Agneau pascal
    Le Serviteur souffrant " transpercé à cause de nos péchés" (Isaïe 53, 5) Agneau immolé, sera présent à la mémoire de l'autre Jean, l'Apôtre, l'Evangéliste, le disciple bien-aimé témoin de la plus grande injustice de tous les temps. Il se souviendra que l'Agneau sans tache ne devait avoir, selon les préceptes de Moïse, aucun os brisé et s'émerveillera de ce que le soldat chargé d'achever les crucifiés en leur brisant les os des jambes préférera, arrivé devant Jésus, percer son côté d'un coup de lance (Jean 19, 33-37).

    C'est ainsi que la tradition du peuple de Dieu transmet de l'Ancienne à la Nouvelle Alliance le même symbole : le sang de l'Agneau dont les Hébreux badigeonnaient les linteaux de leurs portes devient le sang de la Nouvelle Alliance, le sang du Crucifié-Ressuscité. Le symbole de l'Agneau n'a pas fini et ne finira jamais de se dessiner jusque dans les siècles des siècles, jusque dans l'éternité du monde à venir... Il nous est en effet révélé, par l'Apocalypse, qu'après la fin du monde, les justes contempleront et acclameront l'Agneau égorgé sur le Trône de Dieu : " Heureux les invités au festin de noces de l'Agneau" (Apocalypse 19, 9) s'écrie un ange d'une voix forte à saint Jean en contemplation. Qui sont ces invités ? Qu'est-ce que le festin de noces de l'Agneau ? Soyons attentifs ! Ne laissons pas échapper l'héritage qui nous vient de Moïse, éclairé par Isaïe, désigné par Jean-Baptiste, l'ami de l'Epoux, reconnu au coup de lance par Jean l'Evangéliste : cherchons l'Agneau de Dieu et courons à son festin de noces ; notre " Pâque incorruptible " est préparée pour nous, purifions-nous pour y communier (le morceau de pain prélevé du pain d'offrande (prosphore) et posé sur la patène (diskos en grec) s'appelle l'Agneau dans notre liturgie. Lorsque le prêtre découpe cette parcelle pour l'offrande eucharistique (durant la prothèse), il récite les versets d'Isaïe " comme un Agneau conduit à la boucherie... " Isaie 53 ,7) comme nous y exhorte saint Paul : " purifiez-vous du vieux levain pour être une pâte nouvelle, puisque vous êtes des azymes. Car notre Pâque, le Christ, a été immolée. Célébrons donc la fête, non pas avec du vieux levain, ni un levain de malice et de perversité, mais avec des azymes de pureté et de vérité" (1 Corinthiens 5, 7-8).
    La vigne
    Elle symbolise d'abord le Seigneur qui est la Vigne et ensuite les membres de son Eglise, qui en sont les sarments. Elle nous rappelle aussi le mystère de la Divine Communion.
    L'aigle bicéphale
    Dans l'art ecclésiastique et ornemental on en fait grand cas. Ceci apparaît clairement à partir du 12ème siècle. Cet oiseau a été utilisé par beaucoup d'empereurs byzantins et des hautes personnalités particulièrement durant les années de la " turcocratie ". L'aigle bicéphale était l'emblème de beaucoup d'empereurs. Aujourd'hui il est celui de nos Patriarches, de nos Evêques et de certains Dignitaires.
    Le Poisson
    Durant les premiers siècles, surtout durant les persécutions, les chrétiens utilisaient le mot grec ou le représentaient sous forme de poisson. De ces deux manières ils symbolisaient le Christ. Car chacune des lettres qui compose ce mot en grec donne, en acrostiche, le nom et le titre du Christ, c'est-à-dire " Jésus (I) Christ (X) de Dieu (T) le Fils (Y) Sauveur (S) ", soit IXTYS. Lorsque l'on représente deux poissons avec des pains, cela nous rappelle le miracle de la multiplication des pains (Mt, 14,19) mais aussi la Divine Communion qui spirituellement nourrit les fidèles.
    Le Crâne
    Dans l'iconographie, sous la croix du Christ, dans une petite caverne, apparais souvent un crâne. Il représente celui d'Adam, qui fut transféré de Mésopotamie au Golgotha, le lieu étant appelé par la suite " lieu du Crâne ". Lorsque le Christ fut crucifié sur ce mont, le sang qui fut versé sur la terre lava de ce fait le péché originel des premiers parents.
    Le Paon
    La représentation de cet oiseau est plutôt héritée des anciens Grecs. A l'époque paléochrétienne elle fut utilisée avec un sens symbolique. Avec les byzantins ce fut dans un but exclusivement ornemental. Toutefois le paon symbolise l'immortalité de l'âme, la résurrection (sans doute parce que son plumage se renouvelle au printemps et que son corps ne se putréfie pas), la Divine Grâce qui descend sur le baptisé et le fait renaître, l'incorruptibilité de l'âme, le fidèle qui communie au corps et au sang du Christ.
    La colombe
    Ce symbole fait partie des plus anciens et des plus aimés du Christianisme. En premier lieu elle symbolise l'Esprit Saint. Mais encore la paix (lorsqu'elle tient dans son bec un rameau d'olivier), l'âme qui a trouvé sa justification devant le Seigneur (lorsqu'elle tient une branche de laurier ou une couronne), la participation des fidèles à la Divine Communion (lorsqu'une ou plusieurs colombes se désaltèrent dans une fontaine ).
    Le bon Pasteur
    Cette représentation provient des paroles que le Christ a Lui-même prononcées : " je suis le bon Pasteur " Jn 15,11).
    Il convient aussi de se souvenir ici de la parabole de la brebis perdue que le berger, après l'avoir retrouvée, porta sur ses épaules. Ainsi ce symbole représente le Seigneur qui, tel un bon berger, n'aura de cesse que lorsqu'il aura sauvé l'homme pécheur.
    La Croix du Christ
    Nous en avons touché un mot déjà au début de cet article. Rappelons encore une fois qu'Elle préfigure le sacrifice et la résurrection de Notre Seigneur. La Croix est représentée de multiples façons et sous diverses formes, simples ou complexes.
    L'utilisation de la lumière (cierges, lampes à huiles, veilleuses...)
    Le point de départ de cette utilisation est d'abord pratique : donner de la lumière lors des offices liturgiques. De là naquirent plusieurs sens symboliques, comme, par exemple, la lumière qui jaillit de l'Évangile, la chaleur de la foi, Dieu le Père ou Jésus-Christ, qui a dit "Je suis la Lumière du monde... "
    L'encens
    Conformément à la tradition biblique, l'Eglise orthodoxe utilise l'encens (Exode 30, 8 ; Ps 140 (Septante) ; Lc 1, 9-10) comme symbole de la prière qui monte vers Dieu et du parfum du Royaume. Il symbolise aussi, pendant la prière du fidèle, la propre élévation de sa pensée et de son cœur vers le ciel tout comme l'esprit de sacrifice qui doit caractériser chaque chrétien. Ajoutons ici que le pain, le vin, le blé, l'huile, les fleurs et les fruits qui sont intégrés dans nos célébrations sont à leur manière des expressions de l'amour de Dieu, de sa miséricorde et de sa bonté, manifestés aux hommes dans sa Création.
    La nef
    Le navire qui voyage sur la mer symbolise l'Eglise du Christ, laquelle subit la fureur des vagues de l'athéisme, du matérialisme, de ceux qui de diverses façons la combattent. Mais ce navire qu'est l'Eglise ne coule jamais et sans peur il maintient son cap jusqu'à l'arrivée au bon port qui est le Royaume.
    Le cerf
    Le cerf qui boit à la fontaine symbolise les chrétiens qui sont issus de toutes les nations et qui, assoiffés, accourent aux sources de la vérité chrétienne.
    Voici donc brièvement décrit la plupart de nos symboles chrétiens. Par cette approche, nous avons tenté très modestement de faire pressentir cette expérience fondamentale de notre spiritualité : " Dieu est avec nous " (Isaïe 8, 10 ; Mt 1, 23).

    BIBLIOGRAPHIE
    .- ASPECTS DE L'ORTHODOXIE EN GRECE Revue publiée avec le concours du Centre National des Lettres, N°7
    Articles utilisés : 1) S. E. le Métropolite JEREMIE, SYMBOLIQUE et SYMBOLES, pp. 50-51. et 2) Dr J. NOURRY : L'ESPACE INTERIEUR D'UNE EGLISE ORTHODOXE, pp. 66-67.
    .- DIEU EST VIVANT, réf. déjà citées plus haut.
    .- GEORGES VERGOTIS : LEXIQUE DES TERMES LITURGIQUES ET DU TYPIKON (en grec), Salonique 1991/ 2ème édition, p. 136
    .- Archimandrite GEORGES STEPHAS : QUESTIONS LITURGIQUES ET DU RITUEL (en grec), Ed. de la Ste Métropole de Stagon et des Météores, Kalambaka 1993, pp. 59-62.
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    Message  Arlitto Ven 20 Nov 2020 - 15:59

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    Les certitudes fondamentales des orthodoxes :
    Dieu est devenu Homme pour que l'homme devienne Dieu en lui.
    Au mystère de la Trinité s'accorde le mystère de la vocation humaine.
    Le cœur de l'homme aspire à l'union à Dieu.
    Le Credo de Nicée-Constantinople.

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    "Nous préservons, incorrompue, la doctrine du Seigneur, et adhérons à la foi qu'il nous a donné, nous la gardons intacte de toute souillure et amoindrissement, comme un trésor royal et un monument de grand prix, n'ajoutant rien et ne retranchant rien". Ce rappel de la lettre de nos patriarches, rédigée en 1718, nous résume d'emblée ce qui caractérise bien l'Eglise orthodoxe, à savoir son immuabilité dans la proclamation et l'affirmation de la vraie foi, sa détermination à rester fidèle au passé, son sens de la continuité vivante avec les Eglises des temps anciens et son devoir de transmettre cethéritage intact aux générations futures. Le mot Orthodoxie, selon l'étymologie grecque, provient de orthos qui signifie droit et de doxa qui veut dire opinion, jugement, estime et gloire. Les Pères grecs utilisent le mot Orthodoxie pour désigner l'Eglise ; ils entendent par ce terme manifester la louange dans la Vérité. Le mot orthodoxe est donc synonyme de vraie foi et vraie gloire (ou vrai culte).C'est pourquoi les orthodoxes sont convaincus que leur Eglise est dépositaire de la vraie foi qui glorifie Dieu comme il doit l'être, et la considère comme l'Eglise du Christ sur la terre. L'exigence donc de l'Eglise orthodoxe est d'être une Eglise universelle, non pas exotique ou orientale, mais simplement chrétienne. La plus importante profession de foi de tous les Conciles œcuméniques est le Credo de Nicée (325) Constantinople (381) dont le 6ème Concile (680) confirmera le caractère d'autorité en tant que "règle de foi" la plus parfaite. Lu à chaque célébration eucharistique tout comme chaque jour à l'office de minuit et des complies, il confesse donc solennellement les dogmes chrétiens qui, avec la Bible, possèdent une autorité irrévocable et permanente en tant que définitions doctrinales des Conciles œcuméniques.

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    Archange St Michel

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    Je crois en seul Dieu, Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre et de toutes choses visibles et invisibles.
    Et en un seul Seigneur Jésus- Christ, Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré, non créé, consubstanciel au Père par qui tout a été fait. Qui pour nous autres hommes et pour notre salut, est descendu des cieux, s'est incarné du Saint- Esprit et de la Vierge Marie et s'est fait homme. Qui a été crucifié pour nous sous Ponce-Pilate, a souffert et a été enseveli. Qui est ressuscité le troisième jour selon les Ecritures. Qui est monté au ciel est assis à la droite du Père, d'où il reviendra en gloire pour juger les vivants et les morts et son règne n'aura pas de fin.
    Et au Saint-Esprit, Seigneur, qui donne la vie, qui procède du Père, qui est adoré avec le Père et le Fils, qui a parlé par les prophètes.
    En l'Eglise, une, sainte, catholique et apostolique. Je confesse un seul baptême pour la rémission des péchés. J'attends la résurrection des morts et la vie du siècle à venir.  Amen.

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    Les sacrements sont appelés "mystères" à cause de la dualité de ce qui est visible (signe extérieur) et invisible (grâce spirituelle) dans chaque sacrement. L'Eglise compte sept sacrements :       
    + Baptême
    + Chrismation
    + Eucharistie
    + Pénitence ou confession
    + Ordination (par imposition des mains)
    + Mariage
    + Onction des malades
    Il faut noter qu'il existe d'autres actions qui possèdent un caractère sacramentel : 

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    + La prise d'habit monastique
    + La bénédiction des eaux à l'Epiphanie (Théophanie de Notre Seigneur)
    + Le service des funérailles

    Dans l'Eglise orthodoxe, aujourd'hui comme aux premiers siècles, les trois sacrements de l'initiation chrétienne (baptême, chrismation ou confirmation et communion) sont étroitement liés. Un orthodoxe, sans distinction d'âge, qui devient un membre du Christ, en reçoit en même temps tous les privilèges. Le baptême est conféré par triple immersion. La liturgie habituelle des dimanches et des jours de semaine est la liturgie de Saint Jean Chrysostome. Sont aussi utilisées les liturgies de Saint Basile le Grand, de Saint Jacques frère du Seigneur et la liturgie des Présanctifiés pendant les jours de semaine du grand Carême à l'exception des dimanches, du jeudi saint et du samedi saint ; c'est une liturgie sans consécration, à laquelle la communion est donnée avec des éléments consacrés le dimanche précédent.
    Le sacrement de l'onction des malades (en grec euchelaion, huile de prière) apporte non seulement la guérison du corps, mais aussi le pardon des péchés (voir 1 Jacques V/14-15). Ce sacrement est destiné à n'importe quel malade, quelle que soit la gravité du cas. En outre, tous les chrétiens orthodoxes le reçoivent une fois l'an en semaine sainte. Pour le P. Serge BOULGAKOFF (L'Orthodoxie p.162) ce sacrement a deux faces : l'une tournée du côté de la guérison, l'autre du côté de la délivrance de la maladie par la mort.






    L'Eglise compte trois ordres majeurs
    + LE DIACONAT
    + LA PRETRISE
    + L'EPISCOPAT
    Les diacres et les prêtres peuvent être mariés pourvu que le mariage précède l'ordination. Les évêques sont choisis parmi les moines. Un veuf peut devenir évêque s'il prononce les vœux monastiques.

    [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]L'évêque seul peut ordonner, le sacre d'un nouvel évêque doit être fait par deux ou trois évêques au minimum. L'assemblée toute entière, c'est-à-dire tout le peuple de Dieu présent, approuve les ordinations en criant "AXIOS" il est digne.

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    Le calendrier ecclésiastique commence le 1er septembre. Parmi les fêtes Pâques est la fête des fêtes et se place tout à fait à part. A côté de Pâques, il y a douze fêtes particulièrement importantes : 






    + Nativité de la Vierge (8 septembre)
    + Exaltation de la Croix (14 septembre)
    + Entrée au Temple de la Vierge (21 novembre)
    + Nativité du Christ (25 décembre)
    + Epiphanie ou Théophanie (baptême du Christ 6 janvier)
    + Présentation au Temple du Seigneur (2 février)
    + Annonciation (25 mars)
    + Entrée à Jérusalem (dimanche des Rameaux)
     

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    + Ascension (40 jours après Pâques)
    + Pentecôte (50 jours après Pâques)
    + Transfiguration (6 août)
    + Dormition de la Mère de Dieu (Assomption 15 août)


    L'Eglise orthodoxe, qui regarde l'homme dans son entièreté, corps et âme, invite le corps à l'ascèse au même titre que l'âme. L'année comporte quatre grandes périodes de jeûne :       
    + Le Grand Carême : sept semaines avant Pâques.       
    + Le jeûne des Apôtres, qui commence un lundi, huit jours après la Pentecôte et finit le 28 juin, veille de St Pierre et Paul ; il varie entre une et six semaines.       
    + Le jeûne de l'Assomption, du 1er au 14 août.       
    + Le jeûne de Noël, qui dure 40 jours, du 15 novembre au 24 décembre.
    En règle générale et en plus de ces grandes périodes, on jeûne aussi chaque mercredi et chaque vendredi (jours de commémoration de la Croix). 
    .
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    Message  Arlitto Ven 20 Nov 2020 - 16:00


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    L'icône est un moyen de connaître Dieu et de s'unir à Lui. Elle ne peut donc se définir comme un élément décoratif, ni seulement comme une illustration de l'Ecriture. Au contraire, elle fait partie intégrante de la liturgie qui nous rend accessibles à Dieu par la beauté. Dieu en effet ne s'est pas uniquement fait entendre, Il s'est fait aussi voir ; Il s'est fait Visage. L'Incarnation du Christ fonde l'icône et l'icône montre l'Incarnation. "Je n'adore pas la matière ; mais dans l'icône, dit St Jean Damascène, j'adore le Créateur de la matière qui, à cause de moi, est devenu matière et par là m'a sauvé".




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    L'icône dite de la Trinité de Roublev est une des icônes les plus connues dans le monde occidentale


    Représenter le Christ, c'est aussi représenter les membres de son Corps ecclésial : l'icône ne nous montre pas seulement Dieu qui se fait homme mais aussi l'homme qui se fait Dieu. Ce qui sera ainsi vrai du visage du Christ le deviendra de même du visage de l'homme quand l'Esprit le remplit ; autrement dit, l'icône nous fait pressentir la déification de la personne humaine et la sanctification de l'univers, c'est-à-dire la vérité des choses et des êtres : sa symbolique est toujours au service de la personne ; elle s'intègre, en la manifestant, à la plénitude de la communion.


    "Ce que le livre (les Ecritures saintes) nous dit par le mot, l'icône nous l'annonce par la couleur et nous le rend présent" (Concile de Constantinople de 680) : fenêtre ouverte sur le Royaume de Dieu, l'icône supprime ainsi toute illustration pure et simple car elle ne dessine jamais le Transcendant, elle ne "le chosifie pas" ; mais au contraire elle dessine la présence. Et tout converge vers le seul rappel : il n'y a pas de vie éternelle hors du Christ et de ses sacrements. L'icône enfin nous rappelle que le témoignage de l'Esprit doit devenir aujourd'hui non seulement service, mais art. L'art de s'unifier dans "cet œil de notre cœur" qui décèle en tout être humain la chance de la Beauté du Visage de Dieu en l'homme, seule capable de déchiffrer le visage de tout homme en Dieu et cela parce que l'Inaccessible vient à nous pour nous atteindre à travers tous les visages et toute la beauté du monde.



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    Une autre idée de la spiritualité orthodoxe : la beauté. Quand on a perdu le sens de la beauté, de la poésie, du silence, à quoi bon la justice et le pain, car l'homme ne vit pas que de justice et de pain, il vit aussi de beauté. Et la beauté, c'est Dieu. Le visage le plus beau, c'est le visage qui fut le plus blessé, le plus frappé, le visage du Christ sur la croix. C'est la seule beauté et c'est la recherche de cette beauté et le désir d'y accéder qui justifient et qui expliquent la vie du saint.



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    La spiritualité orthodoxe ignore l'acquisition des mérites. Pour l'orthodoxie, grâce et liberté humaine se manifestent simultanément. Le don de Dieu, puis le libre choix de l'homme de l'accepter, de l'intégrer dans sa vie. Donc, grâce et liberté ne peuvent être conçues l'une sans l'autre et comme la grâce de Dieu ne peut habiter dans les hommes qui fuient leur salut, la vertu humaine n'est pas non plus suffisante pour élever à la perfection les âmes étrangères à la grâce (saint Grégoire de Nysse). C'est en ce sens que la spiritualité orthodoxe ne connaît pas l'acquisition des mérites. Pour l'orthodoxie, la sainteté est participation à la présence divine et le saint est un pénitent, un pécheur toujours plus conscient d'être le premier des pécheurs et par-là même ouvert à la grâce. La vie de la sainteté est donc celle du repentir qui est la seule porte de la grâce (Isaac le Syrien). Toute la spiritualité orthodoxe passe par la métanoia et toute la technique de la prière est greffée sur la métanoia. Ce mot grec englobe et dépasse la notion courante du repentir, parce qu'il désigne surtout le retournement de l'esprit comme moyen conscient de l'existence personnelle. L'homme avait construit le monde autour d'un moi individuel ou collectif, la projection de l'amour de Dieu sur son ego, sur son moi. Avec la métanoia, l'homme met l'absolu au centre de son existence.L'absolu, c'est Dieu et, dès cet instant il découvre sa propre misère, il explore ses abîmes qui sont peuplés de monstres, il implore la grâce qui, oriente vers la foi et l'espérance, non vers le néant. C'est tout ce retournement de l'être dès l'instant où soi, esprit, en grâce de l'absolu, prend conscience objectivement de sa misère. C'est cela la métanoia.A ce moment là l'homme devient réceptacle de la grâce ; alors le cœur durci de l'homme va fondre dans les larmes, ce don qui rappelle l'eau purificatrice du baptême. Toute expérience spirituelle, dans l'orthodoxie, qui ne passe pas par le don des larmes, est incomplète, parce que, justement, cela veut dire que l'homme n'a pas fait toute la démarche qu'il devait faire pour que son cœur de pierre, ce cœur dur, insensible, devienne un cœur de chair, un cœur sensible à la grâce de Dieu. Dès l'instant où l'homme atteint ce degré de la métanoia, ni le repentir ni les larmes ne cesseront, mais à travers ce repentir et ces larmes viendra la joie. Très souvent nous retrouvons dans les textes orthodoxes le terme de «bienheureuse affliction ».



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    La prière de Jésus est une phrase : « Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie Pitié de moi le pécheur ». Nous avons des moines qui ne font que cette prière-là toute la journée. Le cœur de l'homme récite sans cesse, même dans le sommeil, C'est Jésus que l'on intériorise en soi, c'est pourquoi il va émigrer dans notre cœur, La prière de Jésus est à la fois un appel au secours : « Seigneur Jésus-Christ aie pitié de moi », donc une occasion d'humilité et une invocation du nom de Jésus ce qui lui donne toute son ampleur. Elle résume en quelque sorte la foi chrétienne, puisque le cœur devient le réceptacle du Nom de Jésus et communique l'énergie divine. Dans la théologie orthodoxe, il y a une différence entre « essence » et « énergie ». Dieu, dans son essence, est inaccessible car l'homme ne peut pas dépasser sa condition. L'homme est un être créé, il n'est pas le créateur. L'essence humaine n'est pas l'essence divine. A ce niveau-là Dieu est inaccessible. Mais Dieu se manifeste dans le monde. La manifestation de Dieu dans le monde se définit dans l'orthodoxie comme l'énergie de Dieu et à ce niveau-là Dieu est participable. A ce niveau-là l'homme participe à la manifestation de Dieu dans le monde, d'où la rencontre dynamique basée sur le désir, de part et d'autre, de participation, de communion.


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    Dans la prière de Jésus tout est cristallisé autour de Nom de Jésus qui va résonner sans cesse au fond de l'âme en une communion incessante avec Jésus présent en son Nom dans le cœur de l'homme.



    Cela aboutit à la quiétude, à la paix intérieure. Cette invocation est devenue l'oraison-type de l'Orient orthodoxe : « Que le Nom de Jésus soit comme soudé à votre souffle et à votre vie entière... » La prière de Jésus, qui est en fait celle du publicain évangélique, c'est toute la Bible, tout son Message, réduits à leur essentielle simplicité. Confession de la Seigneurie de Jésus, de sa divine filiation à la Trinité... Le commencement et la fin sont ramassés ici dans une seule parole chargée de la « présence-sacrement » du Nom du Christ. C'est pourquoi cette prière doit résonner sans cesse au fond de l'âme. Quand on a acquis cette technique suprême, on n'a plus besoin d'efforts de pensée, le Nom de Jésus jaillit de Lui-même, c'est la prière ininterrompue et cette invocation suivra le rythme de la respiration, elle sera dans le souffle de l'homme même pendant le sommeil. "Je dors mais mon esprit veille" (Cantique 5,2). Il y a certes une technique nécessaire mais là n'est pas l'absolu. Là n'est pas le but en soi. Le but, c'est l'acquisition des dons de l'Esprit par une vie évangélique. La colonne, l'appui avec lequel se fait l'acquisition des dons de l'Esprit, c'est la prière. A partir de là, la prière sera assumée par chacun et chacune selon ses capacités et selon ses charismes. Ce mode de prière se trouve à la limite entre la prière vocale et la prière mentale, entre la prière méditative et la prière contemplative. Mais si le nom de Jésus devient le foyer d'une vie il ne faut pas aller s'imaginer que l'invocation du Nom soit un moyen court qui dispense des purifications ascétiques et des autres efforts. Le Nom de Jésus est Lui-même un instrument d'ascèse, un filtre au travers duquel ne doivent passer que les pensées, les paroles, les actes compatibles avec la vivante réalité que ce Nom symbolise. C'est à travers cela que toute vie de prière trouve sa justification et marque son but final.

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    Message  Arlitto Ven 20 Nov 2020 - 16:00

    Iconographie

    Bref aperçu de la querelle des images
    Par R.P. Boris Bobrinskoy


    1. Le culte des images avant la querelle
    Dès les premiers siècles, les chrétiens représentaient graphiquement divers thèmes du mystère de notre salut. L'art des catacombes a un caractère symbolique ou "significatif" (Weidlé) décrivant l'expérience sacramentelle de l'Initiation chrétienne et de la Rédemption comme par exemple le Bon Pasteur, la colombe, le Poisson, la vigne, la lyre, l'ancre l'arche, le navire et surtout la croix. Les chrétiens sont appelés les "adorateurs de la croix" (Tertullien).
    A la veille de la période constantinienne, le Concile d'Elvire (300), dans son 36e canon, condamne énergiquement l'emploi des images dans les églises, probablement pour ne pas provoquer les railleries et les outrages des païens, là où les locaux de culte n'étaient pas en sûreté durant les persécutions.
    Dès le triomphe du christianisme sous Constantin, se développe la coutume de représenter le Christ et les saints et de placer ces images dans les églises. Déjà St. Basile de Césarée, dans son panégyrique du martyr Barlaam, exhortait les peintres chrétiens à glorifier par leurs œuvres ce grand saint : "Venez à mon aide, peintres fameux des exploits héroïques. Rehaussez par votre art l'image imparfaite de ce stratège ; faites briller avec les couleurs de la peinture l'athlète victorieux que j'ai représenté avec trop peu d'éclat ; je voudrais être vaincu par vous dans le tableau de la vaillance du martyr : je me réjouirais d'être aujourd'hui surpassé par votre talent. Montrez-nous le lutteur brillamment en votre image ; montrez-nous les démons poussant des hurlements, car ils sont aujourd'hui, grâce à vous, abattus par les victoires des martyrs ; faites-leur voir encore cette main ardente et victorieuse. Et représentez aussi sur votre tableau Celui qui préside aux combats et donne la victoire, le Christ" (Oratio in S.Barlaam P.G. XXXI, col. 488-489).
    Une autre parole de St. Basile eut une fortune particulière et devint l'un des arguments traditionnels les plus décisifs pour les défenseurs des images sacrées : "L'honneur rendu à l'image passe à celui que l'image représente"(De Spiritu Sancto, XVIII 45, P.G. 32, col. 149 C).
    De même, St. Grégoire le Grand invitait Sérénus, évêque de Marseille, à remettre dans les églises les icônes qu'il avait fait enlever : "Ce n'est pas sans raison que l'antiquité a permis de peindre dans les églises la vie des saints. En défendant d'adorer ces images, vous méritez l'éloge ; en les brisant, vous êtes dignes de blâme. Autre chose est d'adorer une image, autre chose d'apprendre par le moyen de l'image à qui doivent aller nos adorations. Or ce que l'Ecriture est pour ceux qui savent lire, l'image l'est pour les illettrés... " (St. Gregoire, Epist. 1. 9 épist. IX P.L. LXXVII col. 949).
    Nous voyons donc que la défiance envers les images et la crainte de l'idolâtrie est encore fréquente. Eusèbe de Césarée traite de coutume païenne le fait d'avoir des images portatives du Christ ou des apôtres (Eusèbe Hist. eccl. 1. VIl c. XVIII, P.G. col. 680).
    Au VIe siècle, le culte des images est attesté par de nombreux monuments et témoignages d'écrivains ecclésiastiques. Ainsi Léonce, évêque de Néapolis à Chypre écrivait : "Je représente le Christ et sa passion dans les églises et les maisons et sur les places publiques, et sur les images, sur la toile, dans les celliers, sur les vêtements, en tout lieu, pour qu'en les voyant, nous nous souvenions... Car nous autres, les chrétiens, possédant des images du Christ, c'est le Christ que nous baisons intérieurement et ses martyrs... Celui qui craint Dieu honore par conséquent et vénère et adore comme Fils de Dieu le Christ notre Dieu, et la représentation de sa croix et les images de ses saints"(Cité au 2nd Concile de Nicée, P.G. XCVIII, col. 1600).
    Le Concile Quinisexte in Trullo (692) déclare les images vénérables, mais prescrit de ne plus représenter Jésus-Christ sous la forme d'un agneau : " ...Nous décrétons de représenter désormais sur les images le Christ notre Dieu dans sa figure humaine (et non plus sous la figure d'un agneau) afin de considérer par cette représentation la hauteur de l'humiliation du Verbe de Dieu et de se rappeler sa vie dans la chair, sa passion, sa mort salvatrice et la Rédemption de tout l'univers qui en est résultée" (Canon 82).
    Souvent hélas, le culte des images se mêle de superstitions et d'abus qui expliqueront en partie la réaction iconoclaste : "Beaucoup pensent, dit Anastase le Sinaïte, que le baptême est suffisamment honoré par ceux qui entrent dans une église, baisant toutes les icônes, sans prêter attention à la liturgie et au service divin".
    Une lettre adressée en 824 par l'empereur Michel le Bègue à Louis le Débonnaire fait état de nombreux abus dans la piété populaire remontant à une époque plus ancienne : "...Ils choisissent les images de saints pour servir de parrains à leurs enfants... Quelques prêtres ont pris l'habitude de racler la couleur des images, mêlant cette poussière aux hosties et au vin et distribuent le mélange aux fidèles après la messe. D'autres placent le corps du Seigneur dans les mains des images où ceux qui communient viennent le recevoir" (Mansi, Conc. ampliss coll., t. XIV, p. 240).
    2. La première période iconoclaste (723-780) 
    " Les courants d'opinion hostiles aux images auxquels le caractère purement spirituel du christianisme paraissait incompatible avec leur culte étaient surtout sensibles dans les régions orientales de l'empire où s'étaient maintenus des restes importants de monophysites... Mais il fallut le contact du monde arabe pour allumer l'incendie iconoclaste... Les Arabes qui sillonnaient l'Asie Mineure depuis des dizaines d'années n'avaient pas seulement apporté le glaive à Byzance, mais aussi leur culture et, avec elle, l'horreur propre à l'Islam pour la représentation du visage humain. Voilà comment la querelle des images naquit dans les provinces orientales de l'Empire d'un croisement singulier entre une foi chrétienne avide de pure spiritualité et les doctrines sectaires iconophobes, les conceptions des vieilles hérésies christologiques et, enfin, les influences de religions non-chrétiennes, Judaïsme et en particulier Islam. Après la victoire sur la ruée guerrière de l'Orient, c'est un engagement avec les infiltrations de la culture orientale qui commence sous la forme de la querelle des images"(G. Ostrogorsky. Histoire de l'Etat byzantin, Paris 1956, pp.189-190).
    Le mouvement iconoclaste part d'Asie Mineure où le calife Yézid publie en 723 un édit ordonnant de détruire toutes les images "soit dans les temples, soit dans les églises, soit dans les maisons". La campagne sauvage de destruction se propage rapidement parmi les évêchés des provinces orientales et atteint la cour impériale de Byzance.
    Devant la résistance à l'iconoclasme du patriarche Germain (de 726 à 730), l'empereur Léon 3 l'Isaurien intervient personnellement et publie en 730 un édit interdisant le culte des images et déclarant que celles-ci sont des idoles formellement réprouvées par l'Ecriture : "on ne doit pas vénérer, Dieu le défend, ce qui est fait de main d'homme, ainsi que toute représentation de ce qui est au ciel ou sur la terre"(Hefele-Leclerc Histoire des Conciles, Paris 1910, t.III, p. 664).
    St. Germain est déposé et relégué en exil. En ôtant son pallium, il déclare : "Sans l'autorité d'un concile, tu ne peux, Basileus, rien changer à la foi"(Cité par Evdokimoff : l'Orthodoxie, Neuchâtel et Paris, 1959, p.217).
    Le premier sang coule lors d'une émeute populaire provoquée par la destruction de l'icône du Christ de Chalcoprateia, au-dessus de l'une des portes du palais impérial. Il en résulte une persécution violente au cours de laquelle de nombreux partisans du culte des images sacrées sont torturés, bannis ou mis à mort, tandis qu'on détruit systématiquement les icônes dans les églises et les maisons.
    A Rome, le pape Grégoire 2 ainsi que son successeur Grégoire 3 refuse de se soumettre à l'édit impérial : "Les dogmes de l'Eglise ne sont pas ton affaire, écrit à Léon 3 le Pape, laisse tes folies"(Cité par Evdokimoff : l'Orthodoxie, Neuchâtel et Paris, 1959, p.217).
    Une décision d'un concile romain réuni en 731 spécifie que : "à l'avenir, quiconque enlèvera, anéantira, déshonorera ou insultera les images du Seigneur ou de sa sainte Mère ou des apôtres, etc... ne pourra recevoir le Corps et le Sang du Seigneur et sera exclu de l'Eglise"(Hefele-Leclerc op. cit p. 677).
    C'est à cette époque que St. Jean Damascène, moine de St. Sabbas en Palestine, écrit ses Traités à la défense des saintes images dans lesquels il fournit aux défenseurs de la foi une base théologique qui sera reprise par les théologiens orthodoxes après lui. Il y déclare qu'il n'appartient pas à l'empereur de trancher la question de la légitimité des images : "c'est l'affaire des conciles et non des empereurs"(St. Jean Damascène, Traité 1 à la Défense des saintes images. P.G. XCIV, col 1281).
    "Il n'appartient pas aux empereurs de légiférer dans l'Eglise ; l'affaire des rois, c'est le bien-être politique, tandis que l'organisation de l'Eglise est l'œuvre des pasteurs et des docteurs"(Traité 2 à la défense... par.12, P.G. XCIV, col. 1296).
    Le fondement du culte des images est, selon St. Jean Damascène, le dogme christologique. Le salut est lié à l'Incarnation du Verbe divin, par conséquent à la matière, car le salut est réalisé par l'union en Christ de la divinité et de la chair humaine : "jadis, Dieu, l'Incorporel et l'Invisible, n'était jamais représenté. Mais, maintenant que Dieu s'est manifesté dans la chair et a habité parmi les hommes, je représente le visible de Dieu. Je n'adore pas la matière, mais j'adore le Créateur de la matière, Qui est devenu matière à cause de moi, Qui a voulu habiter la matière et Qui, par la matière, a fait mon salut"(Op. cit. 1, 6, P.G. XCIV, col.1245).
    "Lorsque l'Invisible devient visible selon la chair, alors tu peux représenter la ressemblance de ce que tu as vu. Quand Celui qui n'a ni quantité ni grandeur, qui est incomparable en raison de la supériorité de sa nature, étant l'image de Dieu, quand Il assume la forme d'un esclave et s'humilie en cela jusqu'à la grandeur, adoptant une forme corporelle ; alors grave-le sur une planche et élève à la contemplation Celui qui a daigné être vu. Représente sa condescendance ineffable, sa naissance de la Vierge, son baptême au Jourdain, sa transfiguration au Thabor, sa passion qui communique l'impassibilité, ses miracles, symboles de sa nature divine, accomplis par l'intermédiaire de sa chair, le tombeau salvafique de notre Libérateur, son ascension aux cieux ; décris tout cela, et par la parole et par les couleurs, dans les livres et sur les planches"( op, cit. III, 8. P.G. XCIV, col. 1328-1329).
    La persécution iconoclaste atteint son paroxysme sous le règne de Constantin 5 Copronyme (741-775), fils de Léon 3. On l'a considéré comme l'ennemi le plus dangereux et le plus acharné du culte des images, mais ce n'est qu'après le concile iconoclaste de Hiéria (754), que la persécution s'intensifie malgré une résistance acharnée, en particulier de la part des moines exhortés par St. Etienne le Jeune, abbé du monastère de Mont- St.-Auxence. Devant la résistance orthodoxe, l'empereur compose lui-même un traité théologique contre les images dans lequel toutes les tendances iconoclastes sont poussées à l'extrême et dont l'essentiel a été repris dans les actes du concile iconoclaste. De même que les orthodoxes, les iconoclastes veulent dépendre dans leur argumentation du dogme de Chalcédoine, mais il leur manque la nette distinction en Jésus-Christ de la nature et de la personne. Il est impossible et impie, disent-ils, de représenter la nature divine ; dans les images, les peintres ne représentent que la chair du Christ et la séparent de sa divinité. Il n'y a pas de troisième possibilité : "nous sommes convaincus, concluent les évêques réunis à Hiéria, que l'art coupable de la peinture constituait un blasphème pour le dogme fondamental de notre salut, c'est-à-dire pour l'incarnation du Christ... Quiconque fait une image du Christ représente la divinité, qui ne doit pas être représentée, et la mélange avec l'humanité (comme font les monophysites), ou encore dépeint le corps du Christ comme n'étant pas déifié, comme séparé, et comme une personne distincte ainsi que le font les Nestoriens. L'unique représentation autorisée de l'humanité du Christ est le pain et le vin de la Sainte Cène. Il a choisi cette forme et non une autre, ce type et non un autre, pour représenter son humanité... Le christianisme a renversé le paganisme tout entier; par conséquent, non seulement les sacrifices païens, mais aussi les images païennes. Les saints eux-mêmes après leur mort sont initiés auprès de Dieu à une vie qui n'aura pas de fin ; par conséquent, quiconque prétend après leur mort les rappeler à la vie par un art mort lui-même et imité des païens sera coupable de blasphème... Nous appuyant donc sur la Sainte Ecriture et sur les Pères, nous déclarons unanimement, au nom de la Sainte Trinité, que nous condamnons, rejetons et éloignons, de toutes nos forces, de l'Eglise chrétienne, toute image, de quelque manière qu'elle soit, faite avec l'artifice coupable de la peinture. Quiconque à l'avenir osera faire une pareille image, ou la vénérer, ou la placer dans une église, ou dans une maison particulière, ou même posséder en cachette une de ces images, devra, s'il est évêque, prêtre ou diacre, être déposé, et, s'il est moine ou laïque, être anathématisé ; il tombera, en outre, sous le coup des lois civiles, comme adversaire de Dieu et ennemi des dogmes que les Pères nous ont enseignés"(Hefele-Leclerc, op. cit. pp. 698-701).
    A l'issue de ce concile, l'anathème fut prononcé contre ceux qui vénéraient les icônes et contre les défenseurs de leur culte, St. Germain de Constantinople, St. Jean Damascène et St. Georges de Chypre.
    Fort de la sanction d'un concile dit "œcuménique", Constantin met en application ses décisions par le feu et le glaive. C'est surtout parmi les moines que s'organise une opposition acharnée et que nous trouvons le plus de martyrs pour la foi. Notamment le saint abbé et ermite du Mont-Auxence, Etienne le Jeune, relégué tout d'abord dans l'île de Proconnèse, est ramené à Constantinople où il est finalement mis en pièces par la foule le 28 novembre 764.
    "La persécution des iconoclastes prit de plus en plus, avec le temps, le caractère d'une campagne contre le monachisme... Les moines ne furent plus seulement poursuivis en raison du culte qu'ils rendaient aux images, mais du simple fait de leur condition monastique ; on les mit en demeure de renoncer à leur genre de vie. On ferma les monastères, quand on ne les convertissait pas en casernes, en bains ou autres édifices publics ; leurs immenses propriétés passèrent à la Couronne. Bref, l'iconoclasme à son apogée engagea la lutte contre la puissance du monachisme et des monastères byzantins" (G. Ostrogorsky Essai sur la théologie des icônes dans l'Eglise orthodoxe ; vol. 1, Paris, 1960, p. 138, note 1).
    L'offensive iconoclaste ne se limite pas aux saintes images mais s'attaque aux reliques des saints ; l'empereur va jusqu'a interdire le culte des saints et de la Mère de Dieu.
    C'est à cette époque qu'un grand nombre de moines émigrent en Occident et surtout en Italie où ils sont chaleureusement accueillis par les papes successifs de la période iconoclaste. Ceux-ci se montrent de fervents défenseurs du culte des images. C'est alors en particulier qu'est décorée. Sta Maria Antiqua, reconstruite la cathédrale de St. Marc, construites et ornées les églises Sta Maria in Dominica, Ste Praxède et Ste Cécile (cf. L. Ouspensky. Essai sur la théologie des icônes dans l'Eglise Orthodoxe, vol. 1, Paris, 1960, p. 138, note 1). Plusieurs conciles occidentaux se prononcèrent à cette époque en faveur du culte des images (Gentilly en 767 et Latran en 769).
    Le persécution s'interrompt brusquement en 775 à la mort de Constantin 5. Sous son fils et successeur, Léon 4 le Khazar (775-780), bien qu'il soit un iconoclaste convaincu, la persécution diminue de violence et elle cesse totalement lorsque après sa mort, la régence est assurée par sa veuve, Irène (780-802).
    3. Le VIle concile œcuménique (787) et le rétablissement des saintes images (780-813) 
    Irène était entièrement dévouée à la cause des images sacrées. Mais malgré la lenteur et toutes les mesures de circonspection dont le gouvernement s'était entouré, le premier essai de réunir un concile à Ste Sophie de Constantinople se solda par un échec dû à l'insurrection de troupes fidèles à l'iconoclasme "traditionnel". Ce n'est qu'en automne 787 que le VIIè Concile œcuménique put se réunir à Nicée, dans la ville même ?ù s'était tenu le Premier Concile œcuménique sous Constantin le Grand. Sous la présidence du nouveau patriarche Taraise, de nombreux évêques et moines venus de toute la chrétienté prirent part aux sessions du Concile. Celui-ci rétablit le culte des images et en proclama le dogme.
    Dès la seconde session, les Pères du concile se déclarèrent en faveur du culte des images, soulignant toutefois avec force la distinction fondamentale entre le "culte relatif" par lequel sont vénérées les images sacrées et l'adoration au sens propre qui convient à Dieu seul.
    La quatrième session fut destinée à rétablir non seulement le culte des images mais aussi la légitimité de l'intercession des saints et de la Mère de Dieu : "nous saluons les paroles du Seigneur, des apôtres, des prophètes, qui nous apprennent à honorer et à magnifier en premier lieu celle qui est en vérité la Mère de Dieu, supérieure à toutes les puissances célestes, puis ces puissances célestes elles-mêmes, les apôtres, les martyrs, les docteurs, tous les saints personnages, à leur demander leur intercession, capables qu'ils sont de nous rendre Dieu favorable si toutefois nous gardons les commandements et vivons de manière vertueuse" (Mansi, t. XII, col. 1.086).
    Voici enfin les principaux passages du décret dogmatique sur le culte des images tel qu'il fut promulgué par les Pères du Concile :
    "Ainsi donc, marchant sur la voie royale et suivant l'enseignement divinement inspiré de nos saints Pères et la Tradition de l'Eglise catholique... Nous décidons en toute exactitude et après examen complet que, de même que la sainte et vivifiante croix, les saintes et précieuses icônes peintes avec des couleurs, faites avec de petites pierres ou avec toute autre matière correspondant à ce but, doivent être placées dans les saintes églises de Dieu, sur les vases et les vêtements sacrés, sur les murs et les planches, dans les maisons et sur les routes, que ce soient les icônes de Notre Seigneur Dieu et Sauveur Jésus-Christ, ou de notre souveraine sans tache, la Sainte Mère de Dieu, ou des saints anges et des hommes saints et vénérables. Car, chaque fois qu'on voit leur représentation par l'image, chaque fois on est incité en les contemplant à se rappeler les prototypes, on acquiert plus d'amour pour eux et on est davantage incité à leur rendre hommage en les baisant et en témoignant sa vénération, non la vraie adoration qui, selon notre foi, convient à la seule nature divine, mais de la même façon que nous rendons hommage à l'image de la précieuse et vivifiante croix, au Saint Evangile et à d'autres objets sacrés auxquels on rend hommage par l'encensement et les cierges selon la pieuse coutume des anciens. Car l'honneur rendu à l'image va à son prototype, et celui qui vénère les icônes, vénère la personne qui est représentée..."(Ibid. col. 377-380, trad. franç. de Ouspensky, op. cit. pp. 157-159).
    Si, au plus fort de la persécution contre le culte des icônes, l'Orthodoxie avait trouvé en la personne des pontifes romains des partisans courageux et déterminés des images, très paradoxalement, il n'en fut plus de même lors du triomphe de l'orthodoxie à Byzance.
    Les actes du Concile de Nicée parvinrent en Occident dans une traduction si grossière et inexacte (en particulier vénération des icônes fut traduit par adoration), qu'ils provoquèrent la violente réaction et même l'hostilité de la part de Charlemagne et de ses théologiens francs. Malgré toutes ses exhortations, c'est finalement le pape Hadrien 1er qui dut céder devant l'obstination de Charlemagne. Le Concile de Francfort en 794 voulut se poser en arbitre entre le concile iconoclaste de 754 et le Septième Concile œcuménique, aussi prescrivit-il de ne pas détruire les icônes, mais pourtant de ne pas les vénérer. Le rôle des images fut limité à une pédagogie d'enseignement et d'édification morale, dénuée de tout fondement sotériologique : "ni l'un ni l'autre concile ne mérite assurément le titre de Septième : attachés à la doctrine orthodoxe qui veut que les images ne servent qu'à l'ornementation des églises et à la mémoire des actions passées... nous ne voulons pas plus prohiber les images avec l'un des conciles que les adorer avec l'autre et nous rejetons les écrits de ce concile ridicule" (Hefele-Leclerc op. cit. p. 1068).
    En 825, le Concile de Paris entérina les décisions du Concile de Francfort et l'on peut dire que l'Occident a pratiquement ignoré (du moins jusqu'a une époque récente) la théologie orthodoxe des icônes, fondée sur le mystère de l'Incarnation et le dogme christologique.
    4. La réaction iconoclaste (813-842)
    En dépit de la victoire de l'orthodoxie sur le terrain dogmatique, l'iconoclasme était loin d'être définitivement éliminé au sein de l'administration et de l'armée et il se releva avec une vigueur nouvelle sous le règne de l'empereur Léon 5 l'Arménien (813-820). Jean le Grammairien fut chargé de composer un recueil de textes en utilisant les décisions du concile iconoclaste de 754.
    La résistance s'organisa de nouveau sous l'impulsion du patriarche de Constantinople Nicéphore et des moines du Stoudion dirigés par leur abbé St. Théodore. Au cours d'une entrevue avec l'empereur et ses partisans, non seulement Nicéphore et Théodore défendirent les décisions du VIIème Concile œcuménique, mais ils contestèrent de nouveau la compétence de l'empereur en matière religieuse :
    "Plus clairement encore qu'au VIIIe siècle, la deuxième période de la querelle des images souligne le fond politique du mouvement iconoclaste : les efforts du pouvoir impérial pour se soumettre la vie de l'Eglise et la résistance opiniâtre de l'Eglise, surtout de son aile intransigeante, à ces efforts"(G. Ostrogorsky, op. cit., p. 231).
    En 815, Nicéphore fut déposé et exilé sur la rive asiatique du Bosphore, et c'est St. Théodore qui assura dès lors la défense des saintes images. Le Dimanche des Rameaux de la même année, les mille moines du Stoudion descendirent dans les rues de la capitale en une immense procession, portant des bannières et les saintes icônes. Le défi à l'empereur était lancé et celui-ci réagit avec la dernière rigueur. Peu après Pâques, un concile se réunissait à Ste Sophie, rejetait le concile de Nicée et se ralliait aux décisions du concile iconoclaste de 754.
    Ce synode soulignait, il est vrai, qu'il ne considérait pas les images comme des idoles, mais il n'en ordonnait pas moins la destruction. Si sur le plan doctrinal, ce concile fit preuve d'une impuissance totale, par contre, les persécutions n'en furent que plus violentes. C'est tout d'abord le Stoudion qui fut l'objet de la vindicte impériale. St. Théodore fut lui-même traîné dans les prisons, flagellé cruellement à plusieurs reprises, puis déporté à Smyrne où il fut victime des sévices de l'évêque iconoclaste. Un extrait de sa lettre au pape Pascal 1er fait état de la persécution : "le patriarche est prisonnier, les métropolites et les évêques sont bannis, les moines et les religieuses sont dans les fers, sous la menace de la torture et de la mort ; l'image du Sauveur, devant laquelle les démons eux-mêmes tremblent, est devenue un objet de dérision ; les autels et les églises sont dévastés et beaucoup de sang a déjà coulé"(St. Théodore Studite. Lettre au pape Pascal 1er, Epist. II, xii. P.G. XCIX, col. 1152-1153).
    La persécution sanglante fit plus de victimes que celle de Copronyme : des dizaines d'évêques furent déportés, des moines furent noyés cousus dans des sacs ou torturés à mort dans des cachots. Les persécutions continuèrent avec moins de violence sous les successeurs de Léon V, Michel 2 (820-829) et surtout Théophile (829-842). Parmi les victimes de la fureur iconoclaste, mentionnons encore le chroniqueur Théophane et son frère Théodore : ils furent non seulement battus de verges mais on leur grava sur le front des vers injurieux ; aussi reçurent-ils postérieurement le surnom de "marqués".
    5. Le Triomphe de l'Orthodoxie
    La victoire définitive de l'Orthodoxie ne fut effective qu'après la mort de Théophile, lorsque sa veuve Théodora assuma la régence. Sous le patriarche Méthode, l'un des confesseurs de la foi, un concile rétablit définitivement en 842 à Constantinople le culte des images en réaffirmant les décisions promulguées par le Concile de Nicée ; il jeta également l'anathème contre les iconoclastes. Le premier dimanche de Carême, le 11 mars 843, fut proclamé à Ste Sophie le rétablissement du culte des images. Depuis lors, l'Eglise commémore chaque année en ce jour "le Triomphe de l'Orthodoxie" sur les iconoclastes, en même temps que sur les hérésies antérieures.
    Voici, tiré de l'Office du Dimanche de l'Orthodoxie" un chant dû a la plume de Théophane le Marqué, confesseur de la foi sous Léon 5 : "gardant les lois de l'Eglise observées par nos pères, nous peignons les images, nous les vénérons de notre bouche, de notre cœur, de notre volonté, celles du Christ et de tous les saints. L'honneur et la vénération adressés à l'image remontent au prototype : c'est la doctrine des Pères inspirés de Dieu, c'est celle que nous suivons..." (chant 6 du canon des matines).
    Le kontakion de ce dimanche, écrit certainement par un contemporain, est encore plus caractéristique et plus riche de substance dogmatique : "le Verbe indescriptible du Père s'est fait descriptible, en s'incarnant de Toi, ô Mère de Dieu ; et, ayant rétabli l'image souillée dans son antique dignité, Il l'unit à la beauté divine. Et confessant le salut, nous représentons cela par l'action et la parole" (la traduction française de ce kontakion est empruntée à l'ouvrage de L. Ouspensky, p. 180).
    Ce kontakion adressé à la Mère de Dieu est plus explicite à la lecture du raisonnement suivant de St.Théodore le Studite qui fonde précisément la représentation du Dieu-Homme sur l'humanité représentable de Sa Mère : "puisque le Christ est né du Père Indescriptible, Il ne peut avoir d'image... Mais du moment que le Christ est né d'une Mère descriptible, Il a naturellement une image qui correspond à celle de Sa Mère. Et s'Il ne pouvait être représenté par l'art, cela voudrait dire qu'Il est né seulement du Père et ne S'est pas incarné. Mais ceci est contraire à toute l'économie divine de notre salut" (St. Théodore le Studite, 3e réfutation, ch. 2. P.G. XCIX, col. 417 C).
    In Revue "Contacts" N° spécial "l'Icône" N°32, 1960
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    Message  Arlitto Ven 20 Nov 2020 - 16:01

    Pour une théologie de l'icône
    Par Olivier Clément

    " L'essai sur la théologie de l'icône dans l'Eglise orthodoxe" de Léonide Ouspensky (tome 1, Paris 1960) est un livre qui fera date. Sur un sujet brûlant, essentiel, car l'art devient pour beaucoup de nos contemporains une quête de l'absolu, car l'art chrétien par conséquent met directement en cause notre capacité de confesser et de vivre notre foi, voici un des premiers efforts de synthèse qui ne soit pas d'abord esthétique, ou philosophique, mais fondamentalement théologique, au sens plein du mot qui implique et exige la contemplation. Qui plus est, c'est l'œuvre non d'un théoricien mais de l'un des meilleurs iconographes de notre époque, qui en collaboration avec le P.Grégoire Croug, vient de peindre d'importantes fresques, en plein Paris dans la nouvelle église des Trois Saints Docteurs (6 rue Petel Paris,16è). Je voudrais simplement en parlant de cet ouvrage, dégager quelques thèmes fondamentaux de la théologie de l'icône.
    L'auteur nous rappelle d'abord que la vénération des saintes images, les icônes du Christ, de la Vierge, des anges et des saints, est un dogme de la foi chrétienne, dogme formulé par le 7ème Concile œcuménique. L'icône n'est donc pas un élément décoratif, ni même une simple illustration de l'Ecriture. Elle fait partie intégrante de la liturgie, elle constitue "un moyen de connaître Dieu et de s'unir à lui". On sait que la célébration d'une fête exige que l'on expose au milieu de la nef l'icône (transportable) qui révèle, avec l'évidence immédiate de la vision, le sens de l'événement que l'on commémore. Plus largement, l'église toute entière, avec son architecture et ses fresques (ou mosaïques) représente dans l'espace ce que le déroulement liturgique représente dans le temps : le reflet de la gloire divine, l'anticipation du Royaume messianique. La parole liturgique et l'image liturgique forment un tout indissociable, ce milieu de résonance, cette "pneumatosphère" pourrait-on dire par laquelle la Tradition rend actuelle et vivante la Bonne Nouvelle. Ainsi l'icône correspond à l'Ecriture non point comme une illustration, mais de la même manière que lui correspondent les textes liturgiques : "ces textes ne se bornent pas à reproduire l'Ecriture comme telle ; ils en sont comme tissés ; en faisant alterner et en confrontant ses parties, ils en révèlent le sens, ils nous indiquent le moyen de vivre la prédication évangélique. L'icône, elle, en représentant divers moments de l'histoire sacrée, transmet de façon visible leur sens et leur signification vitale. Ainsi, par la liturgie et par icône, l'Ecriture vit dans l'Eglise et dans chacun de ses membres" (pp. 164-165).
    La vénération des icônes est donc un aspect essentiel de l'expérience liturgique, c'est-à-dire de la contemplation du Royaume à travers les actions du Roi. "Sous voile" certes et par la foi, cette contemplation n'en est pas moins vécue par l'être entier de l'homme, elle a le caractère immédiat de la sensation, c'est une "sensation des choses divines" réalisée par l'homme total. La conception orthodoxe de la liturgie apparaît ainsi inséparable des grandes certitudes de l'ascèse orientale sur la transfiguration du corps ébauchée dès ici-bas, sur la perception de la lumière thaborique par les sens corporels spiritualisés c'est-à-dire ; non point "dématérialisés" mais pénétrés et métamorphosés par le Saint Esprit. La liturgie, en effet, sanctifiant toutes les facultés de l'homme, amorce la transfiguration de ses sens, les rend capables d'entrevoir l'invisible à travers le visible, le Royaume à travers le mystère. L'icône, souligne Léonide Ouspensky, sanctifie la vue, et déjà la transforme en sens de la vision : car Dieu ne s'est pas seulement fait entendre, il s'est fait voir, la gloire de la Trinité s'est révélée à travers la chair du Fils de l'Homme. Quand on songe à l'importance du sens de la vue chez l'homme moderne, à quel point celui-ci se trouve écartelé, possédé, érotisé par les yeux, à quel point le flux d'images de la grande ville le rend discontinu, fait de lui un "homme de néant", on comprend l'importance de l'icône car celle-ci systématiquement libérée de toute sensualité (à la différence de tant d'œuvres, au reste admirables, de l'art religieux occidental), a pour but d'exorciser, de pacifier, d'illuminer notre vue, de nous faire "jeûner par les yeux" suivant l'expression de saint Dorothée (cité p. 210). Dans notre civilisation de possession par l'image, m'écrivait un ami protestant, l'icône est devenue une urgence de la cure d'âmes.
    C'est pendant la crise iconoclaste, aux 8e et 9e siècles, que l'Eglise dut préciser la signification de l'icône et l'ouvrage de Léonide Ouspensky est nourri des textes doctrinaux et conciliaires de cette époque. M. Ouspensky consacre à l'iconoclasme un chapitre succinct, mais qui a le mérite d'aller à ce qui était l'essentiel pour les antagonistes : leurs motivations religieuses. En effet l'iconoclasme semble s'expliquer en profondeur par une violente poussée de transcendantalisme sémitique, par des influences juives et musulmanes qui majoraient, dans la tradition orthodoxe, le sens de l'incognoscibilité divine au détriment du sens de la "Philanthropie" et de l'Incarnation. "L'argumentation des iconoclastes au sujet de l'impossibilité de représenter le Christ était un attachement pathétique à l'ineffable... " (p. 152). Mais l'iconoclasme fut aussi une réaction contre un culte parfois idolâtrique des images, contre la contamination de ce culte par la notion magique ou théurgique (au sens néo-platonicien du mot) qui voulait que l'image fût plus ou moins consubstantielle à son modèle : on arrivait ainsi à confondre l'icône et l'eucharistie, et certains prêtres mêlaient aux saints dons les parcelles d'icônes particulièrement vénérées. Ainsi s'opposaient dans l'Eglise les deux grandes conceptions non-chrétiennes du divin que seul peut concilier le dogme de Chalcédoine : d'une part le Dieu d'un Ancien Testament statique qui ne serait pas "préparation évangélique", un Dieu personnel mais enfermé dans sa Monade transcendante, un Dieu qu'on ne peut pas représenter parce qu'on ne saurait participer à sa sainteté ; de l'autre, le divin comme nature sacrée ou plutôt comme sacralité de la nature, l'omniprésence dont participe toute forme.
    L'Orthodoxie surmonta ces deux tentations opposées en affirmant le fondement christologique de l'image et sa valeur strictement personnelle (et non substantielle).
    Elle montra d'abord que l'image par excellence est, le Christ lui-même. Dans l'Ancien Testament, Dieu se révélait par la Parole ; on n'aurait donc pu sans blasphème le représenter. Mais l'interdiction de l'Exode (20, 4) et du Deutéronome (5,12-19) constitue comme la préfiguration "en creux" de l'Incarnation : elle écarte l'idole pour faire place au visage du Dieu fait homme. Car la Parole irreprésentable s'est faite chair représentable : "lorsque l'Invisible, écrit St. Jean Damascène, s'étant revêtu de la chair, apparut visible, alors représente la ressemblance de Celui qui s'est montré... " (P.G. 94,1239). Le Christ n'est pas seulement le Verbe de Dieu mais son Image. L'Incarnation fonde l'icône et l'icône prouve l'Incarnation. 
    Pour l'Eglise orthodoxe, la première et fondamentale icône est donc le visage du Christ. Comme le suggère Léonide Ouspensky, le Christ est par excellence l'Image "acheiropoiete", "non faite de main d'homme" : tel est le sens profond de la tradition reprise par la liturgie, selon laquelle le Seigneur imprima sur un linge sa Sainte Face. L. Ouspensky interprète d'une manière littérale les textes liturgiques racontant l'envoi par le Christ au roi d'Edesse d'une lettre et du voile (mandilion) sur lequel il aurait imprimé son visage. Ne vaudrait-il pas mieux, puisque la lettre à Agbar est manifestement un faux, dégager le sens symbolique de cet épisode, comme l'Eglise a su, par exemple, authentifier le témoignage, mais non l'historicité, des écrits aréopagitiques ? Disons alors que le souvenir historique du visage de Jésus fut précieusement gardé par l'Eglise, d'abord justement en Terre Sainte et dans les pays sémitiques qui l'entourent. C'est un fait que toutes les icônes du Christ donnent l'impression d'une ressemblance fondamentale. Non point ressemblance photographique, mais présence de la même personne, et d'une Personne divine qui se révèle à chacun d'une manière unique (certains Pères grecs, partant des récits évangéliques sur les apparitions du Ressuscité, ont souligné cette pluralité, dans l'unité, des aspects du Christ glorieux). La ressemblance, ici, est inséparable d'une rencontre, d'une communion : il y a une seule Sainte Face, dont l'Eglise a préservé la mémoire historique (renouvelée de génération en génération, par la vision des grands spirituels), et autant de Saintes Faces que d'iconographes (voire que de moments dans la vie mystique d'un iconographe). C'est que le visage humain de Dieu est inépuisable, et garde pour nous, comme l'a souligné Denys, un caractère apophatique : visage des visages et visage de l'Inaccessible...
    L. Ouspensky souligne, en multipliant de très belles reproductions, que l'image existe dès les premiers temps du christianisme, et que l'art des catacombes, qui est un art du signe, offre parfois, parallèlement à de purs symboles et à des représentations allégoriques, un incontestable souci de ressemblance personnelle. Toutefois la sainteté se trouve alors désignée par un langage conventionnel plutôt que symbolisée par l'expression artistique elle-même : c'est au IIIè et surtout au IVè siècle que débuta cette incorporation du contenu dans la forme, caractéristique de l'art proprement iconographique.
    Il serait passionnant, pour une histoire des significations, d'étudier dans quelle mesure cette évolution de l'art chrétien a coïncidé avec la transformation de l'art hellénistique en "art de l'éternel" au sens que Malraux donne à cette expression, et dans quelle mesure elle s'en est distinguée, car "l'art de l'éternel" impersonnalise alors que l'icône personnalise... 
    Si donc l'image qui appartient à la nature même du christianisme, et si l'icône par excellence est celle du Christ Image du Père, celui-ci, abîme inaccessible, ne peut être directement représenté : " Celui qui m'a vu a vu le Père" disait Jésus (Jean 14.9). Le 7e concile œcuménique et le grand concile de Moscou de 1666-1667 ont formellement interdit de représenter Dieu le Père. Quant au Saint-Esprit, il s'est montré colombe et langues de feu : c'est ainsi seulement qu'il sera peint. Ne pourrait-on pas dire aussi que la présence du Saint-Esprit est symbolisée par la lumière même de toute icône ?
    Rappelons enfin, bien que L. Ouspensky n'en parle pas, réservant sans doute ce thème pour le second tome de son ouvrage, que le "rythme" de la Trinité, sa diversité une, sont exprimés par la Philoxénie (l'hospitalité) d'Abraham recevant les trois anges, ces Trois dont Roublev a su peindre avec des couleurs qui semblent une nacre d'éternité, le mystérieux mouvement d'amour qui les identifie sans les confondre...
    Si l'interdiction de l'Ancien Testament a été levée par et pour le Christ, elle l'a été aussi pour sa Mère et pour ses amis, pour les membres de son Corps, pour tous ceux qui, dans le Saint-Esprit, participent à sa chair déifiée.
    Cependant, et pour couper court aux accusations et confusions des iconoclastes, comme aux abus de certains orthodoxes, l'Eglise a vigoureusement souligné que l'icône n'est pas consubstantielle à son prototype : l'icône du Christ ne fait pas double emploi avec l'eucharistie, elle inaugure la vision face à face. En représentant l'humanité déifiée de son prototype (ce qui implique un élément "portraitique" transfiguré mais ressemblant), c'est une personne, non une substance que l'icône fait surgir. Dans une perspective eschatologique, elle suggère le vrai visage de l'homme, son visage d'éternité, ce visage secret que Dieu contemple en nous et que notre vocation consiste à réaliser.
    S'il est possible à l'art humain de suggérer la chair sanctifiée du Christ et des siens, c'est que la matière même dont se sert l'iconographe a été secrètement sanctifiée par l'Incarnation. L'art des icônes utilise et, d'une certaine manière, manifeste cette sanctification de la matière. "Je n'adore pas la matière, écrivait St. Jean Damascène, mais j'adore le Créateur de la matière qui est devenu matière à cause de moi... et qui, par la matière, a fait mon salut" (P.G. 94, 1245).
    De toute évidence cependant la représentation de la lumière incréée qui transfigure un visage ne pourra être que symbolique. Mais c'est l'originalité irréductible de l'art chrétien que le symbole se mette au service du visage humain et serve à exprimer la plénitude de l'existence personnelle.
    Le mandala hindou ou tibétain, pour prendre un thème mis à la mode par la psychologie des profondeurs, est le symbole géométrique d'une résorption dans le centre. Ce qu'on pourrait appeler mandala orthodoxe, par exemple une nef carrée surmontée d'une coupole, a pour centre le Pantocrator, et nous unit à une présence personnelle...
    C'est pourquoi on ne saurait trop louer L. Ouspensky d'avoir mis en valeur les décisions iconographiques du Concile Quinisexte (692) qui ordonna de remplacer les symboles du premier art chrétien, particulièrement l'Agneau, par la représentation directe de ce qu'ils préfiguraient : le visage humain transfiguré par l'énergie divine, et d'abord le visage du Christ. Le Concile Quinisexte met triomphalement fin à la préhistoire de l'art chrétien, préhistoire qui a révélé le sens christique de tous les symboles sacrés de l'humanité, "figures et ombres... ébauches données en vue de l'Eglise". Le véritable symbolisme de l'art chrétien apparaît désormais comme le mode de représenter la personne humaine dans la perspective du Royaume. 
    C'est pourquoi comme le montre, textes en main, L. Ouspensky, le symbolisme d'icône se fonde sur l'expérience de la mystique orthodoxe comme "appropriation" personnelle du Corps glorieux (appropriation par grâce participée, c'est-à-dire par désappropriation de tout égocentrisme). Les yeux immenses, d'une douceur sans éclat, les oreilles réduites, comme intériorisées, les lèvres fines et pures, la sagesse du front dilaté, tout indique un être pacifié, illuminé par la grâce. Signalons à ce propos un texte de Palamas, récemment traduit par Jean Meyendorff. L. Ouspensky ne le cite pas, mais il pourrait sans difficulté l'ajouter à son dossier de citations ascétiques : "il faut donc offrir à Dieu la partie passionnée de l'âme, vivante et agissante, afin qu'elle soit un sacrifice vivant ; l'Apôtre l'a dit même de nos corps : je vous exhorte, dit-il en effet, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu (Rom. 12.1). Comment notre corps vivant peut-il être offert comme un sacrifice agréable à Dieu ? Lorsque nos yeux ont le regard doux, selon ce qui est écrit : Celui qui a le regard doux sera gracié (Prov. 12.13), lorsqu'ils nous attirent et nous transmettent la miséricorde d'en haut, lorsque nos oreilles sont attentives aux enseignements divins, non pas seulement pour les entendre, mais, comme le dit David, "pour se souvenir des commandements de Dieu afin de les accomplir" (Ps 102 (103), 18), lorsque notre langue, nos mains et nos pieds sont au service de la volonté divine" (Triades Louvain 1959, p. 364.)
    Il serait particulièrement important de comparer cette expression iconographique de la transfiguration des sens avec les lakshanas de l'art bouddhique, qui désignent eux aussi par une déformation des organes sensoriels, l'état de "délivrance". Une analyse des ressemblances et des différences serait très significative. Bornons-nous à quelques suggestions : dans l'icône, le symbole est au service du visage, il exprime l'accomplissement du visage humain par la rencontre et la communion, il suggère une intériorité où la transcendance se donne sans cesser d'être inaccessible. Dans l'art bouddhique, le visage s'identifie au symbole, il s'abolit comme visage humain en devenant symbole d'une intériorité où il n'y a plus ni soi ni l'Autre mais un indicible rien. Dans les deux cas, le visage est nimbé : mais le visage chrétien est dans la lumière comme le fer dans le feu, le visage bouddhiste devient sphérique, se dilate, s'identifie à la sphère lumineuse que le nimbe symbolise. Dans l'icône, le traitement des sens suggère leur transfiguration par la grâce. Les lakshanas au contraire symbolisent des pouvoirs de clairvoyance et de clairaudience par l'agrandissement démesuré des organes des sens, les oreilles par exemple. Enfin le visage chrétien regarde et accueille, tandis que le non-visage bouddhiste, les yeux clos, se recueille.
    Ce souci chrétien d'accueil, de communion, explique que les saints, sur les icônes, soient presque toujours représentés de face : ouverts à celui qui les regarde, ils l'entraînent dans la prière, car ils sont eux-mêmes prière, et l'icône le montre. La lumière et la paix pénètrent et ordonnent leurs attitudes, leurs vêtements, l'ambiance qui les entoure. Autour d'eux les animaux, les plantes, les rochers sont stylisés selon leur essence paradisiaque. Les architectures deviennent un jeu surréaliste, défi évangélique au pesant sérieux de ce monde, à la fausse sécurité des architectures de la terre...
    Le mot d'abstraction ne vient jamais sous la plume de L.Ouspensky, mais on ne peut pas ne pas y songer lorsqu'il parle de symbolisme ou de stylisation. Il y a dans l'icône une abstraction qui conduit à une figuration plus haute, une abstraction qui est mort à ce monde et qui permet l'entre-vision du monde à venir. L'icône abstrait selon le Logos créateur et re-créateur de l'univers et non selon le logos individuel, déchu, finalement destructeur... L'abstraction de l'icône est la croix de notre regard charnel. Son réalisme est thaborique et eschatologique : il annonce et déjà manifeste la seule réalité définitive, celle du Royaume.
    La lumière de l'icône symbolise la lumière divine et la théologie de l'icône apparaît inséparable de la distinction en Dieu de l'essence et des énergies : c'est l'énergie divine, la lumière incréée que l'icône nous suggère. Dans une icône, la lumière ne provient pas d'un foyer précis, car la Jérusalem céleste, dit l'Apocalypse, "n'a pas besoin du soleil et de la lune, c'est la gloire de Dieu qui l'illumine" (Apoc. 21,23). Elle est partout, en tout, sans projeter d'ombre : elle nous montre que dans le Royaume Dieu lui-même se fait pour nous lumière. De fait note L. Ouspensky, c'est le fond même de l'icône que les iconographes nomment "lumière".
    L'auteur a des lignes remarquables sur la perspective "inverse" ou "renversée" : dans la plupart des icônes, les lignes ne convergent pas vers un "point de fuite ", signe de l'espace déchu qui sépare et emprisonne, elles se dilatent dans la lumière "de gloire en gloire". Ne pourrait-on pas parler ici d'épectase iconographique, l'épectase désignant justement, chez St. Grégoire de Nysse, cette dilatation infinie dans la lumière du Royaume ?
    on comprend que l'exercice d'un tel art constitue un ministère charismatique. L'Eglise orthodoxe vénère des "saints iconographes" que L. Ouspensky rapproche des "hommes apostoliques" dont St. Syméon le Nouveau Théologien reste le principal porte-parole. "L'homme apostolique" est celui qui reçoit les grâces personnelles promises par le Christ aux apôtres : non seulement il guérit les âmes et les corps et discerne les esprits, mais, comme St. Paul, il entend des paroles ineffables, comme St. Jean il a mission de dire ce qu'il a vu (Apocalypse, on le sait, signifie Révélation). De même le "saint iconographe" entrevoit réellement le Royaume et peint ce qu'il a entrevu. Chaque iconographe qui peint "selon la tradition" participe à cette contemplation exceptionnelle, à la fois par l'expérience liturgique et par la communion des saints. C'est pourquoi le peintre d'icône ne peint pas de manière subjective, individuelle psychologique, mais selon la tradition et la vision. La peinture est pour lui inséparable de la foi, de la vie dans l'Eglise, d'un effort ascétique personnel.
    Les Pères ont beaucoup insisté sur la valeur pédagogique de l'icône. De fait, comme le montre L. Ouspensky toute l'histoire du dogme s'inscrit dans l'iconographie. Pourtant la valeur de l'icône n'est pas seulement pédagogique, elle est mystérique. La grâce divine repose dans l'icône. C'est là le point essentiel, le plus mystérieux aussi de sa théologie : la "ressemblance" au prototype et son "nom" font la sainteté objective de l'image. "L'icône, écrit St.Jean Damascène, est sanctifiée par le nom de Dieu et par le nom des amis de Dieu, c'est-à-dire les saints, et c'est pourquoi elle reçoit la grâce de l'Esprit divin" (P.G. 94,1300). L. Ouspensky se borne à poser cette affirmation essentielle, il n'en cherche pas, du moins pas encore, les fondements. Il faudrait rappeler ici, pour reprendre une suggestion de M. Evdokimov, toute la conception biblique du Nom comme présence personnelle, conception que sous-entend aussi l'invocation hésychaste du Nom de Jésus (que l'on songe à la puissance de ce Nom dans le Livre des Actes. L'icône nomme par la forme et par les couleurs, elle est un nom représenté : c'est pourquoi elle nous rend présent un prototype dont la sainteté est communion, c'est-à-dire présence offerte, intercédante... Comme le nom, l'icône est le moyen d'une rencontre qui nous fait participer à la sainteté de celui que nous rencontrons c'est-à-dire en définitive à la sainteté du "Seul Saint".
    L. Ouspensky nous offre aussi un important chapitre sur le "symbolisme de l'église". Une église toute entière, en effet, doit constituer une icône du Royaume. Selon les antiques Institutions apostoliques, elle doit être orientée (car l'Orient symbolise le lever du jour éternel et le chrétien, dit St. Basile, doit toujours, où qu'il prie, se tourner vers l'Orient), elle doit évoquer un navire (car elle est, sur les eaux de la mort, l'arche de la Résurrection), elle doit avoir trois portes pour suggérer la Trinité, principe de toute sa vie. L'autel se trouve dans l'abside orientale, légèrement surélevée, symbole de la Montagne sainte, de la Chambre haute, et nommée par excellence, le "sanctuaire". L'autel figure le Christ lui-même (Denys l'Aréopagite), le "cœur" du Christ dont l'église représente le corps (Nicolas Cabasilas). Il est peut-être regrettable, à ce propos, que L.Ouspensky n'ait pas utilisé, pour étudier le symbolisme du sanctuaire, la "Vie en Christ" de Cabasilas, et les études correspondantes de Madame Lot-Borodine... L'autel est le cœur de tout l'édifice, il l'aimante et le sanctifie. Le "sanctuaire" qui l'entoure, réservé au clergé, est parfois assimilé au "saint des saints" du Tabernacle et du Temple de l'Ancienne Alliance. C'est le "ciel des cieux" (St. Syméon de Thessalonique), "le lieu où le Christ, roi de toutes choses, trône avec les apôtres" (St. Germain de Constantinople), comme, à son image, l'évêque avec son "presbyterium".
    Navire eschatologique, la "nef", surmontée souvent d'une coupole, représente la nouvelle création, l'univers réuni en Christ à son créateur, comme la nef s'unit au sanctuaire : "le sanctuaire, écrit St. Maxime le Confesseur, éclaire et dirige la nef et cette dernière devient ainsi son expression visible. Une telle relation restaure l'ordre normal de l'univers, renversé par la chute de l'homme ; elle rétablit donc ce qui était au Paradis et sera dans le Royaume de Dieu" (P.G. 91-872). on pourrait demander si l'union de la coupole et du carré ne reprend pas, en mode vertical, cette descente du ciel sur la terre, ce mystère théandrique de l'Eglise...
    L. Ouspensky ne pose pas le problème de l'iconostase, se réservant sans doute d'y revenir dans la seconde partie, encore inédite, de son ouvrage. on sait que le sanctuaire ne fut séparé de la nef, jusqu'à la fin du moyen-âge que par un chancel très bas, une sorte de balustrade au milieu de laquelle se dressait, précédant l'autel, l'arc triomphal, véritable porte de la vie devant laquelle les fidèles reçoivent la communion (ce sont aujourd'hui nos "portes royales"). Mais, à partir des XVe et XVIe siècles, à mesure que l'Orthodoxie, dans un monde sécularisé, se refermait sur son sens du mystère, le chancel a été remplacé par une haute cloison couverte d'icônes : l'iconostase. Les peintures de l'iconostase représentent l'Eglise totale, une à travers les temps comme à travers les espaces spirituels. Les anges, les apôtres, les martyrs, les Pères et tous les saints s'ordonnent de part et d'autre d'une composition centrale qui surmonte les Portes royales, la Déisis (intercession) représentant la Vierge et le Baptiste intercédant de part et d'autre du Christ en majesté.
    Fresques et mosaïques recouvrent normalement presque tout l'intérieur de l'église. Si L. Ouspensky ne parle pas de l'iconostase, il nous énumère les principaux thèmes de cette décoration murale. On est frappé de leur profondeur théologique qui donne un caractère organique au symbolisme global de l'édifice. Dans l'abside du sanctuaire, c'est tout le mystère de l'eucharistie, "sacrement des sacrements": en bas, la communion des apôtres qui évoque le mémorial ; sur la voûte la Pentecôte, évoquant la réponse divine à l'épiclèse ; entre les deux, la Vierge en orante, figure de l'Eglise (ses bras sont levés comme ceux du prêtre), désignant le Christ, notre Grand Prêtre lui-même sacrifice et sacrificateur... La décoration de la nef récapitule l'unité théandrique de l'Eglise : au centre de la coupole, le Pantocrator, source du ciel de gloire qui descend pour tout envelopper, tout bénir et transfigurer. Il est entouré des prophètes et des apôtres. Aux quatre angles du carré portant la coupole, les quatre évangélistes. Sur les colonnes, les hommes-colonnes : martyrs, saints évêques, "hommes apostoliques". Sur les murs, les grands moments de l'Evangile.
    L'iconographie orthodoxe a connu une tardive mais profonde décadence, en Russie dès le XVIIe siècle, en Grèce au XIXe. L. Ouspensky vitupère, avec une violence purifiante, le fatras d'images médiocres qui encombrent trop souvent les églises orthodoxes et dont la plupart constituent, sous l'étiquette icônes "de goût italien", de navrants sous-produits de ce qu'il y a de plus contestable dans l'art religieux de l'Occident moderne. (A propos de cet art, on pourrait remarquer, non sans malice, que L.Ouspensky a choisi comme repoussoir aux icônes qu'il reproduit, les plus fades productions du "maniérisme" italien et espagnol. C'est peut-être d'une bonne pédagogie pour dégager la spécificité de l'art sacré orthodoxe. Ce n'est sûrement pas une approche valable pour évaluer d'un point de vue orthodoxe l'art occidental, sacré ou "profane", évaluation urgente et qui reste à faire).
    Reste qu'il ne s'agit pas de goût mais de foi. C'est pourquoi il faut remercier L. Ouspensky d'avoir si vigoureusement précisé les fondements théologiques et liturgiques de l'icône orthodoxe. Cet article ne voudrait être rien d'autre qu'un témoignage de gratitude et surtout une invitation au lecteur : quiconque aime les icônes non en esthète mais en homme de prière, doit avoir lu ce livre, qui est un grand livre.

    In Revue "Contacts" N° spécial " L'Icône " N°32, 1960

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    Message  Arlitto Ven 20 Nov 2020 - 16:01

    CANONS DU 6ème CONCILE IN TRULLO


    Canons des 165 saints pères réunis à Constantinople dans la salle de la Coupole, du palais impérial sous Justinien, notre très pieux empereur aimé du Christ.
    Adresse des saints pères réunis à Constantinople dans la salle de la Coupole à Justinien le très pieux empereur.
    Au très pieux empereur Justinien aimé du Christ, le saint concile œcuménique réuni sur la divine initiative et par décret de votre très pieux pouvoir en cette ville impériale gardée de Dieu.

    Maintenant que l'ineffable et divine Grâce de notre rédempteur et sauveur Jésus-Christ a conquis toute la terre, et la prédication vivifiante de la vérité fut semée dans toutes les oreilles, le peuple assis dans les ténèbres de l'ignorance a vu la grande lumière de la connaissance et fut délivré des chaînes de l'erreur, échangeant le royaume des cieux contre l'antique esclavage tandis que celui qui fut dépouillé de la beauté de la splendeur première à cause de son orgueil, le premier dragon, la Grande intelligence, l'Assyrien, est vaincu par ses anciens prisonniers et perd toute vigueur grâce à la puissance du verbe fait chair, selon ce qui est écrit : " Les glaives de l'ennemi vinrent à manquer totalement ". En effet, partout un culte rationnel est institué, l'offrande parfaite est présentée, et Dieu S'offrant en sacrifice et distribué pour le bien des corps et des âmes, divinise les participants ; par suite de quoi les démons sont mis en fuite et l'assemblée sacrée des hommes réunis dans les églises se sanctifie mystiquement, et le paradis de la joie pure est ouvert à tous, et, en un mot, toute la création est rénovée. Mais comme le diable, l'assassin du genre humain, qui s'est jadis élevé contre le Seigneur tout-puissant et conçut et enfanta la douleur de la rébellion, ne souffrant pas de nous voir nous relever de la chute de la désobéissance et nous envoler vers les cieux grâce à notre premier-né, le Christ, qui s'est donné lui-même pour nous comme rançon, ne cesse de lancer les traits du mal et de blesser les fidèles avec les passions, afin qu'ils perdent le don qui leur fut fait d'être sous la conduite de l'Esprit, d'être honorés de sa présence et d'avoir sa Grâce ; Dieu aussi, qui dans sa Bonté nous accordera la couronne et nous conduit Lui-même vers le salut, ne nous a pas abandonnés sans secours, faisant surgir contre lui à chaque génération les hommes qui se rangèrent dans l'arène de cette vie armés des armes de la vraie foi et lui firent la guerre ; ils ont brandi l'épée de l'Esprit, c'est-à-dire la parole de Dieu, et livrant ainsi le combat contre le malin, ils l'ont dépouillé de son empire tyrannique sur nous ; pasteurs des troupeaux, rendant droites les voies du Seigneur pour les peuples, afin que ceux-ci ne soient point poussés par l'ignorance du bien vers les précipices de l'iniquité et n'y glissent imperceptiblement, il fallait en effet que Celui qui nous a fait le don d'être et transforma par la grandeur de sa Condescendance et de son Humilité notre race et la rappela à Lui et l'éleva vers Lui, nous montrât aussi le sentier menant au mieux être par l'intermédiaire des docteurs et lumières de l'Eglise, qui illuminent notre démarche vers Dieu et nous exhortent à vivre selon l'Evangile, puisque leur vie, selon la parole de l'apôtre, " fut une vie céleste ".

    Pour nous aussi, qui passons notre vie dans une trop grande nonchalance et nous sommes endormis dans la paresse de nos pensées, au point que l'ennemi nous guettant au tournant du chemin nous a surpris sans garde et, nous dérobant insensiblement notre vertu, nous l'a échangée contre le vice, le Christ notre Dieu, le commandant de cet immense navire qu'est l'univers entier, a fait surgir vous, notre sage capitaine, notre pieux empereur, pour être notre vrai protecteur, qui nous dispense la parole en prudence, garde la vérité pour toujours, rend jugement et justice sur terre et marche dans une voie sans reproche. La sagesse vous a porté dans son sein et vous a mis au monde bien orné de vertus, vous a élevé et formé et rempli du divin esprit, faisant ainsi de vous l'œil de la terre habitée, pour illuminer splendidement le peuple soumis à votre empire par la limpidité et l'éclat de votre intelligence ; c'est à vous qu'elle a confié son Eglise, vous qu'elle a enseigné de méditer jour et nuit sa loi pour instruire et édifier les peuples soumis à votre pouvoir. Vous qui, surpassant le zélé Phinéès par l'ardeur de votre élan vers Dieu et déracinant le péché par la puissance de votre piété et votre prudence, vous êtes proposé d'arracher aussi votre troupeau du vice et de la corruption. Il convenait en effet que celui qui tient en ses mains le gouvernail du genre humain remis dans le sillage céleste, ne pensât pas qu'à lui et au gouvernement de sa vie, mais à sauver ses administrés aussi de la tempête et du grand tourbillon de leurs fautes, au moment où les souffles du Malin nous assaillent de partout et secouent violemment notre corps humilié.

    Or, comme les deux saints conciles œcuméniques, réunis dans cette ville impériale gardée de Dieu, l'une au temps de Justinien, mort dans le Seigneur, l'autre sous Constantin de pieuse mémoire feu notre empereur, père de votre mansuétude, ayant exposé par décret conciliaire le mystère de notre foi, n'ont point écrit des canons disciplinaires, à l'exemple des quatre autres saints conciles œcuméniques, canons grâce auxquels les peuples se détourneraient d'une conduite mauvaise et basse pour embrasser une vie meilleure et plus élevée ; il en résulta que la nation sainte, le sacerdoce royal, pour laquelle le Christ est mort, tiraillée par de nombreuses passions désordonnées et entraînée sournoisement par elles, se détachant peu à peu du bercail et divisé en elle-même, glissant par suite de l'ignorance et de l'oubli loin des œuvres de vertu, et, pour employer l'expression de l'apôtre, " foulant aux pieds le Fils de Dieu et considérant comme une chose vile le sang du testament nouveau qui la sanctifia, insulta de la sorte à la Grâce de l'Esprit ". Cette nation sainte, désireux de la rassembler comme un peuple de choix, à l'imitation du Christ le pasteur, recherchant par les monts la brebis égarée, pour la remettre dans son bercail et l'amener à garder les commandements et les divins préceptes, grâce auxquels nous nous éloignons des œuvres de mort et recouvrons la vie ; après avoir discuté en vous-même tous les moyens de salut, cherchant Dieu selon la parole de l'écriture : " celui qui cherche le Seigneur trouvera savoir et justice, et ceux qui le cherchent avec rectitude trouveront la paix ", vous avez décidé de réunir ce saint concile œcuménique choisi de Dieu, afin que le commun accord et l'entente du grand nombre vous fasse réussir à souhait ce que vous désirez ; et si quelque vestige de l'audace païenne ou judaïque était mêlé au blé mûr de la vérité, qu'il soit extirpé comme la zizanie avec la racine et que l'aire de l'Eglise en soit nettoyée. Car, " là où deux ou trois sont réunis en mon Nom, Je suis au milieu d'eux ", dit la voix du Seigneur ; et Il nous clame par le prophète Jérémie : " recherchez-Moi de tout votre cœur et je Me montrerai à vous ".

    Nous étant donc réunis dans ce but sur l'ordre de votre piété en cette ville impériale gardée de Dieu, nous avons écrit des saints canons. Et nous prions votre piété, dans les termes mêmes dont se servirent les pères réunis jadis en cette ville gardée de Dieu sous notre feu empereur Théodose de sainte mémoire, que par votre pieuse signature vous couronniez le terme de nos décisions, de même que vous avez honoré l'Eglise par la convocation du concile.

    Et que le Seigneur garde votre règne dans la paix et la justice, le continue de génération en génération et ajoute à votre empire terrestre la jouissance du royaume des cieux.
    1.- Décret de garder sans innovation ni altération la foi transmise par les saints conciles œcuméniques.
    L'ordre parfait, c'est de commencer au début de tout discours ou action par Dieu et de terminer en Dieu, selon le mot de saint Grégoire le Théologien. C'est pourquoi, en ce temps où nous prêchons ouvertement la vraie religion et où l'Eglise fondée dans le Christ grandit et progresse sans cesse au point de s'élever au dessus des cèdres du Liban, nous aussi en commençant avec la Grâce de Dieu nos saints discours, nous ordonnons de garder sans innovations et invulnérable la foi qui nous a été transmise par les apôtres choisis de Dieu, qui ont vu et servi le Verbe.

    De même que celle des trois cent dix-huit saints et bienheureux pères, qui se sont réunis à Nicée sous le règne de Constantin feu notre empereur contre l'impie Arius et l'hétérothéisme ou pour mieux dire le polythéisme qu'il a enseigné ils nous ont révélé et exposé clairement dans l'unanimité de leur profession de foi la consubstantialité des trois hypostases de ta nature divine : ils n'ont pas permis qu'elle soit cachée sous le boisseau de l'ignorance, mais ont enseigné ouvertement les fidèles à adorer dans une unique adoration le Père et le Fils et le saint Esprit ; ils ont démoli et mis en pièces la croyance à l'inégalité des degrés dans la divinité et jeté à terre et reversé les jouets enfantins faits de sable par les hérétiques contre la vraie foi.

    Nous affirmons de même la foi proclamée sous le règne du grand Théodose feu notre empereur par les cent cinquante saints pères rassemblés en cette cité impériale, embrassant leurs déclarations sur la théologie du saint Esprit et rejetant avec les ennemis antérieurs de la vérité le sacrilège Macedonius, parce qu'il a osé effrontément prendre le maître pour un esclave et préféré comme un bandit déchirer l'indivisible Trinité, en sorte que le mystère de notre espérance eût été incomplet ; nous condamnons avec cet homme détestable, enragé contre la vérité, Apollinaire, le maître d'iniquité, qui expectora l'opinion impie que le Seigneur assuma un corps sans intelligence, déduisant par là, lui aussi, que notre salut est resté incomplet.

    Nous sanctionnons de même, comme un rempart inébranlable de la vraie religion, les enseignements édictés par les deux cents pères inspirés de Dieu, réunis la première fois dans la ville d'Ephèse sous Théodose, feu notre empereur, fils d'Arcadius, proclamant un seul Christ Fils de Dieu et fait chair, et croyant la Vierge toute pure qui L'a engendré sans la coopération d'un homme, vraiment et à proprement parler Mère de Dieu, et pourchassons comme étant bien éloignée de la réalité divine la radoteuse division des natures de Nestorius, qui proclamait dans l'unique Christ un homme distinct et un Dieu distinct, renouvelant par la l'impiété judaïque.

    Nous confirmons aussi la foi gravée en toute orthodoxie par les six cent trente pères choisis de Dieu, dans la métropole de Chalcédoine sous Marcien feu notre empereur, foi qui apprit aux confins de la terre que l'unique Christ, le Fils de Dieu, est composé de deux natures et est glorifié dans ces mêmes deux natures ; elle a exilé de l'enceinte sacrée de l'Eglise, comme une horreur et une souillure le vain Eutychès, qui avait déclaré que le grand mystère de l'incarnation n'a eu lieu qu'en apparence, et avec lui Nestorius et Dioscore, instigateurs et défenseurs l'un, de la division, l'autre, de la confusion des natures, qui venant de directions opposées sont tombés dans le même précipice de la perdition et de l'athéisme.

    Mais nous connaissons aussi et enseignons à nos successeurs comme proférées par le saint Esprit, les pieuses voix des cent soixante cinq pères inspirés de Dieu, qui se sont rassemblés dans cette ville impériale sous Justinien de pieuse mémoire feu notre empereur ; ils ont voué par décret conciliaire à l'anathème et à l'abomination Théodore de Mopsueste, le maître de Nestorius, Origène et Didyme et Evagre qui ont réinventé les mythologies païennes et remis en honneur dans le délire et les rêveries de leurs esprits des renaissances périodiques et des transformations de certains corps et certaines âmes et se sont fourvoyés dans la croyance impie du retour des morts à la vie ; les écrits de Théodoret contre la vraie foi et contre les douze chapitres du bienheureux Cyrille, de même que la lettre dite d'lbas.

    Nous confessons aussi de nouveau de garder inattaquable la foi du sixième saint concile, qui fut réuni récemment sous Constantin de sainte mémoire feu notre empereur en cette ville impériale, et reçut plus d'autorité du fait que le pieux empereur avait assuré à perpétuité l'authenticité de ses actes, en apposant à leurs volumes son cachet impérial ; il a déclaré que nous devons croire en toute piété aux deux vouloirs naturels ou volontés et aux deux opérations naturelles dans l'incarnation de l'unique notre Seigneur Jésus-Christ, et a condamné par un vote plein de religion ceux qui ont falsifié le vrai dogme de la vérité et ont enseigné aux peuples une volonté et une opération dans l'unique Seigneur Jésus-Christ notre Dieu, nous voulons dire Théodore de Pharan, Cyrus d'Alexandrie, Honorius de Rome, Serge, Pyrrhus, Paul et Pierre, anciens évêques de cette ville gardée de Dieu, Macaire qui fut évêque de la ville d'Antioche, Etienne son disciple et l'insensé Polychrone ; il a gardé par là intacte la doctrine d'un corps connaturel au nôtre du Christ notre Dieu.

    En un mot, nous édictons que la foi de tous les hommes, qui se sont distingués dans l'Eglise de Dieu, qui sont devenus des lumières dans le monde, dispensant la parole de vie, demeure certaine et immuable jusqu'à la consommation des siècles, de même que leurs écrits et enseignements inspirés de Dieu nous rejetons et anathématisons ceux qu'ils ont rejetés et anathématisés comme ennemis de la vérité, qui se sont élevés pleins de vaine arrogance contre Dieu et ont médité une injustice extrême.

    Si jamais quelqu'un ne garde pas et n'embrasse pas les dogmes déjà énumérés de la vraie foi, et ne croit pas et n'enseigne pas ainsi, mais tente d'aller à leur encontre, qu'il soit anathème conformément à la décision déjà édictée par les prédits saints et bienheureux pères, et qu'il soit expulsé et rejeté de la communauté chrétienne, comme un étranger qu'il est : car nous, nous affirmons de toutes les manières que nous pouvons, qu'en aucune façon on ne doive rien ajouter ou enlever à ce qui a été jusqu'ici défini.
    2.- Confirmation des ordonnances apostoliques, de la tradition des pères et des Conciles précédents.
    Ce saint concile a pris aussi la décision très belle et très importante, que resteront désormais sûrs et confirmés pour le salut des âmes et la guérison des passions les 85 canons reçus et confirmés par les saints et bienheureux pères qui nous ont précédé, et transmis à nous aussi sous le nom des saints et glorieux apôtres. Mais comme dans ces canons il nous est ordonné de recevoir aussi les constitutions des mêmes saints apôtres rédigées par Clément, dans lesquelles jadis les hérétiques ont interpolé au dam de l'Eglise des choses fausses et étrangères à la vraie foi, qui ont terni la noble beauté des vérités divines, nous avons décidé de rejeter, comme il convenait de le faire, ces mêmes Constitutions pour l'édification et la sécurité du peuple très chrétien, en désapprouvant absolument les élucubrations des mensonges hérétiques et nous appuyant sur le pur et complet enseignement des apôtres.

    Nous confirmons aussi tous les autres saints canons, qu'édictèrent nos saints et bienheureux pères, c'est-à-dire, les trois cent dix huit saints pères réunis à Nicée, ceux d'Ancyre, de plus ceux de Néocésarée, de même ceux de Gangres, de plus ceux d'Antioche de Syrie, et aussi ceux de Laodicée de Phrygie ; de plus, les cent cinquante pères, qui se sont réunis dans cette ville impériale gardée de Dieu et les deux cents, rassemblés la première fois à Ephèse, et les six cent trente saints et bienheureux pères de Chalcédoine : de même ceux de Sardique, de plus ceux de Carthage, et aussi ceux qui de nouveau se sont réunis dans cette ville impériale gardée de Dieu sous Nectaire évêque de cette ville impériale et Théophile feu l'archevêque d'Alexandre.

    Mais aussi les canons de Denys qui fut archevêque de la grande ville d'Alexandre et de Pierre qui fut archevêque d'Alexandrie et martyr, de Grégoire le thaumaturge, qui fut évêque de Néocésarée, d'Athanase archevêque d'Alexandre, de Basile archevêque de Césarée en Cappadoce, de Grégoire évêque de Nysse, de Grégoire le Théologien, d'Amphiloque d'Iconium, de Timothée le premier qui fut archevêque d'Alexandre, de Théophile archevêque de la même grande ville d'Alexandrie, de Cyrille archevêque de la même Alexandrie et de Gennade qui fut patriarche de cette ville impériale gardée de Dieu : de plus, le canon édicté par Cyprien, qui fut archevêque du pays de l'Afrique, et par son synode, canon qui resta en vigueur selon la tradition dans les territoires seuls de ces évêques. Il n'est permis à personne de falsifier les canons énumérés plus haut, ou de les déclarer nuls ou d'admettre d'autres canons que ceux-là, composés en contrefaçon par ceux qui ont essayé d'exploiter la vérité. Si quelqu'un est convaincu d'innover à propos de quelque canon ou d'essayer de le tourner, il aura à répondre de ce même canon, soumis à la peine que ce canon impose et guéri par ce canon même contre lequel il a péché. 

    Des prêtres et des clercs


    3.- De la place dans le sanctuaire des prêtres qui ont contracté un second mariage ou se sont mariés après l'ordination et de ceux qui ont épousé une veuve ou une épouse renvoyée. 
    Comme notre pieux empereur aimé du Christ demanda dans son allocution à ce saint et œcuménique concile qu'il rende tous ceux, qui sont inscrits dans les rangs du clergé et par le canal desquels passent aux hommes les grâces des sacrements, purs et irréprochables ministres, dignes du sacrifice spirituel du grand Dieu, victime et pontife en même temps, et qu'il les purifie des souillures de leurs mariages illicites comme d'autre part ceux de la très sainte Eglise romaine se proposent de suivre la très sévère discipline, et ceux du siège de cette ville impériale gardée de Dieu la règle de l'humanité et de la condescendance, nous avons fondu les deux tendances en une seule, afin que la mansuétude ne dégénère pas en dissolution ni l'austérité en amertume, ayant en vue surtout la faute par ignorance, qui atteint une multitude non négligeable d'hommes nous décidons que les clercs qui se sont laissés aller a des secondes noces et, esclaves du péché, n'ont pas voulu s'en relever jusqu'au quinze du mois de janvier écoulé de la quatrième indiction commencée de l'année six mille cent quatre vingt dix-neuf soient condamnés a la déposition canonique.

    Tandis que ceux qui sont tombés dans cette souillure des secondes noces, mais ont reconnu leur intérêt spirituel avant notre réunion et ont éloigné de leur personne le mal, en rompant cette union étrange et illégitime, ou bien ceux dont les conjointes dans les secondes noces sont déjà mortes, ou bien ceux qui ont eux-mêmes pourvu à leur retour à Dieu, se remettant à la pratique de la chasteté et se hâtant de ne plus penser à leurs iniquités passées ; si ces clercs sont des prêtres ou des diacres ou des sous-diacres, ceux-là il fut décidé qu'ils soient démis de toute fonction sacerdotale, de toute activité, après avoir fait pénitence un temps déterminé, ils auront cependant part aux honneurs du siège et de la place occupés par ceux de leur rang, se contentant de cette préséance et implorant du Seigneur le pardon de l'iniquité commise par ignorance : il serait en effet déraisonnable de bénir un autre, lorsqu'on a à panser ses propres blessures.

    Ceux qui n'ont eu qu'une épouse, mais leur conjointe était une veuve, de même que ceux qui après l'ordination ont contracté un mariage illégitime, prêtres, diacres et sous-diacres, après un bref temps de suspense des fonctions sacrées et de pénitence, seront de nouveau rendus à leur propre grade, sans pouvoir avancer à un grade supérieur, le mariage illicite étant évidemment dissous.

    De par notre autorité épiscopale nous avons formulé ces règles à propos de ceux qui ont été surpris dans les seules fautes mentionnées au-dessus jusqu'au quinze janvier, disions-nous, de la quatrième indiction, et nous ordonnons dès ce jour et renouvelons le canon qui dit : " Celui qui après le baptême s'est marié deux fois, ou bien a eu une concubine, ne pourra être évêque, ni prêtre, ni diacre, ni même faire partie du clergé " ; de même " celui qui a épousé une veuve, ou une femme renvoyée par son mari, ou une courtisane ou une esclave ou une comédienne, ne pourra être évêque, ni prêtre, ni diacre, ni même faire partie du clergé ". 


    4.- De la peine canonique de celui qui abuse d'une femme consacrée à Dieu.
    Si un évêque ou un prêtre ou un diacre ou un sous-diacre ou un lecteur ou un préchantre ou un portier a eu un commerce charnel avec une femme vouée à Dieu, qu'il soit déposé, car il a séduit l'épouse du Christ : si c'est un laïc, qu'il soit excommunié. 

    5.- Qu'aucun clerc supérieur ne doit cohabiter avec une servante.
    Qu'aucun de ceux qui sont inscrits dans l'ordre du clergé supérieur et qui n'habite pas avec les personnes non suspectes vivant sous une règle, n'ait chez lui une femme ou une servante, gardant par là sa réputation inattaquable ; si cependant quelqu'un enfreignait ce que nous ordonnons, qu'il soit déposé. Les eunuques doivent observer la même règle, pourvoyant à leur renom sans reproche ; s'ils l'enfreignent, étant clercs, ils seront déposés, laïcs, ils seront excommuniés. 

    6.- Qu'il n'est pas permis aux prêtres et aux diacres de contracter mariage après leur ordination.
    Comme il est dit dans les Canons apostoliques, que " seuls parmi les célibataires promus dans les rangs du clergé, les lecteurs et les préchantres peuvent se marier, nous aussi, observant cette prescription, nous ordonnons qu'à partir de maintenant aucun sous-diacre ni diacre ni prêtre n'a point le droit, une fois l'ordination reçue, de contracter mariage ; s'il ose le faire, qu'il soit déposé. Si quelqu'un de ceux qui s'engagent dans le clergé veut s'unir à une femme par les liens d'un mariage légitime, qu'il le fasse avant son ordination au sous-diaconat ou au diaconat ou à la prêtrise. 

    7.- Que le diacre ne doit pas s'asseoir avant le prêtre.

    Comme nous avons appris que dans certains Eglises il se trouve des diacres, occupant des charges administratives, qui, devenus par là arrogants et prétentieux, prennent place avant les prêtres, nous ordonnons qu'un diacre, quelle que soit la dignité ou charge ecclésiastique qu'il occupe, ne s'assoie avant le prêtre ; sauf si représentant la personne de son propre patriarche ou métropolitain, il n'arrive dans une autre ville épiscopale pour traiter une affaire : il aura alors les honneurs dus à celui qu'il remplace. Si quelqu'un ose faire cela, usant d'arrogance tyrannique, un tel sera destitué de son rang et occupera la dernière place dans l'ordre dont il fait partie dans son Eglise car notre Seigneur nous exhorte à ne pas nous réjouir des premières places, selon l'enseignement de notre Seigneur et Dieu lui-même dans l'Evangile de saint Luc ; observant en effet comme les invités recherchaient les premières places, il leur dit une parabole en ces termes : " Lorsqu'on vous invitera à des noces, ne vous mettez pas à la première place, de peur qu'il ne se trouve parmi les convives un personnage plus considérable que vous, et que celui qui vous a invités, vous et lui, ne vienne vous dire : cédez la place à celui-ci, et qu'alors, vous n'ayez la honte d'être mis à la dernière place. Mais, quand vous serez invité, allez vous mettre à la dernière place, et lorsque celui qui vous a invité viendra, et vous dira : ami, montez plus haut, alors cela sera pour vous un honneur aux yeux de tous ceux qui seront à table avec vous. Car quiconque s'élève sera abaissé, et quiconque s'abaisse sera élevé ". La même règle sera observée par les autres ordres aussi, car nous savons bien que les dignités spirituelles l'emportent sur les dignités séculières. 

    8.- Qu'un synode annuel doit avoir lieu dans chaque province au lieu que déterminera le métropolitain.
    Désireux d'observer nous aussi ce qui fut décidé par nos saints pères nous renouvelons de même le canon qui ordonne de " tenir chaque année des synodes des évêques de chaque province, au lieu que l'évêque de la métropole choisira ". Mais, comme par suite des incursions des barbares et pour d'autres raisons imprévues qui surviennent, les pasteurs des Eglises se trouvent dans l'impossibilité de tenir des synodes deux fois par an, il fut décidé que de toute façon une fois par an dans chaque province sera tenu un synode des évêques précités, en vue des affaires ecclésiastiques qui se présenteront normalement, dans le temps qui va de la fête de Pâques à la fin du mois d'octobre de chaque année, au lieu que l'évêque de la métropole, comme nous disions plus haut, choisira. " Les évêques qui ne s'y rendraient pas, tout en se trouvant dans leurs diocèses, étant en bonne santé et libres de toute occupation urgente et nécessaire, seront fraternellement repris ". 

    9.- Qu'un clerc ne doit pas tenir un cabaret.
    A aucun clerc il n'est permis de tenir un cabaret : car, s'il est défendu à un tel d'entrer dans un cabaret, combien plus doit-il ne pas y servir d'autres dans un tel lieu et leur offrir ce qui lui est interdit a lui-même ? S'il fait cela, qu'il cesse ou qu'il soit déposé. 

    10.- Qu'un prêtre ne doit pas percevoir des intérêts ou des centièmes.
    Un évêque ou un prêtre ou un diacre qui perçoit des intérêts ou ce qu'on appelle des centièmes, doit cesser de le faire ou être déposé. 

    11.- Qu'il ne faut pas fréquenter les Juifs, converser avec eux ou recevoir d'eux des médicaments.
    Qu'aucun de ceux qui sont inscrits dans les rangs du clergé, ou même un laïc ne mange les azymes en usage chez les Juifs, ni ne se rende leur familier ni ne les appelle dans les maladies, recevant d'eux des remèdes, ni ne fréquente absolument les bains publics en leur compagnie ; si quelqu'un tente de faire cela, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. 

    12.- Qu'aucun évêque ne doit cohabiter avec son ex-épouse.
    Il est venu de même à notre connaissance qu'en Afrique et en Libye et en d'autres lieux les pasteurs aimés de Dieu de ces territoires ne laissent pas que de cohabiter avec leurs épouses, même après que le sacre leur fut conféré, offrant ainsi aux peuples une pierre d'achoppement et un scandale. Ayant donc le grand souci que tout se fasse pour l'édification des peuples que nous avons a régir, nous avons décidé qu'une telle manière d'agir n'ait plus lieu. Nous ne disons pas cela pour enfreindre ou renverser les ordonnances apostoliques, mais pour procurer le salut des peuples et leur progrès dans la vertu, et pour n'offrir aucune occasion de blâme contre la discipline ecclésiastique ; en effet, le divin apôtre dit : " Faites tout pour la gloire de Dieu, ne donnez de scandale ni aux Juifs, ni aux Grecs, ni à l'Eglise de Dieu c'est ainsi que moi-même je m'efforce de complaire à tous en toutes choses, en cherchant non mon propre avantage, mais celui du grand nombre, afin que beaucoup d'hommes soient sauvés : soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même du Christ ". Si quelqu'un est pris faisant cela, qu'il soit déposé. 

    13.- Des prêtres et des diacres, qu'ils peuvent garder leurs épouses.

    Comme nous avons appris que dans l'Eglise de Rome il s'est établi comme règle qu'avant de recevoir l'ordination de diacre ou de prêtre les candidats promettent publiquement de ne plus avoir des rapports avec leurs épouses nous, nous conformant à l'antique règle de la stricte observation et de la discipline apostolique, nous voulons que les mariages légitimes des hommes consacrés à Dieu restent en vigueur même a l'avenir, sans dissoudre le lien qui les unit à leurs épouses, ni les priver des rapports mutuels dans les temps convenables. De la sorte, si quelqu'un est jugé digne d'être ordonné sous-diacre ou diacre ou prêtre, que celui-là ne soit pas empêché d'avancer dans cette dignité, parce qu'il a une épouse légitime, ni qu'on exige de lui de promettre au moment de son ordination, qu'il s'abstiendra des rapports légitimes avec sa propre épouse ; car sans cela nous insulterions par là au mariage institué par la loi de Dieu et béni par sa présence, alors que la voix de l'Evangile nous crie : " Que l'homme ne sépare pas ceux que Dieu a unis ", et l'apôtre enseigne " Que le mariage soit respecté par tous et le lit conjugal sans souillure " ; et encore " Es-tu lié à une femme par les liens du mariage ? ne cherche pas à les rompre ". 
    Nous savons d'autre part que les pères réunis à Carthage, par mesure de prévoyance pour la gravité des mœurs des ministres de l'autel, ont décidé, " que les sous-diacres, qui touchent aux saints mystères, les diacres et les prêtres aussi pour les mêmes raisons, s'abstiennent de leurs femmes " ; " ainsi nous garderons, nous aussi, ce qui fut transmis par les apôtres et observé de toute antiquité, sachant qu'il y a un temps pour toute chose, surtout pour le jeûne et la prière ; il faut en effet que ceux qui s'approchent de l'autel, dans le temps où ils touchent aux choses saintes soient continents en toute chose, afin qu'ils puissent obtenir ce qu'ils demandent en toute simplicité à Dieu ". Si donc quelqu'un, agissant contre les canons apostoliques, ose priver un clerc des ordres sacrés, c'est-à-dire un prêtre ou un diacre ou un sous-diacre, des rapports conjugaux et de la société de sa femme légitime, qu'il soit déposé ; de même, " si un prêtre ou un diacre renvoie sa femme sous prétexte de piété, qu'il soit excommunié, et s'il persiste, déposé ". 

    14.- Qu'aucun prêtre ne peut être ordonné avant ses 30 ans, ni un diacre avant les 25, ou une diaconesse avant les 40.
    Que la règle de nos saints pères inspirés de Dieu reste aussi en vigueur sur le point suivant que " l'on ne doit pas ordonner prêtre quelqu'un avant sa trentième année, même s'il en est très digne, mais le faire attendre, car le Seigneur Jésus-Christ ne fut baptisé et ne commença sa prédication qu'à trente ans ". De même, " qu'on n'ordonne pas un diacre avant ses vingt-cinq ans " et " une diaconesse avant ses quarante ans ". 

    15.- Qu'un sous-diacre ne doit pas être ordonné avant ses vingt ans.

    Si quelqu'un dans n'importe quel ordre majeur a été ordonné avant l'âge fixé, qu'il soit déposé. 

    16.- Que le nombre 7 des diacres des Actes des apôtres ne doit pas être appliqué aux diacres d'un diocèse. 
    Comme les Actes des apôtres nous apprennent que les apôtres instituèrent sept diacres et les pères du synode de Néocésarée ont affirmé clairement dans les canons qu'ils ont édictés, " que les diacres doivent être au nombre de sept, selon ce canon, même si la ville est très grande ; on en trouvera la preuve dans le livre des Actes " ; nous, cherchant au texte apostolique le sens qu'en donnent les pères, nous avons trouvé qu'ils parlaient non pas des ministres des saints mystères, mais du service des tables ; car voici ce que disent les Actes : " En ce temps-là, le nombre des disciples augmentant, il y eut des plaintes de la part des Hellénistes contre les Hébreux, de ce que leurs veuves étaient négligées dans la distribution qui se faisait chaque jour. Les douze, ayant alors convoqué une réunion de tous les disciples, leur dirent : il n'est pas convenable que nous délaissions la parole de Dieu pour faire le service des tables. Choisissez donc parmi vous, frères, sept hommes de bon renom, plein de sagesse et remplis du saint Esprit, que nous chargerons de ce service ; et pour nous, nous continuerons de nous appliquer à la prière et au ministère de la parole. Cette proposition plut à toute l'assemblée et ils élurent Etienne, homme plein de foi et rempli du saint Esprit, Philippe, Procore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, prosélyte d'Antioche ; et ils les présentèrent aux apôtres ". 
    Jean Chrysostome, le docteur de l'Eglise, interprétant ce passage, dit : " Cela mérite notre admiration de voir comment la multitude ne s'est pas divisée pour le choix des hommes, comment ils n'ont pas désapprouvé les apôtres. Il nous faut maintenant savoir quelle fut leur dignité et quelle ordination ils reçurent. Celle des diacres ? Or, le diaconat n'existait pas encore dans les Eglises. Etait-ce la fonction de prêtre ? Or, il n'existait encore pas même d'évêques, mais les apôtres seuls. C'est pourquoi je crois que le nom ne désigne d'une manière claire et évidente ni les diacres, ni les prêtres ". Sur ce, nous déclarons donc nous aussi que, conformément à l'enseignement exposé, les sept diacres en question ne sauraient être pris pour les ministres des saints mystères : ce sont ceux qui furent chargés d'administrer les besoins communs de l'assemblée d'alors ; et en cela du moins ils nous sont un exemple de charité et de zèle au service des indigents.

    17.- Qu'un clerc ne doit pas prendre service dans un autre diocèse sans l'avis de son évêque.
    Parce que des clercs de divers diocèses, abandonnant leurs Eglises accourent vers d'autres évêques, et sans le consentement de leur propre évêque prennent du service dans d'autres Eglises et deviennent par là des insoumis, nous ordonnons qu'à partir du mois de janvier de la quatrième indiction commencée, absolument aucun clerc, quel que soit son grade, n'est autorisé, sans les lettres dimissoriales de son propre évêque, à prendre du service dans une autre Eglise ; car celui qui n'observera pas cela à partir de maintenant, mais fera honte, quant à lui, à celui qui lui a conféré l'ordination, sera déposé, et en même temps celui qui l'aura reçu irrégulièrement. 

    18.- Du retour dans leur diocèse des clercs, qui s'en éloignèrent sous le prétexte d'une incursion barbare ou pour une autre circonstance, dès le départ de la nation barbare.
    Les clercs qui, sous prétexte d'incursion de barbares ou pour une autre raison ont quitté leur diocèse, dès que cette raison cessera ou les incursions des barbares ou ce pour quoi ils partirent, nous leur ordonnons de retourner à leurs propres Eglises et de ne pas les abandonner trop longtemps sans motif. Si quelqu'un ne se conforme pas au canon présent, qu'il reste excommunié, jusqu'à ce qu'il réintègre sa propre Eglise. La même peine sera encourue par l'évêque qui le retiendra. 

    19. Que les chefs des diocèses doivent donner à leur clergé et à leur peuple un enseignement religieux, conforme à la tradition des saints pères inspirés de Dieu. 
    Les chefs des diocèses doivent certes chaque jour, mais spécialement le dimanche, instruire le clergé et le peuple dans la vraie foi, en choisissant dans la sainte Ecriture les pensées et les jugements de vérité, sans aller à l'encontre des définitions déjà édictées ou de la tradition des pères inspirés de Dieu. Et s'il s'élève une difficulté à propos d'un passage de l'Ecriture, qu'ils ne l'interprètent que selon l'enseignement transmis par les lumières et les docteurs de l'Eglise dans leurs écrits ; qu'ils cherchent plutôt à se distinguer sur ce point, que de composer des discours à eux et, pris une fois ou l'autre au dépourvu, de dépasser les bornes de ce qui est permis ; en effet, l'enseignement des pères précités permettra aux peuples de distinguer qui est important et à préférer, de ce qui est nuisible et à rejeter ; ils réformeront ainsi leur vie vers le mieux et ne seront pas pris par le péché d'ignorance, mais au contraire, attentifs à la doctrine, ils se tiendront en éveil pour ne pas succomber au mal par crainte des peines qui les menacent. 

    20.- Qu'un évêque ne doit pas prêcher publiquement dans une ville épiscopale étrangère, qui a son propre évêque.
    Il n'est pas permis à un évêque de prêcher publiquement dans une ville qui n'appartient pas à son diocèse ; si quelqu'un est pris faisant cela, qu'il soit dépouillé de son évêché et réduit au rang de prêtre. 

    21.- Des clercs sujets à des peines canoniques, qui se repentent de leurs fautes. 
    Ceux qui ont eu à répondre de délits canoniques et pour cela sont soumis à la déposition complète et perpétuelle et réduits à la communion laïque, si de leur propre gré pourvoyant à leur retour ils quittent le péché à cause duquel ils perdirent la Grâce, et s'en rendent complètement libres, qu'ils reprennent la tonsure cléricale ; sinon, s'ils ne font pas cela spontanément, qu'ils gardent les cheveux longs, comme les laïcs, vu qu'ils ont préféré la vie séculière à la vie céleste. 

    22.- De ceux qui se font ordonner contre de l'argent.
    Ceux qui ont été ordonnés en donnant de l'argent, qu'ils fussent évêques ou autres clercs, et non point après avoir été éprouvé et sur la foi de leurs bonnes mœurs, nous ordonnons qu'ils soient déposés, eux et ceux qui leur ont conféré les ordres. 

    23.- Que l'on ne doit rien percevoir, en donnant la communion.

    Personne d'entre les évêques, prêtres ou diacres ne doit en donnant la sainte communion exiger de celui qui la reçoit de l'argent ou une espèce quelconque pour cette communion ; car la Grâce de Dieu n'est pas à vendre et nous ne transmettons pas la sanctification de l'Esprit contre de l'argent, mais au contraire nous faisons part du don de Dieu aux dignes sans arrière-pensée. S'il constate que quelque membre du clergé exige n'importe quelle espèce de celui à qui il donne la sainte communion, qu'il soit déposé, comme sectateur de l'erreur et du méfait de Simon le magicien. 

    24.- Qu'un clerc supérieur ou un moine ne doivent pas monter à l'hippodrome.
    Qu'il ne soit permis à personne dans les ordres majeurs ni à un moine de monter à l'hippodrome ou d'assister aux jeux du théâtre. Mais même lorsqu'un clerc sera invité aux noces, dès que les jeux de déguisements font leur entrée, il se lèvera et partira aussitôt, ainsi que nous l'ordonne l'enseignement des pères. Si quelqu'un est pris faisant cela, qu'il cesse ou qu'il soit déposé. 

    25.- Que les paroisses de campagnes et de villages doivent rester entre les mains des évêques qui les administrent.

    De plus, nous renouvelons aussi le canon qui prescrit que les paroisses rurales ou de villages doivent rester sans changement sous la juridiction des évêques qui les possèdent de fait, surtout s'ils les ont administrées durant une possession tranquille de trente ans ; si, cependant, pendant ces trente ans s'est élevée ou s'élève une contestation à leur sujet, il sera permis à ceux qui prétendent être lésés d'agiter la question devant le synode provincial. 

    26.- Que le prêtre engagé à son insu dans un mariage illicite ne doit garder que sa place dans le sanctuaire.
    Le prêtre qui s'est laissé aller par ignorance à un mariage illicite, aura part aux honneurs du siège, conformément au saint canon que nous avons édicté, mais s'abstiendra de toute autre fonction : le pardon seul suffira à un tel ; il serait déraisonnable qu'un homme ayant à panser ses propres blessures veuille en bénir un autre ; car la bénédiction, c'est la communication de la Grâce, or celui qui ne possède pas celle-ci, par suite de cette faute même, dans laquelle il est tombé sans le savoir, comment la communiquera-t-il à un autre ? Qu'il ne bénisse donc ni publiquement ni en privé, ni ne distribue le corps du Seigneur aux autres ni n'accomplisse quelque autre fonction ecclésiastique, mais se contentant de la préséance il implore du Seigneur le pardon de l'iniquité commise par ignorance. Il est évident que le mariage illicite sera dissous et l'homme n'aura aucun rapport avec la femme, à cause de laquelle il fut suspens du saint ministère. 

    27.- Que celui qui fait partie du clergé ne doit pas revêtir un habit inconvenant.

    Qu'aucun de ceux qui sont inscrits dans les rangs du clergé ne se revête d'un habit inconvenant, soit qu'il vive dans la ville, soit qu'il se trouve en voyage, mais qu'il use des vêtements attribués par l'usage à ceux qui sont inscrits dans les rangs du clergé. Si quelqu'un agit de la sorte, qu'il soit excommunié pour une semaine. 

    28.- Qu'il ne faut pas mêler l'offrande du raisin à l'offrande du sacrifice.
    Comme nous avons appris qu'en certaines églises, du raisin étant offert dans le sanctuaire, les célébrants de la divine liturgie joignent, selon un usage qui y a prévalu, ce raisin à l'offrande du sacrifice non-sanglant et distribuent ainsi tous deux au peuple, nous avons décidé que cela ne se fera plus par aucun clerc consacré, mais on donnera au peuple pour sa vivification et le pardon des péchés la seule offrande du sacrifice. Quant au raisin considéré comme offrande de prémices, les prêtres le béniront à part et le distribueront à ceux qui le demandent, comme remerciement envers Celui qui donne les fruits de la terre, grâce auxquels, selon l'ordre de Dieu, nos corps grandissent et se nourrissent. Si quelque clerc agit contre nos prescriptions, qu'il soit déposé. 

    29.- Que le saint sacrifice de l'autel doit être offert par des prêtres à jeun. 
    Le canon du synode de Carthage prescrit que " les saints mystères de l'autel ne soient accomplis que par des hommes à jeun, sauf au jour anniversaire, où l'on commémore la cène du Seigneur " ; c'est peut-être pour des raisons utiles à l'Eglise de ces lieux-là, que ces divins pères ont usé de cette dispense. Or nous, n'ayant rien qui nous amène à nous relâcher de la stricte observance, nous ordonnons conformément aux traditions des apôtres et des pères " qu'il ne faut pas rompre le jeûne le jeudi de la dernière semaine du carême et déshonorer par là tout le carême ". 

    30.- Que ceux qui d'un commun accord ont promis de garder la continence ne doivent pas cohabiter.
    Dans le désir de voir tout contribuer à l'édification de l'Eglise, nous avons décidé de pourvoir aussi au bien des prêtres qui desservent les Eglises en pays barbare. Si ceux-ci pensent qu'ils peuvent transgresser le canon apostolique, qui dit de " ne pas renvoyer sa propre épouse sous prétexte de piété ", et faire plus que la loi ne prescrit, et par suite de cela d'accord avec leurs compagnes s'abstiennent de rapports mutuels, nous leur ordonnons de ne cohabiter en aucune manière avec elles, afin de nous fournir par là la parfaite preuve de leur propos. Et nous n'avons montré cette condescendance à leur égard, qu'à cause de leur pusillanimité et des moeurs étranges et inconstantes de leurs pays. 

    31.- Qu'on ne doit pas sans l'autorisation de l'évêque célébrer dans les oratoires qui se trouvent à l'intérieur d'une maison privée.
    Les clercs qui célèbrent la divine liturgie dans des chapelles qui se trouvent à l'intérieur des maisons privées, nous ordonnons qu'ils le fassent avec l'assentiment de l'évêque du lieu ; en sorte que, si quelque clerc n'observe pas cela de la manière dite, il soit déposé. 
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    La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie» Empty Re: La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie»

    Message  Arlitto Ven 20 Nov 2020 - 16:02

    32.- Qu'il faut mêler de l'eau au vin pour le sacrifice non-sanglant.
    Comme il est venu à notre connaissance que dans le pays des Arméniens ceux qui accomplissent le sacrifice non-sanglant n'offrent au saint autel que du vin sans y mélanger de l'eau, mettant en avant le docteur de l'Eglise, Jean Chrysostome, qui dit dans son commentaire sur l'Evangile de saint Matthieu : " Pourquoi Il n'a pas bu après sa résurrection de l'eau, mais du vin ? Afin d'arracher avec les racines une hérésie perverse ; comme il y a en effet quelques-uns qui ne se servent dans les saints mystères que d'eau, il leur montra qu'en instituant les mystères le Christ se servit de vin, et après sa résurrection, lorsqu'il leur servit une simple table sans mystères, il s'est servi aussi de vin, du produit, dit-il, de la vigne, or la vigne ne produit pas de l'eau, mais du vin " ; par suite de cela, ils pensent que le docteur de l'Eglise abolit l'offrande de l'eau pendant le saint sacrifice. 
    Pour qu'ils ne soient pas dorénavant sous l'emprise de l'ignorance, nous leur révélons la pensée orthodoxe du père. La perverse hérésie des hydroparastates, ancienne déjà, se sert dans son propre sacrifice l'eau seule au lieu de vin ; cet homme inspiré de Dieu réfutant l'enseignement illégitime de cette hérésie et montrant qu'ils vont à l'encontre de la tradition apostolique, il fit la démonstration citée. Car à son Eglise aussi, pour laquelle il reçut l'autorité pastorale, il enseigna de mélanger de l'eau au vin, toutes les fois qu'il faudra célébrer le sacrifice non-sanglant, pour rappeler le mélange de sang et d'eau sorti du côté précieux du rédempteur et sauveur, le Christ notre Dieu, qui coula pour la vivification du monde entier et le rachat des péchés. De même, dans toute Eglise, illuminée des lumières spirituelles des pères, cette ordonnance établie par Dieu reste en vigueur ; car Jacques, le frère selon la chair du Christ notre Dieu, à qui en premier fut confié le siège de l'Eglise de Jérusalem, et Basile l'archevêque de Césarée, dont la gloire est répandue par tout l'univers, en nous transmettant par écrit la mystique action sacrale, nous ont enseigné de parfaire ainsi l'offrande du calice sacré avec de l'eau et du vin. Et les saints pères rassemblés à Carthage ont expressément rappelé, " que dans les saints mystères on n'offre rien de plus que le corps et le sang du Seigneur, comme le Seigneur Lui-même l'a transmis, c'est-à-dire du pain et du vin mélangé d'eau ". Si donc un évêque ou un prêtre n'agit pas selon l'ordonnance des apôtres et n'offre pas le sacrifice immaculé en mélangeant de l'eau au vin, qu'il soit déposé, car il annonce le mystère du sacrifice incomplètement et innove contre la tradition. 

    33.- Que c'est une coutume juive de n'admettre à la cléricature que ceux de descendance sacerdotale.
    Comme nous avons appris que dans le pays des Arméniens seuls ceux d'une descendance sacerdotale sont admis dans les rangs du clergé, et c'est des usages juifs que suivent ceux qui mettent cela en pratique et que même certains d'entre eux sans la tonsure cléricale s'établissent préchantres et lecteurs de la loi divine, nous avons décidé, que dorénavant il ne sera pas permis à ceux qui veulent promouvoir quelqu'un dans la cléricature de prendre en considération l'origine du candidat, mais, après avoir examiné s'ils sont dignes dans les conditions fixés par les saints canons d'être admis à la cléricature, alors seulement on les ordonnera clercs, qu'ils descendent d'une famille de prêtres ou non. De plus, il n'est point permis à personne de réciter la parole sacrée du haut de l'ambon, à la manière de ceux qui sont dans la cléricature, sans qu'il ait déjà reçu la tonsure cléricale et la bénédiction du propre pasteur, conformément aux canons. Si quelqu'un est pris en train d'agir contre ces prescriptions, qu'il soit excommunié. 

    34.- De ceux qui prennent part à une conjuration ou à une cabale contre un évêque ou un clerc.
    Le saint canon édictant en termes exprès, que " le crime de société secrète ou fratrie, étant déjà défendu par la loi civile doit être à plus forte raison prohibé dans l'Eglise de Dieu ", nous aussi voulons l'observer ; en sorte que les clercs ou les moines qui se sont unis par serment ou complotent et ourdissent des machinations contre des évêques ou contre leurs confrères dans la cléricature, qu'ils soient complètement dépouillés de leur grade. 

    35.- Que le métropolitain ne doit pas enlever ou s'approprier les biens d'un évêque défunt.

    Qu'il ne soit permis à aucun métropolitain d'enlever à la mort d'un évêque suffragant de son siège les biens appartenant au défunt ou à son Eglise ou de se les approprier ; mais que ces biens soient sous la garde du clergé de l'Eglise dont le défunt était le pasteur, jusqu'à ce qu'un autre évêque y soit promu. À moins que dans la dite Eglise il ne reste plus aucun clerc auquel cas le métropolitain gardera ces biens intacts, pour les rendre tous à l'évêque qui sera sacré. 

    36.- De l'honneur dû aux patriarches.
    Renouvelant la législation des cent cinquante saints pères, qui se sont réunis dans cette ville impériale gardée de Dieu, et des six cent trente qui se sont rassemblés à Chalcédoine, nous décrétons, que le siège de Constantinople jouira des mêmes privilèges que le siège de l'ancienne Rome et obtiendra dans les affaires de l'Eglise la même grandeur que celui-ci, venant second après lui ; le siège de la grande ville d'Alexandrie sera compté ensuite, puis celui de Antioche, et après celui-ci, le siège de la ville de Jérusalem. 

    37.- Des évêques qui demeurent hors de leurs diocèses à cause des barbares.
    Comme à diverses époques des incursions de barbares ont eu lieu et par suite de cela plusieurs villes épiscopales sont tombées aux mains de gens sans loi, au point que le pasteur d'une telle ville est dans l'impossibilité de gagner après son sacre son propre siège et d'y recevoir l'institution canonique et d'y procéder aux ordinations selon l'usage en vigueur, de l'administrer et y exercer ses fonctions épiscopales ; nous, gardant au caractère épiscopal son honneur et sa révérence et ne voulant point que l'emprise des païens s'exerce au détriment des droits ecclésiastiques, nous avons décidé que restent imprescriptibles les droits de ceux qui auront été sacrés dans de telles conditions et pour la raison exposée n'ont pu être intronisés dans leurs sièges, de telle manière qu'ils puissent procéder canoniquement à des ordinations de divers clercs et garder l'autorité pastorale qui est la leur de par leur sacre, et que leurs actes administratifs soient fermes et légitimes ; car, si la nécessité des temps empêche la stricte observance de la loi, elle ne restreindra point les limites de la condescendance. 

    38.- Que l'ordre hiérarchique des diocèses doit tenir compte d'une ville nouvellement fondée.
    Le canon édicté par nos pères nous aussi nous l'observerons, qui dit : " Si par ordre de l'empereur une ville a été fondée ou est fondée, l'ordre hiérarchique de l'Eglise se conformera à l'ordre civil et public des lettres de fondation ". 

    39.- De l'évêque de l'île de Chypre.
    Notre frère dans l'épiscopat Jean, le pasteur de l'île de Chypre, s'étant réfugié avec son peuple de son île dans la province de l'Hellespont, à cause des attaques des barbares et pour être délivré de l'esclavage païen et se mettre franchement sous l'autorité du pouvoir très chrétien, et cela Grâce à la providence divine et aux efforts de notre pieux empereur aimé du Christ, nous décidons, que les privilèges accordés à son siège par les pères inspirés de Dieu, qui se réunirent la première fois à Ephèse, restent inchangés ; en sorte que la Nouvelle Justinianopolis ait les droits de la vide de Constantia, et l'évêque très aimé de Dieu qui y sera établi à l'avenir, présidera à tous les évêques de la province de l'Hellespont et sera élu par ses propres évêques, selon l'ancienne coutume ; car nos pères inspirés de Dieu ont décidé que les usages de chaque Eglise soient gardés. Quant à l'évêque de la ville de Cyzique, il sera soumis au pasteur de la dite Justinianopolis à l'instar de tous les autres évêques de la province qui sont sous l'autorité de Jean le pasteur très aimé de Dieu, lequel, si c'est nécessaire, promouvra même l'évêque de la ville de Cyzique. 

    Des moines et des moniales.40.- Qu'il ne faut pas admettre sans examen ceux qui veulent embrasser la vie monastique.
    Vu qu'il est bien salutaire de s'attacher à Dieu en quittant les troubles de la vie du monde, il ne faut cependant pas admettre avant le temps et sans discernement ceux qui ont choisi la vie monastique, mais garder pour eux aussi la règle transmise par nos pères, de ne pouvoir les admettre à la profession de la vie selon Dieu, qu'après l'âge de raison atteint. Lorsqu'on sera certain que cette profession est faite avec connaissance et jugement. Donc, que celui qui devra se soumettre au joug monastique n'ait pas moins de dix ans, le pasteur du lieu ayant à décider, s'il pense être plus avantageux pour embrasser ce genre de vie et la pratiquer d'ajouter à cet âge. Car, le grand saint Basile a certes légiféré dans ses saints canons, que la vierge qui s'est spontanément offerte à Dieu en choisissant l'état de virginité, ne peut être admise dans le rangs des vierges consacrées avant l'âge de dix-sept ans, mais nous, suivant en cela l'exemple de ce qui fut décidé à propos des veuves et diaconesses, nous avons diminué par analogie l'âge de ceux qui ont choisi la vie monastique ; car il est écrit dans le livre des Epîtres, que " pour être inscrite parmi les veuves une femme doit avoir au moins soixante ans ", tandis que les saints canons permettent de conférer la bénédiction de diaconesse à une femme de quarante ans, " voyant l'Eglise devenir par la Grâce divine plus forte et progresser toujours plus " et les fidèles stables et fermes dans l'observation des divins commandements. C'est ce que nous avons aussi parfaitement compris et ordonnons justement ce qui précède, afin de marquer promptement de la bénédiction de la Grâce, comme d'un sceau, celui qui va entreprendre les combats selon Dieu, l'exhortant par là à ne pas hésiter et se dérober, et l'encourageant bien plus à choisir le bien et à s'y établir.
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    41.- De ceux qui veulent s'enfermer dans une recluserie.
    Ceux qui veulent mener la vie érémitique dans une recluserie de ville ou de village et veiller sur eux-mêmes dans la solitude, doivent d'abord entrer dans un monastère et s'y entraîner à la vie érémitique ; s'y soumettre pendant trois ans dans la crainte de Dieu au prieur du monastère ; y accomplir comme il convient tous les devoirs de l'obéissance ; et ayant ainsi confessé leur volonté de mener ce genre de vie et qu'ils l'embrassent volontairement de tout cœur, se présenter à l'évêque du lieu pour l'examen canonique ; après cela, ils passeront une autre année à la porte de l'ermitage, afin que leur intention devienne encore plus manifeste, car il témoigneront par là qu'ils poursuivent la vie de solitude, non pas pour obtenir une vaine gloire, mais le bien en soi. Une fois ce long laps de temps écoulé, s'ils persistent dans leur intention, on les enfermera dans la recluserie et il ne leur sera plus permis de sortir à leur gré de cette clôture, sauf s'ils y étaient forcés par le bien et l'utilité commune ou par une autre nécessité qui causerait leur mort ; et même dans ce cas ils le feront avec la permission de l'évêque. 
    Ceux qui tenteraient de sortir de leur demeure sans avoir ces raisons, il faut en tout premier lieu les enfermer contre leur gré dans la dite recluserie, puis les corriger avec des jeûnes et d'autres mortifications, car ils doivent savoir que, selon ce qui est écrit, " Celui qui, après avoir mis la main à la charrue, regarde en arrière, est impropre au royaume des cieux ". 

    42.- Que ceux qui s'intitulent ermites, portant la longue chevelure, ne doivent pas demeurer dans des villes. 
    Ceux que l'on nomme ermites, qui vêtus de noir et les cheveux longs, parcourent les villes, vivant dans le monde au milieu d'hommes et de femmes et insultant par là à leur propre profession de vie, nous leur ordonnons, s'ils veulent se faire tondre les cheveux et prendre l'habit des autres moines, d'entrer dans un monastère et s'enrôler parmi les frères ; s'ils ne le veulent pas, qu'on les expulse totalement des villes, et qu'ils habitent les déserts, dont ils ont précisément tiré leur dénomination. 

    43.- Qu'il faut admettre à l'ordre monastique tout homme, quelle que fût la faute qu'il aurait commise.
    Il est possible à tout chrétien de choisir la vie ascétique et quittant l'agitation pleine de trouble des affaires du monde, d'entrer dans un monastère et recevoir la tonsure monastique, de quelque crime qu'il fût convaincu ; car Dieu notre sauveur dit : " Je ne mettrai point dehors celui qui vient à Moi ". Comme la vie monastique représente pour nous la vie de pénitence, nous approuvons celui qui s'y adonne en toute sincérité d'âme et aucune raison ne saurait l'empêcher de réaliser son dessein. 

    44.- Du moine qui a commerce avec une femme ou en épouse une.
    Le moine convaincu de fornication ou ayant pris une femme pour l'épouser et vivre avec elle, sera soumis aux peines canoniques des fornicateurs. 

    45.- Qu'il ne faut pas présenter au monastère celles qui vont prendre l'habit de moniale, en les ornant de parures mondaines.
    Comme nous avons appris que dans certains monastères féminins, celles qui doivent être revêtues du saint habit, sont auparavant ornées par ceux qui les présentent à l'autel de soie et de toutes sortes de robes, et même de bijoux incrustés d'or et de pierreries, et s'approchant ainsi de l'autel sont dépouillées du revêtement de tant de richesses et on fait alors sur elles la cérémonie de la bénédiction et elles revêtent l'habit noir ; nous ordonnons que dorénavant cela ne se fasse plus. Il n'est pas en effet pieux, que celle qui a déposé de son propre choix tout le charme de la vie du monde et embrassé la vie selon Dieu, qui a confirmé ce choix par la constance de ses pensées et entra dans le monastère, en vienne à se rappeler par ces parures périssables et passagères ce qu'elle avait déjà oublié, et qu'elle en devienne hésitante, l'âme troublée pour ainsi dire par des vagues qui l'envahissent et la font tournoyer çà et là, au point qu'elle ne peut parfois pas verser une larme pour montrer par son attitude extérieure la componction de son cœur ; et si parfois même une petite larme, comme il est naturel, lui échappe, les assistants penseront qu'elle provient non pas tant de sa disposition intérieure pour la vie ascétique, mais de ce qu'elle [manque un mot] à quitter le monde et les biens de ce monde. 

    46.- Que celles qui font partie d'un monastère ne doivent pas en sortir sans une raison urgente.
    Que celles qui ont choisi la vie ascétique et se sont enrôlées dans un monastère ne sortent point de celui-ci. Cependant, si un besoin urgent les y forçait, qu'elles le fassent avec la bénédiction et l'autorisation de la prieure ; et même dans ce cas, pas seules, mais en compagnie de quelques vieilles sœurs, anciennes dans le monastère, sur l'ordre de la supérieure générale ; quant à coucher hors du monastère, c'est absolument défendu. Les hommes aussi qui pratiquent la vie solitaire, qu'eux aussi ne sortent, en cas de besoin urgent, qu'avec la bénédiction de celui qui a la charge de l'higouménat. Ainsi, ceux qui transgresseront la règle établie par nous, qu'ils soient hommes ou femmes, seront soumis aux peines canoniques appropriées. 

    47.- Qu'aucun homme ne doit passer la nuit dans un monastère de femmes, ni une femme dans un monastère d'homme.
    Qu'aucune femme ne couche dans un monastère d'hommes, ni un homme dans un monastère de femmes ; car nous devons éviter aux fidèles toute pierre d'achoppement et de scandale et ordonner notre vie "de manière à ce qu'elle soit convenable et agréable au Seigneur". Si quelqu'un fait cela, clerc ou laïc, qu'il soit excommunié. 

    48.- Que l'épouse de l'évêque, qui s'est séparée de lui d'un commun accord, doit entrer après le sacre dans un monastère. 
    L'épouse de celui qui est promu à l'épiscopat, s'étant séparée d'un commun accord d'avec son mari, entrera après le sacre de celui-ci dans un monastère, situé loin de la résidence épiscopale et jouira de l'aide matérielle de l'évêque même, si elle en était digne, qu'elle soit promue à la dignité de diaconesse. 

    49.- Que les monastères déjà consacrés ne doivent pas devenir des maisons privées.
    Reprenant un autre saint canon, nous ordonnons que les monastères, une fois consacrés selon la volonté de l'évêque, doivent toujours rester monastères, et les biens qui leur appartiennent doivent leur être conservés ; ils ne peuvent plus devenir des " habitations laïques ", ni être remis par qui que ce soit à des civils ; et si cela a eu lieu jusqu'à présent, nous ordonnons qu'il ne se fasse plus. " Ceux qui à partir de maintenant tenteront de le faire, seront soumis aux peines canoniques ". 

    Des laïcs. 

    50.- Que ni clercs ni laïcs ne doivent jouer aux dés.
    Que personne soit laïc, soit clerc ne joue aux dés dorénavant. Si quelqu'un est convaincu de ce fait, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. 

    51.- Interdiction de voir les jeux de mimes, les combats des bêtes et les danses scéniques. 
    Défense absolue est faite par ce saint concile œcuménique des représentations de ce qu'on appelle mimes et de leurs jeux, de plus, de donner des combats de bêtes et des danses sur scène. Si quelqu'un ne tient pas compte de ce canon et s'adonne à ces jeux défendus, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. 

    52.- Que durant le carême il faut célébrer la messe des présanctifiés.

    Tous les jours de la sainte quarantaine de jeûne, sauf les samedis et dimanches et le saint jour de l'Annonciation, qu'on célèbre la sainte liturgie des présanctifiés. 

    53.- Que les parrains ne doivent pas épouser les mères de leurs filleuls, devenues veuves.
    Étant donné que la parenté spirituelle l'emporte sur la parenté de sang, et ayant appris d'autre part que dans quelques endroits ceux qui ont tenu des enfants aux saints et salutaires fonts baptismaux, contractent ensuite mariage avec les mères de ceux-ci devenues veuves, nous ordonnons que cela n'ait plus lieu dorénavant. Et s'il y en a qui après la publication de ce canon sont convaincus de l'avoir fait, en tout premier lieu ils doivent rompre ce mariage inique, ensuite être soumis aux peines canoniques des fornicateurs. 
    54.- Des mariages prohibés par suite de la parenté.
    La divine écriture nous enseigne bien clairement : " Tu ne t'approcheras pas de ta proche parenté pour découvrir sa nudité ", et l'inspiré de Dieu saint Basile nous a énuméré dans ses canons certains cas de mariages prohibés, passant sous silence le plus grand nombre d'entre eux et nous procurant ainsi un double avantage ; laissant en effet de côté la multitude des dénominations honteuses, afin de ne pas souiller son discours par de tels mots, il a désigné ces malpropretés par les termes généraux, avec lesquels il a résumé les cas de mariages iniques. Mais comme la nature humaine, à cause de ce silence et de l'interdiction non détaillée des mariages illicites, s'est mise à tout confondre, nous avons décidé d'en parler plus ouvertement, en ordonnant que dorénavant celui qui contractera mariage avec sa propre cousine germaine, c'est-à-dire le père et le fils qui épouseront la mère et la fille, ou le père et le fils qui épouseront deux sœurs, ou la mère et la fille qui épouseront deux frères, ou deux frères qui épouseront deux sœurs, seront soumis à la peine canonique de sept ans, tout en rompant évidemment le mariage inique. 

    55.- Qu'il ne faut pas jeûner les samedis et dimanches.
    Comme nous avons appris que dans la ville de Rome, contre la coutume de la tradition ecclésiastique, on jeûne les samedis pendant le jeûne du saint carême, le saint concile a décidé que même à l'Eglise de Rome s'appliquera le canon qui dit : " Si un clerc est convaincu de jeûner le saint jour du dimanche, ou bien le samedi sauf un seul et unique samedi, qu'il soit déposé et si c'est un laïc, qu'il soit excommunié ". 

    56.- Des Arméniens qui mangent du fromage les samedis et dimanches de carême.

    Nous avons appris de même que dans le pays d'Arménie et en d'autres endroits certains mangent des œufs et du fromage les samedis et dimanches du saint carême. Nous avons donc décidé, que l'Eglise de Dieu répandu dans tout l'univers gardera le jeûne en suivant une unique discipline, et s'abstiendra comme de toute chair d'animal, de même aussi d'œufs et de fromage, qui sont fruit et produit de ce dont nous nous abstenons. Ceux qui n'observeront pas cela, clercs, ils seront déposés, laïcs, excommuniés. 

    57.- Qu'il ne faut offrir dans le sanctuaire ni miel et ni lait.

    Qu'il ne faut offrir sur les autels ni miel et ni lait. 

    58.- Qu'un laïc ne doit pas se communier lui-même.

    Qu'aucun de ceux qui sont rangés parmi les laïcs ne se donne la communion des saints mystères, lorsqu'un évêque ou un prêtre ou un diacre sont présents. Celui qui osera faire cela, qu'il soit excommunié pendant une semaine, pour apprendre par là à ne pas se croire plus qu'il ne l'est en réalité. 

    59.- Qu'il ne faut pas faire de baptême dans un oratoire qui se trouve à l'intérieur d'une maison privée.

    Qu'on ne fasse absolument pas de baptême dans une chapelle privée qui se trouve à l'intérieur d'une maison d'habitation, mais que ceux qui ont été jugés dignes du baptême immaculé se présentent aux églises paroissiales et y reçoivent ce saint don. Si quelqu'un est convaincu de n'avoir pas observé nos prescriptions, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. 

    60.- De ceux qui font semblant d'être possédés
    .

    L'apôtre nous clamant : " Celui qui s'unit au Seigneur devient avec lui un même esprit ", il en ressort clairement que celui qui entre dans la familiarité du démon, devient un avec lui par les rapports qu'il a. Donc, ceux qui font semblant d'être possédés du démon et imitent exprès dans leur conduite malhonnête la manière de faire des possédés, nous avons décidé qu'on les châtie de toutes façons et qu'on leur fasse subir les durs traitements et les peines, auxquelles on soumet à juste titre les vrais possédés pour les délivrer de l'action du démon. 

    61.- Des devins, sorciers et meneurs d'ours. 
    Ceux qui recourent aux devins ou aux surnommés centurions ou à d'autres gens de cette sorte, afin d'apprendre d'eux ce qu'ils voudraient qu'on leur révèle, qu'ils soient soumis à la peine canonique de six ans, conformément à la décision des pères à leur sujet. À la même peine canonique doivent être aussi soumis ceux qui mènent en laisse des ours ou d'autres animaux de la sorte, pour tromper les esprits simples et leur nuire en leur prédisant, à la manière des radotages de l'erreur, fortune, destin, généalogie et foule de termes semblables ; de même ceux qu'on appelle chasseurs de nuages, ceux qui jettent des charmes, qui distribuent des phylactères et les devins. S'ils persistent dans ces sortilèges et ne s'en abstiennent pas et ne fuient pas ces pratiques funestes et païennes, nous ordonnons qu'on les rejette totalement de l'Eglise, comme le prescrivent les saints canons. " Que peut-il, en effet, y avoir de commun entre la lumière et les ténèbres, dit l'apôtre, et quel rapport y a-t-il entre le temple de Dieu et les idoles, ou quelle part le fidèle a-t-il avec l'infidèle, et quel accord existe-t-il entre le Christ et Belial " ?

    62.- Des calendes et des fêtes de Vota et de Broumalia.
    La cérémonie appelée " Calende s", celle dite " Vota " et celle dite " Broumalia ", de même que la fête du premier jour du mois de mars, nous voulons qu'elles disparaissent totalement du genre de vie des fidèles. De même, les danses publiques des femmes, capables de causer bien des ravages et du mal, de plus les danses d'hommes ou de femmes qui se font, selon un usage antique, mais étranger au genre de vie d'un chrétien, sous le vocable de ceux que les païens ont nommé faussement des Dieux, nous les rejetons, en ordonnant qu'aucun homme ne revête un costume féminin, ni une femme le costume qui revient à un homme ; de ne point porter des masques comiques ou satiriques ou tragiques ; de ne point révoquer le nom de l'abominable Dionysos en foulant le raisin dans les pressoirs ; ni de provoquer le rire au moment où l'on remplit de vin les tonneaux, agissant par ignorance ou par frivolité comme ceux qui sont possédés par l'erreur des démons païens. Ceux donc qui essaieront de commettre l'un des actes énumérés, sachant ce que nous venons de dire, s'ils sont clercs, qu'ils soient déposés, si ce sont des laïcs, qu'ils soient excommuniés. 
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    Les vies de martyrs imaginées par les ennemis de la vérité pour jeter le discrédit sur les martyrs du Christ et faire perdre la foi à ceux qui les entendent lire, nous ordonnons de ne point en faire lecture publique dans les Eglises, mais plutôt de les jeter au feu. Quant à ceux qui les reçoivent et les admettent comme vraies, nous les anathématisons. 

    64.- Qu'un laïc ne doit pas prétendre à enseigner dans l'Eglise.
    Un laïc ne doit pas tenir en public des discours sur les dogmes ou enseigner, s'attribuant ainsi un ministère d'enseignement, mais se conformer à l'ordre établi par le Seigneur, et prêter l'oreille à ceux qui ont reçu le don de la parole d'enseignement et apprendre d'eux les choses divines ; car Dieu a fait différents membres dans l'Eglise une, selon la parole de l'Apôtre, que Grégoire le théologien commente, dépeignant clairement l'ordre qui y règne et dit : " Respectons cet ordre, frères, gardons-le. Que l'un soit oreille, l'autre langue, un autre main, un autre une chose différente ; que l'un enseigne, l'autre apprenne ". Et peu après : " Que celui qui apprend, le fasse avec docilité, qui donne, avec joie, qui sert, avec promptitude. Ne soyons pas tous langue, la toujours prompte, ne soyons pas tous des apôtres, tous des prophètes, ne cherchons pas tous à interpréter les écritures ". Et peu après : " Pourquoi veux-tu te faire pasteur, alors que tu es brebis ? devenir tête, si tu es pied ? tenter de faire le général, si tu as rang de soldat ? " Et ailleurs la sagesse nous avertit : " Ne sois point prompt dans tes paroles ; ne cherche pas à égaler les largesses d'un riche, si tu es pauvre, ni ne prétends d'être plus sage que les sages ". Si quelqu'un est convaincu de transgresser le présent canon, qu'il soit privé de communion pendant quarante jours. 

    65.- Des feux que certains allument devant leurs maisons au début de chaque mois.
    Les feux que certains allument au premier jour du mois devant leurs ateliers ou leurs maisons, feux que certains s'appliquent à sauter d'un bond selon un usage antique, nous ordonnons que dès à présent ils soient abolis. Si donc quelqu'un ose faire cela, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. Il est en effet écrit dans le quatrième livre des Rois : " Manassès éleva un autel en l'honneur de toute l'armée des cieux, dans les deux parvis du temple du Seigneur il fit passer ses enfants par le feu il s'adonna aux pratiques des astrologues et des augures il institua des ventriloques et des devins, et il ne cessa d'irriter le Seigneur en faisant ce qui est mal à ses yeux ". 

    66.- Que durant toute la semaine de la résurrection, il faut fréquenter les églises.
    Depuis le saint jour de la résurrection du Christ notre Dieu jusqu'au nouveau dimanche, les fidèles doivent fréquenter sans négligence toute la semaine les saintes églises, se réjouissant dans le Christ et chantant des psaumes et des cantiques et des chants spirituels, s'appliquant à la lecture des saintes écritures et faisant leurs délices de la communion aux saints mystères ; en effet, nous serons ainsi ressuscités et exaltés avec le Christ. Qu'on ne donne point par conséquent, dans les jours en question, ni jeux d'hippodrome, ni autres spectacles publics. 

    67.- Qu'il faut s'abstenir de sang et de la chair d'un animal étouffé.
    C'est un texte divin qui nous a ordonné de nous abstenir de sang, de viande étouffée et de fornication. Ceux-là donc qui à cause de leur ventre goulu s'ingénient à rendre comestible le sang d'animaux et s'en nourrissent, nous leur imposons la peine convenable. Si donc quelqu'un tente de manger du sang d'animaux de quelque façon que ce soit, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. 

    68.- Qu'il ne faut pas détruire les codex de l'ancien et du nouveau Testament ni les partager entre les parfumeurs.
    Qu'il n'est permis absolument à personne de détruire un des volumes de l'ancien et du nouveau Testament ni de ceux de nos saints prédicateurs et docteurs qui font autorité dans l'Eglise ; de le déchirer ou de le livrer à des marchands de livres ou à ceux qu'on appelle " parfumeurs " ou à n'importe quel autre homme, pour qu'il soit détruit, à moins que l'un ou l'autre volume ne fût totalement mis hors d'usage par les vers, l'humidité ou d'une autre manière. Celui qui sera pris faisant cela dorénavant, qu'il soit excommunié pendant un an. Que soit excommunié de la même manière celui qui donne à autrui pour que celui-ci les conserve, mais tente de les détruire. 

    69.- Qu'un laïc ne doit pas pénétrer dans le sanctuaire.
    Que personne de ceux qui sont dans les rangs des laïcs ne s'autorise à pénétrer à l'intérieur du sanctuaire. Cependant l'autorité et la puissance impériale n'en sera point empêché de le faire, lorsqu'elle voudra offrir les dons au Créateur selon une très ancienne tradition. 

    70.- Que les femmes ne doivent pas parler pendant la messe.
    Qu'il ne soit pas permis aux femmes de parler dans le temps de la sainte liturgie, mais, selon la parole de l'apôtre Paul, " qu'elles se taisent, il ne leur a pas été donné, en effet, de parler, mais de se soumettre, comme le dit aussi la loi. Si, cependant, elles veulent savoir quelque chose, qu'elles interrogent leurs maris chez elles ". 

    71.- Que les étudiants en droit ne doivent pas adopter des usages païens.
    Les étudiants en droit civil ne doivent point suivre les mœurs païennes, ni courir les amphithéâtres de jeux, ni faire ce qu'on appelle les sauts périlleux, ni se mettre des costumes étrangers a l'usage commun, soit au temps de la rentrée des classes, soit à leur terme, soit en un mot dans le cours de leur instruction. Si quelqu'un ose dorénavant le faire, qu'il soit excommunié. 

    72.- Qu'un homme orthodoxe ne doit pas épouser une femme hérétique.
    Qu'il ne soit pas permis a un homme orthodoxe de s'unir à une femme hérétique, ni à une femme orthodoxe d'épouser un homme hérétique et si pareil cas s'est présenté pour n'importe qui, le mariage doit être considéré comme nul et le contrat matrimonial illicite est à casser, car il ne faut pas mélanger ce qui ne se doit pas, ni réunir un loup a une brebis. Si quelqu'un transgresse ce que nous avons décidé, qu'il soit excommunié. Quant à ceux qui étant encore dans l'incrédulité, avant d'être admis an bercail des orthodoxes, s'engagèrent dans un mariage légitime, puis, l'un d'entre eux ayant choisi la part la meilleure vint à la lumière de la vérité, tandis que l'autre fut retenu dans les liens de l'erreur sans vouloir contempler les rayons de la lumière divine, si l'épouse incroyante veut bien cohabiter avec le mari croyant, ou vice versa le croyant avec la non-croyante, qu'ils ne se séparent pas, car selon le divin apôtre, " le mari non croyant est sanctifié par sa femme, et la femme non croyante est sanctifiée par son mari ". 

    73.- Qu'il ne faut pas reproduire sur le sol le signe de la croix.

    Vu que c'est la croix vivificatrice qui nous a montré le salut, nous devons employer tout notre zèle a rendre l'honneur dû à ce par quoi nous avons été sauvés de l'antique faute. C'est pourquoi, dans l'intention de lui offrir notre culte par la pensée, la parole et le sentiment, nous ordonnons de faire disparaître de n'importe quelle façon les images de la croix que certains dessinent sur le sol, afin que l'insigne de notre victoire ne soit pas foulé aux pieds par les passants et être par là insulté. Ceux donc qui dorénavant dessineront l'image de la croix sur le sol, nous ordonnons qu'ils soient excommuniés. 

    74.- Qu'il ne faut pas prendre des repas à l'intérieur d'un lieu sacré.
    Qu'il ne faut pas faire dans les églises paroissiales ou dans les églises en général ce qu'on appelle " agapes " et servir à manger à l'intérieur de la maison sainte et y organiser des banquets ; ceux qui osent le faire, doivent cesser ou être excommuniés. 

    75.- Qu'on ne doit pas pousser des cris désordonnés en chantant dans l'église.

    Ceux qui se rendent dans les églises pour y chanter, nous ne voulons pas qu'ils chantent d'une façon bruyante et désordonnée et forcer la nature a pousser des cris, ni qu'ils emploient des textes qui ne sont pas les textes convenables et coutumiers à l'Eglise ; mais qu'au contraire ils présentent avec beaucoup d'attention et de componction leurs psalmodies à Dieu qui voit les secrets des cœurs ; car la sainte parole nous apprend " que les fils d'Israël doivent être pieux ". 

    76.- Qu'on ne doit pas ouvrir un cabaret à l'intérieur de l'enceinte sacrée pour faire du commerce.
    Qu'il ne faut pas ouvrir de cabaret à l'intérieur de l'enceinte sacrée, ni y mettre des vivres en vente, ou s'y livrer à d'autres trafics, afin de respecter la vénération due à l'église ; en effet, le Sauveur notre Dieu, qui nous donne à imiter sa vie dans la chair, nous a exhortés à " ne pas faire de la maison de son père une maison de trafic " ; Il répandit par terre la monnaie des changeurs et chassa ceux qui profanaient le sanctuaire. Si quelqu'un est convaincu de pareille faute, qu'il soit excommunié. 

    77.- Que des clercs ou des moines ne doivent pas se baigner dans les bains publics en compagnie de femmes.
    Qu'il ne faut pas que des clercs dans les ordres majeurs, ou de simples clercs ou des mômes se baignent dans les bains publics en compagnie de femmes : pas même les laïcs ne doivent le faire, car c'est là le premier reproche fait aux païens. Si quelqu'un est convaincu de cela, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. 

    78.- Que les candidats au baptême doivent apprendre le symbole de la foi.
    Qu'il faut que les candidats an baptême apprennent par cœur le symbole de la foi et le jeudi de la grande semaine le récitent devant l'évêque ou les prêtres. 

    79.- De ceux qui fêtent la délivrance de la Vierge le dimanche après la Noël.
    Confessant que le divin accouchement de la Vierge a eu lieu sans les douleurs de l'enfantement, du fait que la conception en a été virginale, et prêchant cela à tout notre troupeau, nous voulons que se corrigent ceux qui par ignorance font quelque chose de non-convenable à ce propos. Donc, comme on voit certaines personnes le jour après la nativité du Christ notre Dieu griller de la semoule et se la partager, en vue d'honorer soi-disant les couches de l'immaculée Vierge-mère, nous ordonnons que les fidèles ne fassent point pareille chose : car cela n'est pas du tout un honneur pour la Vierge, qui a enfanté dans la chair l'incommensurable Verbe d'une manière qui surpasse intelligence et parole, que de vouloir définir et décrire son ineffable enfantement d'après les accouchements ordinaires, que sont les nôtres. Si donc quelqu'un est convaincu dorénavant de rien de tel, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié. 

    80.- Qu'il ne faut pas rester trop longtemps loin de l'église. 
    Si un évêque, un prêtre, un diacre, quelqu'un du clergé, ou un laïc, n'a pas de raison grave ou un empêchement sérieux, qui le retienne loin de son église, mais tout en vivant dans une ville manque la messe trois dimanches en trois semaines consécutives, s'il est clerc, qu'il soit déposé, si laïc, qu'il soit privé de la communion. 

    81.- Qu'il ne faut pas ajouter " qui fut crucifié pour nous ", au trisagion.
    Comme nous avons appris qu'en certains endroits on chante en ajoutant au trisagion après le " saint et immortel " le " qui fut crucifié pour nous, aies pitié de nous ", chose qui fut jadis rejetée par les saints pères comme étrangère à la vraie foi, en même temps que l'hérétique inique qui a inventé ces paroles ; nous aussi, confirmant les pieuses décisions antérieures de nos saints pères, nous anathématisons ceux qui après la présente décision recevront ces paroles, les ajoutant à l'hymne trois fois sainte dans les églises ou ailleurs. Si le transgresseur de notre décision est dans les âmes, s'ils sont clercs, nous ordonnons qu'ils soient déposés, si ce sont des laïcs, qu'il soient excommuniés. 

    83.- Qu'il ne faut pas donner la sainte eucharistie au corps des défunts
    .

    Que personne ne donne la sainte eucharistie en communion aux corps des défunts ; il est en effet écrit : " Prenez et mangez ", or les cadavres des morts ne peuvent ni prendre ni manger.

    84.- De ceux dont on n'est pas certain s'ils ont été baptisés.
    Nous conformant aux règles que nous donnent les canons des pères, nous ordonnons au sujet des nouveaux-nés : " toutes les fois qu'il ne se trouvera pas de témoins sûrs, pour assurer qu'ils ont été sans aucun doute baptisés, et que eux non plus ne peuvent à cause de l'âge rien dire du sacrement qui leur fut conféré, il faut sans aucun empêchement les baptiser, de peur qu'une hésitation à ce sujet ne les prive de la purification du sacrement ".
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    85.- Que les esclaves affranchis reçoivent la liberté en présence de trois témoins.
    " Sur la foi de deux et de trois témoins doit être décidée toute affaire ", nous apprend la sainte Ecriture ; nous ordonnons donc que les esclaves affranchis par leurs maîtres obtiendront cet honneur devant trois témoins, qui confirmeront par leur présence l'affranchissement et seront les garants de l'acte accompli. 

    86.- De ceux qui tiennent des maisons closes au grand dam des âmes.
    Ceux qui recrutent des prostituées et les entretiennent au détriment des âmes, s'ils sont clercs, nous ordonnons qu'ils soient déposés, si ce sont des laïcs, qu'il soient excommuniés.

    87.- De celle qui a quitté son mari ou de l'homme qui a quitté sa femme pour s'unir à une autre personne. 
    " La femme qui a abandonné son mari est une adultère, sa elle est allée avec un autre ", selon le divin saint Basile, qui a glané cela très a propos dans le prophète Jérémie, que " si une femme mariée a été avec un autre homme elle ne retournera pas à son mari, mais souillée, elle restera dans sa souillure " ; et encore : " Qui garde chez lui une femme adultère, est un insensé et un impie ". Si donc il constate que la femme a quitté son mari sans raison plausible, celui-ci sera estimé digne d'excuse, celle-là, de peines canoniques : et l'excuse lui vaudra de pouvoir communier. D'autre part, celui qui a abandonné la femme épousée légitimement et en a pris une autre, tombe sous la condamnation de l'adultère, selon la décision du Seigneur. Les peines canoniques imposées par nos pères pour de tels pécheurs consistent a faire un an parmi les " plorantes ", deux ans parmi les " audientes ", trois parmi les " substrati " et la septième année assister avec les fidèles et alors être jugés dignes de l'offrande, s'ils regrettent avec des larmes leur faute.
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    88.- Qu'il ne faut pas introduire une bête de somme dans un lieu sacré, sinon en cas de force majeure pendant le voyage.
    Que personne n'introduise une bête quelconque à l'intérieur d'une église sauf si en cours de voyage, sous le coup d'une nécessité urgente et manquant de logement et d'abri, il passe la nuit dans l'église ; car s'il n'introduisait pas la bête dans l'église, elle périrait tôt ou tard, et lui par suite de la perte de sa bête de somme serait dans l'impossibilité de poursuivre son voyage et exposé au danger de mourir : or, nous avons appris que " le sabbat a été fait pour l'homme " et que, par conséquent, il faut de toute façon estimer préférable le saint de l'homme et sa préservation. Mais si quelqu'un est convaincu d'avoir introduit sans nécessité, comme il a été dit, une bête dans une église, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié.

    89.- A quel moment il faut rompre le jeûne au jour du samedi saint.
    Après avoir passé les jours de la passion rédemptrice dans le jeûne, la prière et la componction de cœur, les fidèles ne doivent rompre le jeûne qu'à minuit du samedi saint, vu que les évangélistes Matthieu et Luc, l'un par la locution " tard dans la nuit qui suit le samedi ", l'autre par celle de " très grand matin ", désignent l'heure avancée de la nuit.

    90.- Qu'il ne faut pas plier le genou le dimanche.
    Nous avons reçu de nos pères le canon qui nous dit de ne pas fléchir les genoux aux jours de dimanche, en l'honneur de la résurrection du Christ. Or pour avoir une idée claire de son observation, nous faisons connaître aux fidèles qu'après l'entrée du clergé au sanctuaire aux vêpres du samedi selon l'usage reçu, personne ne doit fléchir les genoux, jusqu'au soir du dimanche qui suit, où après l'entrée du lychnicon fléchissant à nouveau les genoux nous offrons au Seigneur nos prières. Nous considérons en effet la nuit qui vient après le samedi comme annonciatrice de la résurrection du Sauveur et nous commençons à partir de ce moment nos cantiques spirituels, faisant tenir la fête depuis les ténèbres de la nuit jusqu'à la lumière du jour, en sorte que nous célébrons la résurrection une nuit et un jour entiers.

    91.- Des peines canoniques contre celles qui donnent et reçoivent des poisons abortifs.
    Les femmes qui procurent les remèdes abortifs et celles qui absorbent les poisons à faire tuer l'enfant qu'elles portent, nous les soumettons a la peine canonique du meurtrier.

    92.- Du rapt des femmes sous prétexte de mariage.
    Ceux qui ont commis un rapt de femme sous le prétexte de mariage, ou bien y coopèrent ou y aident, le saint concile ordonne que s'ils sont clercs, ils soient déchus de leur dignité, s'ils sont laïcs, qu'ils soient anathématises.

    93.- Que celle qui vit avec un autre homme avant d'être certaine de la mort de son mari, commet un adultère.
    La femme dont le mari est parti et est porté disparu, si avant d'avoir la preuve de sa mort, en épouse un autre, elle est coupable d'adultère. De même les femmes de soldats, qui se sont remariées, leurs maris étant portés disparus, sont dans le même cas que celles qui n'ont pas attendu le retour de leurs maris partis au loin ; sauf que pour elles il y a une certaine excuse, vu que la mort y est plus probable. Quant à celle qui a épousé sans le savoir un homme abandonné par sa femme, puis au retour de celle-ci fut laissée par l'homme, certes elle a commis la fornication, mais sans le savoir ; pour cette raison il ne lui sera pas interdit de se marier : cependant il vaudrait mieux qu'elle restât comme elle est. Si jamais le soldat, dont la femme à cause de sa longue absence s'est remariée à un autre homme, revient, il reprendra, s'il le veut, sa propre femme, en accordant son pardon de la faute par ignorance à elle et à l'homme qui l'a épousée en secondes noces.

    94.- De ceux qui font des serments païens.
    Ceux qui font des serments païens, le canon leur impose des peines et nous aussi, nous leur imposons l'excommunication.

    95.- Comment recevoir ceux qui reviennent d'une hérésie.

    Ceux qui viennent à l'orthodoxie et à l'assemblée des rachetés du parti des hérétiques, nous les recevons conformément au rite et à l'usage qui suivent. Les ariens et les macédoniens et les novatiens qui se disent purs, et les aristeriens, et les quatuordécimans on tétradites, et les apollinaristes, nous les recevons, leur faisant signer un libelle d'abjuration et anathématiser toute hérésie qui ne pense pas comme la sainte Eglise de Dieu, catholique et apostolique, et en les signant, c'est-à-dire en leur oignant d'abord du saint chrême le front, les yeux, les narines, la bouche et les oreilles et les signant nous disons : Signe du don du saint Esprit. Au sujet des sectateurs de Paul de Samosate, qui retournent ensuite à l'Eglise catholique, il fut décidé de les rebaptiser absolument. Quant aux eunomiens, qui sont baptisés par une seule immersion, et aux montanistes, qu'on nomme ici Phrygiens, et aux sabelliens, qui admettent l'identité du Père et du Fils et accomplissent d'autres rites abominables, et tous les autres hérétiques, ils sont en effet nombreux, surtout ceux qui viennent du pays des Galates, tous ceux d'entre eux qui veulent venir à l'orthodoxie, nous les recevons comme des païens ; le premier jour nous les armons du signe de la croix, le second nous les admettons parmi les catéchumènes, les troisième nous les exorcisons en les insufflant par trois fois au visage, et aux oreilles et alors nous les instruisons et nous les admettons pendant un an à assister dans l'église et écouter la lecture des saintes écritures, puis nous les baptisons. De même, nous rebaptisons les manichéens et les valentiniens et les marcionites et ceux qui viennent de semblables hérésies, les recevant comme des païens. Tandis que les nestoriens et les eutychiens et les sévériens et ceux de semblables hérésies doivent présenter un libelle d'abjuration et anathématiser leur hérésie et Nestorius et Eutychès et Dioscore et Sévère et les autres hérésiarques et leurs sectateurs et toutes les hérésies prédites, et alors seulement recevoir la sainte communion.

    96.- Que l'homme ne doit pas faire de sa chevelure un piège de péché.
    Ceux qui ont revêtu le Christ par le baptême ont confessé par là qu'ils imiteront sa vie dans la chair. Donc ceux qui pour la ruine des âmes arrangent leur chevelure et l'ordonnent en tresses savantes, offrant ainsi des pièges aux âmes faibles, nous voulons les guérir spirituellement par la peine canonique appropriée, afin de les éduquer et leur apprendre à vivre sagement, en laissant de côté la fraude et la vanité de la matière pour élever sans cesse leur Esprit vers la vie impérissable et bienheureuse, mener dans la crainte du Seigneur une vie chaste, s'approcher de Dieu, dans les limites du possible, par une vie pure, et orner l'homme intérieur plutôt que l'extérieur par la vertu et des mœurs honnêtes et irréprochables : ainsi ne porteront-ils plus aucune trace de la grossièreté de l'ennemi. Si quelqu'un agit contre le présent canon, qu'il soit excommunié.

    97.- De ceux qui sans remords vivent avec leurs femmes dans les églises.
    Ceux qui cohabitent avec leurs femmes dans les saints lieux ou les profanent de n'importe quelle autre manière et s'y conduisent sans respect et y demeurent tout bonnement, nous ordonnons qu'ils soient expulsés même des catéchuménats des Eglises sacrées. Si quelqu'un n'observe pas cela, clerc, qu'il soit déposé, laïc, excommunié.

    98.- De celui qui a épousé une fiancée du vivant de son fiancé.
    Celui qui contracte mariage avec une femme fiancée à un autre, du vivant encore de son fiancé, qu'il ait à répondre du péché d'adultère.

    99.- Des Arméniens qui offrent des viandes cuites à l'intérieur du sanctuaire.
    Nous avons appris que le fait suivant aussi a lieu dans le pays des Arméniens : que certaines gens portant des morceaux de viande, les offrent à l'intérieur du sanctuaire, en réservant une partie aux prêtres, a la manière des Juifs. C'est pourquoi voulant sauvegarder la pureté de l'Eglise, nous ordonnons qu'il est interdit à tout prêtre d'accepter des morceaux déterminés de viande de la part de ceux qui les offrent, mais se contenter des morceaux que l'offrant voudra bien leur donner, à condition que l'offrande se fasse hors de l'église, Si quelqu'un n'agit pas de la sorte, qu'il soit excommunié.

    100-. Qu'il ne faut pas peindre des tableaux poussant à la luxure.
    " Que tes yeux regardent droits ", et " Garde ton cœur plus que tout autre chose ", nous commande la Sagesse ; car, très facilement les sensations corporelles influencent l'âme. C'est pourquoi nous ordonnons qu'on ne peigne plus soit sur tableaux soit autrement les peintures qui charment la vue et corrompent l'esprit et allument les flammes des désirs impurs. Si quelqu'un entreprend de faire cela, qu'il soit excommunié.
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    101.- Que les laïcs reçoivent la communion dans leur main, et non dans des vases d'or ou d'argent.
    " Corps du Christ " et " temple " appelle le divin apôtre dans la magnificence de son langage, l'homme créé à l'image de Dieu. Elevé donc au dessus de la nature sensible, l'homme, qui grâce a la passion du Sauveur a obtenu la dignité céleste, mangeant et buvant le Christ, se rend apte à la vie immaculée à ceux qui présentent de tels vases, qu'il soit excommunié, et celui-là aussi qui les a présentés.

    102.- Qu'il faut examiner les dispositions du pécheur et la qualité du péché.
    Ceux qui ont reçu de Dieu le pouvoir de délier et de lier doivent examiner la qualité du péché et la promptitude au retour du pécheur lui-même, et alors seulement ordonner le remède approprié, de peur qu'en manquant de mesure dans l'un ou l'autre sens, il n'obtienne point le salut du malade. En effet, la maladie du péché n'est pas simple dans sa nature, mais complexe et variée, poussant des ramifications nombreuses du mal, grâce auxquelles le mal s'étend et progresse, jusqu'au moment où il est arrêté grâce au pouvoir du médecin. Le praticien de la médecine du saint Esprit doit donc en tout premier lieu examiner la disposition du pécheur, et voir s'il tend de lui-même vers la santé, ou si au contraire par sa conduite il provoque sa propre maladie ; comment il se conduit dans le temps de la cure, s'il ne s'oppose pas à l'art du praticien et que l'ulcère de l'âme ne s'étale pas à cause des médicaments apposés ; et mesurer la miséricorde en conséquence. La Volonté de Dieu et de l'homme à qui fut confié l'office pastorale est de ramener la brebis égarée, de guérir la morsure du serpent, sans pousser l'homme dans le précipice de la désespérance, ni lui relâcher les reines jusqu'à une vie dissolue et pleine de mépris ; de toutes manières, soit par des remèdes austères et amers, soit par d'autres doux et calmants, s'opposer au mal et s'efforcer de cicatriser l'ulcère, est l'unique but de celui qui juge des fruits du repentir et avec prudence prend soin de l'homme appelé à l'illumination céleste. Donc, " il nous faut connaître toutes les deux méthodes, celle de l'exacte observation des commandements et celle de l'expérience, et suivre, à propos de ceux qui ne consentent pas à accepter la sévérité, la méthode traditionnelle ", comme nous l'enseigne saint Basile.
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    La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie» Empty Re: La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie»

    Message  Arlitto Ven 20 Nov 2020 - 16:03

    Modalités canoniques d'exercice de la juridiction du Patriarcat œcuménique de Constantinople

    La Tradition de l'Eglise a accordé, au cours des siècles, à l'Eglise de Constantinople - comme à toute autre Eglise locale d'ailleurs, selon le cas chorogéographique et temporel - certaines modalités canoniques pour accomplir l'œuvre sotériologique qu'accomplit chaque Eglise locale dans l'espace et dans le temps. Ces modalités peuvent être réparties en différentes catégories.
    1.- La juridiction de l'(Archi)épiscopalie de Constantinople
    C'est la ville épiscopale de Constantinople - y compris son hinterland (arrière-pays) - dont l'(arch)évêque porte le titre de (est le) patriarche du Patriarcat homonyme. De même, la presqu'île hagiorite du Mont Athos est considérée comme territoire de l'(archi)épiscopie de Constantinople, car le patriarche est l'évêque de ce lieu, exerçant la plénitude des droits épiscopaux.
    2.- La juridiction du " Patriarcat de Constantinople "
    Les limites géo-ecclésiastiques du Patriarcat de Constantinople - comme des autres quatre Patriarcats (anciens) d'ailleurs - reposent sur des fondements historico-canoniques. L'événement décisif pour les Eglises patriarcales a été le 4è Concile œcuménique de Chalcédoine (451). Comme l'on sait, l'œuvre canonique de ce concile a consisté à la constitution de nouvelles " entités géo-ecclésiastiques ", qualifiées par le terme "Patriarcat" ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n1]voir note 1[/url]). II s'agit d'une nouvelle existence canonique, inconnue dans la tradition de l'Eglise jusqu'alors, qui reflète la volonté de l'Eglise - créant l'ensemble des Patriarcats - de s'administrer synodalement dans toutes les manifestations de sa vie " institutionnelle ". L'Eglise a regroupé donc au cours des 4e et 5e siècles les " métropoles autocéphales " du vaste Empire romain en Patriarcats pour mieux organiser et aider, à travers l'institution du " synode local ", l'Eglise locale.

    Une question se pose toujours à ce propos : depuis quand le Patriarcat de Constantinople existe-t-il en tant que tel ? La réponse demeure claire : depuis que les autres Patriarcats ont pris naissance en tant que tel par la volonté conciliaire de l'Eglise, au 4è Concile œcuménique (451). Dans cette perspective patriarcale, conciliairement établie, le Patriarcat de Constantinople avait acquis la deuxième place dans la taxis (des diptyques) canonique des Eglises. Par ailleurs, ce même 4è Concile œcuménique "désigna" d'une autre manière, sans la mentionner expressis verbis, l'autocéphalie de l'Eglise de Chypre qui avait été déterminée par le 3è Concile œcuménique d'Éphèse (431). Ledit Concile confirma une pratique ecclésiale transmise par la tradition métropolitaine de l'Eglise, alors que, par la suite, le 4è Concile œcuménique (451) reconfirma " par son silence " la même autocéphalie administrative de Chypre en regroupant toutes les autres métropoles et diocèses de l'Empire romain en Patriarcats sans y intégrer l'Eglise autocéphale de Chypre. C'est la formation des cinq entités ecclésiales auxquelles la tradition canonique de l'Eglise accorda la qualité patriarcale caractérisée par ce qu'on appelle aujourd'hui un droit ecclésial " absolu ".

    Pour récapituler l'évolution canonique de l'Eglise au cours des cinq premiers siècles, on peut présenter les étapes successives, bien distinctes, de son organisation :

    1. Episcopè / Eglise locale (Nouveau Testament/3 premiers siècles)
    2. Métropole (1er Concile œcuménique de Nicée - 325)
    3. Eglise autocéphale (3e Concile œcuménique d'Éphèse - 431)
    4. Patriarcat (4e Concile œcuménique de Chalcédoine - 451)
    5. La Pentarchie des Patriarcats (4e Concile œcuménique - 451)

    Ce dernier élément, celui de la pentarchie, constitue un système canonique -et non pas une institution- fondé sur le principe de l'indépendance administrative ecclésiastique (autocéphalie) réservant une juridiction propre dite patriarcale (jus patriarchati), inventé(e) canoniquement par l'Eglise (4è Concile œcuménique de Chalcédoine - 451). La pentarchie synodale vient s'ajouter au système métropolitain (1er Concile œcuménique de Nicée - 325) et au système de l'autocéphalie (3è Concile œcuménique d'Éphèse - 431). En effet, l' œcoumènè chrétienne d'alors s'organisait ecclésialement autour de cinq centres de gravité ou de primat, coïncidant avec les centres historiques majeurs de la chrétienté : c'est-à-dire Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem. II s'agit d'une répartition administrative conciliaire de l'autorité -synodale- de l'Eglise en cinq patriarcats désignant / voulant exprimer la manifestation de la synodalité dans son administration suprême et de laquelle font également partie, par la suite et à ce jour, les Eglises autocéphales. Cette articulation structurale a des incidences ecclésiologiques depuis sa constitution conciliaire.

    C'est ainsi que le système de la Pentarchie inventé par l'Eglise au 4e Concile œcuménique de Chalcédoine (451), selon la taxis canonique adoptée alors, présente la structure suivante : 1. Patriarcat de Rome, 2. Patriarcat de Constantinople, 3. Patriarcat d'Alexandrie, 4. Patriarcat d'Antioche et 5. Patriarcat de Jérusalem.

    Or l'Eglise de Constantinople se présente alors comme possédant une " nouvelle existence canonique " avec un territoire canonique de sa circonscription patriarcale qualifiée historiquement par la ville de Constantinople et les trois éparchies limitrophes (Thrace, Pont et Asie Mineure). On devrait par la suite le définir choro-géographiquement par les quatre mers (Noire, Méditerranée, Adriatique et Baltique), comme le deuxième trône patriarcal dans le " système de la pentarchie " des Patriarcats, et jouissant d'une primauté d'honneur -selon la taxis - au sein de l'Eglise orthodoxe " répandue à travers tout l'univers " ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n2]voir note 2[/url]) après la " désunion ecclésiale " survenue en 1054.
    3.- L'exercice du " droit préjuridictionnel " du Patriarcat
    Cette modalité est également liée à la notion de patriarcat définie parle 4è concile œcuménique (451). En effet, comme les autres patriarcats, le Patriarcat Œcuménique ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n3]voir note 3[/url]) de Constantinople englob(ait)e, hier comme aujourd'hui, plusieurs nations-ethnies. Cela est une caractéristique fondamentale qui qualifie, entre autres, les patriarcats.

    La procédure conciliaire réalisée au sein de la Tradition canonique de l'Eglise pour les autres Eglises patriarcales d'alors, fut également la même pour ce qui concerne le Patriarcat Œcuménique ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n4]voir note 4[/url]). En effet, l'Eglise, par voie conciliaire ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n5]voir note 5[/url]), lui confia les diocèses ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n6]voir note 6[/url]) de la Thrace, du Pont et de l'Asie Mineure, en lui accordant le "jus patriarchi", le droit de juridiction d'un patriarche, comme cela avait été le cas pour les quatre autres patriarches, ceux de Rome, d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem. II acquit alors un " droit juridictionnel territorial " dans les limites de son patriarcat. Le territoire patriarcal juridictionnel - jusqu'à la fin du 1er millénaire - est étendu et déterminé historiquement et choro-géographiquement par quatre mers (Noire, Méditerranée, Adriatique et Baltique). Or, sur le territoire européen, il s'agit bien de la péninsule Balkanique toute entière prolongée vers les pays nordiques (Europe centrale et orientale). L'attribution de ce territoire juridictionnel, on l'a vu, date du 4è Concile œcuménique (451) et, par la suite, de l'attachement à ce trône patriarcal de l'Illyricum orientale (731). Par conséquent, depuis 451 / 731 jusqu'en 1593 (autocéphalie et patriarchie de l'Eglise de Russie) et 1850 (autocéphalie de l'Eglise de Grèce), le territoire déterminé ci-dessus lui demeurait juridictionnellement propre. A partir de ces dernières dates, son " territoire juridictionnel " entier commence à être canoniquement " amputé " par la proclamation des différentes autocéphalies ecclésiales, car le Patriarcat constantinopolitain, pour affronter le nationalisme et l'étatisme accrus - transmis et apparus depuis le début de 19e siècle dans les Balkans -, qui avaient commencé à contaminer la communion des différentes ethnies-communautés ecclésiales ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n7]voir note 7[/url]), réactiva le " système de l'autocéphalie " que l'Eglise avait déjà connu dans sa tradition conciliaire. L'acquis de ce "droit juridictionnel territorial " dont nous venons de parler, constitue la raison principale justifiant la proclamation des autocéphalies ecclésiales. Pour appliquer ce droit accordé conciliairement par l'Eglise, le Patriarcat de Constantinople demeure seul à proclamer des autocéphalies.

    La soustraction progressive des territoires du Patriarcat, appartenant à des Eglises autocéphales canoniquement proclamées en tant que telles, changea la structure géo-ecclésiastique de l'Europe centrale et orientale, mais cette dernière rest(ait)e un " territoire ex-juridictionnel " (d'un sens / contenu non définitif) ou plutôt un " territoire préjuridictionnel " ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n8]voir note 8[/url]).Ce terme donc - qui est un néologisme - qualifie le territoire d'une Eglise autocéphale émancipée par une juridiction ecclésiale, toujours patriarcale, où l'Eglise patriarcale-mère n'exerce aucune autorité ecclésiastique juridictionnelle, spirituelle ou administrative, car cette Eglise est autocéphale. Il faut rappeler ici encore que parmi les cinq Patriarcats anciens, le Patriarcat de Constantinople demeure le seul, pour des raisons historiques et théologiques, qui pour faire face à des circonstances pluriformes extrêmement difficiles, procéda au système de l'autocéphalie dans son ressort territorial patriarcal propre pour les peuples ethniques formant un État national. Les autres quatre Patriarcats anciens ; (à savoir, de Rome, d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem) n'ont pas pratiqué ce système ecclésial. Or une Eglise autocéphale moderne constitue, toujours et par définition, un " territoire préjuridictionnel " du Patriarcat de Constantinople, duquel elle est issue et canoniquement émancipée. Mais elle ne constitue pas un " territoire ex-juridictionnel ".

    Cela s'explique par le fait qu'en cas d'abolition d'une Eglise autocéphale locale (cf. les autonomies ecclésiastiques de Serbie et de Bulgarie au cours du 12e siècle, ainsi que l'exemple récent de l'Eglise autocéphale d'Albanie (1967-1991)), la juridiction en revient à l'Eglise patriarcale de Constantinople ayant le plein droit canonique, ainsi que l'initiative canonique d'agir pour restaurer l'autocéphalie abolie par les différentes circonstances. De ce point de vue, dans l'Eglise orthodoxe, le " territoire préjuridictionnel " du Patriarcat de Constantinople est constitué de l'ensemble de tout ressort territorial canonique des Eglises autocéphales, -à l'exception de l'Eglise autocéphale de Chypre, dont l'autocéphalie a été proclamée par le 3è Concile œcuménique d'Éphèse (431), et des quatre Patriarcats anciens bien entendu - circonscrites dans les limites " géo-patriarcales " définies par les (2è, 4è et le Quinisexte) conciles œcuméniques, c'est-à-dire de l'Europe centrale et orientale. En conséquence, ce droit ecclésial ne manifeste pas une " primauté juridictionnelle ", mais, au contraire, il explique le lien qui (doit) existe(r) entre l'Eglise patriarcale-mère et les Eglises autocéphales issues de son sein.

    La juridiction ecclésiale du Patriarcat Œcuménique n'est pas en réalité universelle. En tant qu'entité (géo)ecclésiale déterminée par un territoire donné (caractéristique de l'indigénité (" entopiotès " en grec) mais aussi que Patriarcat, il est (si étrange que cela puisse paraître) en voie de limitation. Le fait d'activer le système de l'autocéphalie - il était tout à fait libre de ne pas le faire - signifie qu'il a procédé à un acte canonique par libre choix ayant comme but initial et unique la sauvegarde de l'unité ecclésiale à l'intérieur de son ressort territorial patriarcal au ... " détriment " de son intégralité territoriale. Cela en fait " coûta " - extérieurement et, si l'on veut, politiquement parlant -, du point de vue territorial, la diminution de sa juridiction territoriale traditionnelle, ce qui représente bien entendu une certaine valeur mais seulement relative, en vue de rester en communion ecclésiale permanente avec les peuples ethniques se trouvant dans son espace juridictionnel patriarcal, émancipés par les autocéphalies ecclésiales.

    Or, les (neuf) Eglises autocéphales existantes à ce jour - à la seule exception de l'Eglise autocéphale de Chypre qui ne fit jamais partie du territoire juridictionnel d'un des cinq Patriarcats -, à savoir, les Eglises de Russie, de Serbie, de Roumanie, de Bulgarie, de Géorgie, de Grèce, de Pologne, d'Albanie et de Tchéquie et Slovaquie, constituent un " territoire préjuridictionnel " du Patriarcat Œcuménique. La fondation des Eglises sus-mentionnées explique manifestement la constitution conciliaire du " Patriarcat " par l'Eglise, qui, comme on l'a dit, est (son territoire) en voie de limitation. L'Eglise locale orthodoxe d'un Etat, ayant acquis son autocéphalie ecclésiale, exerce dans les limites étatiques une juridiction positive strictement réservée aux limites de cette Eglise autocéphale (juridiction intraorius). Le territoire de cette Eglise autocéphale étant soustrait de ce (territoire) du Patriarcat, il n'est plus juridiction de ce dernier, car cette Eglise émancipée est " autocéphale ". En revanche, après toutes ces proclamations de l'autocéphalie précitées, le Patriarcat Œcuménique de Constantinople exerce une juridiction soustractive réelle - sans que cela veuille dire qu'il perde sa notion positive - sur le territoire patriarcal qui reste après les proclamations canoniques. En d'autres termes, cette juridiction soustractive patriarcale concerne les territoires qui restent en dehors des limites des Eglises autocéphales, territoires qui n'appartiennent pas à une autre Eglise autocéphale.

    Pour éclaircir encore la question posée, ajoutons que le droit des cinq patriarches accordé par le 4è Concile œcuménique de Chalcédoine (451), porte entre autres une double notion : c'est (a) un droit territorial et (b) un droit juridictionnel Le premier est lié à la répartition territoriale entre les cinq Patriarcats faite par le Concile lui-même. Le second regarde l'espace intrajuridictionnel de chaque trône patriarcal. Le privilège patriarcal originel et l'initiative canonique du Patriarcat Œcuménique - fondée sur le droit juridictionnel territorial comme droit d'émancipation - de proclamer des Eglises autocéphales dans son " territoire juridictionnel " fait exclusivement partie de sa seconde qualité en tant que Patriarcat. A celle-ci est également liée la notion de " territoire préjuridictionnel ", développée plus haut.

    Or, toutes les Eglises autocéphales possèdent la première qualité en ayant leur ressort territorial propre, dans lequel elles peuvent agir canoniquement selon les principes découlant de leur autocéphalie (droit plein), sans pour autant qu'elles aient le droit - et cela ressort des mêmes principes - de sortir des limites de ce territoire canonique pour exercer une juridiction hyperorius La seconde qualité est donc strictement réservée aux cinq anciens Patriarcats (droit absolu) ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n9]voir note 9[/url]). C'est pour cette raison également que les Eglises autocéphales en tant que Patriarcats (modernes) peuvent accorder une autonomie (droit relatif) ecclésiale intraorius- et non hyperorius-, mais non plus une autocéphalie tant dans leur territoire intrajuridictionnel que, encore moins, dans un autre territoire hyperorius. On doit souligner de même que le Patriarcat Œcuménique a historiquement respecté, dans tous les cas, l'autocéphalie patriarcale et l'intégrité du territoire juridictionnel des autres trônes patriarcaux proclamant des Eglises autocéphales uniquement dans les limites de son territoire patriarcal canonique : ce sont celles (Eglises autocéphales) qui se trouvent dans son " territoire préjuridictionnel ". Il a donné l'exemple et ainsi formulé la règle d'or d'un comportement canonique bien entendu "non hyperorius".
    Nous proposons donc cette nouvelle approche du "territoire préjuridictionnel" sur la question posée, qui a manifestement un fondement canonique, étant donné que les autocéphalies ecclésiales récentes n'ont pas encore été revêtues d'une affirmation canonique conciliaire. En utilisant ce terme nous n'entendons cependant aucune notion de perspective d'assimilation des Eglises autocéphales de la part du Patriarcat Œcuménique. Le terme canonique "Eglise-Mère" (Mater Ecclésia) par ailleurs est bien justifié par le terme " préjurdictionnel " et ce dernier est en fait expliqué par lui. C'est pour cette raison que le Patriarcat Œcuménique s'est avéré être un récepteur sensible des problèmes des Eglises autocéphales orthodoxes et, qu'en sa qualité d'Eglise-Mère, il a soutenu leur lutte, comme il en avait le devoir ecclésial de diverses manières.
    4.- La primauté d'honneur du Patriarcat
    Le Patriarcat Œcuménique de Constantinople jouit, par ailleurs, après la désunion et à la place de Rome, d'une " diaconie préventive " acquise et reconnue diachroniquement par les autres Eglises orthodoxes, tant patriarcales qu'autocéphales en raison de la taxis canonique en tant que " primus inter pares " dans l'Eglise orthodoxe. Cette primauté qui est une " primauté de diaconie " ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n10]voir note 10[/url]) et pas une primauté de pouvoir, lui accorde la présidence - selon la taxis de l'Eglise orthodoxe - parmi les primats des Eglises patriarcales ou autocéphales afin qu'une " égalité d'honneur de bonne taxis " règne parmi eux ([url=http://www.orthodoxa.org/FR/orthodoxie/droit canon/modalitesjuridictionconstantinople.htm#n11]voir note 11[/url]). Elle se traduit par un rôle de droit d'appel, de coordination et de responsabilité particulière en ce qui concerne la communion (koinonia) entre les Eglises.

    Récapitulant la pratique de l'institution de l'Eglise locale des trois premiers siècles de l'ère chrétienne, de même que celle du système métropolitain (1er Concile œcuménique - 325) et du système de l'autocéphalie (3è Concile Œcuménique - 431), le 4è Concile œcuménique de Chalcédoine (451) s'orienta consciemment vers la formation des entités géo-ecclésiastiques nouvelles, inexistantes jusqu'alors comme telles : les Patriarcats (il a fallu quatre siècles pour que l'Eglise puisse arriver à une étape d'organisation globale). Ce fait historique au sein de l'Eglise marque aussi bien une taxis dans la " koinonia " entre Eglises, qu'une volonté constante de manifestation de la synodalité dans l'administration de l'ensemble de l'Eglise. Cinq Eglises patriarcales et une Eglise autocéphale (de Chypre) assuraient donc la perspective visée par les fermentations canoniques de cette époque.
    Le Patriarcat Œcuménique aujourd'hui :
    TURQUIE
    1.- Archiépiscopie de Constantinople
    2.- Métropole de Chalcédoine
    3.- Métropole d'Imbros et Ténédos
    4.- Métropole des Îles des Princes
    5.- Métropole de Dercos
    GRECE
    1.- Eglise semi-autonome de Crète (8 Métropoles) 
    2.- Métropoles du Dodécanèse (4) 
    3.- Métropoles des Nouveaux Territoires (38) (Administrées provisoirement par l'Eglise de Grèce ; Acte patriarcal et
    Synodal de 1928)
    4.- Politeia monastique du Mont Athos
    EUROPE CENTRALE ET OCCIDENTALE
    1.- Eglise autonome de Finlande (3)
    2.- Eglise autonome d'Estonie (1)
    3.- Eparchies de l'Europe centrale et occidentale (8)
    AMERIQUE
    1.- Archiépiscopie d'Amérique et huit épiscopies (USA) (9)
    2.- Métropoles d'Amérique du Nord et du Sud (sauf USA) (3)
    ASIE
    1.- Métropole de Hong-Kong (1)
    OCEANIE
    1.- Archiépiscopie d'Australie (1) 
    2.- Métropole de Nouvelle Zélande (1)
    par le très rév. archimandrite Grigorios Papathomas, professeur à l'Institut de théologie orthodoxe Saint Serge
    in "Témoignage et Pensée Orthodoxes" N°11-12 4è trimestre 1999
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    Message  Arlitto Ven 20 Nov 2020 - 16:04

    De l’altérité et de la communion ecclésiales conciliaires
    à [deux déviations symétriques] :


    l’Eglise nationale et l’absorption ecclésiale



    (Le cas de l’absorption ecclésiale aux Pays Baltes,
    en Estonie et en Lettonie, au nom de l’“uniformité” de l’Eglise nationale)



    Lorsque le IVe Concile œcuménique de Chalcédoine (451), pour faire obstacle à l’hérésie monophysite, formula sa célèbre « Définition de la Foi », connue dans l’Histoire sous le nom de « Définition de Chalcédoine », il exprima en même temps une réalité antinomique qui concernait (et concernerait à l’avenir) aussi bien le « quod est » (le « mode d’être », le « ce qui est [l’hypostase] ») que l’« être “sans mélange et sans division” » des Eglises établies localement à travers tout l’univers. La réalité antinomique du « quod est » de ces Eglises devait périchorétiquement passer par deux catégories et réalités, théologiques ecclésiologiques et canoniques, l’altérité et la communion. Plus précisément, l’existence des Eglises locales ou établies localement passe par l’affirmation de leur altérité géo-ecclésiastique et la préservation de l’unité et de la communion de ces Eglises entre elles. En d’autres termes, la demande et la vision du Concile de Chalcédoine étaient axées sur le fait que doivent simultanément exister altérité et communion ecclésiales en tant qu’accomplissement clairement antinomique du mode d’existence trinitaire des Eglises établies localement.

    À travers les siècles, cette vision chalcédonienne du « être ecclésialement en toute altérité et en totale communion » a subi une double aliénation, si bien que, tout au long de l’époque moderne et jusqu’à nos jours, l’Eglise orthodoxe n’a jamais cessé d’être tentée par une déviation isocèle et symétrique : autonomisation de l’altérité ayant pour conséquence la minorisation de la communion et l’isolationnisme ecclésial, d’une part, et aliénation de la communion accompagnée d’une confusion ayant pour conséquence l’annihilation par absorption de l’altérité, d’autre part. Pour parler plus analytiquement :

    • Cette déviation réside, d’un côté, dans l’ancrage monistique d’une Eglise établie localement sur le principe de l’altérité – non pas géo-ecclésiastique, mais – ethno-ecclésiastique du peuple qu’elle représente et qui a reçu l’honneur de la Patriarchie-Autocéphalie-Autonomie. En contrepartie, cette priorité avait pour conséquence l’indifférence réelle – ou feinte au service de finalités nationales ou autres – à l’égard de l’unité et de la communion ecclésiales.


    • De l’autre côté, cette déviation consiste à promouvoir intentionnellement et excessivement la communion ecclésiale dans un pays (à majorité orthodoxe), et cela, au nom d’une unité de forme ethno-phylétique à laquelle l’Eglise sert judicieusement de paravent. La conséquence immédiate en est l’annihilation et l’absorption de l’altérité ecclésiale d’un autre peuple voisin – pourtant garantie par une procédure ecclésiastique canonique – et, par suite, la provocation d’une incorporation anti-canonique d’une Eglise établie localement par une autre, et, par extension, l’absorption institutionnelle d’une Eglise par une autre et, ainsi, la confusion (cf. canon 2/IIe) de deux Eglises établies localement.


    Si le premier cas de déviation ecclésiologique par rapport à la « définition de Chalcédoine » caractérise l’actuelle « Eglise nationale » tel qu’aujourd’hui, elle prospère au sein de l’Eglise orthodoxe et en sape les fondements, le deuxième cas de déviation ecclésiologique, à savoir l’absorption de l’altérité ecclésiale au nom d’une unité mono-ethno-ecclésiale plus étendue, trouve sa pleine application, à partir de 1945, en Estonie, dans les rapports entre l’Eglise autonome d’Estonie (1923-1945) et l’Eglise autocéphale patriarcale de Russie, ainsi qu’en Lettonie, dans les rapports entre l’Eglise autonome de Lettonie (1936-1945) et l’Eglise de Russie.

    La première déviation, celle de l’existence d’une « Eglise nationale », se manifeste aujourd’hui de manière claire et nette par la revendication irrecevable et ecclésiologiquement anti-canonique d’un corps ecclésial à tendance nationale dans les frontières de l’Etat national et, en même temps, hors de l’Etat national, par l’exercice d’une juridiction ethno-ecclésiastique mondiale de la part de chaque Eglise nationale orthodoxe à travers le monde. C’est cette revendication qui a essentiellement motivé la récente contestation de l’épithète qualificative « œcuménique » dans le titre historique et canonique du Patriarcat œcuménique de Constantinople. En effet, bien que dénuée de tout fondement ecclésiologique et canonique, cette revendication aboutit au renversement de l’ordre canonique dont nous avons hérité (cf. Tradition canonique), afin d’instaurer, dans le monde entier, un régime qui consacrerait l’égalité juridictionnelle multiple de la part de certaines Eglises nationales orthodoxes, et cela, à des fins national(ist)es. Nous en connaissons le résultat. Dans toute la « Diaspora » orthodoxe, est apparu aujourd’hui le phénomène ecclésiologiquement grotesque de la coexistence de plusieurs – jusqu’à huit ! – juridictions ethno-ecclésiastiques orthodoxes dans le même pays et dans la même ville (cf. Paris, entre autres), lequel sape totalement l’orthodoxie chalcédonienne de l’unité (ecclésiale) de chaque corps ecclésial établi localement.

    Quoique le problème soit aisément discernable et clairement admis par les Orthodoxes du monde entier, ceux-ci présentent cependant une faiblesse commune : alors que tous s’accordent sur l’« irrecevabilité ecclésiologique et canonique » d’une telle situation, ils n’en restent pas moins accrochés au « bien acquis » de leur juridiction ethno-ecclésiastique extra-frontalière (hyperoria) ainsi qu’à son expansion, avec une totale indifférence quant à l’accomplissement (réalisation) de l’Eglise elle-même sur un lieu donné. Il suffit de lire attentivement les dispositions des Chartes statutaires des Eglises nationales orthodoxes (Voir notre article publié dans L’Année canonique, vol. 46 (2004), ch. III, p. 88 et ss., ainsi que dans la revue Synaxie, n° 90 (4-6/2004), p. 37 et ss. (en grec)) pour constater que ce qui est considéré ici comme ecclésiologiquement inadmissible aux yeux de tous, se présente, là-bas – dans le cas des pays baltes –, comme une conviction de l’Eglise de Russie ayant la force de l’évidence, d’autant plus qu’elle est entérinée (nomo)statutairement. Ne citons qu’un seul exemple statutaire : « La juridiction de l’Eglise orthodoxe russe s’étend aux personnes de confession orthodoxe résidant sur le territoire canonique de l’Eglise orthodoxe russe : en Russie, Ukraine, Biélorussie, Moldavie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Kirghizistan, Lettonie, Lituanie, Tadjikistan, Turkménie, Ouzbékistan et Estonie, de même qu’aux orthodoxes qui vivent dans d’autres pays et qui désirent volontairement y en faire partie » (Article I, § 3, de la Charte statutaire de l’Eglise orthodoxe de Russie de 2000 ; souligné par nous).

    Pour apporter un bref commentaire à ce texte statutaire, d’après cette Charte statutaire de l’Eglise de Russie, nous pourrions dire que l’Estonie (et la Lettonie) n’est pas un Etat indépendant, et par conséquent ecclésialement fait partie du “territoire canonique” de l’Eglise orthodoxe russe. Cela revient à dire qu’à côté d’elle, nulle autre Eglise n’existe ni n’a plus le droit d’exister. Cette affirmation nous donne toute la mesure du problème qui se pose dans les pays baltiques, du moment que l’Eglise orthodoxe de Russie ne reconnaît comme entité religieuse, dans cette région, aucune autre Eglise orthodoxe et, par extension, aucune autre Eglise ni catholique ni protestante. Toutes ces Eglises existent bien, mais sur un “territoire canonique” russe. Il semble aussi que cela pose un problème du point de vue du droit public international, du fait que ces textes statutaires russes ne reconnaissent ni l’Estonie, ni la Lettonie ni la Lituanie comme Etats indépendants, parce qu’ils font partie de « toutes les Russies » du domaine ecclésiastique. En d’autres termes, contrairement à l’Etat russe, l’Eglise orthodoxe russe ne reconnaît pas l’indépendance ni l’autonomie de ces Etats. Et c’est écrit dans sa Constitution. Pourtant, comment est-il possible qu’une Eglise nationale et autocéphale déclare les territoires d’autres Etats indépendants comme appartenant à son “territoire canonique” et se serve de lois constitutionnelles officielles pour, en même temps, revendiquer ces territoires et refuser l’existence d’autres Eglises locales homodoxes ?

    La réactivation de l’autonomie de l’Eglise orthodoxe d’Estonie en 1996 a causé une rupture de communion temporaire entre le Patriarcat œcuménique et l’Eglise orthodoxe de Russie. Elle a été résolue par l’accord de Zurich du 22 avril 1996, par lequel l’existence de l’Eglise orthodoxe autonome d’Estonie, de même que le diocèse de l’Eglise orthodoxe de Russie en Estonie, ont été reconnus. L’Eglise orthodoxe de Russie, toutefois, n’a jamais mis cet accord en application jusqu’à ce jour. C’est pourquoi nous rappelons la fable des Grands et des Petits (voir infra) – les Grands ont le droit de méconnaître tous les accords. Puisque l’Eglise autonome d’Estonie n’existe pas pour l’Eglise orthodoxe russe, l’accord compte pour rien.


    L’Eglise orthodoxe d’Estonie est une Eglise autonome depuis 1923 et son Tomos d’autonomie a été réactivé en février 1996 par le Patriarcat œcuménique, après la douloureuse parenthèse soviétique. Ainsi, maintenant, il y a dix ans que l’Eglise orthodoxe de Russie ne reconnaît pas cette Eglise autonome conformément à ses Statuts et à sa canonisprudence, parce que l’Estonie est considérée comme appartenant à son “territoire canonique culturel” (sic).


    D’ailleurs, malgré ses déclarations théologiques pré-conciliaires, toujours conformes aux principes ecclésiologiques et canoniques, l’Eglise nationale, aujourd’hui, forme partout des diocèses sur le territoire canonique des autres Eglises établies localement, qu’elle justifie, non pas par des arguments canoniques – qui, de toute façon, sont inexistants – mais par des arguments ethno-culturels et statutaires, de nature sentimentale, qu’elle étaye sur la théorie anti-ecclésiologique qu’elle a élaborée, celle du « territoire canonique culturel » (2000). En fin de compte, ce que la politique nationale n’est plus en droit de faire en raison de contraintes politiques internationales, c’est l’Eglise nationale qui l’assume sous le couvert de la religion, en menant une activité purement politique, bien qu’elle ait toujours clairement défini les rôles bien distincts du politique et de l’ecclésiastique. Un événement récent, enregistré par l’actualité journalistique, parle de lui-même : « Dans le cadre de la collaboration étroite entre l’Eglise et “les services de politique extérieure de la Russie”, officiellement mise en place au début des années 2000, comme l’avait reconnu le primat de l’Eglise orthodoxe russe, le patriarche de Moscou Alexis II avait déclaré, lors d’une réception, en mars 2003 [6 mars], au ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie : “Nous travaillons la main dans la main (SOP, n° 277 (4/2003), p. 19 ; SOP, n° 314 (1/2007), p. 17) ”. Ce qui a été confirmé en février 2006 [15 février] par le ministre des Affaires étrangères, Serge Lavrov, lors d’un voyage à Vienne : “Avec le Patriarcat de Moscou, nous menons une action commune en vue de faire avancer les intérêts de la Russie sur la scène internationale (Cité par l’agence d’information Itar-Tass ; SOP, n° 306 (3/2006), p. 9, et SOP, n° 314 (1/2007), p. 17) ” » (SOP, n° 314 (1/2007), p. 17). Et cela se produit au moment où nous, les Orthodoxes, nous accusons les « Eglises pré-chalcédoniennes » de ne pas avoir accepté la « définition de Chalcédoine », alors que nous, fidèles aux traditions…, nous … prétendons l’accepter et l’adopter à part entière ! Nous ne nous rendons pas compte qu’un tel comportement nous range, non seulement parmi les pré-chalcédoniens, mais plus encore parmi les anti-chalcédoniens…

    La seconde déviation, celle de l’assimilation-incorporation-fusion-absorption de l’altérité ecclésiale d’un peuple au nom d’une unité ecclésiale “cohérente”, voire fictive, répondant à des fins et à des priorités purement ethnocentriques, reste jusqu’à ce jour difficilement perceptible, si bien qu’on ne sait pas encore à quoi s’en tenir, comme pour vérifier la sentence de nos ancêtres qui, dans leur sagesse, affirmaient que « la vérité est difficilement saisissable ». Qui, aujourd’hui, peut si facilement comprendre, et avec la clarté de l’évidence, le drame qu’a vécu l’Eglise orthodoxe en Estonie – comme d’ailleurs en Lettonie – pendant les cinquante dernières années, lorsque, à cause de l’intervention des troupes staliniennes (1944), l’autonomie de l’Eglise d’Estonie (1923-1945) – aussi bien que celle de l’Eglise de Lettonie (1936-1945) – a été anti-canoniquement et brutalement abolie par une incorporation et absorption forcées, qui plus est avec la complicité (cf. Actes 7, 60) du Patriarcat de Moscou – sinon à son instigation – qui, lui aussi, se réclame de l’orthodoxie chalcédonienne ? Une tentative purement politique d’assimiler nationalement (russification) et de soumettre les Estoniens et les Lettons orthodoxes au Patriarcat russe, qui plus est, était une tentative menée au nom de l’unité ecclésiale que l’Eglise multi-ethnique russe a « proposée » despotiquement, est donc responsable de l’abolition de l’autonomie d’une Eglise et de l’altérité ecclésiale de petits peuples, au moment même où ceux-ci obtenaient leur émancipation géo-étatique (1920-1945). La masse d’un grand peuple, mettant en marche un mécanisme stratégique et idéologique et usant de violence pour imposer sa domination, dicte les conditions de l’ordre public et de la vie publique. Et ces petits peuples perdent l’un après l’autre leurs précieux droits, à peine acquis (liberté, émancipation civile et étatique, altérité ecclésiale et autonomie). Dans les circonstances historiques dont nous parlons, c’est le droit du plus fort qui a écrit l’Histoire. Or maintenant, notre consentement permet que l’histoire qui s’est écrite alors nous enseigne aujourd’hui le « bon droit » du puissant… Ainsi, un petit peuple persécuté se retrouve une fois de plus dans son tort et victime d’une injustice… Cependant, ne sommes-nous pas de la sorte « complices du meurtre » (Actes 7, 60) d’un petit peuple faible ?

    Dans les pays baltes, cette situation nous rappelle le mythe hellène « des grands et des petits ». Ce mythe trouve, politiquement parlant, un écho évident sur la scène historique ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il a été conçu.


    (La Grèce s’est elle aussi trouvée justement dans une telle situation au cours de son existence si troublée, lorsqu’une poignée d’Hellènes se sont soulevés contre les Ottomans pour conquérir la liberté, cette liberté dont les pays baltes ont rêvé en vain durant cinquante ans de servitude soviétique… À ce moment-là (19e siècle), l’autrichien Metternich et les trois grandes puissances (l’Angleterre, la France et, pas du tout fortuitement, la Russie) usaient du même argument : le grand, bien que « malade », a le bon droit de son côté, puisqu’il est grand et majoritaire. Le petit est le révolutionnaire, celui qui bouscule le statu quo, celui qui a éternellement tort… C’est ainsi qu’en laissant faire, nous acceptons que seuls les grands aient le droit de vivre, alors que les petits n’ont plus qu’à s’incorporer, s’assimiler et disparaître !...).

    Malgré le fait que ce mythe tenace n’est pas théologiquement en conformité avec la nature eschatologique de l’Eglise, il s’applique finalement aussi dans l’espace de l’Eglise. En effet, au niveau ecclésiastique et en conformité avec des arguments ethno-ecclésiastiques, l’Autonomie de l’Eglise d’Estonie – et celle de l’Eglise de Lettonie – n’a jamais existé, pour les mêmes raisons que « n’ont jamais existé les Pays baltes » (sic) et que, par conséquent, il n’est pas possible de parler d’abolition et d’absorption de l’autonomie, puisque, tout simplement, l’Estonie p. ex. a toujours constitué un territoire canonique (sic) de l’Eglise de Russie. « C’est pourquoi tout ce qui avait été bâti d’orthodoxe estonien au cours des années fécondes de son existence libre et de l’Autonomie (1923-1940) devait être russifié et rentrer dans …l’« Eglise Mère » (sic) qui proclamait sans circonlocutions : « Tout ce qui est estonien est luthérien ; tout ce qui est russe est orthodoxe »… Ce dogme de russification nie implicitement l’existence du peuple estonien orthodoxe, mais implique aussi la trahison de l’Orthodoxie chalcédonienne… Par conséquent, conformément à ce dogme, seuls les Russes sont (ou peuvent être) orthodoxes en Estonie (Lire également “dans les Pays baltes”) ou, plus exactement, pour être orthodoxe dans ce pays, il faut être seulement russe. Les Estoniens (Lire également “les fidèles orthodoxes résidant dans les Pays baltes”) devaient donc « renoncer à leur identité nationale et devenir russes, ne serait-ce qu’en apparence » (Extrait de l’article du Métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie STEPHANOS, « Notre relation avec le Patriarcat de Moscou », in Journal hebdomadaire TO BHMA [Athènes], n° de f. 14706 (5-3-2006), p. A44/88 (en grec)) … C’est ainsi que, durant une longue période, principalement à l’instigation de personnalités de l’Eglise, une lutte implacable a été menée pour la russification de l’Eglise autonome d’Estonie et, plus loin, de l’Eglise autonome de Lettonie ; et ces personnalités, non contentes d’avoir éliminé, en même temps que l’autonomie, tout ce qu’il y avait d’orthodoxe estonien et letton, revendiquent encore aujourd’hui d’achever ce qui n’a pas été fait, de s’approprier ce qui n’a pas été pris durant ces sombres années de servitude idéologique, d’aliénation et d’absorption ecclésiales… De la sorte, l’Eglise de Russie a liquidé et absorbé, aboli et assimilé les Eglises autonomes des Pays baltes, lesquelles appartenaient canoniquement au Patriarcat œcuménique de Constantinople qui leur avait octroyé leur Autonomie ecclésiastique (20e siècle). C’est pour cette raison, à côté de raisons canoniques citées plus haut, que le Patriarcat œcuménique a accueilli au sein de son ressort ecclésiastique – en réactivant le Tomos d’Autonomie (1996) – les Orthodoxes estoniens qui, eux-mêmes, n’acceptaient pas la continuation de la domination politique russe à travers la soumission de leur Eglise à l’Eglise de Russie. Et cette Eglise [de Russie] s’indigne aujourd’hui explicitement de ce que le Patriarcat œcuménique intervienne sur les territoires de la Baltique, lesquels, pourtant, ont été rendus de plein droit aux Eglises autonomes [Estonie] auxquelles ils appartenaient avant l’occupation militaire soviétique et sous la juridiction desquelles ils sont ecclésiastiquement placés.

    Chacun sait que la relation unissant la Russie aux Pays baltes existait déjà avant l’époque et l’Union soviétiques. Même les Soviétiques du 20e siècle n’avaient certainement jamais oublié que le tsar avait étendu sa domination sur ces pays pendant deux siècles et ont d’ailleurs eux aussi toujours tenté d’étendre leur zone d’influence vers l’ouest. Malgré les contradictions idéologiques (internes) entre ces deux tendances politiques (russe et soviétique), le désir de s’étendre territorialement et d’élargir leur aire d’influence vers l’ouest demeure un dénominateur commun et une commune ambition.


    Cependant, a surgi récemment (notamment depuis 2000, comme l’on a montré plus haut) un nouvel élément, qui bouleverse les données et fait vraiment la différence. Depuis 1991, aucune des prétentions politico-institutionelles russes n’est justifiable dans les Pays baltes, du fait qu’ils constituent définitivement des Etats indépendants, reconnus officiellement par la communauté internationale et les Etats européens. C’est la raison pour laquelle il ne reste qu’un seul et unique moyen d’étendre la zone d’influence vers l’ouest : l’Eglise orthodoxe russe !…, conformément au modèle actuel, qui a un retentissement particulier dans le monde orthodoxe de l’époque post-soviétique, celui de l’Eglise nationale avec toutes les conséquences que cela implique. Voilà pourquoi il lui est nécessaire d’adopter la nouvelle théorie ecclésiastique du « territoire canonique culturel ». Parce que, en raison des conjonctures politiques, ce que l’Etat ne peut désormais plus faire en déployant son mécanisme idéologique à l’échelle mondiale, c’est l’Eglise nationale homonyme qui l’a pris en charge…

    Ici encore, pour en revenir à notre mythe des grands et des petits, s’il est vrai qu’il a des résonances politiques, quel écho peut-il avoir pour l’Eglise et son ecclésiologie ? Quel rapport ce mythe politique peut-il bien avoir avec l’orthodoxie chalcédonienne ? Et pourtant, il en a un, quand on voit quelle importance certains ecclésiastiques du monde orthodoxe semblent attribuer au critère politique de majorité – qui constitue d’ailleurs une caractéristique fondatrice de la théorie de la Troisième Rome (Voir infra ). Néanmoins, pour ce qui est de la définition de Chalcédoine, l’altérité est une catégorie ontologique, alors que la majorité est de toute évidence une catégorie politique, conjoncturelle et éonistique, enfermée dans le créé et son éphémérité. C’est pourquoi la priorité essentielle de Chalcédoine pour constituer une Eglise est l’altérité, et non la majorité, tandis que, pour le Patriarcat de Russie, il est maintenant bien clair que c’est la majorité (de la puissance politique ou ecclésiastique) qui décide du destin d’une Eglise, et non l’altérité synodale. La preuve de la priorité absolue de l’altérité comme condition préalable de la communion, est qu’elle a été institutionnalisée par le Concile suivant, le Quinisexte Concile œcuménique in Trullo (691, canon 39). Et pourtant, aujourd’hui, on n’hésite pas à abolir, volentes nolentes, consciemment ou inconsciemment, la vérité chalcédonienne et l’ecclésialité quinisextienne.

    Rappelons ici un détail historique éloquent en lui-même. En 1978, l’actuel patriarche Alexis II (qui a été baptisé dans cette Eglise autonome d’Estonie), alors Métropolite de Tallinn du Patriarcat de Russie – et non du Patriarcat de Moscou qui prône la théorie opportuniste et anti-canonique de « Troisième Ville-Rome » (La taxis canonique de l’Eglise ne numérote pas les Eglises établies localement dans ses Diptyques et place l’Eglise établie localement d’Alexandrie après la Nouvelle (et nullement, ainsi qu’on le répète erronément, Deuxième) Rome-Constantinople ; il n’y a donc pas de « Troisième Rome-ville » (sic) d’un nouvel avènement possible comme une soi-disant « thérapie historique » des deux précédentes – qui dans cette logique pourrait être relayée par une Quatrième ou une Cinquième Rome… Finalement, une question se pose ici : pourquoi donc cette insistance – et c’est un cas unique – pour introduire un nom de ville dans le titre du Patriarcat de Russie, et non pas le nom du pays où se trouve cette Eglise établie localement, ainsi qu’il en va de tous les autres Patriarcats plus récents (p. ex. Patriarcat de Roumanie, non pas de Bucarest, Patriarcat de Géorgie, non pas de Tbilissi, etc.). Le Patriarcat de Russie est le seul à avoir adopté, à un moment donné, ce type de titre – pour des raisons qui nous sont désormais connues – et qui persiste opiniâtrement à en user) – s’est adressé au Patriarcat œcuménique pour lui demander de supprimer le Tomos de l’Autonomie de 1923 de l’Eglise autonome d’Estonie en vue de préserver… l’unité ecclésiale (sic). Le Patriarcat, en raison de la conjoncture politique de l’époque, a tout simplement désactivé (Voir l’Acte patriarcal et synodal du 13 avril 1978 décidant la suspension momentanée du Tomos de 1923, dans Istina, t. 49, n° 1 (2004), p. 95) – et non supprimé – le Tomos qu’il a remis en vigueur quelques années plus tard, en 1996, une fois l’ordre public civil complètement rétabli en Estonie (depuis 1991). Cependant, le fait que le Métropolite russe de Tallinn ait recouru au Patriarcat de Constantinople signifiait qu’il reconnaissait que, pour ce qui est de l’Eglise d’Estonie, la compétence juridictionnelle appartenait au Patriarcat œcuménique. Deuxièmement, cette démarche vient en confirmation de la grossière tentative d’incorporer, soumettre, assimiler et absorber ecclésiastiquement l’Estonie et, par extension, les Pays baltes. Et troisièmement, si le Métropolite Alexis de Tallinn avait obtenu la “bénédiction” de l’entité ecclésiastique compétente – car il est allé jusqu’à recourir à ce moyen – cette bénédiction aurait « facilité », aux yeux des Estoniens, le processus de russification qui, entamé en 1945, se poursuivait depuis… Etant donné ces éléments factuels, comment peut-on en arriver à dire que l’Estonie et les Pays baltes ne sont pas du ressort ecclésiastique du Patriarcat œcuménique ? Pourtant, le primat de l’Eglise de Russie lui-même, la même personne alors et maintenant, semble surpris et étonné, vingt ans après 1978, de voir qu’il est possible que le Patriarcat œcuménique procède à la remise en vigueur de l’Autonomie (1996) de l’Eglise orthodoxe d’Estonie (Cf. supra, métropolite de Tallinn et de toute l’Estonie, STEPHANOS, « Notre relation avec le Patriarcat de Moscou… », op. cit ) et « envahisse le territoire canonique » (sic) de l’Eglise de Russie…

    Pour ne pas nous étendre démesurément, nous allons faire une comparaison significative. Malgré la dissolution brutale anti-canonique et l’absorption ecclésiastique de l’Eglise d’Estonie en 1945, elle n’a jamais cessé d’exister historiquement et canoniquement pour la même raison que l’Eglise d’Albanie n’a jamais non plus cessé d’exister. La violence et l’anti-canonicité n’annihilent jamais une Eglise établie localement, d’autant moins son altérité. Tous se réjouissent de la renaissance de l’Eglise autocéphale d’Albanie. Or, dans le cas de l’Estonie, certains formulent des réserves pour les raisons susmentionnées, bien que les deux cas soient identiques, à une petite différence près, toutefois. En Albanie, les démolisseurs de l’Eglise étaient athées ; il est donc facile de leur donner tort. En Estonie, les démolisseurs de l’altérité ecclésiale étaient nos frères orthodoxes russes ; ils ont donc, par définition… le droit de leur côté et nous devons nous abstenir de les blâmer. Et, sur ce point, les peuples de l’Europe sont bien placés pour comprendre mieux le problème…

    Enfin, pour montrer à quel point la vérité peut être déformée, il est nécessaire de faire ici une remarque historique. L’année 1923 est l’année où le processus de la reconnaissance de l’Estonie par la Communauté internationale en tant qu’Etat indépendant a été accompli. Ce processus pratiquement couvre trois ans (1920-1923) : de la ratification du traité de Tartu (2 février 1920) que la Russie a signé aussi, jusqu’en 1923, où les Etats-Unis demeurent le dernier Etat signataire de sa reconnaissance étatique. Le Patriarcat œcuménique, durant la même année 1923, a accordé l’autonomie – pour ce qui est de l’Estonie, juste après sa reconnaissance par les Etats-Unis – à deux Eglises établies localement présentant exactement le même parcours historique par rapport à leur pays voisin, la Russie : à l’Eglise de Finlande et à l’Eglise d’Estonie – et un peu plus tard à l’Eglise de Lettonie (1936). D’ailleurs, à une époque reculée, considérant d’un point de vue géographique les territoires de l’Europe du Nord, les Byzantins (Les Byzantins sont les parrains du nom géographique de la région du Nord (Région baltique, Mer baltique), en la qualifiant ainsi par sa situation géomorphologique : en grec, “terre baltique” signifie la terre qui a beaucoup de “baltos” (= marais), en raison de tous ces petits lacs non-profonds existant sur un territoire plat. À titre d’information, l’Estonie est le troisième pays dans le monde entier (après la Suède et la Finlande), qui a effectivement beaucoup de “baltos”, d’où la dénomination grecque (byzantine) de cette Région comme baltique, balte. Cette information historique fournie veut bien dire pertinemment ce que cela veut dire. Et si nous « nous taisons, ce sont les marais qui crieront » (cf. Lc 19, 40). D’ailleurs, en conformité avec les Archives historiques nationales estoniennes, une activité missionnaire byzantine est déjà attestée en 1030 (juste 40 ans après le baptême des Russes) aux Pays baltes et notamment en Estonie) appelaient les Pays baltes “le Nord qui se trouve en « dehors de la Russie »”, fait qui détermine aussi juridictionnellement (canoniquement) la Lituanie, la Lettonie, l’Estonie et la Finlande. Par conséquent, ces Pays, hormis la période de l’occupation forcée et militaire par les Russes, n’avaient jamais fait historiquement partie du territoire de la Russie et, à plus forte raison, de la juridiction ecclésiastique du Patriarcat de Russie.

    Une question se pose alors ici. Pourquoi donc ne pas soulever la question de la présence juridictionnelle du Patriarcat œcuménique pour la Finlande qui est située bien plus loin, au-delà de la mer Baltique et du golfe de Bothnie, et ne le faire que pour l’Estonie et les Pays baltes ? Un détail devient une clé herméneutique et permet ici d’expliquer cette différence de traitement. La Finlande n’a pas subi d’invasion soviétique malgré plusieurs tentatives, et le stalinisme ne s’y est pas imposé pour créer un nouvel ordre des choses et étendre la russification… De même, l’Archevêque de Finlande n’est pas devenu… Patriarche de Moscou pour en appeler à l’annexion de la Finlande par l’Eglise de Russie avec toutes ces effusions sentimentales et grandiloquentes qui ont suivi la remise en vigueur de l’Autonomie de l’Eglise d’Estonie (1996). Et enfin, pourquoi l’Eglise de Finlande a-t-elle le droit canonique d’exister en autonomie, alors que l’Eglise d’Estonie ne l’a pas ? Pourquoi la question de la dépendance par rapport au Patriarcat œcuménique ne se pose-t-elle pas également pour l’Eglise de Finlande comme elle se pose pour l’Eglise d’Estonie ? Pourquoi de nos jours l’Eglise de Russie reconnaît-elle l’Eglise autonome de Finlande mais ne reconnaît-elle pas l’Eglise autonome d’Estonie ? Voilà pourquoi tout ce qui a été dit plus haut trouve ici son application, à savoir qu’aujourd’hui, nous lisons l’Histoire de l’Estonie, telle qu’elle a été écrite par le passé, telle qu’elle a fait valoir le “droit” du plus fort et celui du conquérant… – qui, aujourd’hui, récidive. Toute cette question a engendré une pratique, déterminée par des réflexes historiques d’ordre affectif et par la nostalgie latente d’une domination considérée comme acquise, plutôt que par la conjoncture géo-ecclésiastique actuelle. Il est temps que le Patriarcat de Russie cesse d’opposer à l’Eglise autonome orthodoxe d’Estonie – après son échec finalement d’absorption ecclésiastique sur le terrain – une attitude agressive, injuste et injustifiée, de type colonialiste et de perspective anti-canonique, qui n’a absolument rien à voir avec l’Ecclésiologie et la Tradition canonique de l’Eglise. Or, vu cette absorption ecclésiale opérée par le Patriarcat de Moscou vis-à-vis de l’Eglise d’Estonie pendant 50 ans (1945 (Année de la dissolution violente, arbitraire et anti-canonique de la structure de l’Eglise autonome (9-3-1945).) –1995 (Année du dernier recours des Estoniens orthodoxes au Patriarche de Russie Alexis II pour réacquérir leur autonomie ecclésiastique absorbée, avant de s’adresser finalement au Patriarche œcuménique Bartholomée Ier qui a réactivé le Tomos patriarcal et synodal de 1923), celui-ci doit l’expliquer à la conscience ecclésiale pan-orthodoxe d’abord et puis pan-chrétienne, ainsi qu’à l’histoire de l’humanité pour cet acte anti-conciliaire, anti-chalcédonienne et anti-canonique.
    Sur toutes les questions abordées brièvement ici, mais aussi sur beaucoup d’autres points importants qui permettent de reconstituer le puzzle du problème ecclésiastique en Estonie et dans les pays baltes, nous aimerions – qu’il nous soit permis de – renvoyer ceux qui s’intéressent à cette question, à une petite bibliographie :

    • Un ouvrage en grec, le premier dans son genre, de Nikolaos I. DOVAS, La question ecclésiastique estonienne en tant que question inter-orthodoxe, Thessalonique, éd. Frères Kyriakidis, 2000, 106 p., où l’on voit pour la première fois la publication des documents officiels concernant ce problème foncièrement théologique chez les pays Baltes.


    • Un ouvrage bilingue (anglais-français) publié en Grèce il y a quatre ans, sous le titre de : Archim. Grigorios D. PAPATHOMAS - R.-P. Matthias H. PALLI (sous la direction de), The Autonomous Orthodox Church of Estonia/L’Eglise autonome orthodoxe d’Estonie (Approche historique et nomocanonique), Thessalonique-Katérini, éd. Epektasis (coll. Bibliothèque Nomocanonique, n° 11), 2002, 460 p. Cet ouvrage, couvrant la période de 80 ans (1923-2002), contient trente-cinq (35) documents et textes dévoilant les vérités exposées ci-dessus, ainsi que sept travaux scientifiques indépendants (deux écrits par des professeurs estoniens, deux par des Finlandais et trois par des Hellènes), concernant plus particulièrement la question ecclésiastique estonienne.


    • Une analyse pertinente et une synthèse précieuse dans un numéro spécial récent de la revue théologique française Istina, consacré exclusivement à cette question épineuse et intitulé : « Le plaidoyer de l’Eglise orthodoxe d’Estonie pour la défense de son autonomie face au Patriarcat de Moscou », in Istina, t. 49, n° 1 (2004), p. 3-105.


    Ces trois études spécialisées et ad hoc n’ont jamais, jusqu’à aujourd’hui, été contestées par la partie russe directement impliquée, ni dans ses approches historiques et canoniques, ni dans ses aspects plus particuliers.
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    (N.B. Juste avant de diffuser via Internet le présent texte, on a eu une déclaration publique officielle de la part de l’Eglise de Russie sur l’Eglise autonome d’Estonie, au moment de la réunion de la “Commission mixte internationale pour le Dialogue théologique entre l’Eglise catholique romaine et l’Eglise orthodoxe” le 9 octobre à Ravenne, par son délégué Mgr Hilarion (Alfeyev) avant de quitter la salle de la réunion. Cette déclaration a été reprise par la suite avec les mêmes paroles dans une interview internetisée le 18 octobre (Voir [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] du 18-10-2007). L’auteur de la présente étude était témoin oculaire (et non pas le Primat de l’Eglise, le Métropolite Stéphane de Tallinn et de toute l’Estonie, comme cela était inexactement diffusé par la presse) de cette déclaration, portant deux éléments cruciaux et diffusé par la suite en premier sur l’Agence de presse étatique russe InterFax le 10 octobre : « […] [1°] L’Eglise soi-disant (so-called) autonome d’Estonie n’existe que depuis 1996 et [2°] cette Eglise a été fondée par le Patriarcat de Constantinople sur le territoire canonique du Patriarcat de Moscou » (Ibid) . En conformité avec ce qui vient d’être dit ici, comme chacun peut désormais le constater, cette déclaration n’a pas de fondement historique et principalement canonique, et met en doute la crédibilité de la position de l’Eglise de Russie vis-à-vis de l’Eglise d’Estonie et ses déclarations non officielles, diffusées ici ou là, jusqu’à ce jour. Il est évident que le délégué de l’Eglise de Russie confond deux réalités canoniques chronologiquement et canoniquement bien distinctes : le “Tomos” (1923) et la “Réactivation de Tomos” (1996). Le Tomos de proclamation de l’Eglise d’Estonie date en effet de 1923, alors que la réactivation de ce Tomos, suspendu en 1978, date de 1996. Il est clair que la réactivation d’un Tomos ne donne canoniquement pas naissance à une Eglise établie localement. C’est le Tomos qui accorde un tel statut d’autonomie. Et le Tomos date historiquement et canoniquement de 1923, comme cela était aussi le cas de l’Eglise autonome de Finlande. D’ailleurs, ce n’est pas l’armée qui fait un territoire canonique…


    Le fameux théologien russe G. Florovsky disait pertinemment que “celui qui ne connaît pas l’Histoire, ne sait pas faire de la Théologie”. À côté de la Théologie, j’ajouterais personnellement aussi la Tradition canonique. D’ailleurs, on pourrait s’interroger sur l’importance dans la compréhension de la Tradition canonique de la praxis ecclésiale ininterrompue ; l’Eglise de Russie, christianisée fin du 1er millénaire (à partir de 988), a hérité de cette Tradition, mais s’est mise relativement tard à l’école de celle-ci. De nombreux événements de l’histoire de l’Eglise de Russie montrent que l’assimilation de cette Grande Tradition n’est pas pleinement accomplie (Il faut s’en souvenir la façon brutale dont l’Eglise de Russie a marchandé le titre patriarcal de son Primat, ou comment elle a étendu sa juridiction sur toute l’Ukraine, aux 17-18e siècles, dès l’annexion de tout le territoire ukrainien par la Russie tsariste (cette question pouvait faire l’objet d’une étude ecclésiologique et canonique appropriée), avant d’arriver à la dissolution et l’absorption anti-chalcédonienne des Eglises orthodoxes baltes, etc). Ce fait explique aussi l’implication politique flagrante de l’Eglise de Russie et la confusion anti-chalcédonienne de la politique étatique avec le domaine ecclésiastique. Cette remarque trouve également son explication à la déclaration de Mgr Hilarion qui prétend que la rencontre de Ravenne (8-14 octobre 2007) est un échec, parce que l’Eglise de Russie, qui est “majoritairement la plus grande” (sic), n’était pas présente à Ravenne. Et cela, malgré les conclusions positives des travaux de la Commission mixte signalées déjà dans le communiqué final émis en commun par les deux délégations catholique et orthodoxe (14 octobre). Si on se souvient de certaines déclarations émises par certaines autorités ecclésiastiques russes au sujet de la caducité des canons ecclésiaux, lesquels ne correspondent plus, paraît-il, à l’époque moderne, on constate que le manque de l’expérience de la praxis ecclésiastique et canonique du 1er millénaire de la part de l’Eglise de Russie risque de déformer l’intégralité et la cohérence de la présence orthodoxe une et unique, en introduisant peu à peu l’idée que l’Orthodoxie serait une sorte de Confédération d’Eglises ethniques et non plus un seul corps ecclésial. Une telle vision fédérative de l’Eglise amènera fatalement un jour chaque Eglise nationale orthodoxe à développer sa propre théologie avec le risque de briser définitivement tout l’héritage-un théologique et patristique bimillénaire de l’Eglise orthodoxe. Devant ce risque qui devient de plus en plus évident, les Orthodoxes présents à Ravenne, à l’unanimité, ne se sont pas laissé influencer par l’attitude de l’Eglise de Russie à l’égard de l’Eglise autonome orthodoxe d’Estonie. Et pour cette raison, le dialogue bilatéral s’est vraiment déroulé dans des conditions normales et positives, malgré le départ de la délégation russe et l’absence excusée de la délégation bulgare).
    * * * * *
    L’Europe a toujours été sensible à ce qu’elle a elle-même vécu à travers les siècles. Cette sensibilité va à l’existence historique des petits peuples et, par extension, des Eglises mineures. À chaque fois qu’il s’agit de cette existence et à chaque fois que le fondement historique de cette existence est mis en jeu, la question de la liberté et de la communion simultanément, c’est-à-dire de l’autonomie, autrement dit l’affirmation chalcédonienne de l’altérité, restera toujours et partout indissociable de la revendication de la vérité, aussi bien humaine que théologique. Les Orthodoxes, en particulier, mais aussi les Chrétiens en général, en ont fait l’expérience. La voix du paysan estonien s’adressant au missionnaire catholique français Charles Bourgeois, au printemps 1946, c’est-à-dire un an et demi après l’invasion des troupes staliniennes en Estonie, qui disait :


    « Nous sommes un tout petit pays qui n’en voulait à personne, qui ne demandait qu’à rester libre. […] C’est pourquoi je vous supplie, quand vous verrez ces hommes libres, dites-leur combien nous souffrons ici. Nous étions heureux, libres, nous ne demandions rien à personne ; et maintenant on nous a privés de tout, plus moyen de faire entendre notre voix… » (VASSILY (Hiéromoine [Charles BOURGEOIS, s. j.), Ma rencontre avec la Russie (Narva-Esna-Tartu-Moscou) 1932-1946, Buenos Aires 1953, p. 101 et 146 respectivement ),


    trouve, aussi bien en Estonie que dans les Pays baltes, un écho persistant, dans cet endroit, petit et grand à la fois, en Europe, mais aussi dans le monde entier ; et il est besoin de conditions chalcédoniennes pour que cette voix puisse se faire entendre, et plus encore puisse être comprise…




    Prof. Hdr. Archim. Grigorios D. PAPATHOMAS
    Institut “Saint Serge” de Paris et Séminaire “Saint Platon” de Tallinn
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    La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie» Empty Re: La croix orthodoxe russe «Histoire d'orthodoxie»

    Message  Arlitto Ven 20 Nov 2020 - 16:05

    Théologie


    "MAIS AUSSI LE PERE !"

    par le Métropolite STEPHANOS de Tallinn

    AVANT-PROPOS
    Ce n'est qu'à partir du Christ ressuscité par le Père dans l'Esprit – en ce Christ ressuscité lors de l'eucharistie ecclésiale dans l'histoire, et finalement comme ce même Christ ressuscité dans le Royaume à venir – que nous pouvons connaître et reconnaître, dans la foi et la gratitude, "Dieu tel qu'il est en Lui-même" : le Père unique, de son Fils unique dans son Esprit unique. Le "tel qu'il est" de Dieu n'est autre que l'existence "trinitaire" de Dieu incréé. Sa manière éternelle d'exister à partir du Père – dans la relationnalité ternaire et non binaire de chacune des trois particularités personnelles – en tant que plénitude même de leur communion ou vie incréée, ineffable et incorruptible. Bref, un "être" personnel-trinitaire, identique à la vie incréée de communion des personnes trinitaires. Ainsi, dans l'ordre de la manifestation divine, les hypostases ne sont pas des images respectives des diversités personnelles, mais de la nature commune : le Père révèle sa nature par le Fils et la divinité du Fils est manifestée dans l'Esprit-Saint. C'est pourquoi, dans cet aspect de manifestation de la Divinité, on peut établir l'ordre des personnes, la "taxis", que l'on ne doit pas, strictement parlant, attribuer à l'existence trinitaire en soi, malgré la "monarchie" et la "causalité" du Père qui ne lui confèrent aucune primauté hypostatique sur les deux autres hypostases, car Il n'est une personne que pour autant que le Fils et le Saint Esprit le soient aussi. De par sa constitution christique, l'ontologie "trinitaire", fondée sur le concept de la "monarchie" du Père (aitios), exclut aussi bien la priorité de l'essence suressentielle (incréée) de Dieu sur les trois personnes que la coexistence parallèle de celles-ci. La relationnalité des trois personnes à partir du Père est "trinitaire" (ternaire donc et non point binaire) et leur simultanéité dans la communion est "personnelle". Mais au préalable, reprenons, si vous le permettez, les éléments fondamentaux qui sont propres à l'être même de la Sainte Trinité.
    UN DIEU QUI EST TRINITE :
    Chacune des trois Personnes est entièrement Dieu, complètement Dieu. Aucune des trois Personnes n'est plus ou moins "Dieu" que les autres. A chacune de ces trois Personnes revient, non pas un tiers de la Divinité, mais la divinité dans sa totalité. Notons toutefois que chacune des trois Personnes vit et est cette Divinité de façon bien distincte et personnelle. Saint Grégoire de Nysse insiste sur cette unité dans la diversité : "Tout ce qu'est le Père, nous le voyons révélé dans le Fils, tout ce qui est au Fils est aussi au Père ; car le Fils tout entier demeure dans le Père, et en lui demeure le Père tout entier. Le Fils qui existe toujours dans le Père ne peut jamais être séparé de lui, et l'esprit ne peut jamais être divisé du Fils qui, à travers l'esprit, accomplit toute chose. Celui qui reçoit le Père reçoit en même temps le Fils et l'esprit. Il est impossible d'envisager une séparation ou une désunion entre eux : on ne peut penser au Fils sans penser au Père, ni séparer l'esprit du Fils. Il y a entre les trois un partage et une différenciation qui sont au-delà des mots et de la compréhension. La distinction entre les personnes n'entrave pas l'unicité de leur nature, pas plus que l'unicité partagée de leur essence ne mène à une confusion entre les caractéristiques distinctives des personnes. "Ne soyez pas surpris que nous parlions de la Trinité comme étant à la fois unifiée et différenciée. Ayant recours à un jeu de mots, nous envisageons une étrange et paradoxale "diversité-dans-l'unité" et "unité-dans-la-diversité". "Jeu de mots…" Saint Grégoire revient à maintes reprises sur le cté paradoxal de la doctrine de la Trinité, qui est, nous dit-il, au-delà "des mots et de l'entendement". Dieu nous la révèle. Notre propre raison est incapable de nous la démontrer. Nous pouvons l'évoquer. Nous ne pouvons pas pleinement l'expliquer. Notre raison est don de Dieu, apprenons à nous en servir au maximum tout en reconnaissant ses limites. La Trinité n'est pas une théorie philosophique. La Trinité est ce Dieu vivant que nous adorons. Nous arrivons donc à un point dans notre approche de la Trinité où dialectique et analyse doivent s'effacer devant la prière silencieuse. "Que toute chair mortelle fasse silence et se tienne dans la crainte et le tremblement…" (liturgie de saint Jacques). La première personne de la Trinité, Dieu le Père, est la "source" de la Trinité. Sa cause. Le principe d'origine des deux autres Personnes. Le lien d'unité entre les trois. Il y a un seul Dieu parce qu'il y a un seul Père. "L'union, c'est le Père, de qui et vers qui va l'ordre des Personnes." (Saint Grégoire le Théologien). Les deux autres Personnes sont chacune définies par rapport au Père : le Fils est "engendré par le Père, l'esprit "procède" du Père. Dans la chrétienté occidentale latine, on considère généralement que l'Esprit procède du Père et du Fils, et le mot filioque ("et par le Fils") a été rajouté au texte latin du Credo. L'Eglise orthodoxe voit le filioque comme une addition non autorisée, insérée dans le Credo sans le consentement de la chrétienté orientale et considère que la doctrine de la "double procession", telle qu'elle est communément présentée, est théologiquement inexacte et spirituellement dangereuse. Selon les Pères grecs du IVe siècle, auxquels l'Eglise orthodoxe continue à se référer, le Père est la seule source, le seul fondement de l'unité divine. En faisant du Fils une source comme le Père, ou avec le Père, on risque de confondre les caractéristiques distinctives de chacune des trois Personnes. La seconde personne de la Trinité est le Fils de Dieu. Son "Verbe". Son Logos. Parler de Dieu en tant que Fils et Père, c'est évoquer ce courant d'amour mutuel que nous avons mentionné plus haut. C'est aussi rappeler que, de toute éternité, Dieu lui-même, en tant que Fils, par obéissance et par amour filial, rend à Dieu le Père l'existence que le Père, par don de soi paternel, génère éternellement en lui. C'est par le Fils et à travers le Fils que le Père nous est révélé: "Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie : nul ne vient au Père que par moi". (Jn 14.6). C'est lui qui est venu sur terre. Il s'est fait homme. Lui qui a pris chair de la Vierge Marie, à Bethléem. En tant que Verbe ou Logos de Dieu il agit même avant son Incarnation. Il est le principe de tout ordre, la fin de toute chose. Il rassemble tout en Dieu et fait de l'Univers un "cosmos", un ensemble harmonieux et intégré. Le Créateur-Logos a départi à toute chose créée son propre logos intime, principe intérieur qui permet à cette chose d'être distinctivement elle-même et qui l'attire et l'oriente vers Dieu. A nous, artisans humains, il incombe de discerner ce logos, présent au cœur de chaque chose et de le rendre manifeste. Ne cherchons pas à dominer, apprenons à coopérer. La troisième Personne est le Saint-Esprit, la "brise", le "souffle" de Dieu. Tout en reconnaissant qu'une classification bien nette est impossible, nous pouvons dire que l'Esprit est Dieu en nous, que le Fils est Dieu avec nous, et que Dieu le Père est au-dessus ou au-delà de nous. Comme le Fils nous montre le Père, de même l'Esprit nous montre le Fils et nous le rend présent. La relation est cependant mutuelle. L'Esprit nous rend le Fils présent, mais c'est le Fils qui nous envoie l'Esprit. (Notons la distinction entre "l'éternelle procession" de l'esprit et sa "mission temporelle". L'Esprit est envoyé dans le monde, dans le temps, par le Fils; mais pour ce qui est de son origine au sein de la vie éternelle de la Trinité, l'Esprit procède du Père seul). Pour caractériser chacune des trois personnes, Synésius de Cyrène écrit: "Salut, source du Fils ! Salut, image du Père ! Salut, demeure du Fils ! Salut, sceau du Père ! Salut, puissance du Fils ! Salut, beauté du Père ! Salut, Esprit très pur ! A travers notre rencontre avec Dieu dans la prière, nous savons que l'Esprit est différent du Fils, même si les mots ne nous permettent pas de préciser cette différence. Essayons d'illustrer la doctrine de la Trinité en examinant les figures trinitaires dans l'histoire du Salut et dans notre vie de prière personnelle. Les trois Personnes, nous l'avons vu, opèrent toujours ensemble. Elles ne possèdent qu'une seule volonté et qu'une seule énergie. Saint Irénée voit dans le Fils et l'Esprit les "mains" de Dieu le Père à l'œuvre dans tout acte créateur et sanctifiant. L'Ecriture Sainte et la Liturgie nous en fournissent de nombreux exemples :
    1. La Création
    "Par la parole de Yahvé les cieux ont été faits, Par le souffle de sa bouche, toute leur armée". (Ps 33, 6). Dieu le Père créé par son "Verbe", c'est-à-dire le Logos (la seconde Personne). Il crée aussi par le "souffle de sa bouche" c'est-à-dire l'Esprit (la troisième Personne). De ses "mains", le Père façonne l'univers. Il est dit du Logos, "Tout fut par Lui" (Jn I, 3.) Comparons avec le Credo: "… Par lui tout a été fait"). De l'Esprit, il est dit qu'à la création, "le vent de Dieu tournoyait sur les eaux" (Gn I, 2). Ainsi, toute la création porte le sceau de la Trinité.
    2. L'Incarnation
    Lors de l'Annonciation, le Père envoie l'Esprit-Saint sur la Bienheureuse Vierge Marie, qui conçoit le Fils Eternel de Dieu (Lc I, 35). L'Incarnation divine est une opération trinitaire. L'Esprit est envoyé par le Père pour réaliser la présence de son Fils dans le sein de la Vierge Marie. L'Incarnation est le fruit de l'opération de la Trinité, certes, mais aussi du libre choix de Marie. Dieu n'a-t-il pas attendu son consentement qu'elle exprime en ces mots : "Je suis la servante du Seigneur, qu'il m'advienne selon ta parole" (Lc 1,38). Sans son consentement, Marie ne serait pas devenue la Mère de Dieu. La grâce divine ne détruit pas la liberté humaine, elle l'affirme.
    3. Le baptême du Christ
    Dans la tradition orthodoxe on considère le baptême du Christ comme une révélation de la Trinité. La voix du Père "venue des cieux" rend témoignage au Fils : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur." Au même moment, l'Esprit-Saint, sous la forme d'une colombe, descend du Père et vient sur le Fils (Mt. 3, 16-17). Voici l'hymne que chante l'Eglise orthodoxe le jour de l'Epiphanie (le 6 janvier), la fête du Baptême du Christ : "Ton Baptême dans le Jourdain, Seigneur, Nous montre l'adoration due à la Trinité, La voix du Père t'a rendu témoignage, Elle t'a nommé Fils bien-aimé, Et l'Esprit, sous la forme d'une colombe, A confirmé l'inébranlable vérité de cette parole."
    4.La transfiguration du Christ
    Encore un événement concernant toute la Trinité. On retrouve entre les trois Personnes la même relation qu'au Baptême du Christ. Des cieux, le Père témoigne : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur, écoutez-le" (Mt. 17, 5) et, comme au Baptême, l'Esprit descend sur le Fils, mais, cette fois, sous la forme d'une nuée lumineuse (Lc. 9, 34). Comme nous l'affirmons dans l'un des hymnes de cette fête (célébrée le 6 août): "Aujourd'hui sur le Thabor dans la manifestation de ta lumière, Seigneur, Toi qui es la lumière immuable du Père sans origine, Nous avons vu le Père comme lumière, Et comme lumière l'Esprit Qui illumine la création tout entière".
    5. L'épiclèse eucharistique
    La même figure trinitaire évidente dans l'Annonciation, le Baptême et la Transfiguration, réapparaît au point culminant de l'Eucharistie, l'Epiclèse ou invocation de l'Esprit-Saint. Le célébrant, en s'adressant au Père, dit, dans la Liturgie de Saint Jean Chrysostome : "Nous t'offrons encore ce culte raisonnable et non sanglant. Et nous T'invoquons, nous te Prions et nous Te supplions : Envoie ton Esprit-Saint sur nous et sur les dons qui sont ici présentés, Et fais ce Pain, Corps Précieux de ton Christ, Et ce qui est dans ce calice – Sang précieux de ton Christ, Opérant le changement par ton Esprit-Saint." Comme à l'Annonciation, et pour continuer l'Incarnation du Christ dans l'Eucharistie, le Père fait descendre l'Esprit Saint, afin de rendre effective la présence du Fils dans les dons consacrés. Là, comme toujours, les trois Personnes de la Trinité opèrent ensemble. Toutefois à force de parler du Christ, et maintenant de l'Esprit, on oublie de parler du Père. Il est vrai qu'il est plus facile de parler de notre relation avec le Christ. On rencontre le Christ. Mais l'Esprit est le Dieu intérieur, l'Hôte secret, qui constitue le mouvement même de la rencontre. Dans l'Eglise, sacrement du Ressuscité, se produit une Pentecte permanente, plus ou moins voilée selon notre transparence ou notre opacité. Pourtant, ne l'oublions pas, l'Eglise ancienne ne parlait guère de Dieu en général. Elle parlait du Père, et tenait ce nom pour supérieur à celui de Dieu. L'océan de l'essence divine, océan de paix, de lumière et de joie, jaillit du Père, que nous pouvons avec Jésus, dans l'Esprit Saint, appeler abba, un mot de la plus enfantine tendresse. En général, on souligne que l'antinomie proprement impensable qui constitue le cœur de la révélation chrétienne tient dans l'identité de la Gloire et de la Croix, du Dieu au-delà de Dieu et de l'Homme de douleurs. Mais cette "antinomie apophatique" s'inscrit dans ce nom même de Père, dans l'identité de l'origine abyssale et de l'abba… Que le Père, en effet, soit le "principe" de la Trinité n'implique aucune supériorité de sa part, aucune subordination du Fils. De même que le Christ, dit l'épître aux Philippiens, "s'est évidé" -ékénsen- sur la croix, de même, pourrait-on dire, le Père "s'évide" de toute éternité pour que soit le Fils en qui il fait reposer l'Esprit. Car l'Esprit est "l'onction" éternelle du Fils et "l'onction" messianique de Jésus. C'est par l'Esprit que le Père ressuscite le Fils incarné et assassiné, c'est dans l'Esprit qu'il le glorifie. Mystère d'une paternité secrètement crucifiée qui donne l'Esprit "sans mesure", au Christ et donc à tous les hommes devenus ses "cohéritiers". Pour la théologie patristique, le sacrifice de Jésus n'est nullement exigé pour satisfaire la justice divine, apaiser le courroux de Dieu et rendre celui-ci propice à l'humanité. "Le sang répandu pour nous, écrivait Grégoire de Nazianze, sang très précieux et glorieux de Dieu… pourquoi fut-il versé et à qui fut-il offert ? Si ce prix est offert au Père, on se demande pour quelle raison… Pourquoi le sang du Fils unique serait-il agréable au Père qui n'a pas voulu accepter Isaac offert en holocauste par Abraham… N'est-il pas évident que le Père accepte le sacrifice non qu'il l'exige ou en éprouve quelque besoin, mais pour réaliser son dessein : il fallait que l'homme fût vivifié…" Le sacrifice de Jésus est un sacrifice de vivification : il offre l'humanité à son Père pour que celui-ci la vivifie dans l'Esprit Saint, pour que les hommes, en Christ, deviennent eux aussi des "christ", des "oints" de l'Esprit. Et la passion du Fils, dit Origène, est inséparable d'une mystérieuse "passion d'amour" du Père: "Le Père, lui non plus, n'est pas impassible…, il a pitié, il connaît quelque chose de la passion d'amour, il a des miséricordes que sa souveraine majesté semblerait devoir lui interdire."
    LE PERE SPIRITUEL, ICONE DU PERE CELESTE
    Cette vision s'inscrit dans l'expérience, monastique surtout, mais non uniquement, du père spirituel. Celui-ci est avant tout un "spirituel", un homme rempli de l'Esprit qui repose sur le corps ecclésial du Christ. On ne peut comprendre la paternité spirituelle qu'en la plaçant dans la mouvance de l'Esprit manifestant le mystère de ce qu'on pourrait appeler la "patri-filiation". Le père spirituel s'associe au dessein du "Père céleste" : de ramener dans la "demeure de l'amour", qui est l'Esprit, la créature réconciliée. Il prend toute la valeur d'une icône, l'icône de la Paternité sacrificielle et libératrice, qui donne l'Esprit. Selon une vieille sentence, le père spirituel n'est pas un législateur mais un modèle. Si l'on se remet à lui dans une entière confiance, c'est pour grandir vers sa propre libération. Telle est la réponse chrétienne à la dialectique du maître et de l'esclave, à la mise à mort du père qui a constitué le nerf de l'anti-théisme moderne, à la nostalgie, ambigüe de paternité qui, par compensation, se fait jour maintenant dans la sensibilité occidentale. Abba Poemen, un père du désert du 4e siècle, disait : "Sois pour tes frères un modèle, pas un législateur". Le premier rôle que les gens attendent d'un père spirituel est certainement celui de conseiller, d'accompagnateur, un peu comme un guide de montagne. Cela suppose qu'il ait une expérience de la vie en Dieu, qu'il connaisse les chemins qui mènent au sommet, les embûches, les impasses, les pièges à éviter. Dans cette perspective, il y a différents styles de paternité spirituelle, qui vont du commandement sans explication ("Tu dois faire cela") à la proposition qui appelle à la liberté et à la responsabilité de l'enfant spirituel. Il ne faut pas opposer ces différents styles ; il se peut, en effet, que certaines personnes, à certains moments, aient besoin de conseils plus directifs que d'autres personnes ou qu'à d'autres moments de leur existence. Mais en aucun cas, il ne s'agit de "direction de conscience", expression qui fait se dresser tous les poils de ma barbe. A nouveau, il s'agit pour le père spirituel d'être le canal de l'Esprit Saint. Son conseil ne doit pas venir, d'une démarche intellectuelle, de son propre raisonnement logique ou éthique –consistant par exemple à peser le pour et le contre, mais de l'inspiration que Dieu lui communiquera dans son cœur par la prière. Un grand saint russe du siècle passé, Séraphin de Sarov, sentait très bien cela… Il pouvait couper court à un dialogue en donnant sa bénédiction et disant: "Maintenant allez, c'est fini. Car si je continue, c'est moi qui parlerai et non plus le Saint-Esprit en moi". Voilà par conséquent ce par quoi se définit le service à la fois extérieur et intérieur de ce ministère particulier qu'est la paternité spirituelle, à savoir que la pratique de la "paternité spirituelle", dans la révélation que nous fait d'elle la lumière trinitaire, s'explique par le fait qu'avec le Christ, la relation Maître-esclave fait place au mystère Père-Fils. Elle ne peut donc être que cet hommage rendu à l'unique paternité divine, à sa manifestation à travers les différentes formes de participation humaine. Aussi, le "père spirituel" n'est jamais un maître qui enseigne, mais celui qui engendre à l'image du Père céleste. Cette tradition de la paternité spirituelle remonte aux "Pères du désert" ; elle ne relève donc d'aucune fonction sacerdotale. Il me semble nécessaire et important de rappeler ici que : Pour le terme "père" dans le sens d'une relation personnelle, nous avons deux traditions : - L'une remonte à St Ignace d'Antioche (Magn. 3/1) et constitue "la paternité fonctionnelle" : on appelle tout évêque ou prêtre "père" en fonction de son sacerdoce puisqu'il baptise et opère la filiation divine au moyen des sacrements et qu'il exerce la vertu pastorale inhérente au sacerdoce. - La seconde tradition remonte aux "Pères du désert". Dans ce cas précis on est "père" par une élection divine, par un charisme de l'Esprit Saint, par l'état de celui qui est devenu un "théodidacte", c'est-à-dire un enseigné directement par Dieu. Saint Antoine, ne l'oublions pas, était un simple laïc. Parmi les charismes d'un père, le primat est à la charité dont la marque la plus sûre est le martyre visible ou invisible qui fait de toute ascèse le "sacrement du frère". Voici un exemple : Saint Païssius le Grand priait pour son disciple qui avait renié le Christ. Le Seigneur lui apparut à ce moment-là et lui dit : "Païssius, pour qui pries-tu ? Ne sais-tu pas qu'il m'a renié ? " Mais le Saint ne cessait d'avoir pitié et de continuer à prier pour son disciple. Alors le Seigneur lui dit : "Païssius, tu t'es assimilé à moi par ton amour". La paternité spirituelle, c'est aussi le don de prophétie, c'est-à-dire le déchiffrement du dessein de Dieu dans des cas précis. Le starets lit en effet dans l'âme ; il sait par avance le contenu du message sans l'ouvrir, il décachette surtout les cœurs. Il est toujours dangereux de livrer à n'importe qui les secrets de son cœur, aussi la paternité spirituelle n'a pas de critère formel tout comme la vérité. "Un père, dit l'abbé Poemène, met l'âme en rapport direct avec Dieu et il conseille : ne commande jamais, mais sois pour tous un exemple, jamais un législateur". Ce n'est pas dans les règles mais en Dieu qu'on chemine ici. C'est pourquoi un geronta n'est jamais un "directeur de conscience". Il ne forme jamais son enfant spirituel mais il engendre au contraire un enfant de Dieu, libre et adulte. C'est cela l'essentiel de la paternité spirituelle : elle n'a pas d'autre raison d'être que de conduire du stade d'esclave à la liberté des enfants de Dieu. "Fais, dit-il à celui qui l'interroge, ce que tu me vois faire car je ne suis pas un supérieur pour te commander". Et ainsi l'un et l'autre se mettent en commun à l'école de la vérité. Le disciple reçoit le charisme de l'attention spirituelle, le père reçoit le charisme d'être l'organe de l'Esprit Saint. Ici toute obéissance est obéissance à la volonté du Père céleste, en participant aux actes du Christ obéissant. En fait le dernier mot de la filiation spirituelle est au-delà de l'obéissance. Le novice doit obéir et se soumettre à celui qui rend obéissance au Christ, afin d'arriver à la conformation au Christ obéissant, dit Théodore Studite (in Epist. 43).
    L'EGLISE ET LE "BON VOULOIR DU PERE"
    On ne peut traiter de l'ecclésiologie sans se référer aux autres chapitres de la théologie. Parce que l'Eglise est une réalité qui tire son origine de la Sainte Trinité, de Dieu Lui-même. Elle découle de la volonté du Père, laquelle est commune aux deux autres personnes de la Sainte Trinité et elle se réalise au sein de l'Economie divine de Dieu, qui se fonde aussi sur les trois personnes de la Sainte Trinité. Par conséquent, on ne peut traiter de l'ecclésiologie (c'est-à-dire de l'Eglise) sans se référer au Dieu trinitaire. De façon générale, dès lors qu'il est question d'Economie, tout tire son origine du Père et tout s'en retourne pour finir au Père. Au sein de la Sainte Trinité, celui qui donne origine à tout et qui en exprime le désir est le Père. Et le Père a voulu l'Eglise. Qu'est-ce que cela signifie ? Le Père a voulu unir le créé avec l'incréé, unir son monde avec Lui-même. Non point uniquement selon ce qui convenait d'être mais l'unir dans son Fils unique. Par conséquent l'initiative pour que l'Eglise soit est bien l'initiative du Père. Certes, le Fils et l'Esprit Saint y contribuent mais en rappelant cela, il ne faut pas perdre de vue cette subtile distinction qui relève de l'action propre au Père. Pour ce qui est du Fils sa contribution particulière consiste en ceci: en premier lieu consentir librement à la volonté du Père et secondement devenir le foyer, le centre à partir duquel pourra se réaliser cette union du créé avec l'incréé. Le salut de la création dépend en dernier ressort du recours du Père mais dans le Fils. L'Esprit Saint quant à Lui possède aussi sa propre particularité à cette contribution: à savoir, rendre possible cette incorporation de la création dans le Fils en offrant par sa présence la possibilité à la création d'ouvrir, de s'ouvrir de telle sorte que puisse devenir effective l'incorporation dans le Fils. Parce que la création ne peut pas à elle seule communier avec Dieu à cause de sa limitation naturelle et non pas uniquement à cause de la chute, laquelle s'oppose à Dieu et empêche l'incorporation en Christ. L'Esprit Saint collabore avec le Fils pour que l'incorporation de la création devienne possible, pour que s'incorpore le créé dans le Fils et non dans le Saint Esprit. L'Esprit Saint par conséquent n'est pas Celui "dans lequel" la création s'unit, ni d'ailleurs le Père. Cela revient au Fils seul. Bien sûr le Fils n'agit pas sans la présence du Père et de l'Esprit Saint mais nous ne pouvons pas nous permettre de confondre les actions qui sont propres à chaque personne. L'Eglise s'inscrit à l'intérieur de ce plan trinitaire d'après lequel le Père est Celui qui veut, le Fils Celui qui offre sa personne pour que la création s'y incorpore et entre en relation avec Dieu le Père, et le Saint Esprit. Celui qui libère la création des frontières et des limitations du créé. Tout cela devient possible au sein de l'Eglise mais en ayant pour centre le Fils. C'est pour cette raison que l'Eglise est décrite comme Corps du Christ. Jamais comme corps du Père ou du Saint Esprit. Le bon vouloir du Père, qui dès le commencement de la Création demeurait comme finalité dernière. Pour cette raison l'Eglise comme incorporation dans le Fils serait de toute façon devenue réalité. Le but de la création c'est l'Eglise. Mais pour que se fasse cette incorporation de la création dans le Fils et que l'Eglise se réalise, il était nécessaire d'assurer le libre consentement de l'homme. Parce que l'homme, en tant que seul être libre au sein de la création, est celui qui au niveau de la nature est à même de servir comme instrument pour permettre au créé de se tourner vers Dieu. Mais l'homme, qui résume en lui la création, au lieu de se référer en fin de compte à Dieu, a voulu se référer à lui-même, autrement dit, il a divinisé lui-même son être. Il importait donc à Dieu d'imaginer un autre moyen pour sauver le monde et l'unir à Lui. Ce moyen, c'est l'incarnation du Fils dans le monde déchu; cela signifie que désormais le Fils, ainsi que l'homme en général avec tout le créé, doivent passer par l'expérience de la mort pour atteindre l'union, et pour cela il fallait qu'intervienne la Croix. Ainsi l'Eglise se présente sous une forme nouvelle autre que celle prévue et désirée initialement par le Père. L'Eglise est une réalité qui passe par la Croix ; par ce passage elle se drape de toutes les caractéristiques de la Croix sans que cependant elle n'ait pour but et perspective de s'arrêter à cet état-là. Ces caractéristiques de la Croix elle se doit de les transformer en caractéristiques de la situation eschatologique. Ici commencent les difficultés pour les spécialistes de l'ecclésiologie. Parce que le passage de l'Eglise par la Croix lui laisse les stigmates de la Croix, lesquels sont des blessures qu'infligent le mal et l'histoire au Corps du Christ. Par conséquent beaucoup ne vont pas plus loin et prétendent que c'est cela qui fait l'identité de l'Eglise. Un corps, cette création incorporée au Christ, qui est toutefois blessé par le mal tout comme l'est la Croix. Pour cette raison, toute la musique, la littérature, la théologie de l'Occident se préoccupent de ces problèmes, qui sont la conséquence du mal dans le monde, et ne cherchent pas à les surmonter. Ainsi les traits caractéristiques de cette ecclésiologie se présentent comme étant ceux qui voient l'Eglise, à travers le prisme de l'histoire, comme un corps qui se sacrifie, qui souffre et qui rend service au monde. C'est une ecclésiologie très attirante qui fait beaucoup appel au sentiment de l'homme, mais c'est aussi une ecclésiologie qui enferme à l'excès l'Eglise à l'intérieur du monde. Aussi dans cette ecclésiologie une place prépondérante est réservée à l'action de l'Eglise dans le monde. Que compte faire l'Eglise devant la menace du mal, devant les problèmes du monde, devant la souffrance de l'homme ? Comment va-t-elle le libérer, comment servir l'homme pour atténuer sa souffrance ? Il vous suffit de regarder les Eglises d'Occident, comment d'une manière ou d'une autre elles s'occupent principalement de ces questions. De sorte que l'Eglise se présente sous un aspect éminemment moral. Et dans ce cas on est disposé à considérer l'identité, l'Etre de l'Eglise à partir de son action dans le monde. Vu sous cet angle le Fils est compris clairement comme le Fils crucifié. C'est pour cette raison que, selon l'ecclésiologie occidentale, les sacrements et particulièrement la façon d'aborder l'Eucharistie ne sont rien d'autre qu'une continuation, qu'une répétition du Golgotha, sa présence permanente. La Croix est plantée au centre de l'Eucharistie, comme c'est le cas de nos jours dans beaucoup d'Eglises orthodoxes (chose autrefois inconnue). Mais cela est le fait de l'Occident. En Orient on ne peut pas facilement s'arrêter sur la seule Croix parce que l'Eucharistie est ainsi conçue qu'elle nous pousse à surmonter la Croix. L'Eucharistie n'aboutit pas au Golgotha mais elle nous introduit dans le Royaume de Dieu. Elle nous place devant la communion des Saints, l'éclat, la lumière, la brillance des choses dernières et ce par le truchement de l'iconographie, des ornements sacerdotaux, des paroles prononcées, de la psalmodie ; en utilisant en un mot tous les moyens qui sont propres à la tradition orthodoxe au cours de la Divine Eucharistie. Tout pousse au dépassement du Golgotha. C'est pour cela que notre ecclésiologie retourne à ce désir initial du Père, lequel définit comme la finalité de la Création et de l'Economie l'union du créé avec l'incréé. Si la finalité de l'Eglise, et donc son identité finale, reposent dans la réalisation et l'avant-goût du Royaume de Dieu, alors l'ascèse qui est participation à la souffrance et à la Croix, cesse d'être le but le plus élevé de l'Eglise. C'est le dépassement de la Croix par la lumière de la Résurrection qui constitue l'Etre de l'Eglise. Par conséquent il n'est pas possible d'arriver à la Résurrection sans passer par la Croix. Cela nous le disons et le redisons tous. Beaucoup l'oublient cependant et nous avons tendance à parler de l'Eglise sans faire mention de l'expérience résurrectionnelle du dépassement par la Croix, sans cette expérience de la création nouvelle qui baigne dans la lumière. L'Eglise est cette réalité qui doit exprimer la transfiguration de tout le cosmos. La transfiguration du monde matériel ainsi que celle de la communion humaine et de la communauté. Aussi il y a Eglise lorsqu'il y a communauté. Nous aboutissons de la sorte à cette conclusion que le vouloir du Père consiste en ce que le monde entier, y compris le monde matériel, devienne Eglise, dans le Fils en tant que Corps du Christ, pas seulement les hommes ou encore moins une certaine catégorie d'hommes; et que, suite à la chute de l'homme, cette incorporation du monde dans le Fils passe par la Croix mais ne s'arrête pas à la Croix. Elle passe par l'école de l'ascèse, par cette profonde expérience du mal qui ébranle l'ascète et qu'il fait sienne, à l'instar de Saint Antoine, par son combat contre le diable (tel est le véritable ascète et non pas ces moines rêveurs…). Cet ascète qui participe à la Croix et à la traversée du vouloir du Père ; qui passe par la porte étroite pour accéder au Royaume des choses dernières. L'Eglise, elle aussi, se propulse jusque là; elle ne s'arrête pas à la Croix ni devant la porte étroite. Dans le Royaume elle trouve sa totalité et sa réalisation. L'ecclésiologie orthodoxe qui se veut saine est celle qui pousse le moine et le laïc dans leur lutte contre le mal à goûter, à s'approprier l'avant-goût du Royaume de Dieu et ce, grâce à la Divine Eucharistie, à l'expérience de la lumière ; une expérience par laquelle une communauté d'hommes devient icône du monde à venir, du monde de la communion future out comme de celui de la future création matérielle qui aura surmonté la corruption. Cela a des conséquences sur notre façon d'aborder la vie spirituelle, l'organisation de l'Eglise, les sacrements et n'importe quel autre aspect de l'Ecclésiologie.
    CONCLUSION :
    Si l'agir de Dieu dans l'Economie est trinitaire, alors Dieu le Père est bien présent dans l'ensemble de l'Histoire en intervenant sans cesse avec ces deux mains, le Fils et l'Esprit, - pour reprendre ici la belle image d'Irénée de Lyon - au sein de la création, tout comme à l'égard de notre salut et de notre propre accomplissement. Le Père Lui-même agit, autrement dit se rend présent, dans l'Economie tel qu'Il est (c'est-à-dire dans le mystère de sa monarchie) et comme Il est, à savoir avec le Fils et avec l'Esprit Saint. Aussi dans le don de l'Esprit, "l'eucharistie ecclésiale" nous anticipe réellement, bien que paradoxalement, la "vérité communionnelle" de l'Economie de Dieu dans son ensemble telle qu'elle se donne à nous en Christ (et dont elle dépend constamment). A partir de cela on peut affirmer que le Christ constitue "en sa personne dans l'histoire" la révélation même de "l'être de Dieu" tel qu'Il est (Père, Fils et Esprit) et ce à partir du Père. Rappelons-nous ici pour conclure ces paroles de Maxime le Confesseur (PG 90, 876 CD) : "Par son Incarnation, le Verbe de Dieu nous enseigne la "theologia" en ce qu'Il nous montre en Lui le Père et l'Esprit Saint", à savoir la bonté du Père et la liberté de l'Esprit. Par conséquent, c'est à l'Eglise qu'il revient de susciter ces présences qui pacifient et approfondissent l'existence et dispensent, d'abord par l'exemple, les ascèses qui ne dessèchent pas mais vivifient. Des hommes capables de bénir la vie et de la faire accueillir par d'autres comme une bénédiction. Pouvant par-là donner sens à la paternité biologique, qui ne va plus de soi. Des hommes capables de partager la "passion d'amour" du Père, et dont l'attitude fondamentale, pour reprendre l'enseignement de Zossime, soit "l'humilité de l'amour, … force terrible, la plus puissante".
    Madrid, le 25/O2/1999
    BIBLIOGRAPHIE
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