Mithra
Le Mithriacisme
Mithra est le nom d'une divinité d'origine indo-iranienne, adoptée par la suite dans le monde gréco-romain, et dont le culte, appelé mithriacisme ou religion de Mithra, passe généralement pour être une dérivation du Mazdéisme. Aux yeux des Perses, ce dieu était le premier des anges ou Izeds, ou comme une personnification d'Ormuzd lui-même, considéré comme principe générateur perpétue et rajeunit le monde.
C'était l'lzed du Soleil, et, comme tel, le dieu de la lumière. En conséquence, il était l'ennemi des ténèbres, d'Ahriman et des Démons ou Devs, le dieu qui fécondait la Terre, et résumait en lui toutes les forces productives de la nature. On le considérait aussi comme le médiateur de la création. Espèce de providence, Mithra parcourait incessamment l'espace, voyant tout, entendant tout, gardant toutes les créatures, donnant la prospérité aux hommes, de même que la fertilité à la Terre; il pesait les actions humaines, à l'entrée du pont qui conduit à l'éternité. On l'invoquait trois fois par jour; un des mois de l'année lui était consacré, et dans chaque autre mois, un jour.
Originaire de l'Iran, le culte mithriaque se répandit dans la haute Asie et en Asie Mineure, d'abord par les conquêtes de Darius, fils d'Hystaspes, puis par les bouleversements qui suivirent la mort d'Alexandre. Sous les Lagides, il s'introduisit en Égypte. Enfin, il pénétra en Italie après les guerres du Pont et de Cilicie vers 67 av. J.-C., et plus tard, bénéficiant de sa forte implantation dans l'armée romaine, il s'étendit jusque de ville de garnison en ville de garnison jusqu'en Gaule et en Germanie ainsi que l'ont prouvé divers monuments relatifs à ce culte découverts dans ces contrées. Longtemps proscrit, il finit par obtenir une grande faveur, surtout sous les règnes de Claude, de Néron et de Commode.
Dans l'empire romain les adorateurs de Mithra formaient comme une société secrète. Les initiés étaient soumis à des épreuves très rigoureuses, après lesquelles on leur conférait une sorte de baptême. On les marquait ensuite d'un sceau, puis ils étaient couronnés et armés. Cette dernière cérémonie terminée, les assistants les saluaient du titre de frères d'armes. Toute la confrérie mithriaque se divisait en sept degrés ou grades, selon le nombre des planètes, formant une échelle aux sept échelons, et placées sous la protection de sept divinités (Saturne, Vénus, Jupiter, Mercure, Mars, la Lune, le Soleil). Ces grades étaient, en allant des plus bas aux plus élevés, ceux des soldats, des lions ou hyènes, des corbeaux, des griffons, des perses, des soleils et des pères. Ceux qui parvenaient à la plus élevée portaient le titre de pater patratus ou grand pontife. Les mystères mithriaques se célébraient dans des grottes et dans des antres. A Rome, le temple de Mithra était creusé sous le mont Capitolin. Il paraît que d'abord on offrait au dieu des sacrifices sanglants. Les Perses lui sacrifiaient des chevaux; on prétend que l'empereur Commode lui immola des hommes. Plus tard, ces sacrifices sanglants furent remplacés par une oblation de pain, d'eau et de vin. Ce culte fut détruit au IVe siècle..
Le Mithra iranien
Dans les anciennes inscriptions perses, il fait partie, avec Ahura Mazda et Anahita, de la triade des divinités protectrices des Achéménides. Un grand nombre de noms théophores de l'époque achéménide (Cumont, Textes et Monuments relatifs au culte de Mithra, p. 76, n° 1 et suiv.), quelques passages des historiens grecs (Hérodote, 1, 131, etc.) attestent l'antiquité, l'importance et la continuité de son culte. Il donnait au roi, prêtre ou acteur, un privilège singulier (Ctésias et Douris). La fête des Mithrakana, célébrée le 16e jour (consacré à Mithra) du 7e mois, mois de Mithra (17 Septembre - 17 octobre), donnait lieu à des cérémonies pompeuses (Strabon, 11, 14, 530 c); elle continua à être célébrée dans la Perse musulmane sous le nom de Mihragân. Enfin, Mithra est un des dieux de l'Avesta. Tout un Yasht lui est consacré (Mihir, Y.10); mais il est relégué, avec les autres divinités de la nature, parmi les esprits subordonnés, les Yazalas.
Mithra est la lumière distincte du Soleil, de la Lune et des étoiles; lumière vivifiante, créatrice, bonne. Son nom Mihir signifie l'ami - et de là dériverait le sens que l'on donne généralement aussi bien au nom qu'à la fonction de Mithra : il serait le dieu de l'engagement mutuel et, dans une acception plus large, celui de "l'accord entre les parties du cosmos". C'est le côté moral de sa nature qui a surtout été développé par les Zoroastriens.
« La lumière qui voit tout est l'emblème de la vérité, et c'est surtout comme témoin universel que Mithra est devenu l'incarnation céleste de la conscience et de la vérité. [...]. Témoin des contrats, il observe qui les garde et qui les viole, il châtie ceux qui mentent à Mithra (Mithrô-Druj) » (Darmsteter, Zend Avesta, II, 141, 142).
L'on fait serment en son nom (Plutarque, etc.). C'était encore un dieu guerrier et victorieux (invictus dans les inscriptions latines). C'est par erreur que Hérodote (1, 131) invente un Mithra femelle.
Propagation du culte de Mithra
Si Mithra a souffert de la formation de l'orthodoxie zoroastrienne, il a trouvé des adorateurs dans le monde sémitique, grec et latin; il y éclipsa Ahura Mazda et les autres dieux avestiques. Il s'est formé, à l'Ouest de l'Iran, une religion de Mithra qui n'est plus complètement iranienne. Les mages entrèrent d'abord à la suite des conquérants perses dans les provinces de l'Asie antérieure. Le culte de Mithra s'implanta dans la Mésopotamie avec celui d'Anahita, et ils s'y naturalisèrent si bien que certains auteurs leur ont attribué une origine assyrienne (Bérose, Nonnos, Hérodote, etc.). Mithra avait un temple à Babylone, et, à l'époque romaine, la Chaldée était la terre sainte des Mithriastes (Lucien). Les Achéménides introduisirent le culte de Mithra en Arménie (Strabon, Dion Cassius, etc.), en Cappadoce (Strabon) et dans le Pont (Strabon). Les dynastes d'Asie Mineure, plus ou moins Perses ou même Achéménides, les Mithridates, se faisaient des titres de noblesse de leurs dévotions iraniennes; Antiochus de Commagène élevait une statue à Mithra-Helios-Hermès (Inscr. de Nimrud-Dagh).
Enfin les pirates de Cilicie comptaient des adorateurs de Mithra (Cumont, Roscher's Lexicon, II, 3032). Les Mithrakana sont mentionnés dans une inscription d'Amorion en Phrygie, maisc'est assez tard seulement que le culte de Mithra fut pratiqué dans l'Ouest de l'Asie Mineure, en Syrie et en Égypte; il y eut, sous l'Empire romain, des mithraeums à Sidon, à Alexandrie, à Memphis (Cumont). Plutarque raconte (Pompée, 24), qu'au Ier siècle avant notre ère les pirates ciliciens adoraient Mithra sur le mont Olympe; mais, en somme, le monde hellénique l'ignora (sur la côte de la mer Egée, une seule inscription au Pirée).
Que les pirates ciliciens, comme le veut Plutarque, aient été auprès des Romains les apôtres de Mithra, on peut en douter; mais quand, au Ier siècle de notre ère, toute la Cilicie, la Cappadoce, la Commagène et la Petite-Arménie furent devenues des provinces romaines, on commença à connaître les mystères de Mithra en Occident (Stace, Thébaïde, I, 717). Les plus anciennes dédicaces romaines à Mithra sont de la première moitié du IIe siècle (époque de Trajan, premières années d'Hadrien). Son culte fut pratiqué d'abord et surtout dans l'armée, où il fut introduit par les auxiliaires orientaux (Cohortes Commagenorum et Osrhoenorum). Le plus grand nombre des monuments mithriaques latins se trouve dans les cantonnements des légions, sur la frontière, depuis l'embouchure du Danube jusqu'à celle du Rhin, en Mésie, en Dacie, où Trajan appela des colons ex toto orbe Romano, en Pannonie, particulièrement à Carnuntun, garnison de la 15e légion Apollinaris, dans le Norique, en Germanie; - sur la côte de la Manche aux escales de la classis Britannica (Gesoriacum), en Bretagne, dans les forts du vallum d'Hadrien et dans les garnisons; - en Afrique, dans les campements de la 3e légion jusqu'à la limite du désert. - Les vétérans rapportaient dans les provinces du centre les cultes militaires.
D'autres missionnaires, plus nombreux, furent les esclaves. Les conquêtes de Trajan jetèrent sur les marchés des foules de mithriastes. Les monuments consacrés à Mithra devinrent nombreux dans les ports de la Méditerranée. A Rome, 150 inscriptions et bas-reliefs rappellent le grand nombre des fidèles et le succès de la propagande. Les esclaves des latifundia, les employés non libres ou d'origine servile de l'administration provinciale ou impériale portèrent le culte dans les campagnes.
Cette religion de petites gens s'enrichit et s'anoblit avec les affranchis. Elle compta parmi ses zélateurs des augustales, des décurions. Un citoyen, dès le temps de Marc-Aurèle, lui consacra un sanctuaire somptueux à Ostie. Enfin, la fantaisie d'un empereur la naturalisa romaine. Commode se fit initier à ses mystères et, à sa suite, des legati augusti, des legati legionis, des préfets, des tribuns, plus tard des perfectissimi et des clarissimi. Au IIIe siècle, la familia impériale célébrait les mystères publiquement et officiellement. Aurélius organisa le culte du Sol invictus. Sous Dioclétien, Mithra était un des patrons de l'empire. Il avait une littérature depuis l'époque des Antonins. Un certain Pallas lui consacra un livre, un Euboulos écrivit une Peri toû Mithra historian en polloisbibliois (Porphyre, De abst., 4, 16; cf. 2, 56; De antro nymph., 6). Le syncrétisme philosophico-religieux de la fin du paganisme en fit un dieu suprême et synthétique. Les derniers païens l'adorèrent. La noblesse romaine lui resta longtemps fidèle après la conversion de Constantin (Cumont, R. L., 3037).
Les formes archaïques du culte de Mithra
Les plus anciens documents qui nous en restent sont postérieurs aux conquêtes des Perses. L'Avesta est une édition sassanide d'un texte qui n'est peut-être pas antérieur aux Arsacides. Les mystères de Mithra ne nous sont connus que par des documents gréco-latins dont les plus anciens datent du Ier siècle de notre ère. Peut-être y avait-il une Bible mithriaste ou, tout au moins, mazdéenne, un Avesta rudimentaire : Basile, Eznig l'Arménien, disent formellement que les mages n'avaient pas de livres. Pausanias (v, 27, 5) a vu les mages de Hiérocésarée de Lydie lire dans un livre des hymmes barbares. Mais il n'y avait pas un ensemble canonique, exclusif de livres sacrés. Si dans quelques cérémonies on prononçait des incantations en langue sacrée, il y avait des hymmes mithriaques en langue vulgaire (Firmicus Maternus, De errore profanarum religionum, c. 4). L'écrit mithriaste dont s'est inspiré l'auteur du traité d'Isis et d'Osiris était d'origine cappadocienne. Jamais un livre sacré n'a empêché une religion d'emprunter à ses voisines. Il est naturel que dans la propagation et dans l'établissement du culte de Mithra en Mésopotamie, en Asie Mineure, etc., la légende du dieu, la liturgie et la théologie de ses prêtres se soient modifiées et enrichies. Pour l'époque lointaine des empires assyrien et achéménide, il est difficile d'en avoir la preuve. A l'époque romaine, on voit le culte de Mithra se transformer en culte du Soleil, se doubler d'une philosophie-stoïcienne (Dion Chrysostome, Orat., XXXVI, 39 et suiv.). Dans les monuments mithriastes, tout ce qui peut dire rapproché d'une légende ou d'un type de divinité grecque (p. ex. Gigantomachie) s'hellénise. De même en Asie Mineure, Mithra a revêtu le costume d'Attis. J'essaierai de signaler en passant quelques légendes voisines de la sienne.
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