II. Le bouddhismeComment le bouddhisme, pratique religieuse et spirituelle en plein essor en France, traite-t-il le sujet du paradis ? Il peut sembler,
a priori, bien étrange de parler de « paradis » dans le bouddhisme. Ne prône-t-il pas, en effet, une dissolution de tout dans le Tout ? Dans ce cas, la seule chose dont il serait possible de parler est de cette extinction lors de la mort, la manière dont l’individu rejoint le
nirvana, lieu de l’au-delà dont nous ne savons rien. Même l’entrée du Bouddha dans le nirvana n’apporte que peu d’éclairage, surtout si on considère « enfer » et « paradis » comme étant d’abord des états de conscience. Ainsi, la devise bouddhiste concernant les « fins dernières » pourrait être : « Ni Dieu, ni âme. » A noter que ces « fins dernières », si elles sont totalement absentes du « Petit Véhicule » (bouddhisme Hīnayāna), font partie des enseignements du « Grand Véhicule » (bouddhisme Mahāyāna). Il est donc question d’un paradis sans dieu, c’est-à-dire d’un paradis dont on ne peut rien connaître puisqu’il est, par définition, cessation de toute existence particulière. Cette conclusion, qui peut sembler sans appel, correspond à ce que nous imaginons, le plus souvent, de la conception bouddhiste du nirvana. Le bouddhisme prêcherait alors l’impermanence absolue de tout être et de toutes choses et conduirait paradoxalement vers un paradis sans divinité ni âme. Cependant Max Müller, grand philologue du XIXe siècle, a déjà, en son temps, indiqué qu’il y avait un gouffre entre la conception théorique et la conception populaire du bouddhisme.
Le paradis bouddhiste, le
nirvana, est donc multiple et ne se résume pas à l’absence de tout, à la désintégration du « soi ». Le croire serait une énorme caricature, même si un grand nombre d’enseignements bouddhistes soulignent cette dé-personnalisation : cela présente une grande opportunité apologétique. En réalité, le bouddhisme offre trois options essentielles pour la vie après la mort, pour l’état de « paradis », si l’on peut dire.
La
première option que les écoles bouddhistes ont élaborée est l’enseignement du
samsara continu, un cycle quasi sans fin de renaissance et de souffrance. La
deuxième option est celle du
nirvana, l’enseignement le plus connu relatif à l’au-delà bouddhiste. Dans cette perspective, le salut dans le bouddhisme primitif est le
nirvana, processus parfois complexe d’extinction du karma par lequel est abandonné ou consumé tout ce qui constitue le « moi ». Ainsi, le
nirvana n’est ni un lieu ni un état, mais la fin de la renaissance, ce qui pose la question de la nature précise de ce
nirvana. Il y a là une première difficulté. De plus, cet enseignement remet à plus tard la dissolution finale du soi jusqu’à ce que tous les êtres vivants aient été éclairés. Si le
nirvana s’applique à l’extinction des désirs, la plupart du temps après la mort, il est cependant potentiellement possible de connaître cet état de son vivant, mais seulement en de très rares occasions. D’ordinaire, il n’y a donc pas de réelle possibilité de sortir du cycle karmique. L’espoir d’entrer dans l’état de « grâce », s’il est possible de parler ainsi, dans le
nirvana est hautement compromis.
Dans ces deux premières écoles bouddhistes, surtout pour la deuxième, atteindre le
nirvana est soumis à une pratique individuelle qui devient une porte d’accès seulement pour l’individu. Cette pratique du bouddhisme Mahāyāna, connue sous le nom de « moyens habiles », a conduit à d’autres interprétations du salut, comme celle d’une renaissance dans un pays pur. Là, on peut continuer à aspirer à l’illumination dans un cadre agréable, sans crainte d’une renaissance sous une forme humaine. Une grande partie du bouddhisme Mahāyāna accorde une importance cruciale à l’
upāya kausalya qui devient donc le « moyen habile » ou l’« expédient salvifique » employé par un être déjà éveillé et mû par la compassion pour guider les autres sur la voie de l’éveil. Dans le bouddhisme Mahāyāna, le paradis n’est donc que la
direction du
nirvana prise par un individu en attendant l’éveil du reste de l’humanité. Dans cette perspective, l’espérance personnelle est conditionnée par l’accès de toute l’humanité à l’éveil, espérance hautement conditionnelle et aléatoire.
Examinons maintenant la
troisième option bouddhiste qui est la doctrine, ou tradition, de la « Terre pure ». Si les deux premières « options » nient la réalité d’une permanence du « soi » ou de l’entité personnelle, cette dernière école a introduit la grande nouveauté d’une persistance personnelle après la mort. Cette perspective pour le moins originale est née au sein de la grande tradition du bouddhisme Mahāyāna (le Grand Véhicule). Cette nouvelle école bouddhiste fondée par Honen (1133-1212) s’est concentrée sur et a systématisé l’enseignement du Bouddha Amitābha, ou
Bouddha de la Lumière Infinie. Des sūtras qui font autorité en ce qui concerne la doctrine de la « Terre pure », le plus ancien date d’environ 221-266.
Dans cette tradition bouddhiste, l’avenir de l’individu est plus clairement identifié que dans d’autres traditions du bouddhisme Mahāyāna, en particulier par sa référence à un lieu incarnant l’espoir de l’être humain. L’accession à la « Terre pure » se fait sur la base de trois conditions indispensables : la
foi (xìn) en l’efficacité des vœux d’Amitābha, le
vœu (yuàn) d’entrer dans sa Terre pure et la pratique de l’
invocation (xíng) du nom du Bouddha Amitābha. Un auteur indique que, « en résumé, la foi (qui est définie en termes de ‹pleine conscience› ou ‹attention juste›) est l’instrument qui permet de réaliser la naissance dans la Terre pure. Cette naissance, de plus, implique l’éveil de soi et des autres. » On retrouve ici la dimension communautaire qui ne soumet plus l’entrée d’un individu dans le
nirvana à l’éveil de toute l’humanité, mais qui crée un lien entre le devenir d’un individu et le devenir des autres. Ainsi, mon entrée dans la « Terre pure » peut ouvrir l’accès des autres individus à cette béatitude.
Un aspect fascinant de cette perspective bouddhiste est sa manière de répondre au problème principal que le bouddhisme tente de résoudre : celui de la souffrance. Dans la tradition bouddhiste de la « Terre pure », le voyage de l’illumination est relativement facile, car il n’a pas à dépasser la souffrance, l’illusion, qui bloque sur terre le progrès de l’éveil. Le danger de renaître sur terre dans une condition peut-être pire que la précédente n’existe pas : le cycle karmique perd alors toute sa radicale répétition. C’est l’une des caractéristiques principales de cette école bouddhiste, qui présente ainsi un futur matérialisé. Cependant, ce n’est pas la seule manière, ni même la plus répandue, d’envisager l’au-delà, la vie après la mort, le « paradis », dans une perspective bouddhiste… ni même dans cette école de pensée. Il convient, en effet, de noter que la « Terre pure » n’est pas une demeure éternelle, mais plutôt un lieu médian où les habitants progressent vers l’illumination complète. La dimension matérielle de cette « terre » serait donc transitoire. Mais il semblerait que la matérialité de la « Terre pure » ne soit pas la seule compréhension possible de cet enseignement. Certains auteurs remarquent, par exemple, qu’il est possible de considérer symboliquement la « Terre pure » comme décrivant l’état même de Bouddha : « Il semble ainsi que la
Terre pure ne soit pas fonctionnellement un lieu où nous allons afin d’être finalement illuminés. Mais nous sommes plutôt illuminés immédiatement au moment de notre mort : nous devenons ce que nous avons toujours été. » Cependant, la plupart des auteurs s’accordent pour montrer la spécificité physique du paradis de cette école bouddhiste, paradis béatifique offert à tous. La « Terre pure » du Bouddha Amitābha est ainsi un domaine rempli de merveilles et d’ornements où les humains jouissent de la présence des Bouddhas et Bodhisattvas au fur et à mesure que chacun progresse vers l’éveil.
Quoi qu’il en soit, deux choses apparaissent clairement dans ces quelques perspectives bouddhistes.
Premièrement, le paradis bouddhiste pose la question de la subsistance de la personne après la mort, notamment parce que les notions de « paradis » et d’« enfer » sont finalement devenues parties intégrantes du bouddhisme
populaire dans toute l’Asie, comme elle le sera plus clairement dans le bouddhisme de la « Terre pure » :
uncited a écrit:Avant qu’il ne réalise l’état d’Eveil, le Bouddha Amitābha jura de créer une terre où les vivants qui récitaient son nom pourraient naître… si vous récitez simplement Namo Amitābha Bouddha, vous renaîtrez dans la Terre de la Plénitude Ultime.
Même si nous trouvons dans une tradition bouddhiste la persistance de la personne humaine dans cet au-delà, la perspective la plus répandue est celle de la « dissolution » de la personnalité dans le
nirvana. Dans un monde obsédé par l’identité personnelle, le bouddhisme fait cependant une percée remarquée et remarquable ! Comment donc maintenir ces deux constats
a priori en contradiction ? Telle est pour nous l’un des défis qui nous incite à présenter l’espérance du royaume d’une manière plus pertinente.
Deuxièmement, la perspective bouddhiste met en avant la dramatique présence de la souffrance : comment être certain que la souffrance ne nous attend pas après la mort ? A cette question, l’apologète pourra aussi apporter en réponse l’espérance de la résurrection et de la glorification promise en Christ.
Conclusion
Les perspectives sur le paradis de ces deux religions sont étonnamment éloignées des soucis de la société contemporaine. Dans celle-ci, le paradis est bien loin des esprits et des préoccupations quotidiennes. Face aux crises financières et politiques qui assaillent les sociétés occidentales, y compris la nôtre, face au besoin de se « préparer un avenir », une retraite, la question du « paradis » peut sembler fort étrange, voire apparaître comme une simple fuite en avant. On peut cependant se demander si, loin d’avoir abandonné toute notion de « paradis », la société contemporaine ne l’a pas seulement sécularisé, comme nous l’avons indiqué en introduction. La volonté humaine affichée de pouvoir/devoir dépasser toutes ses frontières frôle l’eschatologie humaniste.
Nous voyons aussi que les perspectives de ces deux religions concernant l’existence après la mort, qu’elle soit nommée « paradis » ou autrement, soulèvent des interrogations auxquelles nous devons et pouvons répondre. L’
islam pose la question de l’accès au paradis, par les œuvres ou par la foi, ainsi que celle de la dimension communautaire du « paradis ». Le
bouddhisme, quant à lui, pose la question de la survivance de la personnalité humaine après la mort et interroge sur la dignité et l’intégrité de la personne humaine. Il pose aussi la question de la souffrance perpétuelle. Face à toutes ces questions, la venue et la proclamation du Royaume propose une vraie espérance, même, et surtout, en des temps troublés : une certitude d’avenir, une communion de justice et de paix qui ne dépendent pas des finitudes humaines.
Face à l’islam, le Royaume annonce une vie de communauté éternelle.
Face au bouddhisme, le Royaume annonce la fin de la douleur et de la souffrance, de manière radicale et pour l’éternité (Apocalypse 21.1-4).
Contre l’islam, le Royaume annonce une entrée gracieuse dont
la réalité est déjà manifeste dans la vie de ceux que Dieu appelle ses enfants.
Contre le bouddhisme, le Royaume met en valeur la personnalité intégrale des individus au sein d’une création restaurée. L’islam et le bouddhisme présentent à nos contemporains des options qui relèvent, l’un et l’autre, d’une religion des œuvres.
Enfin, et en guise de conclusion, faisons un petit détour par la kabbale juive. Dans la tradition kabbalistique, le
Pardès, littéralement « le verger », qui est de même origine que le mot gréco-latin « paradis », désigne un lieu où l’étudiant de la Torah peut atteindre un état de béatitude. Ce
Pardès, le Zohar l’interprète dans une perspective très intéressante qui lie l’accession au « paradis » à l’approfondissement de la connaissance et de l’interprétation de l’Ecriture. Ainsi, le Zohar propose une interprétation herméneutique du
Pardès :
uncited a écrit:– PESHAT, c’est-à-dire le sens littéral du texte qui ne traite que du monde sensible ;
– REMEZ, c’est-à-dire l’allusion, qui constitue un niveau plus élevé de l’étude ;
– DERASH, c’est-à-dire l’interprétation figurée, qui est la parabole, la légende, le proverbe ;
– SOD, c’est-à-dire le secret, qui représente le niveau ésotérique traitant de la métaphysique et de la révélation des réalités surnaturelles, secrètes et mystérieuses.
La béatitude qui attend les « progressants » est donc une béatitude herméneutique : le paradis est un paradis interprétatif. Celui qui entre dans le
Pardès entre dans la compréhension du Dieu de la Torah. Cette perspective kabalistique, avec toutes les hésitations qu’elle requiert, n’est pas sans intérêt : elle rappelle, en effet, la centralité de la révélation de Dieu dans l’annonce de la réalité du jardin eschatologique. C’est aussi ce que rappelle notre imaginaire visuel apocalyptique contenu dans le livre de l’Apocalypse : notre anticipation est fondée sur la révélation de Jésus-Christ. L’au-delà est essentiellement dévoilement du Royaume accompli, ce même Royaume inauguré dans la naissance, la mort, la résurrection et l’ascension de Christ. Dans un certain sens, la vie future est fondée sur un accomplissement passé. L’espérance chrétienne souligne, en y apportant une plénitude, que le Royaume est premièrement communion avec un Dieu qui se révèle et qui se laisse connaître. Ce serait avec bénéfice que nous pourrions lier, d’un point de vue apologétique, la doctrine de l’adoption avec celle du « paradis » ou de l’entrée dans le Royaume sabbatique.
Loin des clichés populaires ou en dépit d’eux, le symbole du paradis continue à bénéficier d’un attrait dont nos contemporains ne peuvent pas se passer. De la notion de progrès à la transformation de la nature humaine, de l’espérance personnelle à la disparition du « moi », les notions contemporaines de paradis ne cessent pas de mettre en danger la nature humaine. Dans ces « dénuement et incompréhension essentielle », l’humanité montre, dans toutes ses sociétés, des plus anciennes aux plus contemporaines, que le face-à-face avec la mort est constitutif de ce que nous faisons et pensons.
En fin de compte, il y a, dans l’humanité, un désir inassouvi de comprendre la tension qui existe entre le désir de vie, incarnée de manières très différentes, et l’implacable certitude de la mort :
uncited a écrit:C’est donc l’impossibilité pour l’homme de s’accommoder de son destin terrestre limité et son aptitude à conquérir une condition divine (ressentie pourtant comme sa vocation) qui a dû rendre légitime l’idée de l’âme, ainsi qu’en témoignent, comme on l’a vu, les rites funéraires attestés déjà dans la préhistoire.
Face à cette impossibilité, nos contemporains cherchent une espérance, une direction, un ancrage. Mais dans un monde en fuite devant la mort, en fuite devant lui-même, dans une société qui n’existe elle-même que par la mort, comme le dirait Louis-Vincent Thomas, nous sommes face à l’implacable présence de la mort et donc à la question de la survie de notre personne.
Il ne faut pas croire que nos sociétés sécularisées sont à l’abri de ces conceptions paradisiaques. Si la majorité des Français croit encore en un hypothétique paradis qu’elle se crée matériellement, c’est parce que toute société est, en fin de compte, un système de culture, de croyance et de pouvoir en lutte contre la puissance dissolvante de la mort et que les deux notions d’« enfer » et de « paradis » seront toujours présentes dans la vie humaine. Paradis sécularisé ou paradis religieux, la question demeure : comment présenter l’espérance de la vie éternelle dans le Royaume, un Royaume de paix et de justice dans lequel nous existerons en pleine conscience et intégrité ? Pour les témoins de Christ, la question est toujours d’actualité.
* Y. Imbert est professeur d’apologétique et d’histoire à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence.
[1] Jankelevitch, La mort, Paris, Flammarion, 1977, 58-59.
[2] C.M. Moreman, Beyond the Threshold : Afterlife Beliefs and Experiences in World Religions, Lanham, Rowman and Littlefield, 2008, 1. Etienne Seguier, « Les Français croient-ils au paradis? », La Vie, 5 août 2010,
http://www.lavie.fr, accédé le 2 octobre 2012. Le rapport original est disponible sur le site de l’Institut CSA,
http://www.csa.eu, accédé le 2 octobre 2012. Il est légitime de nous demander si cette conception du paradis terrestre n’est pas, dans l’imaginaire occidental, nourrie par des textes classiques comme celui d’Hésiode qui, dans Les travaux et les jours, écrit : « Les hommes vivaient comme des dieux, le cœur libre de soucis, à l’écart et à l’abri des peines et des misères… le sol fécond produisait de lui-même une abondante et généreuse récolte, et eux, dans la joie et la paix, vivaient dans leurs champs au milieu de biens sans nombre. » Hésiode, Les travaux et les jours, Paris, Les Belles Lettres, 1979, p. 90.
[3] E. Seguier , « Les Français croient-ils au paradis? », La Vie, 5 août 2010,
http://www.lavie.fr, accédé le 2 octobre 2012. Le rapport original est disponible sur le site du CSA,
http://www.csa.eu, accédé le 2 octobre 2012.
[4] C.M. Moreman, op. cit., 2.
[5] E. Seguier, art. cit.
[6] C.M. Moreman, op. cit., 1.
[7] Finalement, l’image symbolique du jardin n’est pas anodine. Dans le contexte du Proche-Orient ancien, le jardin décrit le domaine royal, une cité délimitée au sein d’un monde inhospitalier, le symbole de la vie dans le désert. Cette idée de séparation, de mise à part, apparaît donc aussi dans cette notion quasi universelle de « paradis » Comme le rappelle Jean Delumeau : « Dans les mentalités de jadis un lien quasi structurel unissait bonheur et jardin : ce qui ressort, en ce domaine, des traditions gréco-romaines avec lesquelles fusionnèrent, au moins partiellement, à partir de l’ère chrétienne, les évocations bibliques du verger d’Eden. » J. Delumeau, Une histoire du paradis, vol. 1, Paris, Fayard, 1992, 15.
[8] Par exemple, le récit le plus détaillé des Jardins du Paradis dans le Coran est dans la sourate al-Rahman (sourate 55, « Le Très Miséricordieux »), dans laquelle quatre jardins sont décrits, répartis en deux paires et divisés selon leur niveau d’accessibilité aux croyants. De nombreux apologètes et théologiens chrétiens ont malheureusement tendance à lire de manière littéraliste le Coran afin de mieux le critiquer, alors qu’ils affirment la nécessité de ne pas toujours lire la Bible de manière littéraliste. Une telle différence d’approche peut parfois relever de la manipulation textuelle et ainsi décrédibiliser l’entreprise apologétique. Il est crucial d’approcher les textes coraniques avec un vrai souci d’exactitude exégétique.
[9] Sourate 37:48-49. Sourate 55:56-58 ajoute : « qu’aucun homme ni djinn avant eux n’aura souillées ».
[10] Cf. C. Luxenberg, The Syro-Aramaic Reading of the Koran : A Contribution to the Decoding of the Language of the Koran, Berlin, Verlag Hans Schiler, 2007, 247-291.
[11] Sourate 9:72.
[12] Nous pourrions ajouter d’autres passages comme Sahih Muslim, livre 40, Hadith 6780.
[13] D’autant plus que « cette vie luxurieuse dans le Jardin avec des vierges (consorts)… ne fut certainement pas établie en accord avec les idéaux de l’ascétisme chrétien ». A. Uzdavinys, Ascent to Heaven in Islamic and Jewish Mysticism, Londres, Matheson Trust, 2011, 20.
[14] W.C. Chittick, Sufism : A Beginner’s Guide, Oxford, OneWorld, 2008, 123-124, disponible en ligne
http://sufibooks.info/Sufism/William_Chittick_Sufism_A_Beginner’s_Guide.pdf, accédé le 16 octobre 2012.
[15] Ibid., 140. Cf. Bahâ od Dîn Walad (1148-1231), surnommé « sultan des savants » (Sultân al-’Ulama), a écrit Ma’arif (cf. chapitre 104, 1:147-148).
[16] L. Gardet, L’islam : religion et communauté, Paris, Desclée de Brouwer, 1967, 106.
[17] W.M. Watt, Islamic Philosophy and Theology, Edinburgh, Edinburgh University Press, 1987, 86.
[18] « Le problème de l’anthropomorphisme a été surtout centré sur une seule et unique question : est-il possible pour un humain de voir Dieu ? Selon une tradition datant du Prophète, lorsque les croyants entreront dans le paradis, ‹Allah retirera le voile et la vision de leur Seigneur sera le don le plus précieux qui leur sera conféré. » D.W. Brown, A New Introduction to Islam, Oxford, Wiley, 2011, 178. Cf. A.J. Wensinck, The Muslim Creed : Its Genesis and Historical Development, Londres, Taylor & Francis, 2007, 65ss.
[19] Gardet, L’islam, op. cit., 106.
[20] Gardet, ibid., 105.
[21] J.B. Lehrman, Earthly Paradise : Garden and Courtyard in Islam, Berkeley, University of California Press, 1980, 31.
[22] Tafsîr Jalalayn, Commentaire de la sourate 37:47. Le Tafsîr Jalalayn est un ouvrage commencé en 149 par Jalal Eddine al Mahallî et terminé en 1505 par Jalal Eddine as-Suyuti. Cf. Tafsîr Jalalayn,
http://www.altafsir.com, accédé le 4 octobre 2012. Al-Suyuti (1445-1505) était un savant Shâfi’ite dont la théologie a été à la frontière de l’ash’arisme et du soufisme.
[23] « En insistant sur la liberté et la responsabilité humaine les mu’tazilites ont fait dépendre la destinée ultime de l’homme de lui-même. » Watt, Islamic Philosophy and Theology, 67. L’accès au paradis est donc principalement conditionné par les œuvres du croyant, d’où la stricte séparation entre trois types de personnes qui se présenteront aux portes de ce Jardin. Le Kītāb al-Imān décrit la division de l’humanité en trois groupes au jour du jugement : (1) les infidèles et polythéistes seront jetés dans le feu éternellement (98:6) ; (2) les croyants qui n’ont pas accompli leurs obligations seront temporairement jetés dans ce feu ; (3) les vrais croyants reposeront dans le paradis éternellement (9:111). F. Saleh, Modern Trends in Islamic Theological Discourse in 20th Century Indonesia : A Critical Survey, Leiden, Brill, 2001, 116.
[24] N. Rustomjl, The Garden and the Fire : Heaven and Hell in Islamic Culture, New York, Columbia University Press, 2009, 161.
[25] « La logique d’un monde à venir ne donne pas toujours une vision compréhensible et cohérente de la vie après la mort. » N. Rustomjl, ibid., 21.
[26] C’est certainement ce qui distingue le plus le paradis musulman du paradis « biblique » : dans la conception coranique, la communion divine est secondaire – probablement à cause de l’impossibilité d’une communion avec Dieu. En fin de compte, « qu’est-ce qui est si nouveau dans la notion de Jugement dernier ? Comme dans le cas du Talmud, le jugement collectif reflétait l’éthique tribale de la solidarité. Un jugement pour chaque individu le séparait du contexte social et familial. » (N. Rustomjl, The Garden and the Fire : Heaven and Hell in Islamic Culture, 4.) Cette dimension corporelle est vitale pour la compréhension musulmane de la vie humaine.
[27] Q. Ludwig, Le grand livre du bouddhisme, Eyrolles, 2012, 118ss.
[28] T. Rogers, trad., Buddhaghosha’s Parables, Introduction de F.M. Müller, Londres, Trübner, 1870. Traduction personnelle. Cité aussi dans F. Lenoir, La rencontre du bouddhisme et de l’Occident, Paris, Fayard, 1999.
[29] D. Gira, Comprendre le bouddhisme, Paris, Centurion, 1989, 64.
[30] C.B. Becker, Breaking the Circle : Death and the Afterlife in Buddhism, Southern Illinois University Press, 1993, 46.
[31] C’est aussi une appellation simplifiée de l’école de la Terre pure (jìngtǔzōng), improprement dite Amidisme, une section très importante du bouddhisme mahāyāna.
[32] M.L. Blum, The Origins and Development of Pure Land Buddhism, Oxford, Oxford University Press, 2002, 147-152. Les plus importants pour cette école sont le Soutra d’Amida (sk. Sukhāvatī vyūha sūtra, ch. Ēmítuó jīng), le Soutra de Vie-Infinie (sk. Sukhāvatī vyūha sūtra, ch. Wúliàngshòu jīng) et le Soutra des contemplations de Vie-Infinie (ch. Guān Wúliàngshòu jīng).
[33] Caractéristiques de la vision du Bouddha Amitābha sont les « vœux » formulés par le Bouddha servant de base à la compréhension la plus basique de cette pratique bouddhiste. Parmi les plus significatifs, il y a les vœux suivants, traitant de l’accession à la Terre pure.
[34] M. Kiyota, Mahāyāna Buddhist Meditation : Theory and Practice, University Press of Hawaii, 1978, 263.
[35] « Malgré une compréhension caractéristique de la pratique du bouddhisme Mahayana qui met la réalisation religieuse à la portée de la vie quotidienne, le message bouddhiste de la Terre pure apparaît étranger à l’audience contemporaine, aussi bien occidentale qu’orientale. » D. Hirota, Toward a Contemporary Understanding of Pure Land Buddhism, vol. 3, Albany, State University of New York Press, p. vii. Cf. K.K. Tanka, The Dawn of Chinese Pure Land Buddhist Doctrine : Ching-ying Hui-yüan’s Commentary on the Visualization Sutra, Albany, State University of New York Press, 1990 ; et aussi B.J Cuevas, Travels in the Netherworld : Buddhist Popular Narratives of Death and the Afterlife in Tibet, Oxford, Oxford University Press, 208.
[36] P. Williams, Mahayana Buddhism : The Doctrinal Foundations, London, Routledge, 2004, 274.
[37] Une petite clause d’exclusivité est cependant à apporter : dans le bouddhisme de la Terre pure, si le « paradis » est ouvert et accessible à la renaissance, les femmes n’y renaîtront que sous la forme d’hommes. Q. Ludwig, Le grand livre du bouddhisme, op. cit., 37. Certains auraient plus de commentaires à faire concernant cette « transmutation » des genres et sur la non-conservation de l’intégrité de la personne humaine sexuée !
[38] H. Hua, The Buddha Speaks of Amitabha Sutra : A General Explanation, Burlingame, Buddhist Text Translation Society, 2003, 26.
[39] Ce terme est tiré d’une anecdote philosophique et mystique qui trouve une explication dans le Pardes Rionim du Rav Moshe Cordovero. Celui-ci prend l’image de quatre rabbis (Elisha ben Abouya, [Rabbi] Shimon ben Azzaï, [Rabbi] Shimon ben Zoma et rabbi Akiva) pénétrant dans un verger mais dont les « niveaux » respectifs de pénétration du sens des Ecritures ne sont pas équivalents. Des références à cet « incident » se retrouvent dans le Talmud (Haguiga 14b, où Ben Azaï et Ben Zoma n’ont pas le titre de Rabbi), le Zohar (I, 26b) et l Tikounei Zohar (Tikun 40).
[40] Cela n’est pas sans rappeler les quatre sens de l’Ecriture : sens littéral, sens allégorique, sens tropologique et sens anagogique.
[41] Ce point de vue n’est pas seulement kabbalistique. Quand Maïmonide (1138-1204) traite du Pardès, il désigne pour lui, globalement, une forme d’étude qu’il qualifie de « sagesse divine et science des lois de la nature » (cf. Hilkhot yessodé ha-Torah, 4:13).
[42] Pour Haï Gaon (939-1038), qui commente le passage talmudique précité, « le Pardès réfère au jardin d’Eden, réservé aux justes, et qui se trouve dans les âravot, septième ciel où sont enchâssées les âmes des justes » (cf. Otsr Guenonim, T. 4, sefer 2, Haguiga, p. 61.). Le firmament est atteint par une ascension extatique dans la pure tradition de la littérature mystique des Palais, c’est-à-dire par une forme de transe, expérience qui ne se produit pas physiquement, ni même intellectuellement, mais au cœur du mental humain.
[43] A noter que pour Grégoire de Nysse, par exemple, le paradis « terrestre » est une annonce eschatologique qui a été écrite au passé. Le jardin d’Eden est alors « la terre des vivants » où pénétreront un jour les élus… « celle où la mort n’est pas entrée ». Cité dans J. Delumeau, Mille ans de bonheur : Une histoire du paradis, vol. 2, Paris, Fayard, 1995, 28, note 47-48.
[44] J. Delumeau, ibid., vol. 2, chapitre 17, 311-327.
[45] F. Lenoir, dir., La mort et l’immortalité : Encyclopédie des croyances, Paris, Bayard, 2004, 24.
[46] E. Morin remarque : « Il n’existe pratiquement aucun groupe archaïque, si primitif soit-il, qui abandonne ses morts ou qui les abandonne sans rite. » E. Morin, L’homme et la mort, Correa, 1976, 21.
[47] F. Lenoir, dir., op. cit., 27.
[48] L.-V. Thomas, Mort et pouvoir, Paris, Payot, 1978, 11.
[49] Ibid., 10.