lisez avec moi ce récit qui parle de daniel, renommé Beltschatsar d'après le nom du dieu de nabuchodonosor II et de ses dieux, mais qui étaient ces dieux saints?
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5 J'ai eu un songe qui m'a effrayé; les pensées dont j'étais poursuivi sur ma couche et les visions de mon esprit me remplissaient d'épouvante. 6J'ordonnai qu'on fît venir devant moi tous les sages de Babylone, afin qu'ils me donnassent l'explication du songe. 7 Alors vinrent les magiciens, les astrologues, les Chaldéens et les devins. Je leur dis le songe, et ils ne m'en donnèrent point l'explication. 8 En dernier lieu, se présenta devant moi
Daniel, nommé Beltschatsar d'après le nom de mon dieu, et qui a en lui l'esprit des dieux saints. Je lui dis le songe: 9
Beltschatsar, chef des magiciens, qui as en toi, je le sais, l'esprit des dieux saints, et pour qui aucun secret n'est difficile, donne-moi l'explication des visions que j'ai eues en songe.
10 Voici les visions de mon esprit, pendant que j'étais sur ma couche. Je regardais, et voici, il y avait au milieu de la terre un arbre d'une grande hauteur.
18 Voilà le songe que j'ai eu, moi, le roi Nebucadnetsar.
Toi, Beltschatsar, donnes-en l'explication, puisque tous les sages de mon royaume ne peuvent me la donner; toi, tu le peux,
car tu as en toi l'esprit des dieux saints.Le dieu de Babylone Marduk Les Assyro-Babyloniens et leurs dieux, divinités astrales :
Anu et Antu (divinités du ciel), Shamash et Sîn (dieu solaire et lunaire), Ishtar (déesse vénusienne) ; dieux de l'atmosphère : Enlil et Adad ; dieux de la terre et des eaux : Enki-Le rêve de Nabuchodonosor et sa vision de la statue composite dans le second chapitre du livre de Daniel appartiennent au folklore de la tradition judéo-chrétienne depuis l’Antiquité. Le personnage de Nabuchodonosor étant basé en grande partie sur Nabonide, le dernier roi de Babylone (556-539 av. J.C.), le présent article offre quelques réflexions sur les origines de cette vision, arguant notamment que le motif de la succession des empires remonte au règne de Nabonide, et que les exigences de Nabuchodonosor envers les Chaldéens contiennent une réminiscence de l’obsession de Nabonide pour ses propres rêves et leur aspect prémonitoire.
Le rêve de l’entretien avec Nabuchodonosor
Ce rêve est rapporté en détail dans une stèle retrouvée à Babylone. Nabonide aperçoit une conjonction astronomique. Un jeune homme lui apparaît et l’assure qu’il s’agit d’un présage favorable. Puis il voit Nabuchodonosor debout sur son char accompagné d’un serviteur. Ce dernier persuade Nabuchodonosor de s’adresser à Nabonide afin qu’il lui décrive ce présage favorable. Ce dernier s’exécute, mais une cassure dans la stèle en interrompt la description (RINBE 2, Nabonidus 3, 65-66, Col. VI).
Le rêve du cylindre de Sippar
Cette relation détaillée d’un rêve que Nabonide reçut au début de son règne se retrouve dans un cylindre de fondation découvert à Sippar et connu par de nombreux exemplaires.
Le dieu de Babylone Marduk et le dieu-lune Sîn ordonnent à Nabonide de reconstruire le temple de ce dernier à Harran en Syrie du Nord, dans les confins septentrionaux de l’Empire néo-babylonien. Mais, objecte Nabonide, la région est occupée par les Mèdes et leur puissance est excessive.
Marduk lui annonce la chute imminente de l’empire mède, provoquée par la rébellion de Cyrus contre Astyage. La prédiction s’accomplit. Il est également question que le rêve inspire de la crainte à Nabonide (RINBE 2, Nabonidus 28, 147, Col. I, 15-32 ; et la variante RINBE 2, Nabonidus 29, 152-153). En raison de son importance, ce rêve est donné ici en traduction :
Au début de mon règne éternel, il (le dieu Sîn) me fit voir un rêve. Le dieu Marduk, le grand seigneur, et le dieu Sîn, le luminaire des cieux et de la terre, se tenaient tous deux debout. Le dieu Marduk me parla ainsi : « Nabonide, roi de Babylone, transporte des briques avec les chevaux de ton char (royal), construit l’Ehulhul, et permets au dieu Sîn, le grand seigneur, d’y établir sa résidence ».
Je m’adressai avec déférence au dieu Marduk, l’Enlil (c.-à-d. le chef) des dieux : « Ce temple dont tu as ordonné la construction, une horde barbare (c.-à-d. les Mèdes) l’entoure et ses forces sont très puissantes ».
Le dieu Marduk me parla (ainsi) : « La horde barbare dont tu as parlé, elle, son pays, et les rois qui marchent à ses côtés cesseront d’exister ». Quand arriva la troisième année (de mon règne), ils soulevèrent Cyrus, roi du pays d’Anšan, son jeune vassal, contre lui (Astyage), et il (Cyrus) dispersa la horde barbare (les Mèdes) avec sa petite armée.
Il captura Astyage, le roi de la horde barbare (les Mèdes), et le ramena prisonnier dans son pays.
(Ainsi s’accomplit) la parole du grand et divin seigneur, le dieu Marduk, et du dieu Sîn, le luminaire des cieux et de la terre, dont l’ordre ne peut être altéré. En raison de leur ordre sublime, je devins terrifié, inquiet, anxieux, et mon visage était tourmenté.
Le rêve de la restauration de l’Ebabbar de Larsa
Le dieu Šamaš de Larsa ordonne à Nabonide de restaurer l’Ebabbar, son temple dans la ville de Larsa, dans un rêve vu non seulement par le roi mais aussi par d’autres personnes à son intention : ina šutti ša āmuru u nišū ītammarūni, « dans un rêve que je vis et que des gens virent à plusieurs reprises pour moi[9] » (RINBE 2, Nabonidus 27, 135, Col. I, 64-67a).
Le rêve de la restauration de l’Eulmaš de Sippar-Anunītu
Dans un rêve envoyé à Nabonide,
la déesse Anunītu lui demande la restauration de son temple Eulmaš dans la ville de Sippar-Anunītu. Ce rêve provoque la joie chez le roi (RINBE 2, Nabonidus 27, 138, Col. III, 36-38a).
Le caprice de Nabuchodonosor
Le récit du premier songe de Nabuchodonosor figurant dans le deuxième chapitre du livre de Daniel est bien connu. Dans la deuxième année de son règne, Nabuchodonosor reçoit un songe le troublant à un point tel qu’il en perd le sommeil. Il fait appeler les Chaldéens et autres experts de sa cour, les sommant de lui révéler son rêve de même que son interprétation et les menaçant de mort s’ils s’en trouvent incapables, mais promettant de les couvrir d’honneurs en cas de réussite. Pris de court par cette sommation, les experts prient le roi de leur faire part de son rêve afin qu’ils puissent l’élucider, mais le roi insiste de nouveau pour qu’ils lui révèlent son contenu. Cette demande réitérée jette les Chaldéens dans le désarroi, et devant leur impuissance avouée le roi ordonne leur exécution de même que celle de Daniel et ses compagnons, car personne parmi les sages de Babylone ne doit être épargné. Daniel convainc toutefois le roi de lui accorder un sursis. Il implore le dieu d’Israël qui lui révèle le tout dans une vision nocturne. Amené devant Nabuchodonosor, Daniel lui rapporte dans les détails le songe qui l’avait tant troublé, et lui en dévoile aussi sa signification. Le roi reconnaît alors le pouvoir du dieu d’Israël, comble de bienfaits Daniel et ses compagnons, et leur confie la plus haute autorité sur l’administration de la province de Babylone.
Le récit contient des contradictions évidentes, et plusieurs commentateurs considèrent que les versets 13-23 constituent un ajout postérieur pour harmoniser le récit avec celui du chapitre 1. D’autres postulent deux versions originales qui auraient été maladroitement fusionnées. Mais le noeud du drame reste le même : comment les Chaldéens auraient-ils pu deviner le rêve du roi ? On a avancé diverses explications pour ce qui semble être un odieux caprice de la part de Nabuchodonosor. Peut-être ne cherche-t-il qu’un prétexte pour exécuter les Chaldéens en leur demandant l’impossible sous peine de mort, ou encore veut-il mettre leur science à l’épreuve en testant ses limites. On a aussi prétendu que le roi avait oublié son rêve, ce qui constituait en soi un très mauvais présage. Quoi qu’il en soit, les exigences de Nabuchodonosor ne semblent nullement outrancières dans le cadre de l’oniromancie antique.
La légende juive de Nabonide et de son fils Bēl-šarru-uṣur s’élabora au fil des siècles.
Nous n’en connaissons que les points de départ et d’arrivée, car aucune source n’éclaircit le long parcours de la tradition orale et écrite qui aboutit au cycle sur Nabuchodonosor et Belshazzar. Néanmoins, un texte unique qui a miraculeusement refait surface parmi les écrits de Qumran, la prière de Nabonide (Nabunay) (4Q242), prouve ce que plusieurs soupçonnaient déjà avant sa découverte, qu’on substitua Nabuchodonosor à Nabonide avant que le récit ne trouvât sa forme définitive dans le livre de Daniel. Faire l’archéologie de cette mutation mémorielle nous conduit inévitablement dans le domaine de l’hypothèse. Mais certaines pistes se dégagent malgré tout. La valeur accordée aux songes dans les inscriptions de Nabonide explique presque assurément leur prépondérance dans le livre de Daniel.
La légende du souverain autoritaire et tourmenté que fut Nabonide se retrouve plus particulièrement dans le rêve de la statue composite. Bien que les statues apparaissent à l’occasion dans les rêves antiques, le motif d’une statue symbolisant la monarchie et les empires s’accorde particulièrement avec ce que nous savons de Nabonide et de son respect pour les symboles du pouvoir temporel.
L’interprétation donnée par Daniel au songe de la statue, dans la rédaction finale de cette tradition au 2e siècle av. J.-C., ajouta une orientation apocalyptique et eschatologique au motif historiographique de la succession des empires. Elle reflète aussi assez fidèlement, et peut-être de façon fortuite, la situation internationale de l’Empire néo-babylonien finissant, de même que le vécu de son dernier souverain, qui fut un témoin privilégié de l’effondrement de pouvoirs successifs, dont le sien. Tout ceci sous l’emprise de la peur, de l’angoisse des songes prémonitoires et des signes divinatoires qui annonçaient l’inéluctable catastrophe. La peur et le songe ont rarement connu une telle fortune dans les annales de l’histoire.
https://www.erudit.org/en/journals/theologi/1900-v1-n1-theologi07445/1093585ar/