LE DEUXIÈME TRAITÉ DU GRAND SETH
NH VII, 2) Traduit du copte par Louis Painchaud Bibliothèque copte de Nag Hammadi,
PROLOGUE
La Grandeur parfaite se repose dans la Lumière indicible, dans la vérité, la Mère de tous. Et vous tous, parce que Moi seul suis parfait, vous venez à moi à cause de la Parole. Je demeure en effet avec la Grandeur entière de l’Esprit qui est avec nous et avec ceux qui sont véritablement nôtres. C’est pour glorifier notre Père à cause de sa bonté que j’ai proclamé une parole et une pensée impérissables : c’est la parole qui est en Lui. — C’est un esclavage de dire : « Nous mourrons avec le Christ », avec une Pensée impérissable et immaculée. Merveille insaisissable que cette écriture au sujet de l’eau indicible — c’est de nous qu’est cette parole — : « C’est Moi qui suis en vous et vous qui êtes en Moi comme le Père est en vous en toute innocence. »
Origine et nature du Sauveur et des sauvés
« Réunissons une Église visitons la création qui est sienne ; envoyons quelqu’un en elle comme il a visité toutes les Pensées dans les>régions inférieures. » Lorsque je dis cela à la multitude entière de l’Église nombreuse de la Grandeur qui exulte, elle exulta, la maison entière du Père de vérité, car c’est d’elle que je suis issu. Je leur rappelai les Pensées qui étaient sorties de l’Esprit immaculé, la descente sur l’eau — c’est-à-dire les régions inférieures —. Et ils eurent tous une pensée unique car elle est issue d’un seul. Ils se soumirent à mon décret comme je le voulais et je sortis pour révéler la gloire à mes semblables et à mes compagnons en esprit.
ORIGINE ET MODE DE L’INCARNATION DU SAUVEUR ET DES SAUVÉS
Origine et mode de l’incarnation des sauvés
En effet, ceux qui étaient dans le monde avaient été préparés par la volonté de Sagesse, notre soeur — celle qui était un Prounicos — à cause de l’innocence. Elle n’a pas été envoyée et n’a rien demandé au Tout, ni à la Grandeur de l’Église, ni au Plérôme, lorsqu’elle se précipita et sortit pour préparer des demeures et des lieux pour le Fils de la Lumière. Et c’est afin qu’ils construisent de leurs mains ces maisons corporelles qu’elle prit des collaborateurs parmi les éléments inférieurs, mais ayant succombé à la vanité, ceux-ci atteignirent le comble de la ruine. Dans les maisons qu’ils habitèrent, préparés par Sagesse, ils sont prêts à recevoir la Parole salvifique au sujet de l’Unité ineffable et de la Grandeur de l’Église de tous ceux qui voient et qui sont en Moi.
Origine et mode de l’incarnation du Sauveur
J’ai visité une maison corporelle, j’ai expulsé son premier occupant et je suis entré. Et la multitude entière des archontes fut troublée. Et toute la matière des archontes, avec aussi les puissances nées de la terre, tremblait en voyant l’aspect mélangé de l’image : c’est Moi qui logeais en elle et je ne ressemblais pas à celui qui y logeait auparavant. Celui-là était en effet un homme de ce monde ; quant à Moi qui suis d’au-dessus des cieux, je ne leur ai pas refusé … et d’être Christ, mais je ne me suis pas 6 manifesté à eux dans l’amour qui émanait de Moi.
Je laissais paraître que j’étais étranger aux régions inférieures. Il y eut un grand trouble dans le monde terrestre tout entier, confusion et fuite, puis le conseil des archontes. Quelques-uns étaient convaincus à la vue des merveilles accomplies par moi. Et ils ont l’habitude de fuir, tous ceux qui sont issus de la race de celui qui a fui loin du Trône, vers la Sagesse de l’Espérance, lorsque la première elle nous annonça, ainsi que tous ceux qui sont avec Moi : ce sont ceux de la race d’Adonaios. D’autres en revanche se précipitèrent comme à l’instigation du Cosmocrator et de ceux qui sont avec lui, faisant tomber sur Moi toute espèce de châtiment. Et ils se hâtèrent d’appliquer leur esprit à ce qu’ils décideraient à mon sujet, pensant qu’il était toute la Grandeur, et prononçant un faux témoignage aussi contre l’Homme et contre la Grandeur entière de l’Église. Ils ne pouvaient pas savoir qui est le Père de vérité, l’Homme de la Grandeur. Ce sont eux en effet qui ont pris ce nom pour désigner un être de corruption et d’ignorance — un brasier et un vase d’argile —, qu’ils ont créé pour la ruine d’Adam, qu’ils ont fabriqué pour revêtir ceux qui sont véritablement leurs. Mais les archontes appartenant au Lieu de Ialdabaoth dévoilent la sphère des anges, celle que recherchait l’humanité, afin que celle-ci ne connaisse pas l’Homme véritable. Adam leur apparut en effet, celui qu’ils ont façonné. Un mouvement de crainte se produisit dans toute leur maison à la pensée que les anges qui les entouraient ne se lèvent en effet contre ceux qui rendaient gloire.
Je suis mort, non pas réellement, afin que ne soit pas vain leur Archange. Et alors la voix du Cosmocrator s’adressa aux anges : « Je suis Dieu et il n’y en a pas d’autre en dehors de Moi. » Mais Moi, j’ai ri joyeusement, ayant sondé la vanité de sa gloire. Et lui reprenait de plus belle : « Qui est l’Homme ? ». Et toute l’armée de ses anges, qui avaient vu Adam et sa maison, se moquait de sa petitesse et ainsi, leur pensée fut détournée de la Grandeur des cieux qui est l’Homme de vérité, celui dont ils ont vu le Nom habiter dans une maison de petitesse. Dans la vanité de leur pensée, dans leur moquerie, ils sont petits et sans intelligence et cela était pour eux une souillure.
Résumé : Nature et origine du vrai Sauveur
La Grandeur entière de la Paternité de l’Esprit se reposait dans les lieux qui lui appartiennent. C’est Moi qui étais avec elle. Je possède une pensée d’une émanation unique issue des éternels, inconnaissables, et incommensurables. Je l’ai placée dans le monde, la petite Pensée, les troublant et semant l’effroi parmi toute la multitude des anges et chez leur Archonte. Et Moi, je les visitais tous par le feu et la flamme à cause de ma pensée, et tout ce qui leur appartient, ils en usèrent contre Moi. Trouble et combat survinrent dans la sphère des Séraphins et des Chérubins de sorte que leur gloire allait être anéantie, avec la confusion qui règne dans la sphère d’Adonaios de part et d’autre, avec leur maison, jusqu’au Cosmocrator et avec celui qui disait : « Emparons-nous de Lui ! » D’autres disaient au contraire : « Le plan ne doit pas se réaliser. » Adonaios me connaît en effet à cause d’Espérance.
SORT DU SAUVEUR ET DES ÂMES INCARNÉES
Le Sauveur
Et j’étais dans la gueule des lions. Quant au plan qu’ils ont ourdi contre Moi en vue de la destruction de leur erreur et de leur déraison, je n’ai pas combattu contre eux comme ils en avaient délibéré. Au contraire, je n’étais nullement affligé. Ils m’ont châtié ceux-là, et je suis mort, non pas en réalité mais en apparence, car les outrages qu’ils m’infligeaient restaient loin de Moi. Je rejetai loin de Moi la honte et je ne faiblis pas devant ce qui m’a été infligé de leurs mains. J’allais succomber à la crainte. Et Moi, j’ai souffert à leurs yeux et dans leur esprit, afin qu’ils ne trouvent jamais nulle parole à dire à ce sujet. En effet, cette mort qui est mienne et qu’il pensent être arrivée, est arrivée pour eux dans leur erreur et leur aveuglement, car ils ont cloué leur homme pour leur propre mort. Leurs pensées en effet ne me virent pas car ils étaient sourds et aveugles, mais en faisant cela, ils se condamnaient. Ils m’ont vu, ils m’ont infligé un châtiment. C’était un autre, leur père.
Celui qui buvait le fiel et le vinaigre, ce n’était pas Moi.
Ils me flagellaient avec le roseau.
C’était un autre, celui qui portait la croix sur son épaule, c’était Simon.
C’était un autre qui recevait la couronne d’épines.
Quant à Moi, je me réjouissais dans la hauteur, au-dessus de tout le domaine qui appartient aux archontes et au-dessus de la semence de leur erreur, de leur vaine gloire et je me moquais de leur ignorance. Et j’ai réduit toutes leurs puissances en esclavage. En effet, lorsque je descendis, nul ne me vit car je me transformais, échangeant une apparence pour une autre et, grâce à cela, lorsque j’étais à leurs portes, je prenais leur apparence. En effet, je les traversai facilement et je voyais les lieux, et je n’éprouvai ni peur ni honte, car j’étais immaculé. Et je leur parlais, me mêlant à eux par l’intermédiaire des miens, et foulant aux pieds leur dureté ainsi que leur jalousie et éteignant leur flamme. Tout cela, je le faisais par ma volonté, 5 afin d’accomplir ce que je voulais dans la volonté du Père d’en haut.
Et le Fils de la Grandeur qui était caché dans la région inférieure, nous l’avons ramené dans la hauteur, où je demeure dans tous les éons, avec eux, hauteur que personne n’a vue ni connue, qui est le mariage en vêtement nuptial, le nouveau et non l’ancien. Et il est indestructible, car c’est une chambre nuptiale nouvelle, céleste et parfaite. Je lui révélai qu’il y a trois voies, mystère immaculé dans l’Esprit de cet éon sans fin. Il n’est pas partiel ni ne peut être dit, mais il est sans division, universel et subsistant. En effet, l’âme qui vient d’en haut ne parlera pas de l’erreur qui est ici-bas, ni … exil loin de ces éons quand elle sera emportée, si elle est libre et si elle se comporte noblement dans le monde, se tenant sans peine devant le Père, et elle produira, éternellement unie à l’Intellect, une puissance idéale. De toute part, ils me verront sans haine car en me voyant, ils les voient unis entre eux. Ne m’ayant pas couvert de honte, ils n’ont pas été couverts de honte. N’ayant pas eu peur devant moi, ils passeront toute porte sans crainte et ils atteindront la perfection dans la troisième gloire.
Je suis celui dont le monde n’a pas compris l’élévation apparente, le troisième baptême dans une image apparente. Quand fut chassé le feu des sept autorités et que le soleil des puissances des archontes sombra, les ténèbres s’emparèrent d’eux. Et le monde devint pauvre, alors qu’il était enserré dans une multitude de liens. Il fut cloué au bois et fixé à l’aide de quatre clous de bronze. Le voile de son Temple, il le déchira de ses mains.
Les sauvés
Un tremblement se saisit du chaos de la terre car elles ont été libérées, les âmes qui gisaient dans l’oubli inférieur, et elles se sont relevées, elles ont marché librement, ayant dépouillé jalousie ignorante et sottise auprès de sépulcres de mort, ayant revêtu l’homme nouveau, ayant reconnu ce parfait Bienheureux, issu du Père éternel et insaisissable et de la Lumière infinie, que je suis. Lorsque je suis venu vers les miens et que je les ai unis à moi, il n’y eut pas besoin de nombreuses paroles car notre pensée était unie à leur pensée. C’est pourquoi ils comprirent ce que je disais : nous délibérâmes en effet de la destruction des archontes. Et c’est pourquoi j’ai fait la volonté du Père, que je suis.
Lorsque nous sortîmes de notre maison, que nous descendîmes dans ce monde et que nous habitâmes dans le monde, dans les corps, nous fûmes haïs et persécutés, non seulement par ceux qui sont dans l’ignorance, mais aussi par ceux qui croient posséder le Nom du Christ, alors qu’ils sont vides de connaissance et ne savent pas qui ils sont, comme les animaux sans raison. Ceux que j’ai libérés, ils les poursuivent de leur haine. Ceux-là, quand la porte sera fermée, c’est en vain qu’ils gémiront car ils ne m’ont pas connu parfaitement, mais ils ont servi deux maîtres et une multitude. Mais vous, vous vaincrez en tout, querelle, disputes et division née de jalousie et colère. Mais par la droiture de notre amour, nous sommes innocents, purs et bons, gardant souvenir du Père dans un mystère ineffable.
C’était un objet de dérision, c’est Moi qui atteste que c’était un objet de dérision que les archontes ne sachent pas qu’il existe une réunion ineffable, vraie, immaculée telle que celle qui existe parmi les fils de la Lumière, dont ils ont fabriqué une contrefaçon en propageant une doctrine au sujet d’un homme mort et des mensonges pour imiter la liberté et la pureté de l’Église parfaite, qu’ils échangent par leur doctrine contre crainte et esclavage, des observances de ce monde et un culte répudié. Étant petits et ignorants et ne participant pas de la noblesse véritable, ils détestent ce qu’ils sont et aiment ce qu’ils ne sont pas. En effet, ils n’ont pas conçu que la connaissance de la Grandeur émane d’en haut et d’une source de vérité, et non d’esclavage ni de jalousie, ni 6 de crainte, ni d’un désir de la matière de ce monde. Car ce qui n’est pas à eux et ce qui est à eux, ils l’utilisent sans crainte et avec licence. Ils n’éprouvent nul désir, parce qu’ils ont une autorité et une loi venant d’eux-mêmes sur ce qu’ils pourraient désirer. — Mais habituellement, ceux qui ne possèdent pas sont pauvres, c’est à- dire ceux qui ne le possèdent pas, et ils le désirent. — Et ils égarent ceux qui sont parmi eux, comme s’ils pouvaient disposer véritablement de leur liberté, comme ils nous ont placés sous le joug et la contrainte de l’observance et de la crainte. Celui-ci est dans l’esclavage. Et celui qu’ils entraînent par la contrainte violente et la menace est sous la surveillance de leur dieu.
Au contraire, celui qui appartient totalement à la race noble de la Paternité n’est pas gardé, car il garde lui-même ce qui est sien, sans parole ni contrainte. Il est uni à sa volonté, celui qui appartient à la pensée même de la Paternité, pour la rendre parfaite et ineffable grâce à l’eau vive. Soyez dans la sagesse les uns envers les autres non seulement dans l’écoute de la parole, mais en acte et dans l’accomplissement de la parole. En effet, c’est ainsi que les parfaits sont dignes d’être établis et d’être réunis à Moi de sorte qu’ils ne succombent à aucune inimitié dans une communion bénéfique. C’est moi qui agis en toute chose en celui qui est bon, car telle est l’union de la vérité, de sorte qu’ils n’aient aucun adversaire. Mais quiconque est source de division — et il ne s’accordera avec personne puisqu’il divise et qu’il n’est pas un ami — est un ennemi pour tous. Au contraire, celui qui vit dans l’accord et la communion de l’amour fraternel, par nature et non par position, en totalité et non partiellement, celui-là est vraiment la volonté du Père. Il est l’universel et l’amour parfait.
Quelle dérision qu’Adam qui a été modelé en contrefaçon d’une forme d’homme par l’Hebdomade, comme si elle eût été plus puissante que Moi et mes frères ! Mais nous, nous sommes innocents face à elle car nous n’avons pas péché. Quelle dérision qu’Abraham, Isaac et Jacob qui furent faussement appelés pères par l’Hebdomade, comme si elle eût été plus puissante que Moi et mes frères ! Mais nous, nous sommes innocents face à elle car nous n’avons pas péché. Quelle dérision que David dont le fils a reçu le nom de Fils de l’Homme, alors qu’il était possédé par l’Hebdomade, comme si elle eût été plus puissante que Moi et ceux de ma race ! Mais nous, nous sommes innocents face à elle car nous n’avons pas péché. Quelle dérision que Salomon, pensant avoir reçu l’onction, il fut poussé à l’orgueil par l’Hebdomade, comme si elle eût été plus puissante que Moi et mes frères ! Mais nous, nous sommes innocents face à elle car nous n’avons pas péché. Quelle dérision que les douze prophètes qui furent une fausse imitation des vrais prophètes, ils furent une contrefaçon produite par l’Hebdomade, comme si elle eût été plus puissante que Moi et mes frères ! Mais nous, nous sommes innocents face à elle car nous n’avons pas péché.
Quelle dérision que Moïse, esclave fidèle, en lui donnant le nom de compagnon on fait preuve d’impiété, car jamais il ne m’a connu, ni lui ni ceux qui l’ont précédé ! Depuis Adam jusqu’à Moïse et Jean le Baptiste, personne parmi eux ne m’a connu, ni Moi ni mes frères. Ce n’était en effet qu’un enseignement dispensé par leurs anges, des observances alimentaires et une amère servitude, de sorte qu’ils n’ont jamais connu la Vérité ni ne la connaîtront. En effet, une grande illusion recouvre leur âme en sorte qu’ils ne pourront jamais concevoir la liberté ni la connaître, tant qu’ils ne connaîtront pas le Fils de l’Homme. Mais au sujet de mon Père, le monde ne m’a pas compris et pour cette raison, il s’est dressé contre Moi et mes frères. Mais nous, nous sommes innocents face à lui, nous n’avons pas péché.
Quelle dérision en effet, que l’Archonte, quand il a dit : « Je suis Dieu et nul n’est plus grand que moi ». — « Moi seul suis le Père et le Seigneur et il n’y en a aucun autre en dehors de moi. » — « Je suis un Dieu jaloux qui reporte les péchés des pères sur les fils jusqu’à la troisième et la quatrième génération », comme s’il eût été plus puissant que Moi et mes frères ! Mais nous, nous sommes innocents face à lui car nous n’avons pas péché. Nous sommes tellement supérieurs à son enseignement qu’il se trouve dans une vaine gloire et n’est pas en accord avec notre Père. Et notre communion a si bien prévalu sur sa doctrine qu’il s’enorgueillit dans une vaine gloire et n’est pas en accord avec notre Père. En effet, c’était-là dérision, jugement et fausse prophétie.
Ô vous qui ne voyez pas, vous ne voyez pas votre aveuglement ! En effet, celui qu’ils ne connaissent pas et qu’ils n’ont jamais connu ni compris, ils n’ont pas prêté une oreille attentive à son sujet. C’est pourquoi ils ont médité un jugement erroné et ils ont levé leurs mains souillées et meurtrières sur lui comme s’ils battaient l’air. Quant aux insensés et aux aveugles, ils sont toujours insensés et toujours esclaves d’une Loi et d’une crainte de ce monde.
Je suis Christ, le Fils de l’Homme, qui est issu de vous ; je suis en vous pour être méprisé à cause de vous afin que vous-mêmes, vous oubliiez la différence. Et ne devenez pas femme de peur que vous n’engendriez le mal et ses frères : jalousie et discorde, colère et emportement, crainte et duplicité, et désir vain, dépourvu d’existence. Mais je suis pour vous un mystère ineffable.
ESCHATOLOGIE
Dès, avant la fondation du monde, lorsque se fut réunie la multitude entière de l’Église au-dessus des lieux de l’Ogdoade, et qu’elle se fut concertée, elle célébra un mariage spirituel qui est une union. Et ainsi fut-il accompli dans les lieux ineffables par le Verbe vivant : le mariage immaculé est accompli grâce à la position intermédiaire de Jésus qui prépare et règle toute chose, car il est issu d’une volonté puissante, sans division. Formant un cercle autour de lui, il lui apparaît
comme leur Unité à tous, Pensée et Père puisqu’il est un. Et il se tient auprès de tous ; tout entier, il a jailli de lui-même et il est vie issue du Père de la vérité indicible et parfaite de ceux qui sont en ce lieu, l’union de la paix, ami du bien, vie éternelle et joie immaculée, dans une grande harmonie de vie et de foi par la vie éternelle de la Paternité et de la Maternité, de la Fraternité et de la Sagesse spirituelle. Ils s’étaient unis à un l’Intellect se déployant. Il se déploiera dans une union joyeuse, solide, et obéissant à un seul. Et cela se produit dans la Paternité, la Maternité, la Fraternité spirituelle et la Sagesse. Et c’est un mariage de vérité et un repos incorruptible dans l’Esprit de vérité en chaque intellect, et une 1 lumière parfaite dans un mystère ineffable. Or cela n’est pas ni ne saurait arriver parmi nous, en quelque région ou lieu, dans la division ou la rupture de la paix. Au contraire, c’est une réunion et un repas d’amour fraternel, du fait que tous sont parfaits en Celui qui est.
Cela s’est produit aussi dans les lieux qui sont en dessous du ciel, en vue de réunir ceux qui m’ont connu de manière salutaire et sans division avec ceux qui existaient pour la gloire du Père et de la Vérité : après avoir été séparés, ils ont été restaurés dans l’unité par le Verbe vivant. Et je réside dans l’Esprit et dans la Vérité maternelle. Cela est arrivé ici-bas de la manière suivante : j’ai habité en ceux qui sont réunis en tout temps dans une communauté fraternelle et qui ne connaissent nulle hostilité ni malice, mais qui sont réunis par ma connaissance, dans la parole et la paix qui réside en plénitude avec tous et en tous. Et ceux qui se sont conformés à mon exemple recevront la forme de ma Parole. Ils avanceront dans une Lumière éternelle et dans une fraternité mutuelle dans l’Esprit, ayant reconnu en toute chose, sans division, que ‘Celui qui est’ est un. Et ils sont tous un et ainsi ils recevront un enseignement au sujet de l’Un, comme l’Église et ceux qui sont réunis en elle. Car le Père est en tous, il est incommensurable et immuable : Intellect, Parole, Séparation, Feu et Flamme. Et il est tout entier un puisqu’il est tout en tous dans un seul enseignement, puisque tous sont issus d’un seul Esprit.
Ô aveugles, que n’avez-vous connu le mystère en vérité ? Au contraire, les archontes de la sphère de Ialdabaoth furent indociles concernant la Pensée qui descendit vers celui-ci de la part de sa soeur Sagesse. Ils se sont fabriqué une réunion avec ceux qui sont en leur compagnie dans un mélange de nuée de feu — c’était leur jalousie — et avec tous les autres qui ont été produits par les créatures qu’ils ont modelées, comme s’ils avaient pétri le noble plaisir de l’Église. Et pour cette raison, ils ont révélé un mélange d’ignorance dans une contrefaçon de feu et de terre et un meurtrier, car ils sont petits et sans instruction. C’est sans savoir qu’ils ont eu cette audace et ils n’ont pas compris que la lumière s’unit à la lumière, les ténèbres aux ténèbres, la souillure à la corruption et l’incorruptible à l’immaculé.
ÉPILOGUE
Mais cela, je vous l’ai transmis, Moi, Jésus-Christ, le Fils de l’Homme qui est élevé au-dessus des cieux, ô parfaits et immaculés, au sujet du mystère immaculé et parfait et de l’ineffable — mais ils pensent que nous nous sommes soumis à leurs décrets depuis la fondation du monde — afin que, lorsque nous sortirons des lieux de ce monde, nous nous donnions là-bas les symboles de l’incorruptibilité, grâce à la réunion spirituelle, dans le but de nous faire reconnaître.
Mais vous, vous ne savez pas cela parce que le nuage de la chair vous couvre de son ombre. C’est Moi le conjoint de la Sagesse elle-même, j’ai demeuré dans le sein du Père depuis le commencement, dans la demeure des fils de la Vérité et de la Grandeur. Aussi, reposez avec Moi, mes compagnons dans l’Esprit et mes frères pour l’éternité ! Deuxième Traité du Grand Seth.
Notes sur le Deuxième Traité du Grand Seth
Sous la fiction d’un discours de révélation mis dans la bouche de Jésus Christ, le Fils de l’Homme , le Deuxième Traité du Grand Seth s’adresse à des chrétiens qu’il exhorte à maintenir entre eux l’unité et à se séparer d’adversaires adeptes de doctrines qui se sont imposées au cours du IIe siècle comme celles du christianisme orthodoxe. Il dénonce en effet comme erreur et source d’esclavage la valeur rédemptrice des souffrances et de la mort du crucifié, l’interprétation paulinienne du baptême comme participation à la mort du Christ et l’appréciation positive des écritures juives, qui deviendront l’Ancien Testament des chrétiens. La fonction de ce texte étant manifestement de persuader et non d’instruire, on n’y trouve nul exposé systématique d’un corps de doctrine bien défini. Aux opinions qu’il combat, il oppose une interprétation de la passion de type docète, des allusions cosmogoniques et une représentation du salut qui présupposent à la fois des doctrines que l’on trouve exposées dans les textes valentiniens et dans les textes séthiens de la bibliothèque de Nag Hammadi. Ce syncrétisme de courants gnostiques divers est probablement l’indice d’une date de composition plutôt tardive, sans doute postérieure au dernier quart du IIe siècle.
S’il faut chercher ses sources d’inspiration aussi bien du côté du valentinisme, en particulier pour les thèmes liés au salut et à l’eschatologie, que du côté du séthianisme, il faut observer que ce texte s’apparente beaucoup, par son thème central qui est la passion du Sauveur, à l’Apocalypse de Pierre et à la Lettre de Pierre à Philippe.
Outre l’aspect fortement polémique qui le distingue, l’intérêt particulier du Deuxième Traité du Grand Seth réside dans le fait d’avoir utilisé des matériaux vraisemblablement tirés de sources écrites antérieures à sa composition et qui pourraient remonter à Basilide, ce maître chrétien qui enseigna à Alexandrie dans la première moitié du IIe siècle, et qui ne nous est connu autrement que par les témoignages des hérésiologues.
NH VII, 2) Traduit du copte par Louis Painchaud Bibliothèque copte de Nag Hammadi,
PROLOGUE
La Grandeur parfaite se repose dans la Lumière indicible, dans la vérité, la Mère de tous. Et vous tous, parce que Moi seul suis parfait, vous venez à moi à cause de la Parole. Je demeure en effet avec la Grandeur entière de l’Esprit qui est avec nous et avec ceux qui sont véritablement nôtres. C’est pour glorifier notre Père à cause de sa bonté que j’ai proclamé une parole et une pensée impérissables : c’est la parole qui est en Lui. — C’est un esclavage de dire : « Nous mourrons avec le Christ », avec une Pensée impérissable et immaculée. Merveille insaisissable que cette écriture au sujet de l’eau indicible — c’est de nous qu’est cette parole — : « C’est Moi qui suis en vous et vous qui êtes en Moi comme le Père est en vous en toute innocence. »
Origine et nature du Sauveur et des sauvés
« Réunissons une Église visitons la création qui est sienne ; envoyons quelqu’un en elle comme il a visité toutes les Pensées dans les>régions inférieures. » Lorsque je dis cela à la multitude entière de l’Église nombreuse de la Grandeur qui exulte, elle exulta, la maison entière du Père de vérité, car c’est d’elle que je suis issu. Je leur rappelai les Pensées qui étaient sorties de l’Esprit immaculé, la descente sur l’eau — c’est-à-dire les régions inférieures —. Et ils eurent tous une pensée unique car elle est issue d’un seul. Ils se soumirent à mon décret comme je le voulais et je sortis pour révéler la gloire à mes semblables et à mes compagnons en esprit.
ORIGINE ET MODE DE L’INCARNATION DU SAUVEUR ET DES SAUVÉS
Origine et mode de l’incarnation des sauvés
En effet, ceux qui étaient dans le monde avaient été préparés par la volonté de Sagesse, notre soeur — celle qui était un Prounicos — à cause de l’innocence. Elle n’a pas été envoyée et n’a rien demandé au Tout, ni à la Grandeur de l’Église, ni au Plérôme, lorsqu’elle se précipita et sortit pour préparer des demeures et des lieux pour le Fils de la Lumière. Et c’est afin qu’ils construisent de leurs mains ces maisons corporelles qu’elle prit des collaborateurs parmi les éléments inférieurs, mais ayant succombé à la vanité, ceux-ci atteignirent le comble de la ruine. Dans les maisons qu’ils habitèrent, préparés par Sagesse, ils sont prêts à recevoir la Parole salvifique au sujet de l’Unité ineffable et de la Grandeur de l’Église de tous ceux qui voient et qui sont en Moi.
Origine et mode de l’incarnation du Sauveur
J’ai visité une maison corporelle, j’ai expulsé son premier occupant et je suis entré. Et la multitude entière des archontes fut troublée. Et toute la matière des archontes, avec aussi les puissances nées de la terre, tremblait en voyant l’aspect mélangé de l’image : c’est Moi qui logeais en elle et je ne ressemblais pas à celui qui y logeait auparavant. Celui-là était en effet un homme de ce monde ; quant à Moi qui suis d’au-dessus des cieux, je ne leur ai pas refusé … et d’être Christ, mais je ne me suis pas 6 manifesté à eux dans l’amour qui émanait de Moi.
Je laissais paraître que j’étais étranger aux régions inférieures. Il y eut un grand trouble dans le monde terrestre tout entier, confusion et fuite, puis le conseil des archontes. Quelques-uns étaient convaincus à la vue des merveilles accomplies par moi. Et ils ont l’habitude de fuir, tous ceux qui sont issus de la race de celui qui a fui loin du Trône, vers la Sagesse de l’Espérance, lorsque la première elle nous annonça, ainsi que tous ceux qui sont avec Moi : ce sont ceux de la race d’Adonaios. D’autres en revanche se précipitèrent comme à l’instigation du Cosmocrator et de ceux qui sont avec lui, faisant tomber sur Moi toute espèce de châtiment. Et ils se hâtèrent d’appliquer leur esprit à ce qu’ils décideraient à mon sujet, pensant qu’il était toute la Grandeur, et prononçant un faux témoignage aussi contre l’Homme et contre la Grandeur entière de l’Église. Ils ne pouvaient pas savoir qui est le Père de vérité, l’Homme de la Grandeur. Ce sont eux en effet qui ont pris ce nom pour désigner un être de corruption et d’ignorance — un brasier et un vase d’argile —, qu’ils ont créé pour la ruine d’Adam, qu’ils ont fabriqué pour revêtir ceux qui sont véritablement leurs. Mais les archontes appartenant au Lieu de Ialdabaoth dévoilent la sphère des anges, celle que recherchait l’humanité, afin que celle-ci ne connaisse pas l’Homme véritable. Adam leur apparut en effet, celui qu’ils ont façonné. Un mouvement de crainte se produisit dans toute leur maison à la pensée que les anges qui les entouraient ne se lèvent en effet contre ceux qui rendaient gloire.
Je suis mort, non pas réellement, afin que ne soit pas vain leur Archange. Et alors la voix du Cosmocrator s’adressa aux anges : « Je suis Dieu et il n’y en a pas d’autre en dehors de Moi. » Mais Moi, j’ai ri joyeusement, ayant sondé la vanité de sa gloire. Et lui reprenait de plus belle : « Qui est l’Homme ? ». Et toute l’armée de ses anges, qui avaient vu Adam et sa maison, se moquait de sa petitesse et ainsi, leur pensée fut détournée de la Grandeur des cieux qui est l’Homme de vérité, celui dont ils ont vu le Nom habiter dans une maison de petitesse. Dans la vanité de leur pensée, dans leur moquerie, ils sont petits et sans intelligence et cela était pour eux une souillure.
Résumé : Nature et origine du vrai Sauveur
La Grandeur entière de la Paternité de l’Esprit se reposait dans les lieux qui lui appartiennent. C’est Moi qui étais avec elle. Je possède une pensée d’une émanation unique issue des éternels, inconnaissables, et incommensurables. Je l’ai placée dans le monde, la petite Pensée, les troublant et semant l’effroi parmi toute la multitude des anges et chez leur Archonte. Et Moi, je les visitais tous par le feu et la flamme à cause de ma pensée, et tout ce qui leur appartient, ils en usèrent contre Moi. Trouble et combat survinrent dans la sphère des Séraphins et des Chérubins de sorte que leur gloire allait être anéantie, avec la confusion qui règne dans la sphère d’Adonaios de part et d’autre, avec leur maison, jusqu’au Cosmocrator et avec celui qui disait : « Emparons-nous de Lui ! » D’autres disaient au contraire : « Le plan ne doit pas se réaliser. » Adonaios me connaît en effet à cause d’Espérance.
SORT DU SAUVEUR ET DES ÂMES INCARNÉES
Le Sauveur
Et j’étais dans la gueule des lions. Quant au plan qu’ils ont ourdi contre Moi en vue de la destruction de leur erreur et de leur déraison, je n’ai pas combattu contre eux comme ils en avaient délibéré. Au contraire, je n’étais nullement affligé. Ils m’ont châtié ceux-là, et je suis mort, non pas en réalité mais en apparence, car les outrages qu’ils m’infligeaient restaient loin de Moi. Je rejetai loin de Moi la honte et je ne faiblis pas devant ce qui m’a été infligé de leurs mains. J’allais succomber à la crainte. Et Moi, j’ai souffert à leurs yeux et dans leur esprit, afin qu’ils ne trouvent jamais nulle parole à dire à ce sujet. En effet, cette mort qui est mienne et qu’il pensent être arrivée, est arrivée pour eux dans leur erreur et leur aveuglement, car ils ont cloué leur homme pour leur propre mort. Leurs pensées en effet ne me virent pas car ils étaient sourds et aveugles, mais en faisant cela, ils se condamnaient. Ils m’ont vu, ils m’ont infligé un châtiment. C’était un autre, leur père.
Celui qui buvait le fiel et le vinaigre, ce n’était pas Moi.
Ils me flagellaient avec le roseau.
C’était un autre, celui qui portait la croix sur son épaule, c’était Simon.
C’était un autre qui recevait la couronne d’épines.
Quant à Moi, je me réjouissais dans la hauteur, au-dessus de tout le domaine qui appartient aux archontes et au-dessus de la semence de leur erreur, de leur vaine gloire et je me moquais de leur ignorance. Et j’ai réduit toutes leurs puissances en esclavage. En effet, lorsque je descendis, nul ne me vit car je me transformais, échangeant une apparence pour une autre et, grâce à cela, lorsque j’étais à leurs portes, je prenais leur apparence. En effet, je les traversai facilement et je voyais les lieux, et je n’éprouvai ni peur ni honte, car j’étais immaculé. Et je leur parlais, me mêlant à eux par l’intermédiaire des miens, et foulant aux pieds leur dureté ainsi que leur jalousie et éteignant leur flamme. Tout cela, je le faisais par ma volonté, 5 afin d’accomplir ce que je voulais dans la volonté du Père d’en haut.
Et le Fils de la Grandeur qui était caché dans la région inférieure, nous l’avons ramené dans la hauteur, où je demeure dans tous les éons, avec eux, hauteur que personne n’a vue ni connue, qui est le mariage en vêtement nuptial, le nouveau et non l’ancien. Et il est indestructible, car c’est une chambre nuptiale nouvelle, céleste et parfaite. Je lui révélai qu’il y a trois voies, mystère immaculé dans l’Esprit de cet éon sans fin. Il n’est pas partiel ni ne peut être dit, mais il est sans division, universel et subsistant. En effet, l’âme qui vient d’en haut ne parlera pas de l’erreur qui est ici-bas, ni … exil loin de ces éons quand elle sera emportée, si elle est libre et si elle se comporte noblement dans le monde, se tenant sans peine devant le Père, et elle produira, éternellement unie à l’Intellect, une puissance idéale. De toute part, ils me verront sans haine car en me voyant, ils les voient unis entre eux. Ne m’ayant pas couvert de honte, ils n’ont pas été couverts de honte. N’ayant pas eu peur devant moi, ils passeront toute porte sans crainte et ils atteindront la perfection dans la troisième gloire.
Je suis celui dont le monde n’a pas compris l’élévation apparente, le troisième baptême dans une image apparente. Quand fut chassé le feu des sept autorités et que le soleil des puissances des archontes sombra, les ténèbres s’emparèrent d’eux. Et le monde devint pauvre, alors qu’il était enserré dans une multitude de liens. Il fut cloué au bois et fixé à l’aide de quatre clous de bronze. Le voile de son Temple, il le déchira de ses mains.
Les sauvés
Un tremblement se saisit du chaos de la terre car elles ont été libérées, les âmes qui gisaient dans l’oubli inférieur, et elles se sont relevées, elles ont marché librement, ayant dépouillé jalousie ignorante et sottise auprès de sépulcres de mort, ayant revêtu l’homme nouveau, ayant reconnu ce parfait Bienheureux, issu du Père éternel et insaisissable et de la Lumière infinie, que je suis. Lorsque je suis venu vers les miens et que je les ai unis à moi, il n’y eut pas besoin de nombreuses paroles car notre pensée était unie à leur pensée. C’est pourquoi ils comprirent ce que je disais : nous délibérâmes en effet de la destruction des archontes. Et c’est pourquoi j’ai fait la volonté du Père, que je suis.
Lorsque nous sortîmes de notre maison, que nous descendîmes dans ce monde et que nous habitâmes dans le monde, dans les corps, nous fûmes haïs et persécutés, non seulement par ceux qui sont dans l’ignorance, mais aussi par ceux qui croient posséder le Nom du Christ, alors qu’ils sont vides de connaissance et ne savent pas qui ils sont, comme les animaux sans raison. Ceux que j’ai libérés, ils les poursuivent de leur haine. Ceux-là, quand la porte sera fermée, c’est en vain qu’ils gémiront car ils ne m’ont pas connu parfaitement, mais ils ont servi deux maîtres et une multitude. Mais vous, vous vaincrez en tout, querelle, disputes et division née de jalousie et colère. Mais par la droiture de notre amour, nous sommes innocents, purs et bons, gardant souvenir du Père dans un mystère ineffable.
C’était un objet de dérision, c’est Moi qui atteste que c’était un objet de dérision que les archontes ne sachent pas qu’il existe une réunion ineffable, vraie, immaculée telle que celle qui existe parmi les fils de la Lumière, dont ils ont fabriqué une contrefaçon en propageant une doctrine au sujet d’un homme mort et des mensonges pour imiter la liberté et la pureté de l’Église parfaite, qu’ils échangent par leur doctrine contre crainte et esclavage, des observances de ce monde et un culte répudié. Étant petits et ignorants et ne participant pas de la noblesse véritable, ils détestent ce qu’ils sont et aiment ce qu’ils ne sont pas. En effet, ils n’ont pas conçu que la connaissance de la Grandeur émane d’en haut et d’une source de vérité, et non d’esclavage ni de jalousie, ni 6 de crainte, ni d’un désir de la matière de ce monde. Car ce qui n’est pas à eux et ce qui est à eux, ils l’utilisent sans crainte et avec licence. Ils n’éprouvent nul désir, parce qu’ils ont une autorité et une loi venant d’eux-mêmes sur ce qu’ils pourraient désirer. — Mais habituellement, ceux qui ne possèdent pas sont pauvres, c’est à- dire ceux qui ne le possèdent pas, et ils le désirent. — Et ils égarent ceux qui sont parmi eux, comme s’ils pouvaient disposer véritablement de leur liberté, comme ils nous ont placés sous le joug et la contrainte de l’observance et de la crainte. Celui-ci est dans l’esclavage. Et celui qu’ils entraînent par la contrainte violente et la menace est sous la surveillance de leur dieu.
Au contraire, celui qui appartient totalement à la race noble de la Paternité n’est pas gardé, car il garde lui-même ce qui est sien, sans parole ni contrainte. Il est uni à sa volonté, celui qui appartient à la pensée même de la Paternité, pour la rendre parfaite et ineffable grâce à l’eau vive. Soyez dans la sagesse les uns envers les autres non seulement dans l’écoute de la parole, mais en acte et dans l’accomplissement de la parole. En effet, c’est ainsi que les parfaits sont dignes d’être établis et d’être réunis à Moi de sorte qu’ils ne succombent à aucune inimitié dans une communion bénéfique. C’est moi qui agis en toute chose en celui qui est bon, car telle est l’union de la vérité, de sorte qu’ils n’aient aucun adversaire. Mais quiconque est source de division — et il ne s’accordera avec personne puisqu’il divise et qu’il n’est pas un ami — est un ennemi pour tous. Au contraire, celui qui vit dans l’accord et la communion de l’amour fraternel, par nature et non par position, en totalité et non partiellement, celui-là est vraiment la volonté du Père. Il est l’universel et l’amour parfait.
Quelle dérision qu’Adam qui a été modelé en contrefaçon d’une forme d’homme par l’Hebdomade, comme si elle eût été plus puissante que Moi et mes frères ! Mais nous, nous sommes innocents face à elle car nous n’avons pas péché. Quelle dérision qu’Abraham, Isaac et Jacob qui furent faussement appelés pères par l’Hebdomade, comme si elle eût été plus puissante que Moi et mes frères ! Mais nous, nous sommes innocents face à elle car nous n’avons pas péché. Quelle dérision que David dont le fils a reçu le nom de Fils de l’Homme, alors qu’il était possédé par l’Hebdomade, comme si elle eût été plus puissante que Moi et ceux de ma race ! Mais nous, nous sommes innocents face à elle car nous n’avons pas péché. Quelle dérision que Salomon, pensant avoir reçu l’onction, il fut poussé à l’orgueil par l’Hebdomade, comme si elle eût été plus puissante que Moi et mes frères ! Mais nous, nous sommes innocents face à elle car nous n’avons pas péché. Quelle dérision que les douze prophètes qui furent une fausse imitation des vrais prophètes, ils furent une contrefaçon produite par l’Hebdomade, comme si elle eût été plus puissante que Moi et mes frères ! Mais nous, nous sommes innocents face à elle car nous n’avons pas péché.
Quelle dérision que Moïse, esclave fidèle, en lui donnant le nom de compagnon on fait preuve d’impiété, car jamais il ne m’a connu, ni lui ni ceux qui l’ont précédé ! Depuis Adam jusqu’à Moïse et Jean le Baptiste, personne parmi eux ne m’a connu, ni Moi ni mes frères. Ce n’était en effet qu’un enseignement dispensé par leurs anges, des observances alimentaires et une amère servitude, de sorte qu’ils n’ont jamais connu la Vérité ni ne la connaîtront. En effet, une grande illusion recouvre leur âme en sorte qu’ils ne pourront jamais concevoir la liberté ni la connaître, tant qu’ils ne connaîtront pas le Fils de l’Homme. Mais au sujet de mon Père, le monde ne m’a pas compris et pour cette raison, il s’est dressé contre Moi et mes frères. Mais nous, nous sommes innocents face à lui, nous n’avons pas péché.
Quelle dérision en effet, que l’Archonte, quand il a dit : « Je suis Dieu et nul n’est plus grand que moi ». — « Moi seul suis le Père et le Seigneur et il n’y en a aucun autre en dehors de moi. » — « Je suis un Dieu jaloux qui reporte les péchés des pères sur les fils jusqu’à la troisième et la quatrième génération », comme s’il eût été plus puissant que Moi et mes frères ! Mais nous, nous sommes innocents face à lui car nous n’avons pas péché. Nous sommes tellement supérieurs à son enseignement qu’il se trouve dans une vaine gloire et n’est pas en accord avec notre Père. Et notre communion a si bien prévalu sur sa doctrine qu’il s’enorgueillit dans une vaine gloire et n’est pas en accord avec notre Père. En effet, c’était-là dérision, jugement et fausse prophétie.
Ô vous qui ne voyez pas, vous ne voyez pas votre aveuglement ! En effet, celui qu’ils ne connaissent pas et qu’ils n’ont jamais connu ni compris, ils n’ont pas prêté une oreille attentive à son sujet. C’est pourquoi ils ont médité un jugement erroné et ils ont levé leurs mains souillées et meurtrières sur lui comme s’ils battaient l’air. Quant aux insensés et aux aveugles, ils sont toujours insensés et toujours esclaves d’une Loi et d’une crainte de ce monde.
Je suis Christ, le Fils de l’Homme, qui est issu de vous ; je suis en vous pour être méprisé à cause de vous afin que vous-mêmes, vous oubliiez la différence. Et ne devenez pas femme de peur que vous n’engendriez le mal et ses frères : jalousie et discorde, colère et emportement, crainte et duplicité, et désir vain, dépourvu d’existence. Mais je suis pour vous un mystère ineffable.
ESCHATOLOGIE
Dès, avant la fondation du monde, lorsque se fut réunie la multitude entière de l’Église au-dessus des lieux de l’Ogdoade, et qu’elle se fut concertée, elle célébra un mariage spirituel qui est une union. Et ainsi fut-il accompli dans les lieux ineffables par le Verbe vivant : le mariage immaculé est accompli grâce à la position intermédiaire de Jésus qui prépare et règle toute chose, car il est issu d’une volonté puissante, sans division. Formant un cercle autour de lui, il lui apparaît
comme leur Unité à tous, Pensée et Père puisqu’il est un. Et il se tient auprès de tous ; tout entier, il a jailli de lui-même et il est vie issue du Père de la vérité indicible et parfaite de ceux qui sont en ce lieu, l’union de la paix, ami du bien, vie éternelle et joie immaculée, dans une grande harmonie de vie et de foi par la vie éternelle de la Paternité et de la Maternité, de la Fraternité et de la Sagesse spirituelle. Ils s’étaient unis à un l’Intellect se déployant. Il se déploiera dans une union joyeuse, solide, et obéissant à un seul. Et cela se produit dans la Paternité, la Maternité, la Fraternité spirituelle et la Sagesse. Et c’est un mariage de vérité et un repos incorruptible dans l’Esprit de vérité en chaque intellect, et une 1 lumière parfaite dans un mystère ineffable. Or cela n’est pas ni ne saurait arriver parmi nous, en quelque région ou lieu, dans la division ou la rupture de la paix. Au contraire, c’est une réunion et un repas d’amour fraternel, du fait que tous sont parfaits en Celui qui est.
Cela s’est produit aussi dans les lieux qui sont en dessous du ciel, en vue de réunir ceux qui m’ont connu de manière salutaire et sans division avec ceux qui existaient pour la gloire du Père et de la Vérité : après avoir été séparés, ils ont été restaurés dans l’unité par le Verbe vivant. Et je réside dans l’Esprit et dans la Vérité maternelle. Cela est arrivé ici-bas de la manière suivante : j’ai habité en ceux qui sont réunis en tout temps dans une communauté fraternelle et qui ne connaissent nulle hostilité ni malice, mais qui sont réunis par ma connaissance, dans la parole et la paix qui réside en plénitude avec tous et en tous. Et ceux qui se sont conformés à mon exemple recevront la forme de ma Parole. Ils avanceront dans une Lumière éternelle et dans une fraternité mutuelle dans l’Esprit, ayant reconnu en toute chose, sans division, que ‘Celui qui est’ est un. Et ils sont tous un et ainsi ils recevront un enseignement au sujet de l’Un, comme l’Église et ceux qui sont réunis en elle. Car le Père est en tous, il est incommensurable et immuable : Intellect, Parole, Séparation, Feu et Flamme. Et il est tout entier un puisqu’il est tout en tous dans un seul enseignement, puisque tous sont issus d’un seul Esprit.
Ô aveugles, que n’avez-vous connu le mystère en vérité ? Au contraire, les archontes de la sphère de Ialdabaoth furent indociles concernant la Pensée qui descendit vers celui-ci de la part de sa soeur Sagesse. Ils se sont fabriqué une réunion avec ceux qui sont en leur compagnie dans un mélange de nuée de feu — c’était leur jalousie — et avec tous les autres qui ont été produits par les créatures qu’ils ont modelées, comme s’ils avaient pétri le noble plaisir de l’Église. Et pour cette raison, ils ont révélé un mélange d’ignorance dans une contrefaçon de feu et de terre et un meurtrier, car ils sont petits et sans instruction. C’est sans savoir qu’ils ont eu cette audace et ils n’ont pas compris que la lumière s’unit à la lumière, les ténèbres aux ténèbres, la souillure à la corruption et l’incorruptible à l’immaculé.
ÉPILOGUE
Mais cela, je vous l’ai transmis, Moi, Jésus-Christ, le Fils de l’Homme qui est élevé au-dessus des cieux, ô parfaits et immaculés, au sujet du mystère immaculé et parfait et de l’ineffable — mais ils pensent que nous nous sommes soumis à leurs décrets depuis la fondation du monde — afin que, lorsque nous sortirons des lieux de ce monde, nous nous donnions là-bas les symboles de l’incorruptibilité, grâce à la réunion spirituelle, dans le but de nous faire reconnaître.
Mais vous, vous ne savez pas cela parce que le nuage de la chair vous couvre de son ombre. C’est Moi le conjoint de la Sagesse elle-même, j’ai demeuré dans le sein du Père depuis le commencement, dans la demeure des fils de la Vérité et de la Grandeur. Aussi, reposez avec Moi, mes compagnons dans l’Esprit et mes frères pour l’éternité ! Deuxième Traité du Grand Seth.
Notes sur le Deuxième Traité du Grand Seth
Sous la fiction d’un discours de révélation mis dans la bouche de Jésus Christ, le Fils de l’Homme , le Deuxième Traité du Grand Seth s’adresse à des chrétiens qu’il exhorte à maintenir entre eux l’unité et à se séparer d’adversaires adeptes de doctrines qui se sont imposées au cours du IIe siècle comme celles du christianisme orthodoxe. Il dénonce en effet comme erreur et source d’esclavage la valeur rédemptrice des souffrances et de la mort du crucifié, l’interprétation paulinienne du baptême comme participation à la mort du Christ et l’appréciation positive des écritures juives, qui deviendront l’Ancien Testament des chrétiens. La fonction de ce texte étant manifestement de persuader et non d’instruire, on n’y trouve nul exposé systématique d’un corps de doctrine bien défini. Aux opinions qu’il combat, il oppose une interprétation de la passion de type docète, des allusions cosmogoniques et une représentation du salut qui présupposent à la fois des doctrines que l’on trouve exposées dans les textes valentiniens et dans les textes séthiens de la bibliothèque de Nag Hammadi. Ce syncrétisme de courants gnostiques divers est probablement l’indice d’une date de composition plutôt tardive, sans doute postérieure au dernier quart du IIe siècle.
S’il faut chercher ses sources d’inspiration aussi bien du côté du valentinisme, en particulier pour les thèmes liés au salut et à l’eschatologie, que du côté du séthianisme, il faut observer que ce texte s’apparente beaucoup, par son thème central qui est la passion du Sauveur, à l’Apocalypse de Pierre et à la Lettre de Pierre à Philippe.
Outre l’aspect fortement polémique qui le distingue, l’intérêt particulier du Deuxième Traité du Grand Seth réside dans le fait d’avoir utilisé des matériaux vraisemblablement tirés de sources écrites antérieures à sa composition et qui pourraient remonter à Basilide, ce maître chrétien qui enseigna à Alexandrie dans la première moitié du IIe siècle, et qui ne nous est connu autrement que par les témoignages des hérésiologues.