La guérison de la blessure mortelle
Avec la fin des guerres gothiques, en 553 apr. J.-C., l’Italie se retrouvait dans la pauvreté et le désordre. Rome avait été capturée, assiégée, pillée, et avait subi la famine. Finalement, les armées de l’empereur romain d’Orient, Justinien, furent victorieuses. Les armées de Justinien l’avaient donc emporté en reconquérant l’Italie et les restes de l’Empire occidental, mais comment Justinien allait-il donc gouverner cela ? La réponse se trouve dans une alliance de l’Église et de l’État qui, depuis, a formé l’histoire de l’Europe occidentale. Bien que l’autorité séculaire occidentale de fût effondrée, « la persistance de l’organisation ecclésiastique [sous l’évêque de Rome] apparut même aux empereurs comme le salut de l’État. En 554, Justinien promulgua un décret exigeant que “des gens aptes, capables d’administrer les gouvernements locaux, soient choisis comme gouverneurs de province par les évêques et les principaux personnages de chaque province” » (Will Durant, l’Histoire de la Civilisation, Volume 11, pages 291-292).
Cet événement est connu, dans l’Histoire, sous le nom de la Restauration Impériale. Les empereurs de Byzance continuèrent à régner en Occident sous le titre d’Imperium Romanum de 554 à 800. Cependant, selon les termes du décret de Justinien, c’étaient les évêques de Rome (maintenant appelés papes) qui tenaient les rênes de la puissance, et qui étaient les véritables cavaliers montant la bête impériale en Occident.
À ce stade, il est important de noter qu’il y a une différence significative entre la bête décrite dans Apocalypse 13 et celle décrite dans Apocalypse 17. La bête d’Apocalypse 13 correspond à la vision de Daniel, dans Daniel 7. L’apôtre Jean décrit une créature qui commença avec Babylone, sous Nebucadnetsar, et continua à son époque. Excepté la septième tête, l’Empire romain, qui deviendra dix royaumes. Daniel 7 explique que les trois premières de ces dix cornes seront « arrachées ». Cependant, la bête d’Apocalypse 17 est différente. C’est une créature chevauchée par la femme, différente de la première description. La bête d’Apocalypse 17 est une bête « qui était, et qui n’est plus » (verset 11) – l’Empire romain, après la guérison de la blessure mortelle. Ce que l’Histoire a ironiquement et par tromperie appelé le « saint » Empire romain, dominé par l’Église de Rome, qui a perduré sous diverses renaissances de 554 à nos temps modernes (à nos jours).
Apocalypse 17 :11 explique que la bête « est elle-même un huitième roi, et elle est du nombre des sept, et elle va à la perdition ». C’est une continuation de la créature à sept têtes, décrite dans Apocalypse 13, mais cette créature est en quelque sorte comme une huitième tête, qui apparaît après que la dernière tête de la bête d’Apocalypse 13 eut reçu une « blessure mortelle ». Les sept têtes de la bête d’Apocalypse 17 sont sept royaumes (verset 10). Elles sont sept survivances du saint Empire romain, correspondant aux sept dernières des « dix cornes », dans Daniel 7 et Apocalypse 13. Les dix cornes d’Apocalypse 17 sont aussi dix rois ou royaumes (verset 12). Ils donneront leur puissance à la dernière survivance du saint Empire romain, et seront détruits par le Christ, à Son retour (verset 14), cela correspond aux dix orteils de la statue décrite dans Daniel 2.
À présent, regardons d’un peu plus près l’histoire des « sept têtes » mentionnées dans Apocalypse 17. Dans les années qui suivirent la Restauration Impériale, les empereurs orientaux, en général, concentrèrent plutôt leur attention sur les terres où ils vivaient (l’Asie mineure). La protection et la sécurité que les empereurs orientaux assuraient à l’Occident étaient négligeables. Des négociations privées entre Charles, roi de France, et Léon, évêque de Rome, furent entreprises pour résoudre ce problème. Le résultat des négociations devint manifeste, en 800 apr. J.-C.
« Le jour de Noël, comme Charlemagne [roi de France], vêtu de la chlamyde et des sandales de patricius Romanus, était agenouillé en prière devant l’autel de Saint-Pierre, Léon [le pape] exhiba tout à coup une couronne sertie de bijoux et la posa sur la tête du roi. Les fidèles, à qui on avait peut-être demandé auparavant de suivre l’ancien rite du senatus populusque Romanus confirmant un couronnement, crièrent trois fois : “Salut à Charles l’Auguste, couronné par Dieu, grand et pacifique empereur des Romains !” La tête du roi fut ointe d’huile sainte, le pape salua Charlemagne empereur et auguste et lui offrit l’acte d’hommage réservé depuis 476 à l’empereur d’Orient » (Durant, Volume 11, page 209). Après quelques années de disputes, l’empereur d’Orient à Byzance reconnut Charlemagne comme co-empereur. L’Imperium de l’Ouest était déjà la seconde tête depuis l’époque de la « blessure mortelle », en 476, et sa « guérison » ultérieure, en 554. L’une sur demande papale, l’autre avec la bénédiction papale.
En tant qu’historien, Will Durant remarque que « de cette coopération intime de l’Église et de l’État sortit l’une des idées les plus brillantes de l’histoire de la politique : la transformation du royaume de Charlemagne en un saint Empire romain, qui aurait derrière lui tout le prestige, la sainteté et la stabilité des deux Rome, celle des empereurs et celle des papes » (Durant, Volume 11, page 208).
Au cours des cent cinquante ans qui suivirent le cou-ronnement de Charlemagne, son Empire se désintégra lentement à cause de la faiblesse de ses successeurs. Vers 936, les Saxons de Germanie étaient devenus le plus puissant groupe d’Europe Centrale. En 995, Otton, duc de Saxe et roi des Germains défit les Magyars qui se préparaient à envahir l’Europe Occidentale. Quelques années plus tard, Otton fit son entrée en Italie, à la requête du pape Jean XII, pour rétablir son autorité ; suite à cela, il reçut la couronne impériale à Pavie, en 962. « Une fois de plus, le fantôme de l’Empire romain fut rappelé pour consacrer la réussite de l’édification de l’État d’un roi semi-barbare » (Handbook of Western Civilization, William McNiel, page 317). Le couron-nement d’Otton marqua l’inauguration de la troisième tête dans la continuité de l’Empire, depuis la Restauration Impériale de Justinien.
Comment les contemporains d’Otton et leurs successeurs voyaient-ils la signification de cette survivance de l’Empire ? L’historien Robert Hertzstein écrit : « L’Empire n’assumait pas seulement la signification de ce terme, mais il assumait aussi la fonction de régent chrétien universel pour Dieu sur terre, jusqu’à la venue de l’Antéchrist. Comme Charlemagne, Otton reçut son trône par la proclamation papale de l’Église romaine, qui était la seule électrice impériale depuis le début du 4ème siècle […] Le saint Empire romain fut ainsi en grande partie germanique dans son ethnie et sa base politique, chrétien dans sa justification morale, et romain dans sa déclaration de légitimité et d’universalité » (The Holy Roman Empire in the Middle Ages, édition Hertzstein, page 8).
Dans un essai intitulé « L’empire en tant que régence pour Dieu sur la terre », un célèbre historien autrichien, Friedrich Heer, écrit : « La tâche de l’Empire était d’être l’agent principal de Dieu sur terre, pour accomplir avec tous les pouvoirs son objectif ici-bas, de protéger la chrétienté et l’Église, et de préserver la justice de Dieu et l’ordre divin de l’univers sur terre. L’Empire terrestre était le reflet transitoire de la cité éternelle de Dieu […] Les symboles impériaux montrent que cela s’étendait au monde entier : avec le globe impérial, qui couvrait les quatre coins de la terre, l’empereur tenait le monde entier dans la main […] [l’empereur] nommait la couronne impériale corona urbis et orbis [la couronne de la cité et du globe] ; il se considérait lui-même comme le caput mundi [à la tête du monde] et comme le dominator orbis et urbis [le gouverneur du globe et de la cité de Rome] » (Hertzstein, pages 64-65).
La survivance impériale d’Otton se poursuivit pendant environ trois cents ans. Finalement, après la mort de Conrad IV en 1254, l’Empire fut tellement déchiré par des factions rivales qu’il résulta dix-neuf ans d’interregnum [période de temps sans empereur]. En fin de compte, Rodolphe Ier fut élu empereur, en 1273 – le premier de la famille des Habsbourgs à être élevé au trône impérial. Le point culminant de cette quatrième survivance de l’ancien imperium romain fut le couronnement d’un descendant de Rodolphe, Charles Quint, par le pape Clément VII, en 1530. Charles régna sur un vaste Empire. De sa mère (Jeanne, fille de Ferdinand et Isabelle d’Espagne), il hérita l’Espagne et toutes les possessions espagnoles dans le Nouveau Monde. De son père, il hérita le vaste territoire des Habsbourgs, en Germanie, en Italie et en Europe centrale.
Après Charles Quint, la puissance des Habsbourgs fut affaiblie. Au cours du 18ème siècle, le titre de « saint empereur romain » était devenu un titre vide. Dans la dernière décennie du 18ème siècle, toute l’Europe était agitée par la Révolution française et ses conséquences. Un homme, à la fois hautement doué et suprêmement ambitieux, prit le pouvoir en France. Son nom est Napoléon. Il aspirait à être plus que le président d’une République Française, ou même qu’un nouveau roi de France. Son ambition ne pouvait être satisfaite que par le rétablissement de l’Empire romain – avec lui-même comme empereur. Comme le remarque l’historien Will Durant : « Il rêvait de rivaliser avec Charlemagne et d’unifier l’Europe Occidentale. »
Napoléon se considérait comme le successeur de César et de Charlemagne. Suite à un plébiscite en sa faveur au cours d’un vote (3.572.329 voix contre 2.569), Napoléon fut proclamé empereur par le Sénat français, le 18 mai 1804. Immédiatement après, il entama des discussions avec le pape Pie VII, afin de venir à Paris et de le consacrer comme empereur. Ces négociations furent un succès, et le couronnement eut lieu le 2 décembre.
Les Habsbourg d’Autriche ressentaient douloureusement les succès diplomatiques et militaires de Napoléon, particulièrement son accession au titre d’empereur. Deux ans plus tard, à l’instigation de Napoléon, seize princes et leurs États, séparés du saint Empire romain, formèrent la Confédération du Rhin et demandèrent la protection à Napoléon comme faisant partie de son Empire. Les mois suivants, le 6 août 1806, Francis II renonça à son titre – maintenant vide – d’empereur du saint Empire romain. L’Empire européen de Napoléon s’étendait maintenant de l’Atlantique à l’Elbe. L’Espagne, la France, la Hollande, la Belgique, l’Allemagne occidentale et, finalement, toute l’Italie formaient son Empire renouvelé. Napoléon fut la cinquième tête de la survivance de l’Imperium occidental, depuis l’époque de Justinien.
L’Empire de Napoléon n’était pourtant pas destiné à un long avenir. Une coalition dirigée par les Britanniques provoqua sa défaite et son abdication, en 1814. Cela mit fin à une période de 1260 ans depuis la Restauration Impériale sous Justinien, en 554. La prophétie dans Apocalypse 13:3-5 de la « bête » recevant une blessure mortelle, ayant été guérie et recevant « le pouvoir d’agir pendant quarante-deux mois », était accomplie (42 “mois” de 30 jours équivalent à 1260 “jours”). L’abdication de Napoléon marqua la fin d’une époque. D’après les prophéties, il devrait encore y avoir deux tentatives supplémentaires, pour faire revivre la gloire et la grandeur de la Rome Antique.
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