Les enfers taoïstes chinois
Toute religion à ses enfers. A l'opposé de la bureaucratie céleste chinoise se trouve la "bureaucratie" des enfers taoïstes, qui, au nombre de 9,10 ou 18, constituent un savant amalgame d'éléments autochtones et d'influences bouddhistes. Identités, rangs et rôles des divinités chargées de régir l'outre-tombe varièrent au fil des époques. Dès les premiers siècles de notre ère, on considéra que les destins posthumes étaient déterminés par les registres tenus par la divinité de l'Un suprême et par les 3 Fonctionnaires, dont les ministères furent par la suite rattachés au royaume ultra-terrestre de Fengdu.
Fengdu (à l'origine la capitale prédynastique des Zhou) est une montagne à l'extrême nord qui abrite tribunaux, ministères et prisons ultra-terrestres à laquelle accèdent les âmes des trépassés pour être jugées sur la base des registres et des actions qu'elles ont accomplies pendant leur vie.
La cité des morts de Fengdu, appelée aussi "Ville des fantômes", était commandée par le Maréchal Meng (Meng yuanshuai). Celui-ci avait été le gardien de prison dans le royaume de Zhao dans l'antiquité. Voyant les prisonniers se désoler de ne pouvoir rendre visite à leur mère pour le nouvel an, il se dit qu'ils conservaient le sentiment de la piété filiale et qu'ils pouvaient donc se réformer, et il leur proposa de les libérer. Ceux-ci refusèrent, car il encourrait la peine de mort. Mais il leur répondit qu'il valait mieux sacrifier un innocent, il les obligea à partir en prétendant avoir un plan pour s'en sortir. Quand le Préfet réclama les prisonniers, il essaya de se suicider avec une lance par trois fois, mais chaque fois ce fut un lapin blanc qui tomba sous arme. Recevant une convocation officielle, il crut qu'elle provenait du Préfet, mais c'était l'Empereur du Ciel qui le nommait gouverneur de Fengdu. Le Préfet apprenant ce qui s'était passé, lui fit élever un temple.
D'après la secte des Cinq Boisseaux de Riz, qui se développa dans la province du Sichuan et ancra cette croyance, il fallait pour entrer à Fengdu, un passeport sur papier jaune avec l'image de Yanlo et les trois sceaux ; il y était écrit : "Laissez-passer, émis par l'empereur de Fengdu, nécessaire pour entrer dans sa cité et ensuite monter au ciel". Ce permis était brûlé lors des enterrements pour que mort puisse passer par ce séjour et ensuite s'élever au ciel. Il y subissait aussi un jugement et devait y franchir successivement le Pont du Fleuve du désespoir, d'où étaient jetées les âmes mauvaises dans un fleuve de sang pour être dévorées par des démons et des serpents ; la Porte des fantômes, située dans une forêt d'arbres morts où soufflait un vent glacial et où croassaient des corbeaux. Ici aussi, comme dans l'enfer bouddhique, il y avait un miroir où l'on voyait ses crimes passés, et une terrasse d'où l'esprit contemplait ce qu'était advenu en son absence le lieu terrestre où il avait habité.
Ceux qui étaient jugés avoir commis des actions mauvaises dans leur vie terrestre étaient condamnés par un des dix tribunaux à subir des châtiments effrayants : roues qui écrasent, lac de glace, décapitation par le coutelas à tête de tigre, marmites d'huile bouillante, écorchement de toute la peau, étang de sang et d'immondices, pont du désespoir d'où l'on est jeté parmi les serpents et les pieuvres, montagnes d'épées dressées, pilier creux rougi au feu auquel on est ligoté, arbre sur les branches duquel on est empalé, montagne de feu, balance à laquelle on est accroché par un crochet de fer, sciage entre deux planches, enfers ou l'on est livré à des buffles en colère.
Le taoïsme et le bouddhisme firent leur une croyance datant au moins de l'époque Han, selon laquelle les morts reposeraient sur le mont Tai, et inclurent l'Empereur du Pic de l'Est (Dongyue Dadi) parmi les juges suprêmes des âmes trépassées.
Dans la tradition taoïste, ce culte se superposa à celui de l'empereur du Nord (Beidi), depuis l'antiquité roi de Fengdu et commandant en chef des armées des défunts, et associé par Tao Hongjing (456-539) avec Yama, le roi bouddhiste des morts. Le bouddhisme influença aussi l'organisation des enfers en 10 cours présidés par 10 souverains, clairement inspirés du populaire Soutra des 10 rois.
Cet article est un peu complexe si vous n'êtes pas familiarisé avec la mythologie chinoise. Je vous invite pour en savoir plus à visiter un autre de mes blogs, consacré aux dieux et mythes de la Chine :