Guerres de Religion
Les guerres de religion qui sont faites au nom de Dieu ont été et sont encore les plus sanglantes dans l'histoire du monde, et celles qui ont fait le plus de morts dans l'histoire de l'homme.
Le retour des guerres de religion ou le grand malaise de la diplomatie
On attribue à André Malraux la phrase apparemment apocryphe mais désormais célèbre «le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas». Elle est en tout cas visionnaire. C’est vrai dans le monde musulman, avec le conflit toujours plus violent entre chiites et sunnites ou la montée de l’islamisme radical, mais aussi en Occident, avec l’explosion de populismes qui, comme aux Etats-Unis avec le Tea Party ou en France avec la Manif pour tous, se réfèrent toujours plus explicitement à la bigoterie. «Nombre de crises actuelles restent inintelligibles et d’ailleurs insolubles si le fait religieux n’est pas pris en compte», souligne Laurent Fabius, dans l’introduction de la Diplomatie au défi des religions, recueillant les actes d’un très riche colloque de novembre 2013 que le ministre avait commandité, organisé par le Ceri Sciences-Po, l’Institut européen en sciences des religions et le Quai d’Orsay.
«Les partis communistes étaient certains, dans les années 50, de mettre la religion au musée. C’est la religion qui les a mis au musée», relève Regis Debray dans l’une des contributions de cet ouvrage, dont l’un des grands mérites est de restituer la problématique dans une perspective historique. Les Etats modernes et les relations interétatiques telles que nous les connaissons sont nés du dépassement des guerres de religions du XVIe et XVIIe siècle. D’où la difficulté, pour les diplomaties, de prendre en compte le religieux, «car elles sont en réalité nées avec sa mise à l’écart du champ politique». Dans le monde à la fois globalisé et balkanisé du XXIe siècle, le «retour» du religieux est tout aussi vrai que son «rejet», cela dépend des lieux comme des grilles d’analyse.
L’Europe, et notamment la France, se sécularise de plus en plus - 74% des Français déclaraient croire en Dieu en 1952 contre 54% aujourd’hui, dont à peine 20% de façon certaine. Ce qui est loin d’être le cas aux Etats-Unis. Comme le relève une étude récente du Pew Research Center, près de 30 pays sont aujourd’hui touchés par des conflits «à dimension religieuse», qui ont entraîné le déplacement de plus de 18 millions de personnes. Car si la religion peut autant être un facteur de paix que de guerre, les conflits dont elle est l’objet sont particulièrement implacables et sanguinaires, comme le note Theodor Hanf, de l’université américaine de Beyrouth : «Leur enjeu n’est pas une plus grande ou plus petite part de biens divisibles, mais des valeurs et des vérités considérées comme indivisibles.»
Marc Semo
«La diplomatie au défi des religions», sous la direction de Denis Lacorne, Justin Vaïsse et Jean-Paul Willaime, Odile Jacob, 368 pp., 24,90 €.
.
Les guerres de religion qui sont faites au nom de Dieu ont été et sont encore les plus sanglantes dans l'histoire du monde, et celles qui ont fait le plus de morts dans l'histoire de l'homme.
Le retour des guerres de religion ou le grand malaise de la diplomatie
On attribue à André Malraux la phrase apparemment apocryphe mais désormais célèbre «le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas». Elle est en tout cas visionnaire. C’est vrai dans le monde musulman, avec le conflit toujours plus violent entre chiites et sunnites ou la montée de l’islamisme radical, mais aussi en Occident, avec l’explosion de populismes qui, comme aux Etats-Unis avec le Tea Party ou en France avec la Manif pour tous, se réfèrent toujours plus explicitement à la bigoterie. «Nombre de crises actuelles restent inintelligibles et d’ailleurs insolubles si le fait religieux n’est pas pris en compte», souligne Laurent Fabius, dans l’introduction de la Diplomatie au défi des religions, recueillant les actes d’un très riche colloque de novembre 2013 que le ministre avait commandité, organisé par le Ceri Sciences-Po, l’Institut européen en sciences des religions et le Quai d’Orsay.
«Les partis communistes étaient certains, dans les années 50, de mettre la religion au musée. C’est la religion qui les a mis au musée», relève Regis Debray dans l’une des contributions de cet ouvrage, dont l’un des grands mérites est de restituer la problématique dans une perspective historique. Les Etats modernes et les relations interétatiques telles que nous les connaissons sont nés du dépassement des guerres de religions du XVIe et XVIIe siècle. D’où la difficulté, pour les diplomaties, de prendre en compte le religieux, «car elles sont en réalité nées avec sa mise à l’écart du champ politique». Dans le monde à la fois globalisé et balkanisé du XXIe siècle, le «retour» du religieux est tout aussi vrai que son «rejet», cela dépend des lieux comme des grilles d’analyse.
L’Europe, et notamment la France, se sécularise de plus en plus - 74% des Français déclaraient croire en Dieu en 1952 contre 54% aujourd’hui, dont à peine 20% de façon certaine. Ce qui est loin d’être le cas aux Etats-Unis. Comme le relève une étude récente du Pew Research Center, près de 30 pays sont aujourd’hui touchés par des conflits «à dimension religieuse», qui ont entraîné le déplacement de plus de 18 millions de personnes. Car si la religion peut autant être un facteur de paix que de guerre, les conflits dont elle est l’objet sont particulièrement implacables et sanguinaires, comme le note Theodor Hanf, de l’université américaine de Beyrouth : «Leur enjeu n’est pas une plus grande ou plus petite part de biens divisibles, mais des valeurs et des vérités considérées comme indivisibles.»
Marc Semo
«La diplomatie au défi des religions», sous la direction de Denis Lacorne, Justin Vaïsse et Jean-Paul Willaime, Odile Jacob, 368 pp., 24,90 €.
.