Le nombre d'or dans la musique
Les mathématiques ont été beaucoup utilisés dans la musique, de manière très diversifiée, car ils peuvent jouer des rôle multiples. Plus précisément, nous avons recherché de quel façon le nombre d'or a été utilisé dans l'histoire musical, et nous avons conclu que Bela Bartok était l'un des compositeur l'ayant le plus introduit dans ses oeuvres. Nous nous somme donc intéressé à ses oeuvres de plus prés, afin de voir de quel façon il a mêlé la "divine proportion" et la musique. C'est ce que nous allons analyser ici.
-Un art qui allie beauté et équilibre-
L’étude qui suit se propose de donner quelques principes importants, nécessaires à la compréhension des œuvres de Bartok.
Béla Bartok (1881-1945) :
Né en 1881, après des études de piano et d'harmonie à Bratislava puis à Budapest. Béla Bartók s’impose de nos jours comme l’un des compositeurs les plus importants du vingtième siècle. Il s’est d’abord fait connaître comme pianiste et ethnomusicologue. Avec son collègue et ami, Zoltan Kodály, il a parcouru les campagnes reculées d’Europe de l’Est, de 1907 à 1918, pour recueillir des milliers de chants folkloriques, un travail qui allait influencer de façon décisive son inspiration de compositeur. En particulier, Bartók a su intégrer dans ses propres œuvres les inflexions modales et les irrégularités métriques qui caractérisaient un grand nombre des chants traditionnels qu’il avait répertoriés au cours de ses voyages.
La section d’or :
Un élément capital dans la musique de Bartok est la section d’or.
« La musique est un exercice d’arithmétique secrète, et celui qui s’y livre ignore qu’il manie des nombres ». Cette remarque fut citée par Leibnitz, mais il est très probable que Bartok ne l’aurait pas refutée. En effet, très épris de mathématiques,le compositeur était fasciné par les structures régulières qu’on peut trouver dans la nature, comme les formations en spirale des coquilles d’escargot ou l’ordre parfait des rangées d’un cône de pin. Ces deux exemples d’architecture naturelle illustrent l’une des plus anciennes règles numériques qu’il a été convenu d’appeler la règle d’or. Stipulée en termes géométriques, la règle prescrit qu’une unité soit divisible en deux parties de telle sorte que le rapport de la plus grande partie à l’unité soit le même que le rapport de la petite partie à la plus grande. Les anciens considérés qu’une forme, pour être « belle » devait pouvoir être calculée selon le rapport défini par la section d’or.
Bartok l’a souvent utilisé pour la construction formelle de ses œuvres.
En termes numériques, on obtient un nombre irrationnel de l’ordre de 0, 618… pour la grande section et de 0, 382… pour la petite. Il est frappant de constater que ces proportions sont exactement celles qu’on observe entre les cercles concentriques de la coquille d’escargot et entre les rangées du cône de pin. Bartók a utilisé à outrance ces proportions pour déterminer les durées relatives des différentes sections de ses œuvres.
L’usage d’un nombre irrationnel posant certaines difficultés, une série arithmétique simple permet de contourner le problème et de s’approcher de la règle d’or avec une faible marge d’erreur : les nombres de Fibonacci. On obtient ceux-ci en additionnant à un nombre son prédécesseur immédiat dans la série : 0 + 1 = 1, 1 + 1 = 2, 2 + 1 = 3, 3 + 2 = 5, etc., ce qui donne 0, 1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89 et ainsi de suite. Plus on avance dans la série, plus on s’approche de la règle d’or en divisant n’importe quel nombre par son successeur.
Musique pour cordes, percussions et célesta 1936
Le premier mouvement de la Musique pour cordes, percussions et célesta est un des plus beaux exemples de construction formelle suivant ce procédé. Si l’on considère à nouveau les premières mesures du mouvement, on remarque que les entrées de la fugue correspondent aux numéros de mesure suivants:
Altos 1, 2 : mesure 1
Violons 3, 4 : mesure 5
Violoncelles 1, 2 : mesure 8
Violons 2 : mesure 13
Contrebasses : mesure 18
Violons 1 : mesure 27
Les quatre premières entrées correspondent aux nombres de Fibonacci. Il manque les nombres 2, 3 et 21. Aux mesures 2 et 3, les altos énoncent les deuxième et troisième phrases du thème, bien délimitées par un demi-soupir. La mesure 21 marque la fin de l’énonciation du thème aux contrebasses et entame un court épisode avant l’entrée des premiers violons à la mesure 27. On se rappellera qu’à cet endroit commence une transition qui mène à l’entrée de la timbale à la mesure 34, un autre nombre de Fibonacci…
Comment alors expliquer les entrées aux mesures 18 et 27 ? Il faut ici considérer des raisons d’ordre purement pratique. Il va de soi que plus on avance dans la série de Fibonacci, plus il faudra laisser du temps à la musique avant d’atteindre le nombre de mesure désiré pour pouvoir enfin y établir un moment formel important. Bartók se devait donc de trouver un moyen d’insérer ses moments musicaux d’importance secondaire entre les grandes frontières formelles. Il a donc décidé de faire des subdivisions à l’intérieur des grandes sections délimitées par les nombres de Fibonacci. Ainsi, de la mesure 13 (entrées des seconds violons) à la mesure 21 (début de l’épisode), on compte huit mesures. Si l’on divise ce groupe de huit mesures en deux sous-groupes de cinq et trois mesures (rapport de Fibonacci de 5 : 3), on obtient l’entrée des contrebasses à la mesure 18. De même, si l’on considère le passage de la mesure 13 à la mesure 34, on compte vingt et une mesures, qui, une fois subdivisées à leur tour en deux autres sous-groupes de quatorze et sept mesures (rapport de Fibonacci de 2 : 1) nous donnent l’entrée des premiers violons à la mesure 27.
Conclusion :
La musique de Béla Bartok est un art qui allie beauté et équilibre. En plus de cette étude sur les entrés des différents instruments, il faut savoir que les structures de sons, par exemple, répondent elles aussi aux préoccupations du compositeur vis-à-vis de la nature. En ce sens, les intervalles mélodiques et harmoniques de la Musique pour cordes, percussion et célesta sont eux-mêmes choisis à partir des nombres de Fibonacci. Ces quelques exemples démontre le souci du compositeur pour concevoir chaque œuvre comme un ensemble harmonieux qui soit régi par une seule loi universelle. Ce souci d’équilibre en fait un compositeur bien de son temps, à une époque où la science cherchait désespérément à expliquer l’univers en un principe « unique, simple et beau », pour citer Einstein. Les scientifiques n’y sont pas encore parvenus, mais Bartók, par sa musique, a pu au moins nous en donner une illustration saisissante.