L'unité de l'humanité
Le second principe bahá'í fondamental est l'unité de l'humanité. Ceci signifie que la race humaine dans son ensemble est une espèce unifiée, distincte, une unité organique. Cette race humaine, qui est une, est l'apogée de la création, la forme de vie et de conscience la plus noble que Dieu ait créée; car, parmi les créatures de Dieu, seuls les êtres humains ont la capacité d'être conscients de l'existence de Dieu et de communiquer avec son esprit :
" Ayant créé le monde et tout ce qui y vit et qui s'y meut, Il [Dieu] a voulu conférer à l'homme, par l'opération directe de sa volonté libre et souveraine, le privilège et la capacité uniques de le connaître et de l'aimer - une capacité qui doit être considérée comme la raison d'être et la fin principale de toute la création... Seul entre toutes choses créées, l'homme a été choisi comme objet d'une si grande faveur et permanente bonté. "
[Nota: Extraits des Ecrits de Bahá'u'lláh, éd. 1990, pp. 44-45.]
L'unité de l'humanité implique aussi que tous les peuples ont les mêmes capacités de base octroyées par Dieu. Les différences physiques telles que la couleur de la peau ou la texture des cheveux ne sont que superficielles et n'ont rien à voir avec une quelconque supériorité supposée d'un groupe ethnique sur un autre. Toutes les théories de supériorité raciale sont rejetées par les enseignements bahá'ís parce que fondées sur une imagination erronée et sur l'ignorance.
[Nota: Selon les préceptes bahá'ís, les apparentes différences qui existent entre groupes ethniques au niveau de certaines réalisations culturelles sont imputables aux différences à long terme existant entre les possibilités tant éducatives que culturelles, ainsi qu'aux effets cumulés de l'oppression et des préjugés de race.]
Les bahá'ís pensent que l'humanité a toujours constitué une seule espèce, mais que les préjugés, l'ignorance, la quête du pouvoir et l'égoïsme ont empêché nombre de gens et de peuples de reconnaître ou d'accepter cette unité. La mission essentielle de Bahá'u'lláh fut de changer cet état de choses et d'instaurer la conscience universelle de l'unité de l'humanité. Les bahá'ís pensent que l'unité organique qu'est l'humanité a subi un processus de croissance collective sous la paternité de Dieu. De même qu'un organisme simple atteint sa maturité après des étapes successives de développement, de même l'humanité évolue progressivement vers sa maturité collective.
L'expression première de l'évolution sociale de l'homme est sa capacité à organiser sa société à des niveaux de plus en plus élevés d'unité, avec une spécialisation de plus en plus grande de ses composants individuels, et conséquemment, un accroissement de l'interdépendance et du besoin de coopération des parties spécialisées. La famille, la tribu, la cité, la nation représentent quelques-unes des étapes témoins de l'évolution sociale. L'étape suivante de ce processus de croissance collective, et qui représente le point culminant de l'évolution humaine, est l'unité du monde : l'organisation de la société en une civilisation planétaire.
Shoghi Effendi parlait ainsi de cet enseignement bahá'í :
" Le principe de l'unité de l'humanité - pivot autour duquel gravitent tous les enseignements de Bahá'u'lláh - n'est pas le simple élan d'une sentimentalité ignorante ou l'expression d'un espoir vague et pieux... Son message ne vaut pas seulement pour l'individu, il vise avant tout la nature des rapports essentiels qui doivent lier tous les États et toutes les nations comme les membres d'une même famille humaine... Il suppose un changement organique dans la structure de la société contemporaine, un changement tel que le monde n'en a jamais connu... Il n'implique rien de moins que la reconstruction et la démilitarisation du monde civilisé tout entier... Il représentera le couronnement de l'évolution humaine - une évolution dont les prémices ont été la naissance de la vie familiale, dont le développement suivant fut la réalisation de la solidarité tribale, celle-ci conduisant à son tour à la constitution de la Cité-État, qui s'est élargie plus tard dans l'institution de nations souveraines et indépendantes.
Le principe de l'unité de l'humanité, tel que l'a proclamé Bahá'u'lláh, apporte avec lui ni plus ni moins que l'affirmation solennelle selon laquelle, dans cette prodigieuse évolution, l'accession à ce stade final est non seulement nécessaire mais inéluctable, que sa réalisation approche à grands pas, et que rien si ce n'est un pouvoir né de Dieu ne peut réussir à l'établir. "
[Nota: Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Baha'u'llah, pp. 37 à 39.]
Ainsi, le principe de l'unité de l'humanité implique non seulement une nouvelle conscience individuelle, mais aussi l'établissement de l'unité des nations, d'un gouvernement mondial et enfin d'une civilisation planétaire. Aussi ne suffit-il pas que l'humanité reconnaisse son unité tout en continuant à vivre dans un monde désuni, envahi de conflits, de préjugés et de haine. Nous devons exprimer cette unité en construisant un système social profondément universel et uni, basé sur des principes spirituels. La réalisation d'un tel système représente le but divin de l'évolution sociale humaine :
" ... l'objectif de la vie d'un bahá'í est de promouvoir l'unité de l'humanité. La finalité de nos vies est liée à la vie de tous les êtres humains; nous recherchons non pas un salut personnel, mais un salut universel... Notre but est de produire une civilisation mondiale qui, à son tour, agira sur le caractère de l'individu. C'est, dans un certain sens, l'inverse du christianisme qui commence d'abord par l'individu pour agir ensuite, par son intermédiaire, sur la vie collective de l'homme. "
[Nota: Shoghi Effendi, extrait de The Concept of Spirituality, de William Hatcher, p. 29.]
Ainsi, du point de vue bahá'í, le but fondamental et spirituel de la société est de créer un milieu favorable au développement et à la croissance saine de tous ses membres.
Bahá'u'lláh a proposé des moyens détaillés pour établir l'unité mondiale, moyens développés dans les chapitres suivants du présent ouvrage. D'une manière générale, ce qu'il proposait était la création de nouvelles structures sociales basées sur la participation et la consultation. Ces nouvelles structures serviraient avant tout à éliminer les conflits d'intérêt et à réduire ainsi les possibilités de désunion à tous les niveaux de la société. Les nouvelles structures envisagées comprennent un certain nombre de puissants organes internationaux rattachés à un gouvernement mondial : une législature mondiale à la représentation et à l'autorité réelles, une cour internationale dont la juridiction serait souveraine dans tout conflit entre nations, et une force de police internationale.
Il ajouta que la création de ces nouvelles structures sociales devait être accompagnée d'une prise de conscience individuelle et collective de l'unité fondamentale de l'humanité :
" Vous êtes les fruits d'un même arbre, les feuilles d'une même branche. Que vos relations avec vos semblables soient toujours empreintes d'amour et d'harmonie, de l'esprit le plus amical et le plus fraternel... Si puissante est la lumière de l'unité, qu'elle peut illuminer la terre entière. "
[Nota: Extraits des Ecrits de Bahá'u'lláh, éd. 1990, p. 190.]
Et, dans un autre passage :
" Ce n'est point celui qui aime son propre pays qui peut se glorifier, mais plutôt celui qui aime le monde tout entier. La terre est un seul pays, et tous les hommes en sont les citoyens. "
[Nota: Extraits des Ecrits de Bahá'u'lláh, éd. 1990, p. 164.]
L'unité, selon la conception bahá'íe, est une unité dans la diversité plutôt que dans l'uniformité. Ce n'est pas en supprimant les différences que nous arriverons à l'unité, mais plutôt par une conscience accrue et par le respect de la valeur intrinsèque de chaque culture séparément, et partant, de chaque individu. Ce n'est pas la diversité en elle-même qui est considérée comme la cause du conflit, mais davantage notre attitude immature à l'égard de cette dernière, notre intolérance et nos préjugés. 'Abdu'l-Bahá exprima son point de vue dans le passage suivant :
" Que quelqu'un prétende que l'unité véritable et durable ne peut en aucun cas être réalisée dans ce monde parce que les peuples diffèrent profondément dans leurs coutumes, leurs habitudes, leurs goûts, leur tempérament, leur caractère, leurs pensées et leurs vues, et nous lui répondrions que les différences sont de deux sortes : l'une est cause de destruction, comme le démontre l'esprit de rivalité et de lutte qui anime les peuples et nations antagonistes ou en conflit, tandis que l'autre est le signe de la diversité, le symbole et le secret de la perfection, la révélatrice des bontés du Très-Glorieux.
Vois les fleurs d'un jardin; bien que différentes en raison de leur espèce, leurs formes et leurs couleurs, elles sont cependant rafraîchies par les ondées d'un même printemps, ravivées par les brises d'un même vent, revigorées par les rayons d'un même soleil, et leur diversité ajoute à leur charme et accroît leur beauté. Combien serait morne pour l'oeil un jardin où toutes les fleurs, plantes, feuilles, fruits, branches et arbres auraient la même forme et la même couleur ! La diversité des tons, des formes et des dimensions fait la richesse et la beauté du jardin dont ils rehaussent l'effet. De même, lorsque plusieurs modes de pensées, de tempéraments et de caractères seront réunis sous le pouvoir et l'influence d'un agent unique, la gloire et la beauté de la perfection humaine seront révélées et rendues manifestes. Seule la puissance céleste de la parole divine qui gouverne et transcende la réalité des choses est capable d'harmoniser les divergences de pensées, de sentiments, d'idées et de convictions des enfants des hommes. "
[Nota: 'Abdu'l-Bahá cited in Bahá'u'lláh and 'Abdu'l-Bahá , L'art divin de vivre: Selections from Writings of Bahá'u'lláh and 'Abdu'l-Bahá , pp. 109-110.]
L'établissement de l'unité mondiale et d'une civilisation planétaire représentant l'apogée du développement de l'humanité sur cette planète, représentent l'entrée de l'humanité dans l'âge de sa majorité, celui de la maturité de la race humaine. Shoghi Effendi exprima ainsi cette idée :
" La révélation de Bahá'u'lláh, dont la mission suprême n'est autre que la réalisation de cette unité organique et spirituelle de l'ensemble de toutes les nations, devrait être considérées, si nous sommes fidèles à ses implications, comme marquant par son avènement " l'entrée dans l'âge adulte de la race humaine tout entière ". Elle doit être considérée ... comme le signe de l'entrée dans la phase dernière et suprême de l'évolution prodigieuse de la vie collective de l'homme sur cette planète. L'émergence d'une communauté mondiale, la prise de conscience d'une citoyenneté mondiale, l'établissement d'une culture et d'une civilisation mondiale ... devraient être considérés, par leur nature même, en ce qui concerne cette vie terrestre, comme les plus lointaines limites qui puissent être atteintes dans l'organisation de la société humaine, bien que en tant qu'individu, l'homme, en conséquence même d'un tel achèvement poursuivra indéfiniment sa progression et son développement. "
[Nota: Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Baha'u'llah, p. 152.]
Les différentes étapes du développement de l'humanité sont considérées comme semblables aux étapes de la vie d'un individu. L'étape actuelle est considérée comme celle de son adolescence, qui précède immédiatement sa pleine maturité :
" Les longs siècles de premières et de seconde enfance par lesquelles a dû passer la race humaine s'estompent dans le passé. L'humanité fait maintenant l'expérience des troubles invariablement associés au stade le plus tumultueux de son évolution, le stade de l'adolescence, quand l'impétuosité de la jeunesse et sa véhémence atteignent leur point culminant, avant de faire progressivement place au calme, à la sagesse et à la maturité qui caractérisent le stade de l'âge adulte. Alors, la race humaine atteindra cette stature, cette maturité qui la rendra capable d'acquérir tous les pouvoirs et toutes les capacités dont doit dépendre son développement ultime. "
[Nota: Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Baha'u'llah, p. 196.]
Faisant référence à l'âge de la pleine maturité de l'humanité, Shoghi Effendi dit :
" Cette transformation mystique, qui touche tout et reste indéfinissable, que nous associons au stade de maturité en tant que moment inévitable dans la vie de l'individu ... doit ... avoir sa contrepartie dans l'évolution de l'organisation de la société humaine. Un stade semblable doit, tôt ou tard, être atteint dans la vie collective de l'humanité, engendrant un phénomène plus frappant encore dans les relations mondiales et dotant la race humaine tout entière de potentialités de bien-être telles, qu'elles fourniront, à travers la succession des âges, le principal stimulant nécessaire à l'accomplissement final de ses hautes destinées. "
[Nota: Shoghi Effendi, L'Ordre mondial de Baha'u'llah, p. 152.]
Il est évident que l'histoire de l'humanité que nous pouvons étudier est l'histoire du premier âge de l'homme, de son enfance et de son adolescence. Par conséquent, affirme Bahá'u'lláh, nous avons tendance à sous-estimer les véritables capacités de la race humaine. Mais ces capacités latentes deviendront évidentes lorsque l'humanité atteindra sa maturité :
" En vérité, je vous le dis, dans cette très puissante révélation, toutes les dispensations du passé ont atteint leur plus haut ... achèvement... Les potentialités inhérentes à la condition de l'homme, la pleine mesure de sa destinée sur terre, l'excellence innée de sa réalité, tout cela doit être manifesté en ce jour promis de Dieu. "
[Nota: Extraits des Ecrits de Bahá'u'lláh, pp. 223-224.]
En résumé, le principe bahá'í de l'unité de l'humanité signifie que la race humaine représente une unité organique dont la vie sociale collective s'est progressivement développée parce que réorganisée sur des niveaux d'unité toujours plus élevés (la famille, la tribu, la Cité-État, la nation). La mission spécifique de Bahá'u'lláh était de lui fournir l'élan nécessaire à l'étape suivante de cette évolution sociale, à savoir l'organisation de la société humaine en une civilisation planétaire. De plus, en réalisant son unification, l'humanité parvient, dans sa vie de collectivité, à sa maturité ou état adulte.
La communauté bahá'íe est considérée comme l'embryon et l'archétype de la future civilisation mondiale. Elle permet également à l'individu de commencer à vivre l'expérience de l'unité et de développer cette nouvelle conscience. Ce thème sera traité plus amplement dans un prochain chapitre.