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La Tour de Babel :: l'origine de l'empire mondial des religions

    Cœur de la Théosophie

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    Message  Arlitto Jeu 19 Nov 2020 - 17:27

    Cœur de la Théosophie

    Qu’est-ce que l’âme ?

    Une définition précise de l’âme est difficile, et elle variera selon les auteurs. Par exemples : pour Pascal « Nous sommes composés de deux natures opposées […] âme et corps », pour Victor Hugo « Le corps humain cache la réalité de l’âme » (extraits du dictionnaire Le Robert), pour C.-G. Jung : « L'âme, reflet du monde et de l'homme, est d'une telle diversité, d'une telle complexité qu'on peut la considérer et la juger sous des angles infiniment variés ».

    Le mot âme provient du latin anima, qui est le « souffle », le principe de vie. De manière courante l’âme représente l’ensemble des facultés intellectuelles et morales de l’homme. Pour certains l’âme est notre principe spirituel dont l’immortalité est sujette au jugement divin.

    En Théosophie, l’âme dans l’homme et la nature est la manifestation du grand pouvoir de Conscience et de Vie qui anime l’univers visible et invisible.

    Dans La Clef de la Théosophie (p. 137) il est précisé : « En prenant l'Âme comme un terme générique, il existe dans l'homme trois aspects de l'Âme : l'Âme terrestre ou animale, l'Âme Humaine, et l'Âme Spirituelle ; elles ne sont à proprement parler qu'une seule Âme sous ses trois aspects. Or, du premier rien ne subsiste après la mort ; quant au second (noûs, ou Manas), seule survit son essence divine, si elle n'a pas été souillée ; et pour ce qui est du troisième — en dehors du fait qu'il est immortel — il devient consciemment divin en s'assimilant le Manas supérieur. »

    Dans L’Océan de Théosophie (pp. 30/1) W.Q. Judge souligne l’importance d’admettre la constitution interne de l’homme : « La grande majorité des hommes disent qu'ils possèdent une âme et un corps et s'en tiennent là, sans chercher à savoir ce qu'est l'âme, si elle est l'être réel, ou si elle a des pouvoirs qui lui sont propres, les prédicateurs se bornant habituellement à parler de son salut ou de sa damnation.

    Ainsi, à force d'en parler comme d'une chose différente de lui-même, l'homme a fini par se convaincre qu'il n'est pas une âme puisqu'il peut perdre cette âme.

    De là est née une tendance au matérialisme qui pousse les hommes à attacher plus d'importance au corps qu'à l'âme. […] Lorsque le véritable enseignement sera connu on comprendra que le soin de l'âme, qui est le Soi, est une question vitale exigeant une attention quotidienne qui ne peut être ajournée sans causer un préjudice sérieux à l'homme tout entier, corps et âme. L'enseignement chrétien [...] enseigne que l'homme est composé du corps, de l'âme et de l'esprit. [...] Si nous plaçons ainsi l'âme entre l'esprit et le corps, nous sommes très près de devoir examiner la question de la responsabilité de l'âme, le corps seul ne pouvant pas en avoir, et afin de rendre l'âme responsable des actions commises, nous devons admettre qu'elle possède des pouvoirs et des fonctions. À partir de cela, il est facile d'avancer que l'âme peut être rationnelle ou irrationnelle, ainsi que le pensaient parfois les Grecs, et de là il n'y a plus qu'un pas pour arriver à d'autres propositions théosophiques. Cette division triple de la nature de l'homme contient, en fait, l'enseignement théosophique de la constitution septuple de l'être humain, car les quatre autres constituants qui manquent se trouvent dans les pouvoirs et les fonctions du corps et de l'âme […]. Il y a longtemps, on était convaincu que l'homme était un septénaire et non simplement une dualité ».

    Âme humaine individuelle et l’Âme collective

    Ainsi, le terme « âme » peut désigner aussi bien la partie psychique de la personnalité terrestre, que l'Ego qui se réincarne, voire même l'Âme collective universelle, l’âme de l’humanité, l’âme d’un groupe particulier, etc…

    Enfin, « La Doctrine Secrète enseigne l'identité fondamentale de toutes les Âmes avec la Sur-Âme Universelle, cette dernière étant elle-même un aspect de la Racine Inconnue : et le pèlerinage obligatoire pour toute Âme — étincelle de cette Sur-Âme Universelle — tout au long du Cycle de l'Incarnation (ou de "Nécessité") conformément à la loi Cyclique et Karmique, pendant la période tout entière [le temps d’un univers]. […] La doctrine pivotale de la philosophie Ésotérique n'admet aucun privilège ni don spécial pour l'homme, sauf ceux gagnés par son propre Ego du fait de son effort et de son mérite personnels au cours d'une longue série de métempsychoses et de réincarnations. » - H.P. Blavatsky, « Troisième proposition fondamentale ».

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    Message  Arlitto Jeu 19 Nov 2020 - 17:28

    Le langage de l’Âme

    « Par sa nature complexe, l’âme peut descendre et s’allier si intimement à la nature matérielle au point d’empêcher une vie supérieure d'exercer une influence morale. D’un autre côté, elle peut s’unir si intimement au nous, ou l’esprit, pour en partager sa puissance, que dans ce cas, son véhicule, l’homme physique, apparaîtra comme un Dieu, même durant sa vie terrestre. À moins que l’union de l’âme et de l’esprit ne se produise, soit dans cette vie, soit après la mort physique, l’homme individuel n’est pas une entité immortelle. La psyché [l’âme inférieure animale et passionnelle] est tôt ou tard annihilée. » - H.P. Blavatsky, extrait traduit de l’article “Views on Theosophists”.

    Les multiples voies d’expression de l’âme

    « L'âme libre a affaire avec des essences et des pouvoirs qui sont tous impersonnels ; les conflits de la sphère matérielle sont laissés en arrière. » – W.Q. Judge, Les Lettres qui m’ont aidé, p. 27.

    « Si vous connaissiez l'Âme, vous pourriez répondre vous-même à toutes [vos] questions, car toute connaissance réside là. Dans l'âme se trouvent également chaque créature et chaque pensée. » – W.Q. Judge, Les Lettres qui m’ont aidé, p. 27
    « Y a-t-il des moyens de communication entre les plans spirituel et humain de conscience ou de mémoire ? Il y en a, naturellement [...]. À quoi attribuez-vous l'intuition, la « voix de la conscience », les prémonitions, les réminiscences vagues et imprécises, etc., etc., sinon à de telles communications ? » - H.P. Blavatsky, La Clef de la Théosophie, p. 152.


    Les idées innées

    Les idées innées sont communes à l’humanité, elles touchent tous les grands idéaux de beauté, de justice, d’harmonie, de vérité, de bien et sont gravées dans l’âme profonde de chacun.
    « Les sages expliquent que le fait que certaines idées soient communes à l’humanité entière est dû à la réminiscence de ces idées qui furent implantées dans le mental humain tout au début de sa carrière évolutive sur cette planète par les frères et les sages qui avaient appris leurs leçons et atteint leur perfection dans des âges antérieurs, bien avant que ne commençât le développement de ce globe. La science ne nous offre aucune explication pour ces idées inhérentes, elle se contente de dire qu’“elles existent”. En fait, elles furent enseignées à la masse des Egos engagés dans l'évolution de cette terre ; elles furent gravées, marquées en caractères de feu dans leur nature et reviennent toujours à la mémoire ; elles suivent l'Ego à travers le long pèlerinage. » - W.Q. Judge, L’Océan de Théosophie, p. 92.

    « Les idées qui furent alors implantées, [lors de l'éveil de l’humanité à l’intelligence réfléchie par des êtres hautement spirituels], subsistent encore aujourd'hui sous forme d'idées inhérentes. Il s'ensuit qu'il n'y a nulle raison d'être fier de ses idées, comme le sont tant d'entre nous : elles n'ont rien d'original ; nous n'aurions jamais pu les développer par nous-mêmes sans y avoir été aidés ; et si la grande sagesse de ces esprits planétaires n'avait pas été à l'origine des choses, nous irions maintenant à la dérive sans nul espoir. » - W.Q. Judge, Notes sur la Bhagavad-Gîtâ, p. 117/8.

    L’intuition et l'omniscience

    L’intuition on l’instinct de l’âme : « Chacun de nous possède la faculté, le sens intérieur, connu sous le nom d'intuition ; mais combien rares sont ceux qui savent le développer ! C'est cependant le seul qui puisse faire voir les hommes et les choses sous leurs vraies couleurs. C'est un instinct de l'âme qui croit en nous, en proportion de l'usage que nous en faisons, et qui nous aide à apercevoir et à comprendre tout fait réel et absolu avec plus de clarté que ne le ferait le simple exercice de nos sens et de notre raisonnement. Ce qu'on appelle le bon sens et la logique ne nous permet de voir que l'apparence des choses, ce qui est évident pour tous. L'instinct dont je parle étant comme une projection de notre conscience perceptive, projection qui s'opère du subjectif à l'objectif, et non vice versa, éveille en nous les sens spirituels et les forces à agir ; ces sens assimilent l'essence de l'objet ou de l'action que nous examinons, nous les représentent tels qu'ils sont, et non tels qu'ils paraissent à nos sens physiques ou à notre froide raison. « Nous commençons par l'instinct, nous finissons par l'omniscience », dit le professeur A. Wilder, notre plus vieux collègue. Jamblique a décrit cette faculté, et certains théosophes ont pu apprécier toute la vérité de sa description. […] L'INFINI ne peut être connu de notre raison, qui ne fait que distinguer et définir ; — mais nous pouvons toujours en concevoir l'idée abstraite grâce à cette faculté supérieure à la raison, — l'intuition ou l'instinct spirituel dont je viens de parler. Les grands initiés ayant la rare faculté de se mettre dans l'état de Samadhi, — que nous ne pouvons traduire qu'imparfaitement par le terme extase, un état où l'on cesse d'être le « moi » conditionné et personnel, pour devenir un avec le TOUT, — sont les seuls qui peuvent se vanter d'avoir été en contact avec l'infini. » - H.P. Blavatsky, article « Le phare de l’inconnu »

    L’intuition n’est pas l'imagination : Il convient d’apprendre à distinguer cette voix intuitive du bavardage inconsistant de l'imagination fantaisiste, du désir ou de l'orgueil. « La connaissance intuitive doit être soumise à l'épreuve de l'expérience [et de la raison supérieure] » - La Lumière sur le Sentier, p. 148.
    Comment savoir si une information reçue est vraie ? W.Q. Judge : « L’intuition doit être développée et la matière jugée sur une base philosophique vraie, car si elle est contraire aux vrais règles générales, c’est qu’elle est fausse. Elle doit être analysée profondément et attentivement pour déterminer ce qui provient de l’égotisme et ce qui ne l’est pas. Si elle est due à l’égotisme, elle n’est pas de l’Esprit et est fausse. »

    Comment développer l’intuition ? « Il faut en premier l’exercer, et en second ne pas l’utiliser à des fins purement égoïstes. L’exercer signifie qu’elle doit être suivie à travers erreurs et souffrances jusqu’à ce que par ces tentatives sincères elle atteigne sa pleine force. Ceci ne signifie pas que nous puissions faire des erreurs sans nous soucier des résultats, mais qu’après avoir établi la conscience sur une base correcte, en suivant la règle d’or, nous laissions l’intuition s’exprimer et lui donnions toute sa force. Inévitablement au début nous commettrons des erreurs, mais rapidement, si nous sommes sincères, elle deviendra plus brillante et sans erreur. » - W.Q. Judge, traduit de l’article “The Power to Know”.
    L’intuition positive : Les textes spirituels sont écrits en langage chiffré qui vise à développer les instruments intérieurs : « Tant que n'a pas été fait le premier pas dans le sens de ce développement, le jaillissement de connaissance, qu'on appelle l'intuition pleine de certitude, est impossible à l'homme. Et cette intuition positive et sûre est la seule forme de connaissance qui permette à l'individu d'œuvrer d'une manière rapide, ou d'atteindre à son vrai rang à un niveau élevé, dans les limites de son effort conscient. […] La connaissance intuitive ne s'acquiert d'aucune façon, mais elle est, pour ainsi dire, une faculté de l'âme ; non de l'âme animale (cet aspect de l'homme qui devient fantôme après la mort, lorsque la sensualité, l'affection, ou le souvenir des mauvaises actions le retient dans le voisinage des êtres humains) mais de l'âme divine qui anime toutes les formes extérieures de l'être individualisé. » - La Lumière sur le Sentier, pp. 54/5, 79/80.

    L'omniscience du Yogi (ou Sage) accompli : Patanjal décrit l'état de méditation abstraite qui peut être atteint par une profonde dévotion envers l'Esprit Suprême, considéré dans sa manifestation compréhensible comme Ishwara. En Ishwara devient infinie l'omniscience qui dans l'homme n'existe qu'en germe. (Aphorismes 23 et 25 du Livre I)

    La Voix de la conscience

    « On peut dire que la voix de la conscience est le Mental (Manas) guidé par l’Âme spirituelle (Buddhi), mais en même temps l’Esprit (Atman) doit aussi être concerné, sans quoi il n’y aurait pas de vraie base spirituelle et pas de vraie certitude ni de justice dans l’influence mouvante de la conscience. Appelez la voix de la conscience la voix du Soi Supérieur et vous serez plus près de la vérité, et certainement moins enclin à tomber dans une conception purement intellectuelle du Son Insonore [AUM ou OM] qui est très difficile à entendre. » – W.Q. Judge, traduit du Forum Answers, p. 108.

    La mémoire de l’âme – Les réminiscences

    « La réminiscence, n'est pas une faculté, ou un attribut, de notre mémoire physique, mais une perception intuitive qui est indépendante de notre cerveau physique et extérieure à lui. Or, cette perception (stimulée par la connaissance toujours présente de notre Ego spirituel) inclut toutes les visions de l'homme qui sont considérées comme anormales, depuis les images suggérées par le génie, jusqu'aux divagations de la fièvre et même de la folie, [...] Nous appelons réminiscence la mémoire de l'âme. Et c'est cette mémoire qui donne à presque tout être humain la certitude, qu'il se l'explique ou non, d'avoir vécu antérieurement et de devoir vivre à nouveau. » - H.P. Blavatsky, La Clef de la Théosophie, pp. 140/1.
    « La masse entière des détails d'une vie est conservée dans l'homme intérieur, pour être un jour intégralement rendue à la mémoire consciente, dans quelque autre vie, quand nous aurons atteint un état parfait. […] En vivant selon les impératifs de l'âme on peut finalement rendre le cerveau perméable aux souvenirs de l'âme ; en menant une vie opposée à ces impératifs, cette réminiscence sera de plus en plus obscurcie. » - W.Q. Judge, L’Océan de Théosophie, pp. 80/1.

    « La mémoire physique est à la réminiscence ce que les éléments d'un mélange sont à un composé. Dans l'une, nous avons des détails séparés et une suite ordonnée de rapports appartenant au temps. Dans l'autre, nous avons le précipité qui se produit dans l'alambic de la vie, et ce précipité appartient à l'« éternité ». La première est phénoménale ; la seconde nouménale, et sur celle-ci le temps a cessé d'agir, car elle est devenue une partie de nous-mêmes. La mémoire appartient à la personnalité des sens dans le temps. La réminiscence appartient à l'individualité permanente. La mémoire est formée des notes dans le champ de la pensée ; la réminiscence, c'est l'enregistrement permanent dans le domaine de l'intuition, le titre des possessions durables de l'âme (l'Ego). […] La réminiscence a dissout les souvenirs dans l'eau de l'oubli, pour n'en conserver que l'essence, comme mobiles et intuitions, en tant que guide futur » - W.Q. Judge, article « Réincarnation et mémoire ».

    Les rêves et prémonitions

    L’instruction pendant le sommeil : « Pendant le sommeil, l'homme intérieur est en communion avec des intelligences supérieures, et il réussit parfois à imprimer dans le cerveau ce qu'il a acquis — qu'il s'agisse d'une idée élevée ou d'une vision prophétique — ou bien il n'y parvient pas, en raison de la résistance des fibres du cerveau. La signification d'un rêve est aussi déterminée par le karma de la personne, car un roi peut rêver de ce qui concerne son royaume, tandis que le même rêve, fait par un de ses sujets, n'aura aucune portée pratique. Ainsi que l'a dit Job : “Dans les songes et les visions nocturnes, l'homme reçoit l'instruction.” » - W.Q. Judge, L’Océan de Théosophie, p. 152.
    Les rêves prophétiques : « On peut dire que, dans le cas où des personnes ont vraiment des rêves prophétiques, c'est parce que leur cerveau et leur mémoire physiques sont en relation et en sympathie plus étroites avec leur « Ego supérieur » que chez la majorité des gens. Le Soi-Ego a plus de facilités pour imprimer sur la coque physique et sa mémoire ce qui a de l'importance pour ces personnes qu'il n'en a chez des êtres moins bien doués. Souvenez-vous que le seul Dieu avec lequel l'homme vienne en contact est son propre Dieu, appelé Esprit, Âme et Mental (ou Conscience), et ces trois ne font qu'un. […] Les rêves avertisseurs et prémonitoires exigent la coopération active de l'Ego intérieur. Souvent également, ils sont dus à la coopération consciente ou inconsciente du cerveau de deux personnes vivantes, ou de leur Ego» - H.P. Blavatsky, Les rêves et l’éveil intérieur, pp. 45, 49/59.

    Distinguer expérience mystique et médiumnité

    Quelle est la différence entre la pure vision spirituelle [ou noétique] et la vision terrestre et psychique de la médiumnité ? « La première peut s'obtenir dans deux cas : (a) si l'on peut paralyser à volonté la mémoire et l'activité instinctive indépendante de tous les organes matériels et des cellules mêmes du corps de chair, — ce qui devient très facile une fois que la lumière de l'Ego Supérieur a consumé et subjugué définitivement la nature passionnelle de l'Ego personnel inférieur, mais n'est toutefois possible qu'à un adepte ; et (b) si l'être est la réincarnation d'un Ego qui, dans une vie antérieure, est arrivé, grâce à une extrême pureté et à des efforts soutenus, presque à l'état de sainteté du yogi. Il y a une troisième possibilité de s'élever par des visions mystiques au plan du Mental Supérieur ; mais elle est rare et ne dépend pas de la volonté du Voyant, mais de la faiblesse extrême et de l'épuisement du corps matériel par suite de la maladie et de la souffrance. La Voyante de Prévorst en fut un exemple, et Jacob Boëhme illustre notre seconde catégorie. Dans tous les autres cas de vision anormale, de soi-disant clairaudience, clairvoyance ou transe, nous avons tout simplement affaire à la médiumnité. » - H.P. Blavatsky, Raja Yoga ou Occultisme, pp. 102/3.
    La « Voix intérieure » des mystiques : « Les voix extérieures, subjectivement objectives, qu'entendent clairaudiants et mystiques peuvent provenir d'un certain nombre de sources — désirables et (le plus souvent) indésirables, et n'ont pas, d'une façon générale, le poids et l'autorité qui s'attachent à ce qu'on connaît comme la « voix intérieure ». Cette voix ne doit pas être confondue avec les divers produits de l'imagination et les impulsions variées qui viennent en réalité des multiples centres et organes physiques et qui traversent le cerveau d'une façon fugitive. La « voix intérieure » possède un siège plus profond que de tels centres physiologiques : elle surgit du centre du cœur qui appartient à l'homme intérieur ; ses décisions finales sont irrésistibles. » W.Q. Judge, Rêves et éveil intérieur, pp. 121/2.

    Autres expressions de l’âme

    Les pouvoirs de l’âme : « Le moyen de faire du bien avec ces pouvoirs [de l’âme] ne réside jamais en leur exhibition, mais dans l'influence qu'ils peuvent exercer silencieusement sur les autres, et par les indications, suggestions et repères qu'ils peuvent fournir à celui qui les possède s'il les utilise correctement ; de cette manière, ils peuvent devenir utiles, mais certainement pas en parlant d'eux, ni en en faisant étalage de quelque façon ». – W.Q. Judge, Les Lettres qui m’ont aidé, p. 201.
    Les multiples aspects du langage de l’âme : « La vérité de la vie de l'âme ne se cache sous aucun point cardinal spécial ; elle se trouve partout, en tous les points du cercle, et ceux qui ne cherchent que dans une seule direction ne la trouveront pas. » – W.Q. Judge, Les Lettres qui m’ont aidé, p. 108.
    L’imagination : l’imagination supérieure, à ne pas confondre avec la fantaisie, est un des pouvoirs plastiques de l’âme supérieure et est la mémoire d’incarnations passées. (Glossaire Théosophique)

    La lumière divine : « C'est par le canal du mental de l'Âme que nous touchons le rayonnement du Dieu intérieur, et c'est par le contact avec les grands Gurus que nous touchons le rayonnement du Dieu dans la Nature — la Compassion Absolue. » - B.P. Wadia, article « Études dans la Voix du Silence - Le destructeur du réel ».

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    Message  Arlitto Jeu 19 Nov 2020 - 17:28

    La spiritualité véritable

    Approche d’une définition

    « La vertu est une noble offrande au Seigneur. Mais tant qu’elle n’est que droiture corporelle et droiture mentale, elle est insuffisante et n’a rien à voir avec la droiture psychique ou vertu de l’âme. L’Être vrai – telles est la vertu de l’âme ; sa vertu est d’être libre. Le corps et le mental ne participent pas à de telles expériences bien qu’ils puissent ultérieurement les refléter. La spiritualité n’est pas la vertu. Sous un aspect elle est l’impersonnalité. Il est tout aussi possible d’être spirituellement « mauvais » que d’être spirituellement « bon ». Ces attributs ne sont conférés à la spiritualité qu’en raison de l’usage qui en est fait, pour ou contre la grande Loi d’évolution, et celle-ci doit finalement prévaloir, parce qu’elle est la loi de la Déité ‒ une expression de la nature et de l’Être de l’Inconnu – et que cette nature est dirigée vers la manifestation, la réalisation de soi et la réabsorption. Tout ce qui contrecarre cette Loi, en luttant pour une existence séparée, doit à la longue succomber. […]

    « La spiritualité est donc une condition de l’Être qui ne peut être exprimée par le langage. Appelez-la un taux de vibration, bien au-delà de notre compréhension. Son langage est le langage du mouvement, à son premier stade, et sa perfection transcende les mots et même la pensée. » ‒ W.Q. Judge, Les Lettres qui m’ont aidé, pp. 48/9.
    « En réfléchissant sur ces sujets, vous devriez constamment garder en mémoire les trois distinctions très nettes : physique, psychique, et spirituelle ; en vous rappelant toujours que la dernière inclut les deux autres. Tout ce qui est astral est de la nature du psychique, laquelle est en partie matérielle et par conséquent très trompeuse. Mais toutes sont nécessaires car elles sont, elles existent.

    « La Déité est soumise à cette loi ou plutôt, c’est la loi de la Déité. La Déité désire l’expérience ou la soi-connaissance qui ne peut être atteinte qu’en marchant, pour ainsi dire, à l’écart du soi. Ainsi, la Déité produit les univers manifestés, qui consistent en matière, nature psychique et esprit. Dans l’Esprit seul réside la grande conscience du tout ; ainsi va-t-il sans cesse émanent et réabsorbant en lui-même, accumulant des expériences si vastes et si énormes que la plume tombe des mains rien qu’en y pensant. » ‒ W.Q. Judge, Les Lettres qui m’ont aidé, pp. 85/6.

    Les Lois de la vie spirituelle

    La Fraternité universelle : « L’unité et la causalité universelles, la solidarité humaine, la loi de karma et la réincarnation sont les quatre anneaux de la chaîne d’or qui devrait unir l’humanité en une seule famille, en une seule Fraternité universelle. H.P. Blavatsky, La Clef de la Théosophie, p. 247.
    La Réincarnation nous apprend que les hommes sont intérieurement des rayons du Divin venant périodiquement sur terre pour l’expérience et l’émancipation de leur âme. Cependant ils sont perçus extérieurement comme des personnalités (persona = masque, en latin) jouant le rôle de Monsieur X ou de Madame Y avec des responsabilités et des fonctions dans la société humaine.
    La loi de Karma nous accompagne et nous oriente précisément en ajustant les effets aux causes que nous semons par nos paroles, nos sentiments, nos actions, et même et surtout nos pensées. « Ô toi au cœur patient, prends donc tout ce que le mérite a en réserve pour toi. Ne perds pas courage et contente toi du destin. Tel est ton Karma, le Karma du cycle de tes naissances, la destinée de ceux qui, dans leur douleur et leur affliction, sont nés en même temps que toi, se réjouissent et pleurent de vie en vie, enchaînés à tes actions précédentes ». La Voix du Silence, p. 52.

    La loi d’évolution et de solidarité : « Nul n'a jamais été converti à la Théosophie. Si un homme y entre réellement c'est qu'elle est pour lui simplement « une extension de croyances antérieures ». Cela vous montrera la réalité de karma. Car aucune des idées que nous recevons n'est autre chose qu'une extension d'idées antérieures. En d'autres termes, elles sont causes et effets dans une succession sans fin : chacune engendre la suivante et y demeure de façon inhérente. Ainsi, nous sommes tous différents, et certains ont des similitudes entre eux. Mes idées d'aujourd'hui, et les vôtres, sont teintées par celles de notre jeunesse, et ainsi nous poursuivrons sans cesse la ligne inévitable que nous avons tracée dès le début. Bien sûr nous changeons toujours un peu, mais jamais avant que nos vieilles idées aient reçu une extension à d'autres idées. Les fausses idées que l'on écarte de temps en temps ne doivent pas entrer en ligne de compte ; elles jettent pourtant une ombre çà et là. Mais, par l'effet de la Fraternité, nous recevons la connaissance des autres et nous l'examinons jusqu'au point où (si elle nous agrée) elle devient nôtre. Pour ce qui est de vos conclusions personnelles, faites toujours usage de votre discernement. N'adoptez aucun point de vue définitif simplement pour l'entendre énoncé par une personne en qui vous avez confiance : retenez seulement les conclusions qui s'accordent avec votre intuition. Être illusionné, même inconsciemment, par l'influence d'un autre c'est avoir une foi manquant d'authenticité. » ‒ W.Q. Judge, Les Lettres qui m’ont aidé, p. 31.

    Coopérer avec la nature : La Voix du Silence nous rappelle : « Vivre au bénéfice du genre humain est le premier pas. Pratiquer les six vertus glorieuses est le second » ‒ « Aide la Nature et travaille avec elle ; et la Nature te considérera comme l’un de ses créateurs et fera sa soumission. Et devant toi elle ouvrira tout grands les portails de ses chambres secrètes et mettra à nu sous tes yeux les trésors cachés dans les profondeurs de son sein pur et vierge. […] Alors Elle te montrera les moyens et le voie, la première porte et la seconde, la troisième et jusqu’à la septième ; et puis le but – au-delà duquel se trouvent, baignées dans la lumière solaire de l’Esprit, des gloires ineffables, et invisibles, sauf à l’œil de l’Ame.» ‒ pp. 50, 29/30.
    La loi d’harmonie : Les Cinq Messages aux Théosophes américains nous précise, « L’essence de la Théosophie consiste dans l’harmonisation parfaite du divin et de l’humain dans l’homme dans l’adaptation de ses qualités et de ses aspirations divines et dans leur triomphe sur ses passions animales et terrestres. La bonté, l’absence de tout mauvais sentiment et de tout égoïsme, la charité, la bonne volonté envers tous les êtres, et la justice parfaite envers les autres comme envers soi-même sont ses caractéristiques capitales. Celui qui enseigne la Théosophie prêche l’évangile de la bonne volonté ; et l’inverse est vrai aussi : qui prêche l’évangile de la bonne volonté, enseigne la Théosophie. » ‒ p. 18.

    Les vertus divines

    Pratiquement, si nous voulons appliquer les principes de la Bhagavad Gita, il faut accomplir chaque tâche qui se présente en abandonnant toute intention quant aux résultats, sans en attendre un bénéfice personnel. En dédiant chaque action en offrande au bien de tous les êtres, nous allégeons les liens du Karma. Elle énumère dans son chapitre 16 (v. 1 à 3), les idéaux d’une vraie vie spirituelle : « Écoute, quels sont les signes de celui dont les vertus sont de qualité divine : l’intrépidité, la sincérité, l’assiduité dans la consécration, la générosité, la maîtrise de soi, la piété et les aumônes, l’étude, l’austérité et la droiture ; la non-violence, le respect de la vérité et l’absence de colère, la résignation, l’égalité d’âme et le silence sur les défauts d’autrui, la compassion universelle, la modestie et la douceur ; la patience, la puissance, la force d’âme et la pureté, la discrétion, la dignité, le pardon des offenses et l’absence d’orgueil. »

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    Message  Arlitto Jeu 19 Nov 2020 - 17:28

    "Les Vérités Éternelles", Qu’est-ce qui survit après la mort ?

    Jour après jour, et sans cesse, nous sommes confrontés au fait que nous sommes tous sujets à la mort. Quelle que soit notre vie, qu’elle se solde pour nous par l'échec, ou le plus grand succès possible aux yeux du monde, elle se termine par la mort. Aussi sûrement que nous avons connu la naissance, il y aura aussi pour nous la mort. Chacun sait que, tôt ou tard, la mort sera son lot ; mais que sait-il de l' "après mort" ? Qu’est-ce qui survit, le cas échéant ? Les religions que nous avons pratiquées ne nous donnent aucune sorte d'indication sur cette question essentielle ; la science matérialiste ne nous propose aucune solution ; ainsi, nous n'avons rien reçu de la religion ni de la science, pour nous soutenir lorsque le grand conquérant de tous les corps humains nous apparaîtra. Y a-t-il le moindre espoir au monde que ce que nous faisons se révèle de quelque valeur après la mort ? Que nous puissions ou non répondre à cette question avant que la mort nous trouve, nous serons quand même confrontés à elle. Le moment viendra.

    S’il existe une solution quelconque aux problèmes posés par la mort, il faudrait pouvoir la saisir pendant la vie, si elle doit avoir une valeur quelconque pour nous, êtres humains. Il faut que ce soit une solution raisonnable, suffisamment évidente pour nous, tels que nous vivons actuellement, si nous devons être convaincus qu'elle est correcte. Il nous faut comprendre clairement le sens des faits de la vie, avant de pouvoir accepter une explication quelconque de ce qui doit se produire après la mort. Si nous comprenons la signification de la naissance, le pourquoi de notre présence active ici-bas, dans des corps, le pourquoi de toute la vie manifestée, alors nous pourrons répondre à nos questions, et savoir pourquoi nous passons si peu d'années dans une existence physique donnée, savoir où sont maintenant nos amis, nos parents, nos grands-parents qui vécurent comme nous mais sont maintenant décédés ; savoir de même si la vie a cessé pour eux et, par suite, si elle doit jamais cesser pour nous.

    Dans la vie de l’homme, il y a une constatation qui devrait guider notre réflexion : le fait de la loi qui régit tout ce que nous faisons. N’est-ce pas notre connaissance, notre perception de la loi, qui nous permet de commander aux éléments naturels ? Nous maîtrisons les divers éléments et substances par la compréhension de la loi qui les fait agir. Nous savons que la loi de l’action et de la réaction prévaut dans la nature et nous constatons partout cette loi de causalité. Mais ignorons-nous que cette loi régit également notre être même ? Nous savons que le corps obéit à une loi pour se développer de la conception à la naissance, puis de la naissance à la maturité, à laquelle fait suite un déclin progressif. De même que, pour l’homme, existe un cycle de naissance, de jeunesse, de maturité, de déclin et de mort, de même il y a dans la nature toute une succession d’événements qui s'imposent à nous comme une loi universelle. Le matin, le midi et le soir sont suivis d’un nouveau matin ; au printemps, à l’été, à l’automne et à l’hiver fait suite un nouveau printemps. Nous devrions donc être capables de nous rendre compte que, comme dans la nature, notre présente naissance a dû venir dans l'ordre normal, à la suite d'une mort précédente, et qu'ainsi nous devrons revenir, encore et encore, faire un séjour sur terre, tout comme nous revenons régulièrement à la vie de veille après chaque nuit. Nous avons dû passer par un grand nombre d'existences pour atteindre notre naissance actuelle, mais cela aussi a dû être le fait de la loi. Nous avons le choix entre la loi et le chaos. Il est impossible que la loi règne ici, et le chaos ailleurs. De deux choses l’une : ou bien tout obéit à la loi, ou bien tout est chaos. Toute notre expérience démontre que c’est la loi qui prévaut, et la conclusion qui s’impose c’est que la loi régit toute chose, et en toute circonstance. C’est pourquoi la loi doit régner des deux côtés de la mort.

    Mais cette loi nous est-elle imposée par quelque Être puissant ? Si c’était le cas, il n’y aurait plus aucun espoir pour nous. Et qui sommes-NOUS, qui agissons sous le coup de cette loi qui englobe tout ? Si nous ne sommes qu'un corps, nous ne sommes que de petits êtres limités. Si tout ce qu'il y a de vie est ce que nous ressentons et expérimentons dans notre corps, alors la vie n’est rien. Un peu de réflexion suffit toutefois à nous convaincre que nous ne sommes pas notre corps. Nous savons qu'il subit de continuels changements, depuis la naissance jusqu'à l'instant présent, et que ces changements se poursuivront toujours jusqu’à ce qu’il disparaisse, alors que nous-mêmes restons identiques. C’est le même "je" qui a été un enfant, un adolescent, un adulte et un vieillard. Son identité n’a absolument pas changé à travers toutes les transformations du corps qu'elle a éprouvées. Nous ne sommes pas non plus notre mental, comme tant de personnes le pensent. Notre mental n’est qu’un certain agrégat d’idées en rapport avec la vie, et nous sommes forcément supérieurs à ce mental puisque nous pouvons le transformer. Et il n'y a pas non plus de limite imaginable à cette transformation. Quelle que soit la somme de connaissances que nous acquérions, nous pouvons toujours continuer d’apprendre ; quel que soit le type de notre mental, nous disposons d’un pouvoir illimité pour l’enrichir encore. Si l’on doute de l’existence de quelque chose qui serait supérieur au mental, on n’a qu’à constater que le fait même de douter, l’expression même de ce doute, est la preuve d’un acte et d’une intention qui dépassent ce concept. Nous pourrions refuser absolument de penser, sans cesser d'exister. Pour nous trouver, il nous faut chercher plus profondément que le mental et le corps. Tous deux ne sont que des instruments que NOUS utilisons.

    Dans ce cas, que pouvons-nous bien être ? Il y a en nous ce qui vit, pense, est la vie elle-même ; qui engrange toute expérience, et ne change absolument pas en soi-même. Cet être est plus infime que l’infime, comme l'ont dit les Anciens ; plus immense que l’immensité. On ne peut le peser ni le mesurer, ni encore dire où il est, ni où il n'est pas ; et c'est cependant la chose unique en nous — notre soi véritable — qui nous permet d'avoir toute expérience, toute idée ou combinaison d'idées. Appelez-le Esprit, si vous voulez. Appelez-le Vie, ou encore Conscience — car nous savons bien que nous ne pourrions avoir aucune expérience à moins d'en être conscients. Les Anciens ont déclaré : «L'Âme est le Perceveur ; elle est assurément Vision elle-même, pure et simple, non modifiée, et elle perçoit directement les idées» (Note 1). L’Esprit voit l'idée, et les actions découlent des idées adoptées. Les différences qui existent entre nous sont dues à notre mentalité, et elles dépendent du genre et de la qualité des idées. Mais nous sommes tous issus d’une même Source ; nous avons tous une base commune, une même nature essentielle, qui est précisément l’Esprit et la Vie elle-même.

    Nos jours et nos nuits offrent une illustration du fait que nous pouvons abandonner le corps, nous pouvons partir de ce corps, et cependant continuer d'exister. Quand nous sommes éveillés, dans la journée, nous agissons extérieurement par le biais des organes du corps qui servent à transmettre et recevoir des impressions. La nuit, cette activité cesse : il est dit alors que nous dormons. Mais comment pouvons-nous savoir que nous sommes conscients pendant ces heures de la nuit ? Parce que, à l'état éveillé, nous pouvons dire : «J'ai rêvé», sans mettre aucunement en doute notre identité pendant le rêve. Nous y étions également conscients de disposer de tous nos sens ; avec, apparemment, le pouvoir de nous mouvoir. Malgré l'état endormi du corps dans la condition que nous appelons le sommeil profond, nous étions encore des êtres vivants, agissants et conscients. Il n’est probablement pas difficile de concevoir que nous sommes également conscients pendant la plus grande partie du repos nocturne passée dans ce que l’on appelle le "sommeil sans rêve" du corps ; que notre activité y est d’une nature plus élevée et plus subtile que pendant l’état de veille ; qu’il est possible de conserver un contrôle conscient sur cette activité — d’en ramener dans notre cerveau, utilisé pendant la journée, la mémoire de toute action sur chaque plan intérieur de l’être. L’âme — l’Homme Réel — avec toutes ses expériences passées, est parfaitement éveillée quand le corps est endormi. Pour l'âme, le temps de la nuit c'est le temps du jour du corps. Toutefois, c'est seulement dans des cas exceptionnels qu'un être humain sait qu’il est conscient en permanence ; que cette Conscience ne peut jamais s’arrêter. Et cependant, chacun peut saisir par lui-même que si la Conscience cessait à un moment quelconque, il serait impossible qu’elle recommence jamais. Nous pouvons constater la continuité de la conscience dans le fait que nous sommes capables de reprendre, chaque jour de notre vie, l’activité de la veille et des jours précédents.

    La Théosophie est présentée afin de démontrer que tout homme peut atteindre cette pleine conscience continue du temps du jour, qui opère à travers le corps. Que signifierait la mort pour nous, si nous avions une telle conscience ? Rien d'autre qu'un sommeil. Mourir ne serait qu'abandonner le corps devenu inutile pour nous. Nous saurions que la mort ne pourrait pas plus nous affecter que le sommeil ne nous atteint ; et qu'ainsi, tout comme notre conscience est permanente, que le corps soit éveillé ou endormi, il n'y a aucune interruption pour nous quand le corps vient à mourir.

    Qu’est-ce donc qui survit après la mort ? L’homme lui-même, avec toutes ses tendances, toutes ses expériences. Le Penseur, l’Âme, voilà ce qui survit, ce qui ne peut jamais s’éteindre, ce qui ne peut jamais soi-même souffrir, être impliqué ; ce qui est toujours de sa propre nature, quelles que soient les conditions où un homme puisse se trouver plongé au même instant. Conditions de joie ou de souffrance, elles ont forcément une fin ; alors que l'Être Un, qui se réjouit, souffre et éprouve des sentiments, ne change absolument pas. Ce qui survit à tout est notre soi véritable — tout ce que nous désignons par nous-mêmes — le soi qui veille, qui rêve, qui se réjouit, et passe dans divers états, à travers tous les mondes. Disons que cette vie est un rêve où nous avons nos souffrances et nos joies. Lorsque nous allons nous éveiller, nous aurons d'autres expériences, mais c'est ce quelque chose de permanent en nous qui s'attire chacune des expériences ; entrant dans un champ d'activité ou un autre, il récolte de l'expérience selon les tendances qu'il a lui-même engendrées sur ce plan de l'être. Ainsi l'homme n'a d'autre expérience sur la terre que celle qui lui revient en propre, celle qu'il a intégrée à son action sur cette terre. La loi d'action et de réaction, de cause et d'effet, qui fait qu'on récolte ce qu'on a semé, est ainsi sa propre loi.

    Qu’est-ce qui survit ? NOUS survivons, en tant qu’êtres conscients, avec tous nos pouvoirs de perception, avec tout ce que nous avons pu gagner — et il en sera toujours ainsi. Il n'y a pas d'interruption finale pour nous. Les corps s'usent au cours d'une vie, comme nous le savons, et deviennent invalides et inutilisables. Serait-il sage de souhaiter demeurer dans de tels corps ? Non : l'âme requiert un meilleur instrument. Nous détruisons la vieille demeure pour en construire une meilleure — ou peut-être une pire, ne l'oublions pas. Si nous sommes égoïstes et n'œuvrons que pour notre corps physique, si nous sommes hostiles envers nos compagnons, nous recevrons dans un corps le résultat de notre démarche égoïste. C'est une affaire de loi, non de sentiment. Ce n'est pas des comportements de nos semblables que nous souffrons, mais du mal que nous avons semé, et qui, en nous revenant, nous frappe de plein fouet. Tant que l'homme n'aura pas assumé son héritage, et réalisé que tout le cours de l'évolution met en œuvre les lois de justice, il ne fera pas le premier pas vers le véritable progrès, qui conduit à l'immortalité consciente.
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    Message  Arlitto Jeu 19 Nov 2020 - 17:29

    Les Fondements de la Religion

    Les Fondements de la Religion

    [Traduction de 3 exposés de Robert Crosbie (fondateur de la Loge Unie des Théosophes) extraits de l’ouvrage The Friendly Philosopher, publication posthume (1934) contenant également des lettres du même auteur. Les prochains Cahiers publieront la suite de la série “Les Vérités Éternelles” d’où proviennent ces textes. (N.d.éd.)]

    Pour la plupart des gens, le mot "religion" désigne quelque chose qui se distingue de l'existence humaine, et évoque l'idée d'une préparation à une vie future inconnue. Certaines religions reposent sur la connaissance de l'individu qui en a posé les fondements ; d'autres passent pour être les révélations d'un Être Suprême au moment de la création du monde. Tous les peuples ont leur Dieu propre ; tant de peuples, tant de Dieux, correspondant chacun aux productions mentales des groupes humains. Il en va de même pour les individus — les idées différant beaucoup d'une personne à l'autre — et on trouve autant de Dieux que d'individus. Tous ces Dieux ou Êtres Suprêmes sont des créations humaines et non des réalités ayant une existence propre. Mais derrière toutes ces conceptions réside une Réalité. La capacité même qu'a l'homme de créer des images et de les doter de vertus qu'il ne possède pas lui-même est l'indice d’un élément qui transcende ses créations. Les créatures ne peuvent surpasser leurs créateurs. Ce qui produit les idées en l'homme est supérieur à toute idée qu'il ait jamais eue ou qu’il aie aujourd'hui. Il nous faut donc remonter à la source de toutes les idées pour trouver le vrai "Dieu" — la vraie religion.

    La vraie religion doit fournir une base de réflexion, et par voie de conséquence, une base de comportement ; elle doit nous permettre de comprendre notre nature et celle des autres êtres. La religion est un lien qui relie les hommes — et non un ensemble de dogmes ou de croyances — non seulement tous les hommes, mais également tous les êtres et toutes les choses de l'univers entier, en un grand tout. C'est cette base et ce lien qui sont présentés dans les trois propositions fondamentales de la Doctrine Secrète (Note 1).

    Derrière chaque existence se trouve le Soutien de tout ce qui existe, de tout ce qui est, fut, ou sera jamais. Rien ne peut exister sans Lui. Il est omniprésent et infini. Mais si nous nous emparons de ce concept et nous efforçons de le réduire à une forme d' Être quelconque, nous découvrons que c'est impossible. Nous sommes incapables de concilier l'idée d'un être avec celle de l'omniprésence et de l'infinitude. Aucun être ne peut exister en dehors de l'espace, qui lui, est, qu'il y ait vide ou plénitude, qu'il y ait ou non des planètes, des dieux et des hommes ; qui n'est lui-même modifié en rien par les objets qui l'occupent ; qui est illimité, sans commencement ni fin. Un Être se situe forcément dans l'Espace, il est donc inférieur à l'Espace. Ainsi nous pouvons désigner le Pouvoir Suprême par un nom quelconque de notre choix — le Suprême, le Soi — pour autant que nous ne Le limitions pas, ni ne Le dotions d'attributs. Nous ne pouvons pas dire s'il est content ou en colère, s'il récompense ou punit, car ce serait Le limiter. L'ESPACE lui-même ne pouvant être mesuré ni limité, comment pourrions-nous limiter le Suprême ? Le Pouvoir Suprême ne peut être inférieur à l'Espace. Le fait même de Le nommer revient à le limiter ; et cependant il doit être la Réalité Unique, l'Unique Soutien, l'Unique Cause de toute existence, le Seul Connaisseur, l'Unique Expérimentateur, dans toutes les directions et en toute chose. Cette proposition nous ramène à la base même de toute pensée, au pouvoir de penser lui-même, qui réside dans tous les êtres.

    Il nous est impossible de comprendre la nature, les autres êtres et nous-mêmes en nous référant à un être extérieur, quel qu'il soit. La connaissance doit se développer au sein du perceveur, du penseur lui-même. Toutes ses observations et ses expériences lui apportent une connaissance qu'il associe à lui-même, dans sa relation avec autrui. Chacun se situe dans le vaste assemblage des êtres, chacun les voit tous, comprend ce qu'il peut en comprendre, mais chacun est le seul à les voir ; l'ensemble des autres ne faisant qu'être vu. Tous les autres sont identiques à lui dans leur nature essentielle ; ils ont tous les mêmes qualités, les mêmes perfections et imperfections ; tous sont des copies les uns des autres, différant uniquement par la prédominance de telle ou telle qualité. Mais le penseur est le Soi — le seul Soi, en ce qui le concerne — la Vie Une, la Conscience Une, l'Unique Pouvoir. Comme l'action procède de cette base, plus les pouvoirs découlent de cette qualité spirituelle et plus la connaissance s’accroît.

    Qu'est-ce qui nous empêche de connaître la vraie religion ? C'est notre mental, tout rempli qu'il est d'idées étriquées sur la vie et de représentations mesquines de l'humanité et de nous-mêmes. Ce sont nos croyances qui nous limitent. Une croyance est toujours un constat d'ignorance. Si nous croyons, c'est que nous ne savons pas  ; lorsque nous savons, il n'y a pas lieu de croire. À moins d'être éprouvées et vérifiées au feu de l'expérience, les croyances sont absolument inutiles, et ce qui est pire encore, elles nous incitent à utiliser les pouvoirs mêmes de notre être spirituel dans la mauvaise direction, ce qui nous attire souffrances et calamités. C'est notre être spirituel lui-même qui rend possible notre malheureuse condition présente, car c'est de lui que provient le Pouvoir Unique, qui peut s'exercer soit par líentremise des petites idées mesquines qui lui font obstacle, soit dans toute sa puissance et sans contraintes. Chaque homme est son propre créateur, et chacun doit devenir son propre sauveur, en apprenant à utiliser correctement le Pouvoir Unique. Ceux qui ont appris à le faire ne peuvent que nous indiquer la manière dont ils s'y sont pris ; personne ne peut l'apprendre à notre place. Nous devons écarter nous-mêmes les obstacles qui nous empêchent de connaître notre soi intérieur. Nous devons rejeter nous-mêmes les entraves de la pensée, des formes de religions, des idoles, mentales et physiques.

    Pour mettre immédiatement de l'ordre dans notre mental, nous pouvons prendre conscience de Ce qui en nous reste inchangeable et inchangé. Nous sommes cet Esprit dans notre essence même. Tout ce qui s'est passé dans nos vies passées et présentes, tout ce qui arrivera dans le futur procède du pouvoir de cet Esprit même, est sous-tendu par Lui. Rien n'est séparé de nous. La Nature n'est ni séparée, ni distincte de nous. Les lois de la Nature ne sont que les corrélations et interdépendances de tous les êtres concernés par le courant actuel de l'évolution. Les forces de la nature n'ont pas d'existence propre. Il n'y eut jamais une force qui ne résultât pas d'un acte d'intelligence. En tant qu'êtres spirituels, nous sommes des forces éternellement créatrices, car chaque cerveau humain, chaque pensée a un pouvoir dynamique. Les pensées se perdent-elles ? Non : toutes les pensées, tous les sentiments de tous les êtres de l'univers alimentent une réserve d'énergie dynamique qui est à l'origine des forces de la nature que nous connaissons. Nous puisons dans ce réservoir central en fonction de nos idéaux et conformément à notre nature intérieure présente. En permanence, nous alimentons les forces de la nature, en bien ou en mal. De même, nous empruntons aux forces de la nature les contributions que leur ont apportées d'autres hommes — les forces que d'autres ont réveillées dans la nature.

    Tous les pouvoirs de l'univers sont latents en nous, il suffit simplement d'ouvrir la porte menant à leur utilisation. Chacun de nous est une petite copie de l'ensemble de l'univers. Il n'existe nulle part d’élément qui ne soit possédé par chacun de nous au sein de notre sphère propre ; il n'est pas de pouvoir auquel nous ne puissions recourir. Le régent de ces facultés est toujours le Soi inhérent à chacun de nous. Et si ce Soi voit mal, c'est que le miroir dans lequel il regarde est recouvert par la poussière des idées fausses, qui en déforme les images. Le Soi se dirige vers ce que suggère le miroir, mais c'est le Soi qui permet ce mouvement. Nous donnerions libre cours à tous ces pouvoirs si nous vivions quotidiennement, à chaque instant, conformément à la nature du Soi — en comprenant que chaque être n'est qu'un aspect du Soi, et en agissant de manière à ce que chacun trouve une aide sur son chemin. Car nous ne pouvons parcourir notre chemin seuls. Nous devons remplir nos devoirs vis-à-vis de tous les êtres, qu'il s'agisse de ceux des règnes inférieurs, sans lesquels nous ne pourrions exister, ou des êtres humains. Chacun d'eux est pour nous un expiateur par procuration — une leçon de choses — et si nous avons atteint un degré d'évolution plus élevé que celui de la moyenne des gens, nous devons d'autant plus les aider.

    Nous venons à l'existence physique d'incarnation en incarnation, selon la loi inhérente à notre nature, pour travailler sur les idées, les passions et les pensées humaines ; nous qui les avons créées, qui les avons nourries, sommes cependant immortels. Si nous n'étions immortels dans notre nature profonde, nous ne pourrions jamais devenir immortels, quelles que soient les circonstances. Si nous étions inférieurs à la Divinité, il n'y aurait pour nous aucune possibilité de comprendre la Divinité. Les êtres qui ont été des hommes et qui ont dépassé le stade de nos illusions actuelles — Jésus de Nazareth, Bouddha, et beaucoup d'autres — ont atteint Leur Divinité. Ils acceptent les affres de la naissance auxquelles sont voués leurs frères plus jeunes pour venir nous rappeler notre propre nature, la seule sur laquelle nous ayons un contrôle permanent — afin que nous puissions devenir comme l'Un d'Eux, unis à eux ainsi qu'à toute la nature. Vivre pour autrui, tel est le fondement et la base de la religion — de la véritable connaissance.
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    Message  Arlitto Jeu 19 Nov 2020 - 17:29

    Angoisse

    Bien des millénaires nous séparent aujourd'hui de l'Âge d'or légendaire, qui vit les Dieux marcher parmi les hommes et guider leur destinée. Seul depuis lors dans le monde, livré à ses propres forces, l'homme ne cesse de connaître l'angoisse. Désormais muette, la Grande Nature lui dispute chacune de ses conquêtes et ne se laisse subjuguer un moment que pour mieux lui ravir, à l'heure fixée, le fruit de siècles d'efforts.

    À peine la malédiction des forces cosmiques est-elle conjurée que d'autres menaces se dessinent ; la guerre, la disette, la maladie, la vieillesse troublent son fragile bonheur ; la société qui le protège lui impose aussi ses contraintes ; l'Église lui parle du ciel en lui faisant entrevoir l'enfer. Bientôt, dans sa conscience, l'homme ne connaît plus de repos et son cœur se déchire de mille conflits de devoirs.

    Si chaque siècle de progrès consolide le règne humain, il fait apparaître de nouvelles fissures à l'édifice : chaque siècle a son mal, son angoisse. Aujourd'hui, malgré l'avancement technique inouï de notre civilisation, les menaces sont plus terrifiantes que jamais : il devient clair que l'homme n'a pas encore résolu son propre problème et le nombre des angoissés croît dans des proportions inquiétantes.

    En 1887, annonçant l'avènement de l'ère nouvelle que nous vivons, H.P. Blavatsky prédit aux psychologues un surcroît de travail, en rais-on d'une profonde transformation des caractéristiques psychiques de l'humanité (1). Depuis la fin du XIXe siècle, en effet, nous avons vu s'effondrer progressivement plus d'un des vieux cadres de pensée, plus d'une des structures les plus solides sur lesquelles a reposé pendant longtemps l'équilibre de l'ordre social. L'homme de notre époque doit affronter de nouvelles situations auxquelles il n'est pas préparé : plus libre, plus éclairé, mais aussi plus responsable, il trouve sur son chemin l'angoisse d'un bonheur inatteignable, malgré les promesses de cette ère brillante. Affranchis de maintes contraintes extérieures, les individus découvrent la fragilité de leur équilibre intérieur. Particulièrement sensible à l'incohérence d'une époque de transition agitée, la jeunesse, trop tôt mûrie, cherche sa voie et assume souvent mal l'angoisse de sa situation, tandis que, parmi les adultes, les femmes, sortant à peine de la condition moyenâgeuse qui leur était réservée, cherchent, souvent douloureusement, à concilier leur émancipation avec le rôle traditionnel qui leur est assigné au sein du foyer.

    Ce siècle, si marqué par l'angoisse, lui propose pourtant toute une gamme de remèdes. Psychologie et psychanalyse s'efforcent de dénouer les conflits, d'éclairer les situations en mettant le patient en face de son problème et en l'aidant à le résoudre lui-même, tandis que la médecine met au point tout un éventail de produits nouveaux autorisant les traitements les plus souples et les mieux adaptés à chaque cas. En théorie du moins, car si la chimiothérapie, avec ses tranquillisants, ses neuroleptiques, soulage de façon très spectaculaire les angoissés et permet aux plus déséquilibrés une vie presque normale, elle n'est pas sans danger; et malheureusement elle n'atteint pas la cause profonde du mal. Allégeant ses effets, elle donne au patient un répit — parfois indispensable — pour lui permettre... de procéder lui-même à sa guérison.

    L'angoisse, en effet, traduit un déséquilibre du système psychique et c'est sur ce plan qu'il faut agir pour obtenir la guérison. Depuis quelques décennies le monde occidental se tourne vers l'Orient pour lui demander le secret 'de la paix de l'âme : le sourire éternel du Bouddha fascine, l'auréole qui nimbe le Yoga dans nos pays « civilisés » ne fait que croître en éclat. Mages, Swâmis et Moines Vedantins trouvent chaque jour une plus large audience. L'Occident apprend à apprécier l'efficacité des techniques orientales : le « Yoga » trouve droit de cité dans nos thérapeutiques de l'angoisse.

    Devant toutes ces voies de salut, l'angoissé hésite : en est-il une qui apporte une solution définitive ? Faut-il demander au médecin le remède qui calme ; recevoir du psychologue l'aide d'une analyse clairvoyante ; du Vedantin, la philosophie de la vanité du monde ; du yogi, sa méthode de relaxation ?

    Le monde en profonde transformation cherche sa voie ; il a besoin de sagesse, mais d'une sagesse adaptée à tous ses problèmes, qui tienne compte de toutes ses préoccupations et aspirations. La Théosophie est, pour ceux qui l'approchent, une grande lumière, susceptible tout à la fois d'éclairer chaque situation et de découvrir en chacun l'énergie et l'enthousiasme nécessaire à la solution de ses problèmes. Philosophie synthétique et complète, envisageant l'homme dans tout son dynamisme, elle doit pouvoir répondre à toutes ses questions, lui permettre d'assumer courageusement toute son angoisse et de s'acheminer vers la condition où il s'en libèrera définitivement.

    Le présent article, composé d'après les données de cette « Philosophia Perennis », s'efforce, en s'inspirant d'exemples puisés dans le Livre Sacré de l'Inde, la Bhagavad Gîtâ, de présenter Jes éléments de la réponse théosophique à ce perpétuel problème de J'angoisse.

    Ces pages ne prétendent pas apporter une guérison spectaculaire au névrosé, au malade, emprisonné dans un conflit qui l'accable. Elles visent plutôt à aider chaque individu sain à voir plus clair en lui-même et à se préparer mieux aux épreuves que la vie lui réserve. Sur le plan psychique, surtout dans notre monde paradoxal, agressif, l'homme oui se croit en équilibre n'est parfois qu'un malade en sursis : mieux vaut prévenir l'angoisse, pour la réduire plus efficacement, que guérir ses blessures souvent indélébiles.

    1ère partie

    Dans la vaste plaine sacrée, inondée du soleil de l'Inde, soudain le bruit sauvage des conques de guerre a retenti, bientôt suivi d'une immense clameur : telles deux vagues énormes, les armées ennemies s'ébranlent l'une vers l'autre, terribles et étincelantes. L'air déjà vibre de mille traits mortels et l'espace qui sépare les guerriers affrontés diminue sans cesse, la mort a commencé sa moisson.

    Plein de courage et de noblesse, voici qu'un héros se détache des lignes et pousse en avant son char vers l'ennemi. Ses compagnons d'armes le suivent du regard avec fierté : c'est Arjuna, l'un des cinq fils de Pandu, accompagné de son ami, le divin Krishna.

    Mais quel coup soudain vient de le frapper ? Le voici qui s'effondre en tremblant, sa main lâche son arc redoutable, ses flèches se répandent sur le sol. De loin, il ressemble à un vieillard prostré...
    Plus redoutable que mille guerriers, plus sournoise qu'un coup déloyal, l'angoisse vient de terrasser le héros indomptable. En un éclair son cœur d'homme a réalisé l'horreur de la guerre : ce sont ses propres parents, ses aînés, ses amis qu'il aperçoit dans les rangs ennemis. Sa voix de prince royal n'est plus qu'un sanglot :

    " ... mes membres se dérobent, mon courage fléchit, les poils se dressent sur mon corps et toute ma carcasse tremble d'horreur... ma peau brûle et se dessèche. Je suis incapable de me soutenir ; il me semble que mon esprit vacille et je ne vois de toute part que des augures funestes... "

    (Bhagavad Gîtâ l, 29-31).

    Ainsi dans cet ancien texte sacré de la Gîtâ est dépeinte l'angoisse qui, comme dans un étau, oppresse le corps et paralyse douloureusement l'âme humaine aux prises avec le drame de sa condition terrestre.
    Longtemps après l'épopée du Mahabharata, le prince Siddartha, avant de devenir le Bouddha, devait à son tour, connaître un égal déchirement en découvrant brusquement l'impermanence et la douleur de l'existence humaine. Plus tard encore, Jésus éprouvait lui aussi les tourments de l'angoisse au Mont des Oliviers.

    Ainsi, depuis la plus haute antiquité, toutes les légendes, toutes les Écritures de l'humanité, évoquent le drame humain et s'efforcent de le résoudre. Aujourd'hui encore, l'angoisse transparaît en filigrane dans la plupart des préoccupations littéraires et esthétiques de nos contemporains.
    Comme le loup des vieux contes, elle menace toujours de surgir sur notre chemin. Semblable à Protée, elle revêt dans l'être humain mille formes différentes. Dès l'enfance elle apparaît : angoisse devant le monde inconnu, la solitude, la souffrance. Puis c'est l'angoisse de la frustration, de l'excommunion familiale, religieuse, sociale. Angoisse de l'adolescent devant la mort ; devant le bonheur interdit, fuyant, insaisissable. Tourments de la conscience devant les exigences du devoir. Angoisse de l'Absolu, de la Vérité qui toujours recule. Angoisse de l'échec, de la vie ratée, de l'inutilité de tous les efforts, vertige au bord de l'anéantissement...

    À intervalles plus ou moins rapprochés, la grande question de l'homme se repose à la conscience éveillée : être ou ne pas être. Atteindre l'idéal ou échouer sans gloire ; accomplir l'action juste ou s'avilir dans le péché; être l'Homme que nous entrevoyons ou mourir ; jouir de l'objet désiré, en s'épanouissant, ou connaître le flétrissement de l'attente stérile. Et chaque fois, l'angoisse est là qui oppresse l'âme.

    1

    Devant le danger, l'animal qui a peur réagit de manières diverses : paralysé, immobile, il réussit à échapper aux regards ennemis; acculé, vaincu, il arrive aussi qu'il semble se soumettre à son sort; s'il mobilise soudain toutes ses forces, au contraire, il peut trouver le salut tantôt dans une fuite éperdue, tantôt dans une agressivité qui le rend toujours dangereux.

    L'homme, dans son expérience de la peur, ajoute la dimension proprement humaine de l'imagination : l'angoisse lui appartient en propre. De toutes les créatures, en effet, il est le seul capable de visualiser, (le projeter sa peur dans le temps et l'espace et ce privilège ne fait que multiplier sa souffrance.

    Certes, le plus souvent, les réactions de l'homme devant le danger imitent celles de l'instinct animal, mais avec combien de nuances et de variantes !
    Paralysé sur le champ de bataille, Arjuna l'est sans conteste, mais quel tourbillon de pensées et d'émotions s'empare de son cœur ! Au moment même où son corps échappe à son contrôle, il subit le drame de conscience : toutes les données du problème se précipitent dans sa pensée prise de vertige, sans que sa volonté ait à intervenir pour les évoquer. Le raisonnement pessimiste s'opère automatiquement dans un mental en fièvre et la conclusion s'en impose avec force : fuir le combat, nier violemment la nécessité de solutionner le conflit. À la même seconde, s'offre une autre attitude, entièrement négative celle-ci — se laisser tuer sans résistance, choisir la fuite dans la mort, au nom du devoir.

    À peine le terrible choc de la prise de conscience est-il passé, avec les répercussions instantanées que nous venons de noter, que le guerrier se tourne vers son ami pour le prendre à témoin. L'instinct de conservation parle : l'homme blessé, en état d'infériorité, cherche un refuge. Encore Arjuna est-il trop troublé pour ne pas prendre appui entièrement sur son compagnon : tout en l'appelant à l'aide, il laisse paraître un peu d'agressivité en affirmant sa volonté de ne pas combattre, quel que soit le conseil reçu.

    Paralysie, résignation, fuite, rébellion contre le sort et l'entourage, ou contre soi-même, appel au secours, toutes ces réactions contradictoires et souvent simultanées, n'élèvent cependant pas l'homme au-dessus de la condition animale. Ce n'est que lorsque l'individu lucide et décidé, se dresse avec ses seules ressources pour affronter courageusement son conflit et qu'il réussit à en trancher le nœud gordien, qu'il devient véritablement digne du nom d'homme. Arjuna, symbole de l'individu conscient et responsable, acceptera finalement le combat car il n'y a pas d'autre issue possible ; il remportera la victoire et, à ce seul prix, il aura accompli sa destinée supérieure et confirmé l'Humain en lui-même.

    2

    « D'où te vient, 0 Arjuna, cet abattement en face des difficultés, indigne d'un homme d'honneur et ne conduisant ni au ciel, ni à la gloire... Éloigne cette faiblesse méprisable de ton cœur, lève-toi ! » (Bhagavad Gita II,2-3).

    Krishna, qui symbolise ici la Conscience spirituelle, a entendu la confession de son ami. Il l'a laissé exprimer toutes ses impulsions contradictoires, déployer tous ses arguments jaillis de son mental ébranlé. Puis, quand Arjuna se tait pour se replonger dans la contemplation de son désastre intérieur, le Maître prend la parole, avec l'autorité de l'homme parfaitement équilibré.

    Avec un certain sourire (2) fait de pitié pour le guerrier pantelant et de compassion pour l'âme blessée, il amène d'emblée le disciple sur un terrain que ce dernier avait perdu de vue. Sans jamais revenir sur le fond des arguments d'Arjuna — liés, à ce moment, à des points trop sensibles pour être touchés sans déclencher l'agressivité — Krishna met le doigt sur d'autres leviers capables de ramener l'équilibre des forces : sans ménagement, il fouette le héros en le comparant à une femme. Homme d'honneur, Arjuna s'entend menacer du titre de félon, de lâche.
    Puis Krishna entreprend une autre thérapeutique ; il entraîne son ami loin du cercle infernal des sentiments : en contemplant le panorama de la vie avec l'œil de l'observateur objectif et détaché, tout se simplifie soudain ; dans un monde étroitement régi par des lois cosmiques, tout prend une nouvelle dimension, plus exacte, sans qu'il y ait place pour l'émotion ou la révolte.

    Il revient ensuite au plan affectif d'où a surgi l'angoisse mais il en tire, au contraire, ce qui va inspirer le désir d'agir : il fait vibrer les sentiments sur un mode plus élevé auquel le héros est particulièrement sensible. Si la loi morale commandait de sauvegarder la famille, même dans la guerre civile, le bien supérieur de la société exige avant tout de chacun qu'il accomplisse son devoir naturel, quelle qu'en soit la difficulté. Ici, le devoir du guerrier — de tout homme véritable — est de faire face et d'assumer son angoisse, coûte que coûte, pour s'acquitter d'une mission dont il se reconnaît chargé.

    Certains penseront peut-être : curieux discours que celui de ce sage qui manie parfois des arguments aussi discutables pour faire réagir son ami et le décider au combat. L'anxieux, il est vrai, est un malade, enfermé dans une étroite prison, insensible aux hautes vérités de la Philosophie ; il reste cependant accessible à maintes sollicitations exercées sur le plan qui est la clef même de l'angoisse, c'est-à-dire, le plan du désir, de l'émotion et du sentiment. Mais, après cette première étape d'assainissement de l'atmosphère psychique, dès que le disciple est devenu un tant soit peu capable de l'entendre, Krishna, le Maître Yogi, entame la partie vraiment constructive et régénératrice de sa thérapeutique : la seconde moitié du Chapitre II contient déjà l'essence de tout l'enseignement pratique de la Bhagavad-Gîtâ.

    3

    Dans ses manifestations extérieures, l'angoisse n'est en somme qu'un symptôme, traduisant un traumatisme intime de l'âme elle-même, au moment où se présente pour elle un conflit. C'est donc dans la complexe mécanique psychologique de l'homme qu'il convient d'entrer pour découvrir la genèse de l'angoisse et fonder ainsi la meilleure thérapeutique. La Gîtâ, précisément, nous fournit le fil d'Ariane pour nous guider.
    De l'étude de son message une première conclusion va s'imposer : l'homme connaît l'angoisse en raison même de sa constitution actuelle ; mais en même temps, l'agression de l'angoisse fournit à chaque être l'occasion de mobiliser ses énergies et de se dépasser constamment.

    Dans la Gîtâ, Krishna établit sa doctrine sur des principes essentiels, non sur des données sensorielles. Il proclame qu'en parfaite analogie avec le monde physique, une seule Vie, un seul Soleil mystique (3) soutient et illumine chaque être et que toutes les consciences procèdent d'une seule Conscience, appelée Paramatma — l'Âme Suprême (4). Tout se meut, déclare-t-il encore, en s'appuyant sur un seul centre de gravité (5), d'où s'engendrent toutes les lois cosmiques et humaines; tout évolue vers un même point idéal, insaisissable mais infiniment réel, toujours présent, bien qu'inconcevable ; c'est la Racine indescriptible de cet univers, que beaucoup de religions ne peuvent s'empêcher de dépeindre sous des traits personnels et humains.

    De cette source coule le fleuve de la vie, qui va se ramifiant en de multiples cours d'eau mineurs, en gouttelettes innombrables emprisonnant chacune l'Infini tout entier. Les êtres sont ces gouttes. Mais qui leur enseignera ce qu'elles sont en vérité, qui les replongera dans l'Océan qu'elles n'ont jamais quitté ?

    L'homme, éternel penseur, explorateur de l'Infini, se sent pourtant distinct de Lui : il se découvre seul dans son enveloppe éphémère, seul dans l'immatérielle prison de sa pensée et de ses sentiments ; l'intelligence réfléchie, qui fait de lui le roi de la Nature, le retranche cependant du grand concert universel en lui donnant conscience de son existence individuelle, séparée.

    Tous les pouvoirs qui peuvent intervenir dans les multiples plans de la Nature se retrouvent dans l'homme qui les marque de son empreinte. Il en est ainsi du désir.

    Dès l'origine, le Désir tout-puissant, impersonnel, divinisé sous les traits de Kama-Deva dans l'Inde antique, entre en action, et, par sa force magique, cause le fantastique « déploiement de tout cet univers » dans l'espace (6). C'est lui qui unit tout l'ensemble, en maintenant chaque atome à sa place assignée. Dans l'homme, cependant, il émerge, esclave des limitations de la nature humaine : l'Eros s'incarne et devient envie, désir égoïste, passion ; mais il surgit aussi comme aspiration élevée, désir de communion, compassion. Et précisément, les deux armées en présence sur le champ de bataille de la Gîtâ symbolisent les deux groupes d'éléments et de tendances de notre psyché qui sont dominés par cette double polarité du désir humain.

    Ainsi l'homme — Arjuna — fruit d'une longue évolution et dépositaire inconscient de toutes les richesses de la Nature, est un penseur méditant entre le ciel — sa patrie oubliée — et la terre, demeure provisoire, dont il fait tour à tour une oasis et un enfer.

    Mais cette vision doit se compliquer un peu, pour devenir plus pratique : ce pèlerin du ciel n'est plus libre de ses mouvements. Il est prisonnier d'un passé qu'il a lui-même construit et qui le conditionne à chaque instant : il vit sur une formidable réserve d'images imprimées en lui, depuis les innombrables siècles qu'il s'incarne et se réincarne sur la terre. Rien, donc n'est gratuit pour lui : chaque mouvement de son âme — pensée, désir, action — laisse en lui une trace, une image inaltérable dont le dynamisme ne manquera pas de se manifester dès que l'occasion s'en présentera. L'homme — pur rayon divin dans son essence intime — est vêtu ici-bas d'un vêtement d'images vivantes dont le corps physique ne laisse transparaître, dans son opacité, que les plus saillantes, répondant aux conditions de l'incarnation présente. Toutes ces idées sont exprimées dans la doctrine théosophique de Karma.

    Ce vêtement psychique porte, en sanskrit, le nom composé de Kama-Manas qui traduit bien l'étroite union réalisée dans l'ego personnel, ou psyché, entre le monde affectif des pulsions, des désirs et émotions (Kama) et le monde des images, de la pensée cérébrale (Manas). Dans cet instrument perpétuellement en vibration, chaque pensée se colore d'une certaine émotion, évoque un mouvement, un désir, suivant des processus qui sont parfois extrêmement subtils; et, pareillement, toute sensation, tout stimulus provenant du corps, de l'âme ou de l'Esprit, réveille une pensée, s'annexe une image mentale et s'identifie à elle.

    Cette mécanique déroutante et quasi-automatique de l'âme incarnée est bien évoquée dans la Bhagavad Gitâ. Krishna montre, dans les termes les plus simples comment le spectateur intérieur (purusha) qu'il appelle aussi Ksetraj?a — le connaisseur du monde objectif — devient, en s'incarnant dans le labyrinthe de l'univers tridimensionnel (visible et invisible) victime de l'illusion ou Maya. Il rappelle d'abord que dans cet univers polarisé, différencié, tous les objets sensibles se classent inévitablement en « paires d'opposés » — l'un et le multiple, le chaud et le froid, le grand et le petit. De la même façon, l'objectif « s'oppose » au subjectif. Mais ce spectateur, sous la pression de toute son expérience passée, ne peut s'empêcher de perdre son objectivité et de traduire sa vision en termes de valeurs subjectives : les paires d'opposés se répartissent alors dans une double catégorie, suivant que les objets revêtent ou non une importance affective pour le moi, qui fait un tri automatique de ses messages sensoriels. Tandis que les perceptions sans intérêt pour l'homme personnel ne sont pas retenues consciemment et passent provisoirement dans le vaste magasin de la mémoire (où elles attendent de prendre de l'importance par association avec d'autres images, passées ou futures), celles qui ne lui sont pas indifférentes au contraire sont immédiatement classées en bonnes ou mauvaises, agréables ou désagréables. C'est ici que la mémoire intervient, d'une façon positive cette fois, — bien qu'automatique — pour déclencher le jugement de valeur.

    De cette façon, par le jeu normal de Kama-Manas lié au fonctionnement de son instrument physique — l'encéphale — tout est inévitablement rapporté aux exigences du moi ou ego personnel, et provoque à plus ou moins bref délai une émotion, une démarche du moi vis-à-vis de chaque sollicitation.
    La Gîtâ le souligne bien (7) : quiconque laisse son mental « contempler » un objet, concret ou abstrait, établit une relation d'attachement avec cet objet et prend de l'intérêt (sangha) pour lui; de cette annexion mentale de l'objet au sujet surgit le désir de le saisir pour en jouir, ou de le repousser.

    Attraction et répulsion (Raga-dvesa) rythment ainsi la vie affective de l'homme incarné. En conséquence, il connaît tour à tour le plaisir et la peine (sukha-duhkla) la déception, la colère, l'angoisse. Par le processus inexorable évoqué par Krishna, il perd le contrôle de lui-même, puis la mémoire et le discernement, et court finalement à sa destruction (8).
    Au point où nous en sommes de notre analyse, nous pouvons résumer notre situation dans les termes suivants : par un processus quasi-automatique, notre psyché sépare les « paires d'opposés » en deux catégories, distinguant d'une part tout ce qui la menace, la paralyse dans son immense désir de jouissance, dans son expression même, et, d'autre part, tout ce qui peut l'assister, la grandir, la confirmer, tout ce qui répond à la formidable soif de vie (Tanha) et de sensation qui anime chacune de ses fibres. Emportée par son propre tourbillon, l'âme annexe à son domaine tout ce qui l'approche : elle projette un peu d'elle-même sur chaque objet susceptible de l'attirer ou de la repousser. De cette façon, à chaque instant, elle aliène un peu plus sa liberté, en s'identifiant à tout ce qui peut lui procurer de la jouissance, agréable ou désagréable : son équilibre dépend de plus en plus des objets extérieurs et n'en devient que plus précaire.

    Inévitablement, l'âme « attachée par la centuple corde du désir », isolée à l'intérieur de son univers personnel si complexe, doit un jour se découvrir seule devant le front uni du monde extérieur « étranger » et de la grande Nature muette : lorsque la jouissance espérée est refusée, l'âme connaît la première grande angoisse.
    Dès lors, à chaque pas, l'âme devra s'épuiser à combattre pour sauvegarder ou consolider son domaine, jusqu'à ce que la mort lui ôte le moyen de lutter.

    Dans cette perspective, l'angoisse est la conséquence d'une blessure de notre « moi » sous l'effet d'une force adverse, ou même simplement d'un agent inconnu, interprété comme hostile (*) , capable de menacer et même de détruire l'existence de ce moi, son dynamisme, son besoin normal d'expression.

    Ainsi, tous les conflits intérieurs, qu'ils soient clairement conscients ou noués inconsciemment, déséquilibrent la trame affective de ce moi, et sont générateurs d'angoisse. C'est cependant au moment de la pleine prise de conscience de la menace imminente que la crise éclate avec le plus de violence. Il est bien évident également que l'intensité et la fréquence du phénomène d'angoisse dépendent étroitement de la vitalité, de la richesse et de la complexité du Kama-Manas, c'est-à-dire de la sensibilité et des exigences du tissu affectif ainsi que de la puissance iimaginative de l'être. Pour cette raison, il n'est pas surprenant que la femme se trouve plus que l'homme menacée par l'angoisse, l'artiste plus que l'ouvrier, l'intellectuel plus que le manuel.

    4

    Il nous faut maintenant faire une grande remarque : l'ego, ou moi personnel, que nous avons entrevu dans ses mécanismes psychiques n'est au fond qu'un agrégat de pensées et de pulsions, d'images et d'émotions, c'est-à-dire, suivant le langage de la Gîtâ, un assemblage des trois « qualités » fondamentales de la Nature (gunas). Ce moi, lentement construit, contre le jeu des forces hostiles extérieures ne semble pas devoir échapper à la dissolution qui menace toute chose composée. Création temporaire, il ne pourra éternellement maintenir ses revendications contre les forces liguées du non-moi, de la Nature, à moins de parvenir à s'intégrer au plan même de ces forces naturelles, à moins de se transmuer et se dilater au point d'atteindre les dimensions du monde.
    Après tout, ce moi personnel n'est en réalité qu'un instrument du véritable Purusha, ou Ego supérieur, qui vit, sent et pense à travers lui, pendant la durée d'une existence. Or cet Ego — l'Ame réelle que nous sommes — appartient à un monde bien moins éphémère que ce moi superficiel provisoire, limité par le temps et l'espace, qu'il projette, en quelque sorte, dans un corps physique pour y faire ses expériences, ainsi que l'a parfaitement reconnu C. G. Jung dans une expérience intérieure qui lui a fait redécouvrir la vision des anciens sages (9).

    Cette reconnaissance est absolument capitale dans le sujet qui nous préoccupe. Dans la logique de la Gîtâ, cet Ego porte en lui la lumière de l'Esprit Universel ; le désir qui l'anime est celui qui le fait graviter vers son soleil originel et l'unit à toutes les âmes de l'Univers. Dans l'homme incarné, les qualités appelées « divines » par Krishna au chapitre XVI de la Gîtâ, émanent en ligne directe de ce plan de l'Ego Spirituel et précisément, la première de ces qualités est Abhaya, l'absence d'angoisse. C'est l'équilibre naturel d'un être éclairé par la connaissance rayonnée de l'Ego et mû par le Désir d'Union — ou Bhakti — qui procède de l'Âme Universelle, racine unique de toutes les âmes.

    La Gîtâ, et tout l'enseignement de la Théosophie, apportent donc ce témoignage essentiel : l'angoisse est inévitable pour le moi personnel tant qu'il reste seul, enfermé dans sa sphère, en n'obéissant qu'à des désirs égotiques ; mais d'une façon tout aussi inévitable, la joie et la paix sont le lot de ceux qui élèvent leur conscience et leur cœur jusqu'au plan de l'Universel qui ne connaît aucune solitude, que n'obscurcit aucune angoisse.

    Il convient ici de faire une distinction : dans la Gîtâ, Kama désigne spécialement le désir égocentrique qui s'efforce d'intégrer tout le monde extérieur à la sphère d'existence du moi personnel, tandis que Bhakti est en propre le mouvement de l'âme qui s'ouvre ardemment à la Vie en dépassant son horizon personnel, et qui cherche à s'intégrer à la pulsation cosmique dont elle pressent parfois, au fond d'elle-même, l'Harmonie fondamentale.
    Tout le drame de l'homme consiste dans le renversement du courant de cette force vitale qu'est le Désir.

    L'ordre de la Nature ne permet pas l'ambiguïté — il oblige l'être au choix qui lui conserve sa dignité, tout en l'élevant progressivement jusqu'au niveau divin. La rançon du mépris de cette grande vérité est l'angoisse. Et l'homme la trouvera sur son chemin jusqu'à la conquête finale. En réalité, les grands Instructeurs de l'Humanité s'incarnent pour lui révéler ce dilemme, pour l'aider à faire le choix qui l'ennoblit tout en le libérant, et pour lui épargner la souffrance d'innombrables angoisses stériles.

    L'immensité de la tâche ne devrait pas nous décourager car l'homme arrive toujours à obtenir ce qu'il a désiré (10).
    « Ne sois pas en proie à la dépression, Arjuna, car tu es né avec le destin divin » (11).

    5

    Revenons maintenant à notre vie de tous les jours. L'expérience nous montre que nous sommes des êtres multiples — corps et Esprit, cœur et raison, sensibilité et intuition. Chacun de ces aspects a ses exigences naturelles et s'efforce de faire entendre sa voix à notre conscience; chacun a ses besoins — que nous les jugions légitimes ou honteux — mais très réels. Et l'on ne saurait se fier aux apparences : même un visage serein et impassible peut cacher l'immense besoin d'affection, commun à tous les êtres, la même soif de connaître, de sentir plus, d'être plus. La frustration de ces besoins, psychiques, spirituels, ou simplement physiologiques, entraîne inévitablement des effets, conscients ou non — inquiétude, gêne, nervosité, dépression — qui sont autant de variantes de l'angoisse. Par la solidarité de la machine humaine, le trouble se répercute dans tout l'individu. Dans l'angoisse, notre univers, large et divers, se recroqueville en un instant aux dimensions d'une étroite sphère où règne un tourbillon de forces contradictoires. La visibilité mentale se réduit au minimum : tel l'oiseau paralysé par le serpent, le penseur garde les yeux rivés sur les détails de son drame et ne ressent ni la force de s'en échapper, ni l'envie de considérer autre chose. Il peut ainsi rester prostré des heures, des jours, souffrant d'une sorte d'hémorragie de force psychique qu'il subit sans pouvoir l'endiguer.

    Si, le plus souvent, il échappe à la folie, il arrive qu'il cherche la délivrance dans le suicide, sacrifiant ainsi tout autre besoin à celui qu'il n'a pu satisfaire. Terrible choix, car la mort le délivrera-t-elle vraiment ? Dégagé d'un corps physique naturellement limité dans sa capacité de vibration au plaisir et à la douleur, le suicidé ne va-t-il pas se priver de sa dernière sauvegarde et tomber dans une horreur que rien ne viendra interrompre, aucun sommeil physique entrecouper, aucun contact amical alléger ? Grande est la tentation pour le désespéré, mais l'avis des Sages de tous les temps est formel, et les religions s'en prévalent pour interdire le suicide.

    À juste titre découragent-elles aussi ce demi-suicide qu'est l'évasion dans le paradis artificiel de l'alcool et des stupéfiants.
    Notons-le au passage, le suicide a bien souvent également un aspect agressif qui vise l'entourage ; l'individu quitte avec violence un monde qui ne l'a pas compris ou satisfait, et se venge de lui de cette façon. Dans sa folie, il est capable d'entraîner aussi des innocents dans la mort.
    Cette agressivité, ce besoin de vengeance, se manifeste d'ailleurs dans la plupart des cas d'angoisse, même non désespérés : les enfants, les subalternes sont avertis des crises de leurs parents, de leurs supérieurs, par la mauvaise humeur, la colère qu'ils ont à subir, pour les motifs les plus bénins. Combien d'êtres, de familles, de peuples même, ne tentent-ils pas de se décharger ainsi du poids de leur angoisse sur des malheureux « boucs émissaires » qu'ils ne manquent jamais de trouver sur leur chemin. À cet état agressif s'opposent les attitudes de passivité : c'est l'attentisme de celui qui supporte son drame en attendant que le hasard arrange les choses et décide à sa place ; c'est le mensonge de l'enfant, la fraude de l'élève, conjurant l'angoisse d'une réprimande, d'un éventuel échec. C'est, le plus souvent, la recherche d'une protection, d'un refuge, symbolisée par le geste éternel de l'enfant tendant les bras vers sa mère.
    Fuir de la sorte, n'est-ce pas tricher avec l'angoisse ? Oui sans doute, dans la mesure où l'effort nécessaire n'est pas fait pour affronter le problème et le résoudre. Dans les grandes épreuves, chacun cherche instinctivement un secours. Mais, au fond, n'est-ce pas naturel, nécessaire même ?

    Blessé dans son âme, l'homme, affaibli, n'a-t-il pas besoin d'une transfusion immédiate de force, que l'ami, ou l'être cher, peut lui donner ? Refuser cette aide, ne serait-ce pas pire folie et orgueilleux entêtement, prolonger inutilement un calvaire ? Aucun Sage n'interdit de recevoir la consolation de l'affection, le conseil de l'amitié, bien qu'aucun homme n'atteigne la sagesse à moins d'avoir « tué le désir du réconfort » (12).

    Pourquoi Arjuna ne demanderait-il pas l'aide et les avis de Krishna, pour retourner au combat plus fort et plus décidé ? Reculer pour ^réparer les erreurs du passé et affronter victorieusement la lutte.
    On ne triche vraiment avec l'angoisse que lorsqu'on la fuit pour en oublier la cause. Et il y a beaucoup de moyens d'évasion, car le cheminement de l'angoisse est multiple.

    Nous le savons, elle n'est qu'un symptôme : pour tricher avec elle, il suffît de paralyser ou de dévier les mécanismes qui la produisent.
    Tout d'abord l'angoisse traduit une commotion affective : en conséquence ne faudrait-il pas détruire l'élément affectif en nous-mêmes, nier cette sensibilité qui cause toutes les souffrances ? Folle entreprise, qui n'aboutit qu'au dessèchement extérieur, sans détruire vraiment les besoins refoulés, tapis au fond de Kama-Manas, attendant leur heure... On ne peut impunément procéder à une pareille déshumanisation : l'affectivité doit être transmuée, non détruite ; et la Gîtâ nous en fournira le moyen, mais les résultats ne sont pas immédiats.

    Parfois, cependant, il faut agir vite : la plupart des peuples anciens semblent avoir connu et utilisé les « tranquillisants » naturels, sécrétés par certaines plantes. C'est bien sur l'affectivité qu'ils agissent : le sujet devient momentanément incapable de s'émouvoir et c'est le soulagement, provisoirement. D'autres substances chimiques, des opérations chirurgicales modifient plus profondément et plus définitivement la personnalité : elles permettent aux grands malades de supporter une vie intolérable autrement. Tricherie ? La médecine a de ces dilemmes. La Nature, elle, suit son chemin ; on ne l'en écarte pas impunément. Le malade s'habitue à son médicament et l'angoisse revient, fidèlement, lorsque le traitement cesse.

    Tricher ? On 1e peut encore en reportant la charge affective dont jouissait le besoin frustré sur un autre objet plus accessible — l'amoureux éconduit s'en va chercher un autre amour — ou encore sur un autre besoin, capable d'être pleinement satisfait. C'est le phénomène de la compensation. Ainsi, la mère « compense » pour l'enfant le vide de son absence prochaine, en lui remettant une grosse friandise au moment de son départ : la jouissance de la gourmandise relève efficacement le tonus affectif que risquait de compromettre l'absence de chaleur maternelle.

    La compensation est le moyen le plus usuel, considéré comme le plus « normal », d'échapper à l'angoisse. Cependant, bien souvent, le besoin originel —-éloigné de la conscience préoccupée par la jouissance d'un bonheur plus facile — n'en persiste pas moins : l'angoisse reviendra, mais le long sursis obtenu pourra utilement être mis à profit.
    De nombreuses voies s'offrent qui permettent une transformation efficace des préoccupations affectives. Certains se contentent d' « oublier » au cinéma, au café, devant les « juke-boxes » ou la télévision. D'autres plus dynamiques trouvent dans l'action, dans les sports violents et dangereux, la vitesse, l'occasion d'échapper à l'étreinte de l'angoisse, tout en mobilisant un puissant levier : l'instinct de conservation. Pour d'autres, enfin, la culture, les activités créatrices, fournissent la plus honorable des compensations — musique, art, poésie, etc...

    Dans ce dernier cas, d'ailleurs, on ne sait plus s'il s'agit encore d'un simple « divertissement », d'une évasion, ou d'une réelle reconversion des besoins sur un plan plus élevé. Également noble est la compensation trouvée dans l'extension « horizontale » du besoin affecti : par exemple, au lieu d'aimer sans espoir un seul être, un homme peut retrouver l'équilibre en consacrant sa vie et ses forces au service d'une collectivité de plus en plus large.

    Depuis longtemps, les hommes menacés dans leur solitude ont trouvé dans la religion un remède à l'angoisse (**). Compensation dans le ciel pour les déceptions terrestres, soulagement des souffrances par l'intervention miraculeuse du « Tout-Puissant ». Contre l'angoisse, un talisman : la prière ; une seule armure : la foi. Dieu est le Père, le seul refuge certain, et il n'a rien négligé pour le salut de ses enfants. Tout le vocabulaire religieux possède un pouvoir magique dans le traitement de l'angoisse.

    Mais, notons-le bien, cette magie n'opère que sur celui qui croit. Elle exige donc un conditionnement préalable qui reporte sur un Dieu infini l'image idéale du Père que chaque petit enfant porte au fond de sa conscience. Si cette foi n'est qu'une croyance aveugle, illusoire, l'ignorance et l'arbitraire qu'elle recouvre menaceront toujours d'éclater au grand jour sous la pression des expériences de la vie et la sécurité trompeuse procurée par une telle foi laissera place à une angoisse redoublée. Il n'est de foi véritable que celle qui repose sur une vision réelle de la vérité.

    Il existe dans la religion une extension « verticale » du besoin affectif : c'est la sublimation des désirs inférieurs, éclairée par une contemplation élevée du monde divin. Malheureusement, la porte du mysticisme authentique, qui conduit finalement aux satisfactions les plus hautes et aux jouissances les plus vives, ne s'ouvre que pour de rares individus.
    Dans le rétablissement de l'équilibre psychique peut aussi entrer en jeu l'aspect intellectuel de Kama-Manas.

    L'agressivité, l'évasion affective, la compensation apaisent ou satisfont provisoirement Kama la fibre émotionnelle ; de son côté, la raison — Manas — peut aussi bien envahir, par .une activité débordante, le territoire de la conscience : être capable de penser fortement à « autre chose » au moment où pointe l'angoisse, c'est s'assurer le salut, ou un répit appréciable. S'absorber dans une lecture, un travail intense, une activité quelconque obligeant à penser; en somme, détourner l'attention inquiète vers un sujet mobilisant cette dangereuse faculté qu'est en l'occurrence l'imagination, vers un but assez captivant, mais étranger aux images créatrices d'angoisse, voilà une technique de parade depuis longtemps éprouvée.

    L'imagination, souvent malsaine, peut aussi bien être l'instrument du salut ; si, au début d'une crise, la conscience est capable de se retirer rapidement du tourbillon affectif et de visualiser tous les détails de la situation, il lui est souvent possible d'échapper au mouvement qui l'entraîne et d'avoir la réaction volontaire qui l'arrache au courant fatal.

    Il y a souvent du grotesque dans les situations les plus désolantes : l'homme qui peut en rire franchement, l'espace d'une seconde, tient son salut : quelque chose lâche prise en lui ; le rire, s'il est franc, frustre le drame naissant.

    L'univers n'est-il pas selon la tradition indienne, la Lila, le jeu de Dieu, auquel participent toutes les créatures. L'humour a sa place dans toute saine philosophie de l'action : il doit économiser bien des forces dans un monde où toutes les voies semblent parfois déboucher finalement sur le désespoir.

    6

    Les divers moyens de défense que nous venons de passer en revue ne sont généralement que des palliatifs. Plus ou moins instinctivement, l'individu en use suivant son tempérament, au centre duquel trône l'orgueil.
    Dans l'angoisse, le sens du « je » (ahamkara) est menacé d'écrasement. L'orgueil, qui résume toutes les prétentions, les exigences égotiques de chaque être est également le pôle d'où émanent la plupart des directives de réaction au moment de la crise.

    Pourtant l'antique Sagesse le compare à un ver dans un fruit. L'orgueil ne sauve que pour tout perdre finalement. C'est lui qui attise le feu du besoin, qui domine le mental et fait de l'individu un esclave. L'orgueil dessèche, ferme le cœur à l'amour véritable. Soleil démoniaque de notre vie individuelle, il pollue tout de ses rayons.

    Il écrase l'animal dans l'homme par crainte du jugement d'autrui. Il étouffe l'Humain dans le cœur par crainte de l'inconnu. Il éteint le Divin dans l'âme pour survivre.

    Notes
    (*) Au chapitre XI (vers 14), Arjuna connaît à nouveau une grande angoisse, accompagnée des mêmes symptômes physiques, mais provoquée cette fois par la vision mystique de l'immensité de la Vie en action dans l'Univers ; vision insolite et naturellement écrasante pour une âme humaine non préparée à ce spectacle.
    (**) Dans la Gîtâ (VII,16) Krishna remarque bien à ce sujet : « Quatre classes d'hommes ...m'honorent : les affligés, ceux qui cherchent la vérité... ».
    1. The Esoteric character of the Gospels. H.P. Blavatsky, p. 3, note.
    2. Gîtâ II, 10.
    3. G. XIII, 33.
    4. G. XIII, 22.
    5. G. XIII, 30 ; IX, 5.
    6. G. Il, 47.
    7. G. Il, 62.
    8. G. Il, 63.
    9. CG. Jung. Mémoires, rêves et réflexions.
    10. Gita IV, 12.
    11. G. XVI, 5.
    12. La Lumière sur le Sentier.
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    Cœur de la Théosophie Empty Re: Cœur de la Théosophie

    Message  Arlitto Jeu 19 Nov 2020 - 17:29

    Qu'est-ce que l' Occultisme ?

    Ce n'est pas seulement dans la Société Théosophique qu'il y a des novices en Occultisme ; on en trouve également ailleurs. Ce sont des ignorants qui se mêlent d'un art difficile, d'une puissante science, d'un mystère presque impénétrable. Les mobiles qui les conduisent à cette étude sont aussi variés que le sont les nombreux individus qui s'y engagent, et aussi cachés, même à leurs propres yeux, que le centre de la terre aux yeux de la Science. Cependant, ce mobile est plus important que tout autre facteur.

    Les dilettantes en Occultisme ont existé de tout temps. Il y en a eu dans tous les âges et dans tous les pays, et partout ils ont laissé derrière eux de nombreux livres, sans valeur spéciale. Les dilettantes d'aujourd'hui s'occupent aussi d'écrire leurs livres, car l'irrésistible impulsion que donne la vanité les pousse à rassembler les hypothèses plus ou moins fausses de leurs prédécesseurs, et celles-ci, assaisonnées d'une dose convenable de mystère, sont présentées à la foule de ceux qui voudraient acquérir la Sagesse au prix coûtant d'un livre. Cependant, le monde des occultistes véritables sourit en silence, et poursuit le travail laborieux qui consiste à sélectionner de la masse humaine, les germes vivants qui s'y trouvent. Car il faut découvrir des occultistes, les nourrir et les préparer pour l'avenir, où la puissance sera nécessaire, et où la prétention au savoir n'aura plus aucune valeur.

    Mais parmi les personnes qui écrivent aujourd'hui sur l'occultisme, bien peu nombreuses sont celles qui peuvent faire plus que répéter des formules invérifiées, et des assertions qui nous viennent du Moyen-Age. Il est très facile de composer un livre rempli de soi-disant occultisme pris dans les livres français ou allemands, et puis d'arrêter le lecteur de temps en temps, en lui disant qu'il ne serait pas sage de lui en dévoiler davantage. Les écrits de Christian, en France, donnent de nombreux détails sur les initiations à l'occultisme, mais en vérité, il ne fait rien de plus que de nous dire ce qu'il a tiré des fragments latins ou grecs. D'autres, cependant, ont suivi son exemple, ont répété ses paroles sans avouer de qui ils les tenaient et comme d'habitude, se sont arrêtés dès qu'il s'est agi d'en donner l'explication.

    Il y en a d'autres encore, qui, tout en affirmant qu'il existe une science magique appelée l'occultisme, se contentent de conseiller à l'étudiant de cultiver la pureté et les aspirations spirituelles, leur permettant ainsi de supposer qu'ils pourront acquérir les pouvoirs et la connaissance. Entre ces deux théories, les théosophes qui recherchent leur propre intérêt, comme ceux qui appartiennent au type désintéressé, se trouvent dans le plus complet embarras. Les égoïstes peuvent être laissés libres d'apprendre à leurs dépens en rencontrant d'amères déceptions et de tristes expériences ; mais ceux qui sont désintéressés et sincères doivent être encouragés d'une part, et mis en garde d'autre part. Comme l'a écrit un Adepte, il y a de nombreuses années, à des théosophes de Londres : « Celui qui ne se sent pas à la hauteur de la tâche ne doit pas entreprendre ce qui est au-dessus de ses forces » . Ceci s'applique à tous, car chacun doit être averti de la nature et de la difficulté du travail. Parlant de l'Occultisme, ce sujet si profond, Krishna dans la Bhagavad Gîtâ, dit : « ... puis à la longue, l'art puissant se perdit dans le cours des temps... C'est la même doctrine secrète, inépuisable et éternelle [que je t'ai communiquée aujourd'hui... » Nous ne pensons pas que cette doctrine soit restituée au monde, quoiqu'elle soit sous la garde d'hommes vivants, les Adeptes. Et en mettant en garde ceux qui s'efforcent de connaître l'Occultisme, poussés par un mobile égoïste, Krishna ajoute : « Confondus par toutes sortes de désirs, pris au filet de l'illusion, étroitement attachés à la satisfaction de leurs désirs, ils descendent dans les enfers... atteignent à la longue les régions inférieures » .

    En quoi donc consiste la difficulté de la tâche de l'Occultiste ? Dans l'immensité de son étendue, comme dans la multitude de ses détails. Un simple désir doux et enchanteur de s'approcher de Dieu, ne sera pas suffisant pour atteindre ce but, pas plus qu'on ne peut réaliser de progrès en aspirant à la connaissance du soi, même si celle-ci apporte une illumination partielle. Un tel désir et une telle aspiration sont excellents ; mais nous discutons un problème dont la difficulté implacable ne cède qu'à la force, et cette force doit être dirigée par la Connaissance.

    Le champ d'action n'est pas émotionnel, car le jeu des sentiments détruit l'équilibre essentiel à l'art occulte. Le travail fait dans l'espoir d'une récompense est inutile à moins qu'il n'apporte une certaine connaissance.

    Quelques exemples suffiront à montrer que, dans la Science Occulte, il y a à la fois une immensité d'étendue et une multiplicité de divisions que les théosophes Occultistes en herbe ne soupçonnent point.

    L'élément dont le feu est un effet visible, est rempli de centres de force. Chacun d'eux est gouverné par une loi qui lui est propre. L'ensemble de ces centres et des lois qui les régissent produisant certains résultats physiques, sont classés par la science comme des lois de physique, et sont absolument passés sous silence par l'Occultiste faiseur de livres, car il ne les connaît pas. Aucun rêveur, aucun philanthrope comme tel, ne connaîtra jamais ces lois. Il en est de même pour tous les autres éléments.

    Les Maîtres de l'Occultisme déclarent qu'il existe une loi de « transmutation des forces », qui est éternellement toute-puissante. Cette loi déroutera quiconque ne possède pas le pouvoir de calculer la valeur de la plus petite onde d'une vibration, non seulement en elle-même, mais aussi comme résultante de sa rencontre avec une autre, que celle-ci soit semblable à la première ou différente. La science moderne admet l'existence de cette loi sous le nom de « corrélation des forces » . Elle se fait sentir dans la sphère morale de notre être, comme dans le monde physique, et cause, dans le caractère d'un homme et les circonstances, des changements remarquables, qui dépassent complètement nos conceptions actuelles, et sont absolument ignorées de la science et de la métaphysique.

    Il est dit que chaque être a une valeur mathématique distincte qui s'exprime par un nombre. Celui-ci est le composé ou la résultante d'un nombre infini de valeurs plus petites. Quand on le connaît, on peut produire des effets extraordinaires non seulement dans le mental, mais aussi dans les sentiments, et ce nombre peut être découvert par certains calculs plus profonds encore que ceux de nos mathématiques supérieures. En s'en servant, l'opérateur peut mettre un être en colère sans cause aucune, ou même le rendre fou, ou pleinement heureux, exactement comme il le désire.

    Il y a tout un monde d'êtres, connu dans l'Inde sous le nom de monde des Dévas, dont les habitants peuvent produire des mirages d'un caractère tel que leur description ferait pâlir les romans les plus extravagants. Ces mirages peuvent durer cinq minutes, et sembler durer mille ans, ou bien ils peuvent réellement s'étendre sur une période de dix mille ans. Le théosophe le plus pur, les hommes ou les femmes, doués de la plus grande spiritualité, peuvent pénétrer dans ce monde sans le vouloir, à moins qu'ils ne possèdent la connaissance et le pouvoir nécessaires pour l'éviter.

    Au seuil de toutes ces lois et de tous ces états d'existence, rôdent des forces et des êtres d'un caractère épouvantable et résolu. Personne ne peut les éviter, puisqu'ils se tiennent sur la route conduisant à la connaissance, et sont donc de temps en temps réveillés ou perçus par ceux qui, quoique complètement ignorants de ces sujets, persistent cependant à jouer avec les charmes et les pratiques de la nécromancie.

    Il est plus sage pour les théosophes d'étudier la doctrine de fraternité et son application, de purifier leurs mobiles et leurs actions, de telle sorte qu'après un travail patient de plusieurs vies, si elles sont nécessaires — travail consacré à la grande cause de l'humanité — ils puissent enfin atteindre le moment où toute la connaissance et toute la puissance leur appartiendront de droit.

    EUSEBIO URBAN.

    Note

    (1)  Cet article fut écrit et publié pour la première fois par M. Judge dans The Path, de mai 1890, sous le pseudonyme d'Eusebio Urban.

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