Survol historique de l’athéisme
Par Marcel Reutenauer
Dans la confrontation avec les positions athées il est utile de connaître les grands mouvements de pensée qui sous-tendent la négation de Dieu selon les époques et les positions philosophiques influentes du moment.
II existe diverses formes d’athéisme en fonction du contexte politique et de la culture de chaque individu. L’athéisme dont nous parlons est la thèse défendue par les athées, c’est-à-dire « ceux qui nient l’existence de Dieu » et, le plus souvent, toute réalité spirituelle.
Démocrite
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Epicure
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Protagoras
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Socrate
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Athéisme dans la Grèce antique
Par son organisation politique démocratique et la liberté de pensée, la civilisation grecque a permis l’émergence des premiers philosophes dont la pensée a été diffusée. Elle peut être considérée comme le berceau d’une pensée athée. Les uns, dont Démocrite, ont une conception de la marche du monde mécanique, matérialiste, et refusent toute notion mystique. D’autres, tels Protagoras ou Socrate récusent les vérités établies et approchent toute question avec un scepticisme de principe.
Des politiciens comme Critias accusent la religion d’être une création humaine servant à maintenir les individus dans la peur et à imposer un ordre moral. Epicure nie l’intervention des dieux dans les affaires humaines et dit que, « pour mener une vie bienheureuse, le premier principe est de ne pas craindre les dieux, puisque ceux-ci ne se préoccupent pas de nous. »
La Renaissance françaiseRares durant le Moyen-âge où régnait l’Inquisition, l’éclosion de positions athées à partir du 16ème siècle a été liée à la critique des excès religieux : fastes et immoralité du clergé catholique, vente d’indulgences, etc. De même, la circulation des idées facilitée par l’imprimerie, le regain d’intérêt pour les civilisations antiques, la révision de la cosmogonie par Copernic et Galilée et le développement du commerce avec l’Orient ont été autant de facteurs qui ont obligé à une « relativisation » des convictions dans l’Europe occidentale. La vérité n’était plus simplement la position catholique. Il se développera un athéisme qu’on peut qualifier d’une part de « scientifique » et d’autre part un athéisme « philosophique ».
Athéisme scientifiqueOn nomme athéisme scientifique la démarche affirmant que le rôle de la croyance religieuse dans l’explication du monde est caduc.
A partir du 18ème siècle, les progrès de la science permettent de comprendre et d’expliquer les phénomènes physiques de manière de plus en plus satisfaisante. Le caractère obsolète de beaucoup de thèses anciennes entraîne une remise en cause générale y compris des doctrines théologiques. L’opinion athée se revendique comme fondée sur le rationnel. C’est le siècle des « Lumières ». Ce qui n’est pas encore expliqué le sera à un stade ultérieur du progrès scientifique.
Spinoza
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Auguste Comte
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Friedrich Nietzche
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Friedrich Engels
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Karl Marx
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Athéisme philosophiqueL’athéisme philosophique refuse de postuler l’existence d’entités spirituelles dont la réalité n’est ni prouvée ni observable et souligne également l’immoralité éventuelle de cette existence. Il peut aller d’une critique radicale de la religion jusqu’à une attitude de recherche ou d’interrogation constructive sur l’existence de Dieu, ce qui fait partie de la légitime spéculation philosophique. Ce peut être aussi de la simple indifférence ou du nihilisme.
La Renaissance a permis l’expansion de la liberté de pensée et du scepticisme. La critique du christianisme est devenue de plus en plus fréquente au cours des 17ème et 18ème siècles. Ainsi, Spinoza critique très sévèrement le phénomène religieux.
Quatre philosophes ont nié le plus radicalement l’existence de Dieu au cours du 19ème siècle :
- Auguste Comte, avec sa philosophie et sa religion positivistes, dont la loi des trois états conduit à un monde sans religion et même sans métaphysique,
- Ludwig Feuerbach, qui définit Dieu comme projection des désirs de l’homme et dont l’oeuvre majeure est « L’homme créa Dieu à son image »,
- Karl Marx, avec sa théorie de la lutte des classes,
- Friedrich Nietzsche, avec ses concepts de surhomme et de volonté de puissance.
Au 20ème siècle, l’athéisme progresse dans de nombreuses sociétés et la pensée athée imprègne une large variété de philosophies, telles que l’existentialisme, l’objectivisme, l’humanisme laïque, le nihilisme, le positivisme logique, le marxisme, le féminisme et le mouvement scientifique et rationaliste au sens large. Athéisme politique
Dans les pays communistes, l’athéisme a été érigé par Staline en principe politique dans la foulée des écrits de Karl Marx et de Friedrich Engels. Il faut même parler d’antithéisme tant l’opposition aux religions a été forte. Avoir la foi valait impossibilité de faire des études, perte de l’emploi, emprisonnement et même incarcération en goulag.
Conclusion : Être athée ou croyant ?Dans le débat face à l’athéisme, l’un des arguments est souvent : « Que la connaissance acquise au cours des siècles rend caduques les croyances anciennes reposant sur l’ignorance ». Mais il faut rappeler haut et fort qu’il y a des scientifiques et des philosophes chrétiens, et que la foi n’est pas une abdication de l’intelligence. Au contraire, « …, les perfections invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité, se voient fort bien depuis la création du monde, quand on les considère dans ses ouvrages. »
C’est la démarche de l’individu face à cette réalité qui est en cause. Ultimement, c’est l’orgueil de l’autonomie de la créature qui est en conflit depuis les temps anciens avec l’humilité confiante de la créature face à son Créateur.7 L’orgueil est une voie sans issue,
l’humilité ouvre la porte à un avenir et à une espérance.
M.R.
NOTES
1. Pour une « Histoire de l’athéisme » très détaillée et bien documentée, le lecteur pourra se référer au chapitre 3
de l’article « Athéisme » disponible sur le site Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/ 2. II faut évidemment relever qu’une autre réaction à cette situation a été la Réforme protestante !
3. Wikipédia, ibid.
4. Wikipédia. ibid.
5. ibid.
6. Rm 1.20 (Bible du Semeur)
7. Gn 3.5 «… vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal. »
8. Rm 1.21-22
9. Jr 29.11