Histoire de la traduction de la Bible en chinois
par Ling Lam
China
Les premiers essais
La première trace d’une traduction de la Bible en chinois date de la dynastie Tang du 7ème siècle, alors que les chrétiens nestoriens débarquent pour la première fois en Chine. Selon la stèle nestorienne, un monument qui relate les débuts du christianisme en Chine, un chrétien nestorien du nom d‘Alopen est arrivé à Chang’an (la capitale d’alors, appelée de nos jours Xi’an), pendant le règne de l’empereur Tang Taizong. Alopen a été le premier missionnaire chrétien en Chine. Il a trouvé grâce aux yeux de l’empereur Taizong et a reçu la permission de « traduire la Bible et d’édifier l’Église ». L’empereur lui-même, dans l’intimité de sa demeure, a appris d’Alopen ce qu’était le christianisme. La stèle mentionne également « la Loi Ancienne » et « les 27 livres », ce qui signifie qu’il y a eu des tentatives de traduction de la Bible à cette époque. Toutes ces traductions ont, cependant, disparu.
Par la suite, du 13e au 18e siècle, il y a eu plusieurs autres tentatives de traduction de la Bible en chinois. Pendant la dynastie Yuan, les Franciscains l’ont traduite partiellement, mais en mongol et non en chinois. Sous le règne de la dynastie Ming, Matteo Ricci, un Jésuite, est venu en Chine et a fait lui aussi de la traduction. Puis, sous celui de la dynastie Qing, Jean Basset des Missions Étrangères de Paris a traduit presque tout le Nouveau Testament. Cette traduction est connue sous le nom du « Manuscrit Chinois au British Museum », car c’est là qu’elle se trouve de nos jours. Louis de Poirot, un autre Jésuite, a traduit quasiment tous les livres de la Bible en chinois. Ce manuscrit est conservé à la bibliothèque Beitang à Pékin. Bien qu’aucune de ces traductions n’ait eu à l’époque un grand impact sur le peuple chinois, les traductions futures, dont celle de Morrison, s’en sont servies quelque peu.
Morrison et son œuvre
Le premier Nouveau Testament chinois a été traduit par Robert Morrison en 1814. Celui-ci est un exemplaire réédité en souvenir.
Lorsque quelqu’un parle de la première Bible complète en chinois, il l’attribue généralement à Morrison et à ses collègues. La principale tâche de Morrison, à son arrivée en Chine, a été d’apprendre le chinois et de traduire la Bible. En 1807, il est arrivé à Macau. Comme, à ce moment-là, le gouvernement Qing n’accueillait pas favorablement les religions étrangères, Morrison a dû traduire la Bible en secret. Cela ne l’a néanmoins pas découragé. Il travaillait plus de 10 heures par jour. En 1811, il a publié une traduction du livre des Actes des apôtres. Après cela, William Milne s’est joint à son travail : le premier Nouveau Testament en chinois a été terminé en 1814 et la Bible complète en 1819. En 1823, ces manuscrits ont été envoyés à Malacca pour y être imprimés.
La publication de la Bible Morrison a non seulement été une étape importante pour le développement de l’Église en Chine, mais aussi un élément déclencheur de la transformation de la vie des Chinois. Parmi ceux dont la vie a été changée, les imprimeurs Cai Gao et Liang Fa en sont deux exemples remarquables. C’est au travers de leurs contacts rapprochés avec Morrison et Milne et le travail d’impression de la Bible qu’ils ont commencé à comprendre la foi chrétienne et l’ont adoptée. Ils ont ensuite été baptisés. Des années plus tard, Liang Fa a quitté Malacca pour retourner à Guangzhou où il a été le premier pasteur chinois ordonné par Morrison.
Avec la première Bible en chinois et les nombreux documents linguistiques qu’il avait rassemblés, Morrison a posé les fondations pour les missionnaires qui ont suivi.
Cela vaut la peine de noter qu’au même moment, en Inde, une autre traduction de la Bible en chinois était en cours. Joshua Marshman, un missionnaire anglais, dirigeait ce projet. Cette Bible a été publiée en 1822. Il semblerait donc que cette traduction a été réalisée avant celle de Morrison, mais, comme cette dernière a été achevée avant la traduction de Marshman et a été faite en territoire chinois, la plupart des gens considèrent que la version de Morrison est la première Bible complète en chinois.
La naissance de la Chinese Union Version
Une femme lisant la Chinese Union Version.
Un siècle après Morrison, une autre version chinoise a été publiée. Cette traduction a eu un impact spectaculaire sur l’Église chinoise. Des générations de chrétiens chinois en ont appris par cœur de nombreux versets, nourrissant leur vie spirituelle de la parole de Dieu écrite dans leur propre langue. De nos jours c’est cette version que presque tous les chrétiens chinois lisent : la Chinese Union Version.
Grâce à la victoire britannique dans la guerre de l’opium, les portes de la Chine se sont ouvertes. Au début, différentes dénominations protestantes ont tenté de réviser ensemble les anciennes traductions de la Bible. Cependant, à cause de disputes théologiques et des nombreux dialectes parlés dans les provinces de Chine, les dénominations se sont mises à travailler chacune de leur côté et de nombreuses versions chinoises sont apparues. Ce n’est qu’à partir de 1890 que les dénominations, les missions et les sociétés bibliques britanniques, américaines et écossaises ont accepté d’unir leurs forces pour travailler ensemble à une traduction chinoise. (C’est pourquoi cette Bible s’appelle l’« Union version ».) En 1919, au terme de trente ans de travail assidu, la Chinese Union Version (CUV) est achevée.
Contrairement à toutes les traductions précédentes en chinois classique, la CUV a été la première traduction en chinois vernaculaire. Comme elle était facilement compréhensible pour le grand public, et que c’était le début du mouvement « New Culture », la CUV est rapidement devenue la Bible favorite.
La version révisée de la Chinese Union Version
Peu de temps après l’achèvement de la CUV, les tensions se sont accrues en Chine. Après la seconde guerre mondiale, en 1950, la société biblique a installé ses bureaux à Hong Kong, qui est peu à peu devenu un centre mondial de distribution des bibles en chinois. Depuis 1970, quelques nouvelles traductions ont été publiées, dont la traduction de Lu Zhenzhong (1970), la Chinese Living Bible (1979), la Today's Chinese Version (1979) et la New Chinese Version (1993). Ces traductions ont toutes des qualités, mais la CUV reste néanmoins la version la plus influente de nos jours.
Or, la CUV a cent ans. Au fil du temps, le chinois a considérablement changé et, de nos jours, de nombreux lecteurs ont des difficultés à comprendre cette traduction ancienne. De plus, en raison de la découverte d’anciens manuscrits bibliques (les manuscrits de la mer Morte) et les recherches scientifiques dont ils ont fait l’objet ainsi que du fait que la CUV n’a pas été traduite directement de l’hébreux et du grec (les langues originelles de la Bible), l’Alliance Biblique Universelle a initié des rencontres avec divers responsables d’Églises chinois pour voir s’il fallait réviser la CUV et, si tel était le cas, comment. Pour finir, il a été décidé qu’une révision de la CUV était nécessaire. »
Cette révision a été entreprise en 1983. Son objectif était de moderniser le langage employé tout en conservant le plus possible la traduction originale. La révision du Nouveau Testament a été publiée en 2006 et des révisions de la Bible entière en 2010.
De Morrison à la Chinese Union Version. Les Chinois du monde entier sont bénis, car ils ont la Bible dans la langue de leur cœur.
Aller de l’avant
Traduire la Bible n’est pas en soi facile ; mais cela l’est encore moins de la traduire dans une langue difficile ayant une longue histoire, de la fondre dans une culture mûre et compliquée et de la faire entrer dans une société féodale et hermétique. Il est évident qu’au début du travail missionnaire en Chine, traduire la Bible était extrêmement difficile pour ceux qui sont arrivés les premiers dans ce pays. Ils ont eu de nombreuses difficultés à surmonter. Ces pionniers ont toutefois fixé leurs yeux sur Dieu et sa mission. Ils ont persévéré à traduire sa Parole dans la langue que les Chinois comprenaient le mieux. Leur foi en Dieu, leur loyauté envers leur mission et leur amour pour les Chinois méritent le respect de tout le peuple chinois. De nos jours, grâce à la Bible dans leur langue, il est possible à tous les Chinois de mieux connaître Dieu, la foi chrétienne et les enseignements bibliques, au point que beaucoup peuvent même participer à la mission de Dieu, notamment au ministère de la traduction de la Bible. La contribution de ces pionniers ne s’effacera jamais.
Références
彭國瑋著,聖經的傳遞九之中文聖經的翻譯(一),http://www.biblesociety-tw.org/bmag/bmag13/bcome13.htm
Dictionnaire biographique du christianisme chinois http://www.bdcconline.net/zh-hant/
中文聖經的重要歷程,香港聖經公會網站,http://www.hkbs.org.hk/tw/content/12-revised-chinese-union-version1
Histoire de la traduction en Chine, site Internet de la Société Biblique américaine, http://news.americanbible.org/article/history-of-translation-in-china
Photos : Marc Ewell
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