Les tout premiers documents écrits- 3 500 ans
Les tout premiers écrits de l’humanité vont faire couler beaucoup d’encre, quoi de moins naturel me direz-vous. Il y a, comme on va le voir, les positions officielles et celles soumises à controverse.
Officiellement donc, l’écriture fait son apparition, il y a plus de 5000 ans, en différents endroits du globe, en Mésopotamie, Égypte, Chine et Amérique. On s’appuie sur des traces indubitables, reposant sur des matériaux dont la robustesse de conservation a permis de perdurer jusqu’à nous.
Il n’est donc pas impossible que l’apparition de l’écriture, sur des rouleaux d’écorces par exemple, soit nettement plus ancienne, pourquoi pas 20 000 ans ? Hélas, ces supports n’ont pas la même qualité de conservation.
Tablette d’Ourouk, une des premières traces d’écriture. Signes gravés avec la pointe d’un roseau sur des tablettes d’argile. Ces signes sont en forme de clous ou de coins d’où le qualificatif de cunéiforme.
Revenons donc aux plus anciennes traces scientifiquement reconnues. Elles proviennent du sud de l’Irak actuel. Elles sont datées aux environs de 3500 ans avant notre ère, tandis que celles d’Egypte remontent à 3300 ans. Il s’agit de tablettes sumériennes recourant à une écriture pictographique sous forme de dessins très stylisés. Par exemple, une tête de bœuf pour représenter cet animal ou un triangle pubien avec le trait d’une vulve pour désigner une femme.
L’origine de l’écriture correspond avant tout à un besoin commercial qui permet de conserver une trace des échanges comme les produits laitiers ou céréaliers ou de procéder à l’inventaire de troupeaux. Assez rapidement, apparaitra un besoin voisin qui vise à fixer de manière écrite les règles de la vie en société. Le premier recueil de lois –qui nous est parvenu- est redigé vers 2000 avant J.-C., c’est le code Hammourabi. Il contient déjà 285 lois, d’une clarté remarquable.
Heureusement, l’écriture ne va pas se cantonner aux seules règles, qu’elles soient de calculs ou de droit, mais va, peu à peu, permettre de représenter des préceptes religieux et des idées. On va donc passer des comptes aux contes, car désormais le document « administratif » va côtoyer les écrits poétiques ou littéraires (cf. – 2600 ans). L’une des formes les plus abouties seront les Alexandrins, vers de 12 syllabes, qui seront utilisés pour la première fois dans le Roman d’Alexandre, (Alexandre Le Grand, d’où leur nom), au XII/ XIIIème siècle avant J.-C.
Cette évolution va s’amorcer vers le milieu du IIIème millénaire grâce à la notion de phonogrammes, c’est-à-dire des signes correspondant cette fois à des sons (et non plus à des images), sur le principe d’un signe pour une syllabe.
Pour représenter ces « signes-son », l’écriture va devenir cunéiforme (du latin cuneus= clou, ressemblant à des petits clous).
Le premier alphabet de l’humanité sera basé sur cette technique et comportera 32 signes. Il sera phénicien (nord de la Syrie). Curieusement, dans l’empire des idéogrammes qu’est la Chine, on retrouvera des traces de cette écriture.
Dans cette rivalité pour obtenir la paternité de l’invention de l’écriture, face aux Phéniciens ou autres chinois, il y a un village gaulois qui fait de la résistance :
Glozel, dans l’Allier. Et cela depuis le 1er mars 1924.
Ce jour-là, un jeune agriculteur en labourant le champ de son père met au grand jour de curieux objets comme des aiguilles taillées dans l’os, des galets gravés de rennes ayant disparu de ces contrées depuis plus de 10 000 ans. Parmi ces vestiges, des tablettes d’argile frappées d’un alphabet inconnu. Différentes méthodes de datation vont être appliquées jusqu’aux années 80 donnant des résultats très hétéroclites allant jusqu’à dater certaines pièces de 17 000 ans.
Difficulté de datation, doutes de l’authenticité des objets, terrain peu favorable à la conservation, alimentent la polémique, dont certains pensent qu’on a essayé de « fabriquer » une civilisation. La controverse continue de faire rage entre pro-glozéliens et anti-glozéliens avec, comme enjeu, une Europe qui reprendrait ses « lettres de noblesse » face aux peuples du Proche-Orient pour une invention de l’écriture remontant à plus de 10 000 ans. Un écrit du cœur !
A visiter et à découvrir pour aller plus loin :
- Le musée des écritures du monde de Figeac : c’est dans la maison natale de celui qui a su traduire la pierre de Rosette que le musée est installé. A l’origine axé sur les hiéroglyphes, le musée est maintenant étendu aux 5300 ans qui ont fait l’écriture.
- Naissance de l’écriture: Cunéiformes et hiéroglyphes : [exposition], Galeries nationales du Grand Palais, 7 mai-9 août 1982 L’écriture, représentation de la pensée et du langage humain, est un moyen durable et privilégié de communication entre les hommes. Les plus anciens témoignages écrits qui nous soient parvenus proviennent du Proche-Orient : deux pays, deux civilisations différentes, la Mésopotamie et l’Egypte, ont inventé l’écriture presque simultanément, voilà plus de 5 000 ans. L’écriture fait revivre ces civilisations disparues. Elle nous informe sur leur vie quotidienne, leurs grandes inquiétudes, leur histoire ainsi que leur science. Leur littérature constitue le plus vieux patrimoine culturel qu’ait hérité la pensée occidentale.
- Histoire et art de l’écriture Les amoureux des alphabets, pictogrammes, idéogrammes et calligrammes retrouveront le peuple immense des LETTRES dans cette somme qui rassemble le corps et l’esprit des écritures. Quelque quatre cents écritures, vecteurs d’environ six mille
langues et/ou dialectes, sont resituées dans leurs origines, leur histoire et leur contexte.
- La naissance des écritures: Du cunéiforme à l’alphabet