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Le Français de souche n'existe pas - Les races humaines n'existent pas
Il n'y a pas de Français de souche
Par Marie-Laetitia Bonavita
Il n'y a pas de Français de souche? Tout tient en une idée «braudélienne» simple : l'identité nationale est un ensemble de valeurs, fruits d'une histoire associée à un territoire, c'est-à-dire une géographie. Une telle définition exclut toute référence ethnique. Le vocable «français de souche» n'a aucun sens.
Il y a belle lurette que la biologie de l'ADN nous a appris que nous étions tous métis et uniques. L'unité d'une nation ne passe pas par son uniformité ou son uniformisation, car la diversité est la règle de la nature. C'est en la respectant que l'on peut rassembler des individus autour de principes qui ne sont pas pour autant des références immuables, des textes sacrés qu'il faut vénérer nec varietur. Les valeurs ne cessent, en effet, d'évoluer avec le temps au gré des migrations et immigrations successives, du jeu de forces entre un peuple aux contours mouvants et son milieu.
Le produit de l'histoire le plus central dans l'identité nationale est, sans aucun doute, la langue. Qui a évolué, qui évolue et qui évoluera. Une langue ne se gouverne pas par décrets. L'amour de la langue, des mots, du vocabulaire est très caractéristique de l'esprit français.
Après la langue, notre identité trouve son fondement dans la République où s'immergent les droits de l'homme et la laïcité. Mais cette République n'est pas un produit que nous aurait livré tout ficelé la Révolution française. Petit à petit, l'histoire l'a forgée, comme elle a forgé, de manière différente, sa sœur aînée la République américaine.
La République française repose sur un triptyque d'idéaux démocratiques : la Liberté, l'Égalité et, trop souvent oubliée, comme le regrette Régis Debray, la Fraternité. Ces idéaux sont cependant plus des références, voire des mythes, que des réalités.
La liberté, mot fourre-tout dont chacun se gargarise, est en France fortement «encadrée». Elle ne s'exerce que dans le cadre de la République, c'est-à-dire dans le respect, en principe, de l'intérêt général. Mais qui en décide et en dessine les contours ? Les élus ? Les fonctionnaires ? L'État sans visage ? Comment les droits de l'individu sont-ils respectés ? La majorité a-t-elle le droit d'écraser la minorité ? Autant d'interrogations sur lesquelles nos réponses sont troubles et à géométrie variable.
En dépit de toutes les polémiques sur ce sujet, la liberté d'expression est, heureusement, de mieux en mieux garantie dans notre pays. Les temps sont loin où un ministre de l'Information contrôlait le contenu du «20 heures» et les radios libres étaient interdites. Mais ces progrès sont-ils irréversibles ? Une tenaille les menace. D'un côté, Internet, espace nouveau de liberté, est aussi un territoire non contrôlé sur lequel sont violées toutes les lois de protection des individus élaborées au fil des siècles. De l'autre, la multiplication des sondages occulte petit à petit la démocratie représentative et alimente une agora numérique souvent démagogique. L'Athènes primitive est de retour !
La liberté sexuelle est en France une conquête récente. Liberté d'avoir ou non des enfants avec la loi Veil, liberté donnée aux homosexuels en 1981 par François Mitterrand. Ces conquêtes ont désormais une place définitive dans l'identité française.
La liberté d'entreprendre, qu'il ne faut pas confondre avec le libéralisme économique sauvage, a été longtemps contrainte par la République qui contrôlait toute l'économie. Il y a trente ans, la France vivait dans un système parasoviétique ! Souvenons-nous : le premier ministre fixait alors le prix de la baguette de pain ! Grâce au ciel, et à quelques réformes de droite et de gauche, ce n'est plus le cas. Pourtant, la véritable liberté d'entreprendre reste à inventer, malgré l'innovation remarquable, et couronnée de succès, que constitue le statut d'autoentrepreneur d'Hervé Novelli.
La liberté de conscience est totale dans notre pays, en dépit des affirmations de certains intégristes ou des mouvements sectaires. Il faut aussitôt ajouter qu'elle est indissociable de ce pilier essentiel de l'identité française qu'est la laïcité. Affirmer dans la même phrase que nos valeurs actuelles sont d'origine gréco-latine et judéo-chrétienne et que notre État est laïque n'est pas contradictoire : ce sont les deux faces de la même médaille historique. Tous les nouveaux Français doivent comprendre cela : la confusion entre religion et politique, spirituel et temporel, les signes ostensibles d'une inégalité homme-femme, comme la dissimulation d'identité, liés à une croyance, ne peuvent être tolérés en France, sauf à en bafouer l'identité !
«Les hommes naissent libres et égaux en droit.» Cette phrase admirable, respectée, vénérée, socle de notre identité, recouvre toutes les formes de l'égalité : égalité des chances, égalité devant les perspectives de la vie, égalité des droits. Les luttes et l'histoire y ont ajouté l'égalité hommes-femmes, qui n'était pas gravée dans les principes de 1789. N'oublions pas que c'est seulement en 1945 que le général de Gaulle a accordé le droit de vote aux femmes ! Au demeurant, bien des progrès restent encore à faire pour qu'elle soit effective.
Soyons honnêtes et lucides : la question de l'égalité est encore en chantier. L'égalité des chances à l'école, notamment, n'existe pas. Elle a été pervertie par la notion fumeuse d'égalitarisme. Alors que le nombre d'étudiants a été multiplié par cinq, le nombre d'enfants de familles modestes accédant aux plus grandes écoles a régressé. La République paye les études des futurs PDG, mais le montant des bourses pour les élèves issus des familles modestes a été divisé par trois en quarante ans ! Quant à l'égalité des chances pour les enfants d'immigrés, où est-elle ? Le talent, le courage, la volonté, l'ardeur au travail doivent êtres reconnus et récompensés de manière juste et égale pour tous. L'élitisme républicain ne doit pas être le monopole des enfants de riches ou d'enseignants du secondaire !
Par une coagulation de l'égalité des chances et du principe de fraternité a surgi un autre élément désormais constitutif de notre identité : la sécurité sociale. Ce chantier est essentiel si nous voulons préserver notre cohésion sociale. Il est la clé pour résoudre les questions suivantes : la solidarité entre les générations ; la solidarité entre les bien portants, les malades et les handicapés ; la solidarité face aux aléas de la vie et au chômage ; la solidarité pour accompagner dans des conditions décentes tout être humain vers la mort inévitable. Même si elle n'a que soixante ans, la sécurité sociale est, à présent, l'un des fondements de notre identité nationale.
La mise en œuvre de ces grands principes passe par le droit et le service public. Le droit, qui permet de garantir l'égalité, est une pièce maîtresse dans l'architecture de notre République. Nous sommes un État de droit écrit, contrairement aux pays anglo-saxons. Défendue par Montesquieu, l'indépendance de la justice, bras armé du droit, est aussi un impératif républicain et démocratique, mais à la condition expresse qu'elle ne conduise pas au gouvernement des juges, c'est-à-dire d'une corporation ! La mise en œuvre du droit et des droits fondamentaux est une œuvre sans fin : que dire du droit au travail, inscrit dans notre Constitution, quand le chômage ne cesse de croître ?
Le service public est, lui, au cœur de l'esprit républicain. À condition, bien sûr, qu'il soit effectivement au service du public et du citoyen et non pas des fonctionnaires qui en ont la responsabilité. L'État de droit et le service public ont trop servi d'alibi pour faire naître une réglementation et une bureaucratie excessives ! L'identité actuelle de la France souffre de ces dérives. Doit-on conserver cette situation, ou la faire évoluer ?
Par-delà ces valeurs qui fondent notre République, peut-on parler d'un esprit français qui caractériserait notre identité ? Une sorte de comportement intellectuel qui nous serait spécifique et qui nous lierait les uns aux autres par-delà les divisions culturelles, littéraires ou scientifiques ? Sans aucun doute, puisque les étrangers nous le disent ! Nous avons un goût singulier pour l'abstraction, la formalisation, la conceptualisation et la généralisation. Nous cultivons aussi le beau style, les phrases bien construites et les transitions subtiles. Les Français sont, également, obsédés par les théories générales. Ce n'est pas un hasard si le communisme, le maoïsme, le structuralisme, le freudisme ont connu tant de succès chez nous, se substituant au catholicisme, au jacobinisme, au bonapartisme et au positivisme d'autrefois. Nous sommes la patrie de tous les «ismes» !
Cette aspiration à l'universalité, héritée des Lumières, mais aussi du rayonnement intellectuel de la France tout au long de son histoire, s'est toujours traduite pour une large ouverture aux influences extérieures. En retour, les personnalités «immigrées» que nous avons su accueillir ont nourri, ô combien ! notre culture et notre vie créatrice. Elles sont souvent devenues les meilleurs représentants de l'esprit français. Ce furent, hier, Léonard de Vinci, Huygens, Van Gogh, Picasso, Marie Curie, etc. Aujourd'hui, ce sont Semprun, Gallo, Chen, Julia Kristeva, Gromov, David Ruelle et tant d'autres. Pour préserver et enrichir son identité, la France doit demeurer ce pays ouvert qu'elle a toujours été. Là se trouve l'explication du comportement des intellectuels français si préoccupés de garder une France terre d'accueil et si rétifs à l'idée d'une canalisation, pourtant nécessaire, de l'immigration.
Ce goût pour le savoir ou la science et ce besoin de culture, qui a façonné les élites françaises pendant des siècles, sont-ils encore une composante de l'identité française d'aujourd'hui ? Et le seront-ils encore demain ? Lorsqu'on constate, d'abord, que l'École polytechnique, haut lieu historique s'il en est de la science française, forme désormais d'abord des banquiers et des financiers ; ensuite, que l'École normale supérieure section littéraire est devenue avant tout une pépinière de l'ENA ; enfin, que notre université et notre recherche déclinent faute de reconnaissance dans une société où l'argent est la seule mesure, on peut légitimement s'interroger. Nous avons encore quelques grands écrivains et une poignée de Prix Nobel, mais pour combien de temps encore ?
Nos créateurs et nos artistes semblent en fait se retrouver de plus en plus dans la haute couture, la mode et la grande cuisine. Mais ces fleurons toujours brillants seront-ils vraiment suffisants pour maintenir notre rayonnement culturel ? La France de demain ne risque-t-elle pas d'être d'abord un pays de tourisme, une réserve de châteaux, de musées, de tables gastronomiques et d'ateliers de haute couture ?
Dès que l'on examine l'identité sous l'angle du territoire et que l'on plonge dans la géographie, les choses deviennent encore plus complexes. La France a été une grande puissance coloniale, dominant un empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais. Elle a aussi, avec d'autres, pratiqué l'ignoble esclavage. Elle ne doit ni s'excuser pour ces pratiques barbares du passé, dont nous ne sommes pas responsables, ni pour autant les oublier. Les rapports entre la métropole, les Antilles et l'Afrique ne sauraient être en permanence bâtis sur cet épisode douloureux de l'histoire. L'identité nationale est ressentie différemment par nos compatriotes insulaires, ce n'est pas à la métropole de dire quel doit être leur avenir.
Si l'on revient à l'Hexagone, malgré une mode éphémère du régionalisme et les efforts des fonctionnaires bruxellois pour l'encourager, les Français demeurent attachés à leur pays dans sa globalité. Ils sont liés à leur terre et à la diversité de ses paysages plus qu'à tel ou tel terroir. L'agriculture fait donc partie intégrante de l'identité française, elle est un élément fort de son histoire. Il faut la protéger contre tout affaiblissement.
Alors que triomphent à travers le monde l'ultramatérialisme et le règne de l'argent fou, le combat autour de toutes ces valeurs identitaires reste capital. C'est parce que l'identité européenne est moins forte que les identités nationales qui la composent que l'Union a du mal à progresser. C'est parce que les identités nationales des républiques soviétiques étaient supérieures à celle de l'URSS que le régime soviétique a éclaté. On ne confine pas indéfiniment les identités. Il faut savoir les respecter pour les faire évoluer.
Une identité ne se fige pas. Un débat sur l'identité qui viserait à la stériliser serait suicidaire. Il revient donc aux gouvernants d'en faire vivre les composantes dans une perspective évolutive. Ils ont l'impérieux devoir de concrétiser ou de revivifier les valeurs dont nous nous réclamons et qui, pour certaines, ne sont plus que des mythes. À ce titre, nos dirigeants ont plus de responsabilité que les immigrants. Mais ces derniers, qui constituent une chance pour la France, doivent comprendre que, pour peser sur l'évolution de notre identité nationale et y apporter de nouveaux sédiments, il leur revient, d'abord, de comprendre et d'intégrer un système de valeurs que les siècles ont patiemment construit et qui sert de ciment à notre pays. L'histoire se module, elle ne se piétine pas.
https://www.lefigaro.fr/editos/2010/01/30/01031-20100130ARTFIG00005-il-n-y-a-pas-de-francais-de-souche-.php
Histoire. L'expression est utilisée pour la première fois au XIX e siècle. Le Trésor de la langue française informatisé en attribue la paternité au critique littéraire et écrivain français Charles-Augustin Sainte-Beuve.
Le FRANÇAIS DE SOUCHE n'existe pas !
Dans cette vidéo j'explique pourquoi l'expression "français de souche" n'a pas de sens. C'est un mythe créé par une partie de la population française qui se pense "plus français" que les autres. Le Français de souche n'existe pas !
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