* D. Cobb est professeur de Nouveau Testament à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence.
[1] Eglise et Israël. Contribution des Eglises issues de la Réforme en Europe sur les relations entre les chrétiens et les Juifs. Résultats des consultations du groupe de dialogue doctrinal de Leuenberg « Eglise et Israël » 1996-2000 (2001), 35. Une expression qui revient à de nombreuses reprises dans ce document est « la place inchangée qui revient à Israël » et qui « résulte de l’élection divine » (ibid.).
[2] « Le témoignage commun rendu au Dieu d’Israël et la confession de foi dans l’élection souveraine du Dieu unique constituent un argument de poids pour proscrire, de la part des Eglises, toute forme d’activité dirigée de façon spécifique vers les Juifs pour les convertir au christianisme. » Ibid.
[3] Cf. le mouvement du sionisme chrétien qui, pour les seuls Etats-Unis, regrouperait entre 20 et 25 millions d’évangéliques.
[4] Cf. la charte des Christians United for Israel (ou CUFI : Chrétiens unis pour Israël) : « La première règle adoptée par les Chrétiens unis pour Israël a été qu’il ne devait pas y avoir de prosélytisme lors de nos événements. Le CUFI n’existe que pour honorer et soutenir le peuple juif, jamais pour convertir les Juifs. » (http://www.haaretz.com/jewish-world/why-christian-zionists-really-support-israel-1.290136, dernière consultation, le 16.09.2013)
[5] Cf., par exemple,
http://jewishvoiceandopinion.com/a/JVO20090205.html (dernière consultation le 16.09.2013).
[6] Sauf indication contraire, les citations bibliques sont tirées de la Segond révisée, dite « à la Colombe » (BC dans la suite).
[7] Rm 15.4, 8-12.
[8] Rm 1.2, 16.26.
[9] Notre traduction. Le v. 7 a souvent posé problème, car tekna (« enfants ») étant un neutre, pantes (« tous »), au masculin, ne devrait pas s’y rapporter (on s’attendrait plutôt à panta). Une autre traduction – plus correcte grammaticalement – serait donc : « Ce n’est pas parce qu’ils sont la descendance d’Abraham que tous sont ses enfants » (ainsi Sg, BC, BJ, BFC). Cependant, la structure du passage suggère que la restriction – ce que tous ne sont pas – concerne non les tekna (« enfants »), mais le sperma Abraam (« la descendance d’Abraham), comme le montre bien le v. 8 : ce sont les enfants (tekna) de la promesse « qui sont comptés comme descendance (sperma) ». La NBS traduit donc correctement : « Pour être les enfants d’Abraham, tous ne sont pas sa descendance. » Ainsi, de même, D. Moo, The Epistle to the Romans (coll. NICNT), Grand Rapids, Eerdmans, 1996, 575, n. 25, et Th.R. Schreiner, Romans (coll. BECNT), Grand Rapids, Baker, 1998, 494-495. L’explication de cette incorrection grammaticale se trouve probablement dans le fait que tekna, désignant des êtres humains, a entraîné Paul à mettre l’adjectif au masculin, bien que le nom soit un neutre.
[10] Cf., en particulier, Rm 2.28-29 : « Le Juif, ce n’est pas celui qui en a les apparences ; et la circoncision, ce n’est pas celle qui est apparente dans la chair. Mais le Juif, c’est celui qui l’est intérieurement ; et la circoncision, c’est celle du cœur, selon l’esprit et non selon la lettre. La louange de ce Juif ne vient pas des hommes, mais de Dieu. »
[11] Ainsi, par exemple, N.T. Wright, The Letter to the Romans. Introduction, Commentary, and Reflections (coll. NIB), Nashville, Abingdon Press, 2002, 690. Il est capital de reconnaître que ces versets sont posés d’emblée comme une définition pour les chapitres suivants et non – contrairement à ce que prétendent plusieurs exégètes – comme une affirmation qui finira par être dépassée ou laissée de côté par la suite, notamment en ce qui concerne Rm 11.25-26.
[12] Cf., sur ces versets, notre article, « L’élection divine : quand et comment l’apôtre Paul en parle-t-il ? », LRR, 248 (2008/5), 65-80, notamment les pages 74-79.
[13] Ainsi, par exemple, Th.R. Schreiner, Romans, 578-579, N.T. Wright, The Letter to the Romans, 675, notamment. Paul développe ici, en fait, une thématique annoncée en passant en Rm 9.27-29 : « Esaïe, de son côté, s’écrie au sujet d’Israël : Quand le nombre des fils d’Israël serait comme le sable de la mer, un reste seulement sera sauvé. […] Et, comme Esaïe l’avait dit auparavant : Si le Seigneur des armées ne nous avait laissé un germe, nous serions devenus comme Sodome, nous aurions été semblables à Gomorrhe. » L’action divine en faveur d’Israël n’est pas terminée. Cependant, elle s’accomplit envers un « reste ».
[14] Littéralement, Dieu a « connu d’avance » (proegnô) mais la mention au v. 5 du reste « selon l’élection » montre qu’il s’agit bien de connaître dans le sens de « s’attacher à quelqu’un », « choisir ». Comme le relève Th.R. Schreiner, Romans, 580 : « Cette compréhension […] est confirmée par le contexte immédiat, car [proegnô] fonctionne clairement comme antonyme de [apôsato (‹a rejeté›)]. […] L’idée est donc que Dieu n’a pas rejeté ceux sur lesquels il a posé son amour, dans le cadre de son alliance. » Cf. 1S 12.22, qui met en avant une compréhension semblable : « L’Eternel n’abandonnera point son peuple, à cause de son grand nom, car l’Eternel a résolu de faire de vous son peuple. » On trouvera une présentation intéressante de ces versets in J.R. Wagner, Heralds of the Good News. Isaiah and Paul ‘in Concert’ in the Letter to the Romans, Leyde-Boston-Cologne, Brill, 2002, 220-231. Notons, en outre, que l’emploi de proginôskô ici dans le sens fort de « s’attacher à » permet de clarifier le débat sur le même verbe en Rm 8.29 : « Car ceux qu’il a connus d’avance (proegnô), il les a aussi prédestinés à être semblables à l’image de son Fils, afin qu’il soit le premier-né d’un grand nombre de frères. »
[15] S. Bénétreau, L’épître de Paul au Romains, t. 2, Vaux-sur-Seine, Editions de la Faculté libre de théologie évangélique, 1997, 96, souligne bien que, « en introduisant la précision selon l’élection de la grâce, Paul renvoie le lecteur à ses déclarations précédentes (en particulier 9.11-12) ».
[16] Comme le remarquent J.D.G. Dunn, Romans 9-16 (coll. WBC), Word Books, Dallas TX, 1988, 641, Ph.F. Esler, Conflict and Identity in Romans. The Social Setting of Paul’s Letter, Minneapolis, Fortress Press, 2003, 294, et d’autres, l’affirmation renvoie à Rm 9.18 : « Ainsi, il fait miséricorde à qui il veut, et il endurcit qui il veut. »
[17] A quelques détails près, les vv. 9-10 reproduisent tel quel le texte de la version grecque du Ps 69.23-24 (LXX 68.23-24). En revanche, au v. 8, Paul rapproche deux textes pour produire une seule citation. En Dt 29.3 (LXX), nous lisons : « Le Seigneur Dieu ne vous a pas donné un cœur pour connaître, ni des yeux pour voir, ni des oreilles pour entendre, jusqu’à ce jour. » Es 29.10 (LXX) dit ceci : « Car le Seigneur vous a abreuvés d’un esprit d’assoupissement. Il fermera leurs yeux, ceux de leurs prophètes et de leurs chefs, [de] ceux qui voient les choses cachées » (notre traduction des deux passages). Alors que, dans le Deutéronome, l’action du Seigneur consiste à ne pas accorder la capacité de saisir la révélation, chez Esaïe, Dieu envoie activement un esprit qui empêche de comprendre. Ces versets soulignent, s’il était besoin d’insister sur ce point, la souveraineté de Dieu dans la réception de la grâce par son peuple. Cela étant dit, il faut aussi rappeler que Dieu endurcit ici un peuple rebelle. L’articulation entre ces deux points n’est pas transparente mais, clairement, pour Paul, l’un ne va pas sans l’autre ! La suite du passage le montrera de façon explicite.
[18] Cf. dans ce même sens N.T. Wright, The Letter to the Romans, 682-683. Comme le remarque D. Moo, The Epistle to the Romans, 687, il est également possible que Paul intègre à ce « rejet salutaire » celui qu’il a lui-même constaté en annonçant l’Evangile dans les synagogues de la Diaspora : comme le montre le livre des Actes, de façon générale, assez peu de Juifs ont accueilli la proclamation de Paul – alors que ce même message a rencontré un vif intérêt auprès des « craignant Dieu » qui gravitaient autour de la synagogue. C’est cette « fin de non-recevoir » qui a poussé l’apôtre à se tourner résolument vers les populations non juives. Comme le précise Ac 13.46, en rapport avec les Juifs d’Antioche en Pisidie : « Paul et Barnabas leur dirent alors ouvertement : C’est à vous d’abord que la parole de Dieu devait être annoncée, mais, puisque vous la repoussez […], voici : nous nous tournons vers les païens. » (Cf. Ac 28.25-28) Sur l’importance des prosélytes et des « craignant Dieu » dans la mission de Paul, cf. H. Cousin, J.-P. Lémonon et J. Massonet (éd.), Le monde où vivait Jésus, Paris, Cerf, 20042, 64-69.
[19] Ainsi, par exemple, Th.R. Schreiner, Romans, 598, et N.T. Wright, The Letter to the Romans, 681. J.H. Moulton et G. Milligan, Vocabulary of the Greek New Testament, Londres, Hodder & Stoughton, 1930, citent plusieurs papyrus où plêrôma a le sens « régiment », « compagnie » ou « équipage ». Les implications de cette compréhension deviendront plus claires à la lumière des vv. 25-26.
[20] La Bible Segond (1910), suivi de la NBG, fait preuve d’une licence surprenante : « Or, si leur chute a été la richesse du monde, et leur amoindrissement la richesse des païens, combien plus en sera-t-il ainsi quand ils se convertiront tous. » La Parole de Vie prend des libertés non moins grandes : « Alors, quand les Juifs participeront totalement au salut, les bienfaits seront encore plus grands. »
[21] Notre traduction. Le terme apobolê (« mise à l’écart »), du verbe apoballô (« jeter au loin », « rejeter », « mettre à l’écart »), fait référence à la mise à l’écart ou rejet des Juifs incroyants par Dieu ; ainsi W. Arndt, F.W. Danker et W. Bauer, A Greek-English Lexicon of the New Testament and Other Early Christian Literature, Chicago, University of Chicago Press, 20003 (BDAG dans la suite), et la plupart des commentateurs. Par analogie, la proslêmpsis (« réintégration ») se réfère à l’action par laquelle Dieu réintègre ces mêmes personnes dans la communion avec lui. Noter que, selon les lexiques, le terme signifie, entre autres, « acquisition » ou « action d’acquérir ». Il pouvait être employé à l’époque avec une nuance « d’enrôler » quelqu’un dans une légion.
[22] Cf. la traduction proposée par la TOB : « Si, en effet, leur mise à l’écart a été la réconciliation du monde, que sera leur réintégration, sinon le passage de la mort à la vie ? » Du fait de la proximité avec le v. 12, plusieurs commentateurs comprennent cette expression en référence aux non-Juifs, soit de façon littérale (la résurrection dernière : lorsque « la plénitude d’Israël » sera entrée dans le salut, la résurrection finale aura lieu ; ainsi J.D.G. Dunn, Romans 9-16, 658, Th.R. Schreiner, Romans, 596-597, D. Moo, The Epistle to the Romans, 694-696, et d’autres), soit de façon métaphorique (un réveil spirituel ; cf., par exemple, S. Bénétreau, L’épître de Paul au Romains, 104, et J. Murray, The Epistle to the Romans [coll. NICNT], Grand Rapids, Eerdmans, 1965, 82-84). Avec F.J. Leenhardt, L’épître de Saint Paul aux Romains (coll. CNT), Genève, Labor et Fides, 19953, 161, et N.T. Wright, The Letter to the Romans, 683, notamment, nous penchons plutôt en faveur d’une référence à Israël. En effet, il paraît naturel de comprendre ce retour des Juifs au Dieu de l’alliance comme un « retour à la maison », surtout à la lumière des vv. 23-24. Le propos du père dans la parabole du fils prodigue, appliqué dans le contexte aux repentants d’Israël (les prostituées et « pécheurs »), n’est peut-être pas sans pertinence ici : « Mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie (nekros ên kai anezêsen) ! » (Lc 15.24)
[23] De même Th.R. Schreiner, Romans, 600, pour qui la notion d’une sainteté « communiquée » se comprenant plus naturellement dans l’image des prémices et de la pâte, celle-ci vient en premier : « Une fois les prémices et la pâte désignées par Paul comme saintes, la même notion peut être étendue à la racine et aux branches. »
[24] N.T. Wright, The Letter to the Romans, 684, reprend une interprétation déjà proposée par certains Pères de l’Eglise : « la racine » serait le Christ. L’imagerie viendrait de Es 11.1 et d’autres textes de l’Ancien Testament où le Messie est le rameau qui sort de la racine de Jessé (ek tês rizês Iessai). Toutefois, au niveau de la cohérence de l’image, cela semble peu probable. S’il est possible de dire, dans la perspective de Paul, que Christ est l’origine de ceux qui sont « en lui » (Ga 3.26-29), rien ne donne à penser que Christ sanctifie ceux qui ne lui sont pas unis. La plupart des commentateurs y voient, comme nous, une référence aux patriarches. Ainsi J.D.G. Dunn, Romans 9-16, 659-660 et 672, Th.R. Schreiner, Romans, 600, D. Moo, The Epistle to the Romans, 699, et ainsi de suite.
[25] Dans l’Ancien Testament, l’olivier est une image de prédilection pour désigner Israël : Jr 11.16-19 ; Os 14.6-7. Cf. aussi, dans la littérature juive de l’époque, l’image d’Israël comme un arbre planté par Dieu : 2M 1.29 ; Jub 1.16 ; 1Hé 10.16 ; 26.1 ; 84.6 ; 93.10 ; Test. Siméon 6.2, et ainsi de suite.
[26] Certains commentateurs cherchent à éviter l’idée que la greffe des branches « sauvages », prenant la place des branches naturelles, exprime une notion de « remplacement ». Ils traduisent donc ainsi le v. 17 : « Toi, en tant que branche d’olivier sauvage, tu as été greffé avec eux (enekentristhês en autois). » Du point de vue grammatical, cette traduction n’est pas inacceptable. Elle est toutefois exclue par l’affirmation explicite que les branches « naturelles » en question ont été retranchées et ne font plus partie de l’arbre (v. 17a). Cela est d’ailleurs dit de façon plus claire encore au v. 19 : « Tu diras donc : des branches ont été retranchées, afin que moi, je sois greffé (hina egô egkentisthô). » Il y a bien « substitution », au même titre d’ailleurs qu’aux vv. 22-24 où la menace d’être retranchées pèse aussi sur les branches « sauvages ». Cependant, malgré ce « remplacement » (et il ne faudrait pas pousser trop loin ce qui reste de l’ordre de l’imagerie, en pensant par exemple à un nombre fixe de « places », un peu comme des chaises musicales), l’essentiel reste l’unité de l’arbre. L’arbre lui-même ne peut être remplacé par un autre.
[27] Il convient de noter que ces versets ne prônent pas l’idée que l’on puisse « perdre son salut ». Dans l’alliance, qui n’est pas synonyme de la communion avec Dieu, la première responsabilité de ses membres est de s’attacher à Dieu et de « marcher devant sa face ». Celui qui ne le fait pas court le risque d’en être écarté comme membre infidèle. La position du chrétien d’origine non juive au sein de l’alliance et du peuple de Dieu est donc analogue à celle du Juif : en cas d’« incrédulité (apistia) » (v. 20), l’un comme l’autre sont menacés d’être « retranchés » (v. 21). Sur toute cette question, cf. notre article, « Election, alliance et certitude du salut », LRR 193 (1997/2), 69-89.
[28] Ce point est reconnu par J.D.G. Dunn, Romans 9-16, 675, D. Moo, The Epistle to the Romans, 707, et d’autres. Notons que le futur ici est strictement analogue aux futurs des vv. 21-22. Il est instructif de mettre ces affirmations en parallèle, afin de mieux percevoir la proximité de leur structure :
v. 21 : « Si Dieu n’a pas épargné les branches naturelles, il ne t’épargnera pas non plus. »
v. 22 : « […] bonté de Dieu envers toi, si tu demeures dans cette bonté ; autrement, toi aussi tu seras retranché. »
v. 23 : « Eux de même, s’ils ne demeurent pas dans l’incrédulité, ils seront greffés […]. »
[29] C’est l’interprétation qui rallie aujourd’hui la majorité des chercheurs. Cf., par exemple, S. Bénétreau, L’épître de Paul au Romains, 114-119, J.D.G. Dunn, Romans 9-16, 691, P.W. van der Horst, « ‘Only Then Will All Israel be Saved’ : A Short Note on the Meaning of [kai houtôs] In Romans 11:2 », JBL 119/3 (2000) 521-539, F.J. Leenhardt, L’épître de Saint Paul aux Romains, 164-165, Th.R. Schreiner, Romans, 614-619, D. Moo, The Epistle to the Romans, 717-726, et J.R. Wagner, Heralds of the Good News, 276-280.
[30] Cette compréhension a été habituelle dans la théologie protestante classique, elle remonte à saint Augustin et elle compte encore des adhérents parmi les exégètes modernes, comme H. Ponsot, « Et ainsi tout Israël sera sauvé : Rom., XI, 26a », RB 89/3 (1982), 406-417, et N.T. Wright, The Letter to the Romans, 687-691. Ce dernier écrit : « La phrase ‹tout Israël› se comprend donc le mieux comme une redéfinition polémique, analogue à celle que Paul a faite des termes ‹Juif› en 2.29, ‹circoncision› en 2.29 et Ph 3.3, et ‹descendance d’Abraham› en Romains 4, Galates 3, et Rm 9.6-9. »
[31] Cf., par exemple, Ch.R. Bruno « The Deliverer from Zion. The Source(s) and Function of Paul’s Citations in Rm 11:26-27 », TB 59 (2008), 119-134, R. Hvalvik, « A ‘Sonderweg’ for Israel. A Critical Examination of a Current Interpretation of Romans 11.25-27 », JSNT 38 (1990), 87-107, J.R.D. Kirk, « Why Does the Deliverer Come [ek Siôn] (Romans 11.25) ? », JSNT 33.1 (2010), 81-99, H.N. Ridderbos, Paul. An Outline of His Theology, Grand Rapids, Eerdmans, 1975, 358-361, et Ch. Zoccali, « ‘And so all Israel will be saved’ : Competing Interpretations of Romans 11.26 in Pauline Scholarship », JSNT 2008 (30), 289-318.
[32] Notre traduction. Le « car » (gar) au début du verset n’est pas toujours traduit, mais il est important pour marquer la continuité avec le v. 23. Notons également que Paul dit simplement « ceux qui sont les ‹par nature ». L’expression est difficile à rendre en français mais son sens n’est pas problématique.
[33] Bien noté par N.T. Wright, The Letter to the Romans, 687.
[34] Cf., par exemple, Rm 16.25-26 ; 1 Co 2.7 , 4.1, 15.51 ; Ep 1.9, 3.3s, 9, 6.19 ; Col 1.26-27, 2.2, 4.3.
[35] Notre traduction.
[36] Notre traduction.
[37] Ainsi, par exemple, S. Bénétreau, L’épître de Paul au Romains, 115 (qui parle de la « totalité numérique […] » et de « la pleine manifestation de l’Eglise de la Gentilité »), et Th.R. Schreiner, Romans, 617.
[38] H. Ponsot, « Et ainsi tout Israël sera sauvé », 412-413.
[39] « Tout Israël » étant défini en général comme la totalité des Juifs encore en vie au moment du retour du Seigneur, mais d’autres façons de le comprendre existent aussi (par exemple : « tout Israël » serait tous les Juifs qui auront vécu entre la venue du Christ et son retour).
[40] Cf. N.T. Wright, The Letter to the Romans, 691. Ce point est concédé par S. Bénétreau, L’épître de Paul au Romains, 115, Th.R. Schreiner, Romans, 620-621, et D. Moo, The Epistle to the Romans, 719-720, mais qui optent quand même pour une interprétation futuriste. A notre avis, une fois admis le sens de houtôs comme « ainsi », « de cette façon », le seul élément de ces versets qui puisse vraiment donner l’idée d’une conversion collective d’Israël à la fin des temps disparaît. Il est vrai que certains tentent de comprendre houtôs/kathôs (« ainsi/comme ») en rapport avec ce qui suit (les citations bibliques des vv. 26-27) : « Israël sera sauvé ainsi, de la façon dont il est écrit dans l’Ecriture […]. » Cf., par exemple, J.R. Wagner, Heralds of the Good News, 279-280. Dans la mesure où kathôs (« comme ») fait partie de l’expression typiquement paulinienne « comme il est écrit » (kathôs gegraptai), cette suggestion, du point de vue de la grammaire, est improbable.
[41] Comme l’écrit H.N. Ridderbos, Paul, 359 : « Le mystère (v. 25) se situe donc dans la manière dont cette plénitude d’Israël sera sauvée, dans l’interdépendance surprenante entre le salut d’Israël et celui des Gentils. […] Dieu n’accorde aucunement sa miséricorde à Israël indépendamment des Gentils, mais il ne l’accorde pas davantage aux Gentils indépendamment d’Israël. »
[42] On pourrait être tenté de voir dans le texte du v. 27b l’annonce du pardon des péchés en Jr 31.34, dans le cadre de la nouvelle alliance. Le vocabulaire n’est toutefois pas le même. Notons, en outre, que de telles citations mixtes se trouvent assez fréquemment chez Paul (par exemple, 2Co 6.16-18 ; un autre exemple se trouve déjà dans notre chapitre, au v. 8). Dans ces citations mixtes, le contexte de l’Ancien Testament reste souvent important.
[43] L’ouvrage de référence en la matière demeure celui de R.B. Hays, Echoes of Scripture in the Letters of Paul, New Haven, Yale University Press, 1989.
[44] Nous mettons en italiques les mots repris en Rm 11.26-27. Toutes les traductions du texte grec d’Esaïe sont de nous.
[45] Paul a en fait déjà cité Es 59.7-8 en Rm 3.15-17, suivi de ce commentaire : « Or, nous savons que tout ce que dit la loi, elle le dit à ceux qui sont sous la loi, afin que toute bouche soit fermée, et que tout le monde soit reconnu coupable devant Dieu. » (v. 19) Il est donc fort possible que ce chapitre d’Esaïe soit présent à l’esprit de l’apôtre dès le début de son épître.
[46] Cf. Ch.R. Bruno, « The Deliverer from Zion », 126-127, R. Hvalvik, « A ‘Sonderweg’ for Israel », 92-93, N.T. Wright, The Letter to the Romans, 692, notamment. Comme le remarque J.R. Wagner, Heralds of the Good News, 290, sans être une citation du prophète Jérémie, « cette alliance se rapproche de façon saisissante de ‹l’alliance nouvelle› promise [en Jr 31.31-34], car dans les deux cas, c’est Dieu lui-même qui garantit la capacité chez Israël de garder la foi. Alors que Jérémie parle des lois de Dieu écrites de façon indélébile sur le cœur du peuple, Esaïe promet que l’Esprit de Dieu reposera sur lui et que les paroles de Dieu resteront dans sa bouche pour toujours. »
[47] A la différence et du texte hébreu (« Un rédempteur vient pour Sion ») et de la LXX (« Le rédempteur viendra à cause de Sion »), Paul dit littéralement : « Le rédempteur viendra de Sion (ek Siôn). » Il n’est pas impossible que le ek indique ici la raison de la venue (= « à cause de »). Cf. l’art. du BDAG : ek, 3.d. En ce cas, il s’agirait d’une différence de formulation par rapport à la LXX mais non de sens. Dans une autre perspective, J.R.D. Kirk, « Why Does the Deliverer Come [ek Siôn]? », avance que Paul aurait modifié la citation pour mieux appuyer le sens des versets précédents : le Rédempteur – entendre le Christ et l’Evangile – sort de Sion vers les nations, et c’est dans cet élan vers les nations que les péchés de Jacob seront détournés et Israël sauvé. L’une ou l’autre interprétation nous paraît préférable à celle de Th.R. Schreiner, Romans, 619-620, D. Moo, The Epistle to the Romans, 728, et d’autres : Paul citerait ce verset pour faire comprendre que le Christ (re)viendra de la « Sion céleste » – c’est-à-dire du ciel – à la fin des temps pour détourner les péchés de Jacob. Si Paul tient fermement au retour du Christ (Ph 3.20), il ne fait pourtant jamais l’équation « ciel = Jérusalem céleste » (politeuma, en Ph 3.20, se traduit mieux par « citoyenneté » que par « cité », contrairement à la BC. Cf., par exemple la NBS et la Bible en français courant). L’invraisemblance d’une référence à la Jérusalem céleste est soulignée par Ch.R. Bruno, « The Deliverer from Zion », 127-128, J.R.D. Kirk, op. cit., 90-91, et d’autres. Ce dernier remarque que la seule autre référence à « Sion » chez Paul (Rm 9.33) – dans la même section que notre passage – se comprend comme une métonymie pour la ville physique de Jérusalem : « […] où Jésus est allé et fut mis à mort, et d’où le message de Jésus sort pour aller par toute la terre. »
[48] Cf. Rm 1.16 : l’Evangile du Christ est la « puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, et aussi du Grec (Ioudaiô te prôton kai hellêni). » (Notre traduction)
[49] J.R. Wagner, Heralds of the Good News, 294.
[50] On retrouve, ici encore, des termes et concepts également présents dans Romains : la « justice (dikaiosunê) que doivent apprendre les habitants de la terre (Es 26.9) mais que n’ont pas apprise les impies, ainsi que la « vérité » (alêtheian, v. 10), et ainsi de suite.
[51] Rhinocuros est une ville connue de l’Antiquité. Dans son commentaire d’Esaïe, Eusèbe de Césarée donne la précision suivante : « Il s’agit d’une ville située près des montagnes qui se trouvent entre l’Egypte et la Palestine. » Commentarius in Isaiam, 1.91.29-30. Elle représenterait donc la frontière entre ces deux régions. Cf. aussi Flavius Josèphe, AJ 13.395.
[52] Cette action de rassembler ira de pair avec le rassemblement de ceux qui sont « perdus » en Egypte et en Assyrie. Ceux-là viendront et se prosterneront devant le Seigneur, à Jérusalem (v. 13).
[53] Dans la mesure où J.R. Wagner, Heralds of the Good News, avance comme thèse principale que les citations d’Esaïe dans Romains impliquent une écoute attentive chez Paul de leur contexte global, il est étonnant – et peut-être symptomatique de sa démarche – qu’il passe totalement sous silence le contenu du chapitre lorsqu’il traite de la citation d’Es 27.9 (ibid., 294-298). Serait-ce parce que Wagner, qui avance avec force l’idée d’un retour collectif à Dieu à la fin des temps de la part d’Israël, se rend compte que ce chapitre d’Esaïe, notamment dans la LXX, infirme son interprétation ? Ch.R. Bruno, « The Deliverer from Zion », 130-131, dont les conclusions sont proches des nôtres, développe assez courtement le contexte d’Esaïe 27 mais sans référence au texte grec de la LXX, sur lequel Paul s’appuyait clairement.
[54] La thématique de la fidélité de Dieu, par laquelle Dieu reste attaché à Israël et s’engage à sauver un reste glorieux, est fermement enracinée dans l’Ancien Testament, notamment dans le Deutéronome, mais aussi chez les prophètes.
[55] Le terme ametamelêtos (« irrévocable ») signifie littéralement « qui n’est pas à regretter », ou « qui est sans regret », avec l’idée que l’on n’a pas à regretter une décision prise ou une action accomplie : Dieu ne revient pas sur ce qu’il a donné.
[56] NBS. La traduction de la BC ne rend pas compte de façon satisfaisante du texte grec à cet endroit.
[57] Le texte grec appuie cette suggestion de façon plus forte encore, puisqu’il dit littéralement : « Vous avez reçu miséricorde par la désobéissance de ceux-ci ; de même, eux aussi maintenant ont désobéi par la miséricorde manifestée envers vous. »
[58] Le dernier nun (« maintenant ») manque dans la plupart des manuscrits. Il est néanmoins présent dans quelques témoins variés et de bonne facture (Sinaiticus, B, D*c, et d’autres). Le choix de le maintenir ou non est donc difficile. Dans tous les cas, il vient renforcer ce qui est déjà suggéré par le texte. Son authenticité est reconnue, entre autres par Th.R. Schreiner, Romans, 628-630. L’interprétation proposée par cet exégète est néanmoins forcée (« Paul écrit [nun] parce que le salut des Juifs peut venir à tout moment – en ce sens-là il est imminent – car le temps de désobéissance des Gentils a été remplacé par celui du salut des Gentils ») ; elle montre, de fait, la difficulté réelle que pose ce « maintenant » pour toute position uniquement futuriste.
[59] Ep 4.18 développe ce propos, parlant des « païens » : « Ils ont la pensée obscurcie, ils sont étrangers à la vie de Dieu, à cause de l’ignorance qui est en eux et de l’endurcissement de leur cœur. » Cf., dans ce même sens, D. Moo, The Epistle to the Romans, 735-736.
[60] Comme le remarque avec raison N.T. Wright, The Letter to the Romans, 695 : « Le verset 32 forme la conclusion, non seulement des chap. 9-11, mais de l’ensemble de la lettre jusqu’ici. » De fait, la fin surprenante du chapitre 11 montre à quel point l’épître aux Romains est une unité : dans la première partie déjà, Paul met en avant non seulement la justification par la foi et la « sanctification » par l’Esprit, mais l’égalité des Juifs et des non-Juifs devant Dieu, tout en maintenant la distinction entre les deux. De même, si les chap. 9-11 touchent à la situation d’Israël et de l’Eglise, Paul n’oublie pas la place centrale de la grâce gratuite et souveraine de Dieu qui abolit tout privilège en ce qui concerne la justice et le salut.
[61] Cf. J.Ch. Beker, Paul the Apostle, 334 : « […] Le mystère est la dynamique étonnante, en ‹vagues› ou ‹ondulations›, de l’histoire divine de la rédemption, ‹l’interdépendance› dans l’action de Dieu envers les non-Juifs et les Juifs. »
[62] Bibliquement, il ne fait pas de doute qu’à partir de Pentecôte la notion de « peuple de Dieu » a été utilisée pour décrire l’Eglise. L’expression complète ou partielle revient une douzaine de fois dans le Nouveau Testament (Ac 15.14, 18.10 ; Rm 9.25 ; 2 Co 6.16 ; Tt 2.14 ; Hé 2.17, 4.9 ; 1 P 2.9-10 ; Ap 18.4, 21.3). De même, les caractéristiques décrivant Israël dans l’Ancien Testament sont régulièrement reprises par les auteurs du Nouveau pour désigner l’Eglise. Cf. à ce sujet, H.N. Ridderbos, Paul, 327-333. Si l’on songe au fait qu’en 1P 2.9-10, par exemple, l’auteur utilise l’expression pour souligner que ce qui fait l’essentiel d’Israël dans l’Ancien Testament est accordé à l’Eglise dans le Nouveau, son importance théologique devient évidente.
[63] Le document de la communion ecclésiale de Leuenberg, Eglise et Israël, 7, souligne, à juste titre, que les rapports que l’Eglise entretient avec le judaïsme ne peuvent pas ne pas tenir compte des réalités tragiques du nazisme et de l’Holocauste : « La Shoah représente un défi permanent pour les Eglises et leur théologie : […]. La Shoah continue à donner lieu à un examen et à une actualisation permanents de la théologie. Elle contraint à rechercher les causes de cette haine des Juifs qui renaît sans cesse et celles d’un antisémitisme qui existe encore aujourd’hui. »