Antéchrist et Apocalypse. Millénarisme et fin des temps.
L'Antéchrist
C’est dans la Première Épître de Jean (2, 18) qu’apparaît pour la première fois le mot grec "antichristos". Cependant, l’idée d’un antimessie s’est formée bien avant l’apparition du christianisme.
Dans les récits de visions du Livre de Daniel, composés juste avant la révolte des Maccabées, les quatre empires qui ont dominé successivement l’Orient sont représentés par quatre bêtes monstrueuses. La quatrième symbolise la monarchie séleucide. Cette bête porte plusieurs cornes dont la dernière figure le plus impie des souverains, Antiochus Épiphane (Daniel, VII, 23-25).
Cette imagerie est reprise dans le chapitre XIII de l’Apocalypse. Les puissances mauvaises y forment une sorte de trinité démoniaque qui sévira à la fin des temps :
- Le grand dragon, c’est-à-dire Satan, transmettra alors son trône et son empire à une bête sortie de la mer.
- Cette bête monstrueuse, portant sept têtes et dix cornes, sera la contrefaçon de l’agneau, qui, dans l’Apocalypse, figure le Christ : elle singera sa mort et sa résurrection, tout en combattant ses fidèles.
- Une seconde bête, venue cette fois de la terre, organisera le culte de la première en se servant d’artifices magiques qui séduiront les foules.
Les hommes qui refuseront d’adorer l’image de la première bête seront mis à mort.
Mais ce règne diabolique ne durera qu'"un temps, deux temps et la moitié d'un temps" (Dan XII, 7 ; Apoc XII, 14) et le Christ viendra dans sa gloire pour y mettre fin.
Selon une tradition attestée par les Evangiles synoptiques (Matthieu XXIV 24 ; Marc XIII 22), et par la Première Épître de Jean (II 18), il y aura beaucoup de pseudochrists ou d’antéchrists, et ils sévissent même déjà dans les communautés chrétiennes : ce sont les premiers hérétiques.
Mais la Deuxième Épître aux Thessaloniciens, dont on conteste aujourd’hui l’attribution à Paul, évoque "l’homme d’iniquité", le "fils de perdition", qui viendra porter l’impiété à son comble avant d’être anéanti par le Christ : les termes employés semblent bien désigner un individu unique.
Dès la Didachê (première moitié du IIe siècle), la venue de cet imposteur, qui égarera le monde par ses miracles, dominera la terre, se fera passer pour le Fils de Dieu et commettra des forfaits inouïs, apparaît comme une donnée bien établie de la catéchèse.
L’Antéchrist fait l’objet d’un traité entier d'Hippolyte (vers 200). Irénée de Lyon (vers 180), Lactance (début du IVe s.) et Augustin d'Hippone (vers 420) lui consacrent de longs développements.
Hippolyte voit en lui non un homme, mais un diable revêtu d'un corps qui nous le montre doux et miséricordieux dans ses jeunes années ; mais cette douceur, cette miséricorde ne sera qu'un masque hypocrite destiné à mieux séduire les fidèles.
Il ajoute que l'Antéchrist guérira les paralytiques et les lépreux, qu'il marchera sur les eaux, qu'il obscurcira le ciel et se fera obéir des éléments, qu'en tout il s'attachera à imiter le Christ, qu'il aura, lui aussi, ses apôtres, que sous son règne le saint sacrifice de la messe cessera.
"Il réduira la lune en sang" dit Méthodius d'Olympe (+ 311).
"Il enverra aux quatre coins de l'univers des démons qui publieront que le grand roi est venu" dit Ephrem le Syrien (+ 373).
"Il trompera les Juifs en s'annonçant comme le messie, et les Gentils, par des incantations magiques" dit Cyrille de Jérusalem (+ 387). Dans sa Quinzième Catéchèse, composée peu avant 350, Cyrille de Jérusalem replace le thème de l’Antéchrist dans une vue d’ensemble de l’histoire du salut : le diable a voulu prévenir par une parodie chacune des venues du Christ afin de dérouter chaque fois les esprits. La première fois, avant que le Fils de Dieu ne prenne chair dans le sein de la Vierge, Satan a multiplié les récits fabuleux, racontant comment des dieux s’étaient unis à des mortelles et les avaient rendues mères. La seconde fois, avant que le Christ ne revienne dans la gloire et la puissance, le diable suscitera un magicien qui stupéfiera les foules par ses artifices, s’emparera du pouvoir dans l’Empire romain et se fera adorer comme le Fils de Dieu.
Dans un propos de Martin de Tours (+ 400) que rapporte Sulpice Sévère (Dialogues I, 14), l’Antéchrist se trouve en quelque sorte dédoublé.
A la fin des temps, Néron ressuscitera, règnera à Rome, persécutera les chrétiens et voudra les contraindre par la violence à adorer les idoles.
Ensuite seulement apparaîtra l’Antéchrist proprement dit : il trônera à Jérusalem, rétablira le judaïsmeet entreprendra de l’imposer à tous les hommes. La guerre éclatera entre les deux impies. Néron sera vaincu et tué par l’Antéchrist et ce dernier règnera sur le monde jusqu’à ce que le Christ mette fin à sa domination.
Jérôme de Stridon (+ 420) écrit : "Comme il s'élèvera des révoltes dans les pays de l'Orient, l'Antéchrist marchera de ce côté avec une nombreuse armée; il dressera son pavillon à Apadno, près de Nicopolis, puis continuera ses poursuites jusqu'au mont des Oliviers. Lorsqu'il sera monté au sommet, personne ne pourra le secourir, et Jésus-Christ arrivant le mettra à mort par le souffle de ses lèvres."
D'autres font tuer l'Antéchrist par l'archange Michel ou veulent qu'il lutte contre Elie.
Les interprétations proposées par les Pères de l’Église sont reprises dans le portrait de l’Antéchrist que trace Grégoire le Grand à la fin du VIe siècle.
Pour le pape Grégoire Ier, l’Antéchrist sera le diable incarné. Satan "assumera un homme" à la fin des temps, ce qui lui permettra d’être la tête du corps des réprouvés, comme le Christ est la tête du corps des élus. Cette antithèse domine la pensée de Grégoire.
Reprenant l’idée que l’Antéchrist se distinguera par des prodiges inouïs, l’auteur des Morales en conclut que les miracles dont est si riche et si friande l’Église de son temps cesseront tout à coup. Ce sera l’épreuve suprême : les hommes devront se passer de signes sensibles et seront renvoyés à la pureté de la foi.
Dans sa Vita Christi, Eximenès assure que l'Antéchrist sera un juif de la tribu de Dan et sera bâtard, naîtra en Babylonie et sera doté de tous les biens de la nature, beau, généreux, beau parleur, libéral, fort affable et aimable, il sera aussi doué des biens de la fortune et de la science, il en saura plus que Salomon ni aucun autre philosophe.
Comme il naîtra en Babylonie où il y aura abondance de maîtres en arts magiques dans lesquels il sera puissamment enseigné car un grand démon lui apprendra tout ce qu'il pourra et principalement l'art d'alchimie et il fera de l'or ou de l'argent autant qu'il en voudra.
Les démons lui apprendront à trouver et à faire de l'or et n'importe quel autre matériau des mines naturelles qui sont au monde et ils lui apporteront de l'or du fond des mers.
Certains auteurs prétendent que l'Antéchrist sera un démon incarné et évoquent Bélial à son sujet.
D'autres parlent encore du fils d'Abaddon, le démon exterminateur et qui devrait naître au prochain millénaire, lorsque le Serpent passera dans le signe du Lion : une femme accouchera alors, la nuit, en secret d'un enfant portant un signe sur le front.
Certains voient en lui le fils d'un incube et d'une mortelle.
Selon la prophétie de La Salette, il "naîtra d'une religieuse" .
Les fidèles de l'Eglise baptiste du Centre affirment qu'il est déjà né, le 22 février 1962, et qu'il fait partie d'un complot synarchique qui vise à instaurer le Mal : les maladies, les drogues, le rock’n’roll, le tabac, l'alcoolisme, l'avortement, le communisme et l'informatique en apporteraient la preuve.
A diverses époques, les chrétiens croient reconnaître les traits de l'Antéchrist dans tel ou tel personnage historique qui se montrait l'ennemi, le persécuteur de leur religion : Néron, Domitien, Dioclétien, Genséric, Mahomet ou un autre musulman, un roi d’Israël, le bâtard d’une juive et d’un mahométan, le successeur du prêtre impie, l’ennemi de l’intérieur, que dénonçaient déjà les Esséniens, Luther, Calvin, la franc-maçonnerie, la Révolution française, Napoléon Ier (Tolstoï le considère comme l’antéchrist), le marxisme…
Certains réformateurs religieux des XIVe et XVe siècles, révoltés contre la richesse et le faste de l’Église, et surtout les protestants des XVIe et XVIIe siècles, croient reconnaître l’Antéchrist dans le pape et la grande Babylone de l’Apocalypse dans l’Eglise romaine.
.
ANTECHRIST ET APOCALYPSE
L'Antéchrist
C’est dans la Première Épître de Jean (2, 18) qu’apparaît pour la première fois le mot grec "antichristos". Cependant, l’idée d’un antimessie s’est formée bien avant l’apparition du christianisme.
Dans les récits de visions du Livre de Daniel, composés juste avant la révolte des Maccabées, les quatre empires qui ont dominé successivement l’Orient sont représentés par quatre bêtes monstrueuses. La quatrième symbolise la monarchie séleucide. Cette bête porte plusieurs cornes dont la dernière figure le plus impie des souverains, Antiochus Épiphane (Daniel, VII, 23-25).
Cette imagerie est reprise dans le chapitre XIII de l’Apocalypse. Les puissances mauvaises y forment une sorte de trinité démoniaque qui sévira à la fin des temps :
- Le grand dragon, c’est-à-dire Satan, transmettra alors son trône et son empire à une bête sortie de la mer.
- Cette bête monstrueuse, portant sept têtes et dix cornes, sera la contrefaçon de l’agneau, qui, dans l’Apocalypse, figure le Christ : elle singera sa mort et sa résurrection, tout en combattant ses fidèles.
- Une seconde bête, venue cette fois de la terre, organisera le culte de la première en se servant d’artifices magiques qui séduiront les foules.
Les hommes qui refuseront d’adorer l’image de la première bête seront mis à mort.
Mais ce règne diabolique ne durera qu'"un temps, deux temps et la moitié d'un temps" (Dan XII, 7 ; Apoc XII, 14) et le Christ viendra dans sa gloire pour y mettre fin.
Selon une tradition attestée par les Evangiles synoptiques (Matthieu XXIV 24 ; Marc XIII 22), et par la Première Épître de Jean (II 18), il y aura beaucoup de pseudochrists ou d’antéchrists, et ils sévissent même déjà dans les communautés chrétiennes : ce sont les premiers hérétiques.
Mais la Deuxième Épître aux Thessaloniciens, dont on conteste aujourd’hui l’attribution à Paul, évoque "l’homme d’iniquité", le "fils de perdition", qui viendra porter l’impiété à son comble avant d’être anéanti par le Christ : les termes employés semblent bien désigner un individu unique.
Dès la Didachê (première moitié du IIe siècle), la venue de cet imposteur, qui égarera le monde par ses miracles, dominera la terre, se fera passer pour le Fils de Dieu et commettra des forfaits inouïs, apparaît comme une donnée bien établie de la catéchèse.
L’Antéchrist fait l’objet d’un traité entier d'Hippolyte (vers 200). Irénée de Lyon (vers 180), Lactance (début du IVe s.) et Augustin d'Hippone (vers 420) lui consacrent de longs développements.
Hippolyte voit en lui non un homme, mais un diable revêtu d'un corps qui nous le montre doux et miséricordieux dans ses jeunes années ; mais cette douceur, cette miséricorde ne sera qu'un masque hypocrite destiné à mieux séduire les fidèles.
Il ajoute que l'Antéchrist guérira les paralytiques et les lépreux, qu'il marchera sur les eaux, qu'il obscurcira le ciel et se fera obéir des éléments, qu'en tout il s'attachera à imiter le Christ, qu'il aura, lui aussi, ses apôtres, que sous son règne le saint sacrifice de la messe cessera.
"Il réduira la lune en sang" dit Méthodius d'Olympe (+ 311).
"Il enverra aux quatre coins de l'univers des démons qui publieront que le grand roi est venu" dit Ephrem le Syrien (+ 373).
"Il trompera les Juifs en s'annonçant comme le messie, et les Gentils, par des incantations magiques" dit Cyrille de Jérusalem (+ 387). Dans sa Quinzième Catéchèse, composée peu avant 350, Cyrille de Jérusalem replace le thème de l’Antéchrist dans une vue d’ensemble de l’histoire du salut : le diable a voulu prévenir par une parodie chacune des venues du Christ afin de dérouter chaque fois les esprits. La première fois, avant que le Fils de Dieu ne prenne chair dans le sein de la Vierge, Satan a multiplié les récits fabuleux, racontant comment des dieux s’étaient unis à des mortelles et les avaient rendues mères. La seconde fois, avant que le Christ ne revienne dans la gloire et la puissance, le diable suscitera un magicien qui stupéfiera les foules par ses artifices, s’emparera du pouvoir dans l’Empire romain et se fera adorer comme le Fils de Dieu.
Dans un propos de Martin de Tours (+ 400) que rapporte Sulpice Sévère (Dialogues I, 14), l’Antéchrist se trouve en quelque sorte dédoublé.
A la fin des temps, Néron ressuscitera, règnera à Rome, persécutera les chrétiens et voudra les contraindre par la violence à adorer les idoles.
Ensuite seulement apparaîtra l’Antéchrist proprement dit : il trônera à Jérusalem, rétablira le judaïsmeet entreprendra de l’imposer à tous les hommes. La guerre éclatera entre les deux impies. Néron sera vaincu et tué par l’Antéchrist et ce dernier règnera sur le monde jusqu’à ce que le Christ mette fin à sa domination.
Jérôme de Stridon (+ 420) écrit : "Comme il s'élèvera des révoltes dans les pays de l'Orient, l'Antéchrist marchera de ce côté avec une nombreuse armée; il dressera son pavillon à Apadno, près de Nicopolis, puis continuera ses poursuites jusqu'au mont des Oliviers. Lorsqu'il sera monté au sommet, personne ne pourra le secourir, et Jésus-Christ arrivant le mettra à mort par le souffle de ses lèvres."
D'autres font tuer l'Antéchrist par l'archange Michel ou veulent qu'il lutte contre Elie.
Les interprétations proposées par les Pères de l’Église sont reprises dans le portrait de l’Antéchrist que trace Grégoire le Grand à la fin du VIe siècle.
Pour le pape Grégoire Ier, l’Antéchrist sera le diable incarné. Satan "assumera un homme" à la fin des temps, ce qui lui permettra d’être la tête du corps des réprouvés, comme le Christ est la tête du corps des élus. Cette antithèse domine la pensée de Grégoire.
Reprenant l’idée que l’Antéchrist se distinguera par des prodiges inouïs, l’auteur des Morales en conclut que les miracles dont est si riche et si friande l’Église de son temps cesseront tout à coup. Ce sera l’épreuve suprême : les hommes devront se passer de signes sensibles et seront renvoyés à la pureté de la foi.
Dans sa Vita Christi, Eximenès assure que l'Antéchrist sera un juif de la tribu de Dan et sera bâtard, naîtra en Babylonie et sera doté de tous les biens de la nature, beau, généreux, beau parleur, libéral, fort affable et aimable, il sera aussi doué des biens de la fortune et de la science, il en saura plus que Salomon ni aucun autre philosophe.
Comme il naîtra en Babylonie où il y aura abondance de maîtres en arts magiques dans lesquels il sera puissamment enseigné car un grand démon lui apprendra tout ce qu'il pourra et principalement l'art d'alchimie et il fera de l'or ou de l'argent autant qu'il en voudra.
Les démons lui apprendront à trouver et à faire de l'or et n'importe quel autre matériau des mines naturelles qui sont au monde et ils lui apporteront de l'or du fond des mers.
Certains auteurs prétendent que l'Antéchrist sera un démon incarné et évoquent Bélial à son sujet.
D'autres parlent encore du fils d'Abaddon, le démon exterminateur et qui devrait naître au prochain millénaire, lorsque le Serpent passera dans le signe du Lion : une femme accouchera alors, la nuit, en secret d'un enfant portant un signe sur le front.
Certains voient en lui le fils d'un incube et d'une mortelle.
Selon la prophétie de La Salette, il "naîtra d'une religieuse" .
Les fidèles de l'Eglise baptiste du Centre affirment qu'il est déjà né, le 22 février 1962, et qu'il fait partie d'un complot synarchique qui vise à instaurer le Mal : les maladies, les drogues, le rock’n’roll, le tabac, l'alcoolisme, l'avortement, le communisme et l'informatique en apporteraient la preuve.
A diverses époques, les chrétiens croient reconnaître les traits de l'Antéchrist dans tel ou tel personnage historique qui se montrait l'ennemi, le persécuteur de leur religion : Néron, Domitien, Dioclétien, Genséric, Mahomet ou un autre musulman, un roi d’Israël, le bâtard d’une juive et d’un mahométan, le successeur du prêtre impie, l’ennemi de l’intérieur, que dénonçaient déjà les Esséniens, Luther, Calvin, la franc-maçonnerie, la Révolution française, Napoléon Ier (Tolstoï le considère comme l’antéchrist), le marxisme…
Certains réformateurs religieux des XIVe et XVe siècles, révoltés contre la richesse et le faste de l’Église, et surtout les protestants des XVIe et XVIIe siècles, croient reconnaître l’Antéchrist dans le pape et la grande Babylone de l’Apocalypse dans l’Eglise romaine.
.