Sceau d'un roi ammonite
Ammon et Moab règnent sur des territoires situés à l'est du Jourdain (actuelle Jordanie). Pour l'ancien Israël, ce sont des voisins turbulents. Les Ammonites surtout lui opposent une résistance armée. L'histoire du malheureux Jephté, qu'un vœu imprudent contraint d'immoler sa fille unique (Jg 10,6 à 12,7), est au cœur de cette lutte.
Ammonites et Moabites, hostiles aux Israélites, accusent pourtant des airs de cousinage avec eux, car leurs langues sont apparentées à l'hébreu. Ce lien de « parenté » s'explique aussi par leurs origines légendaires. Ammonites et Moabites ne sont-ils pas issus de l'union incestueuse d'un père ivre (Gn 19,30-38), Lot, avec ses filles? Souvenons-nous que Lot était le neveu d'Abraham (Gn 11,27). Un incident qui donne aussi le sens des noms : Moab et Ammon. Le premier signifie « issu du père »; le second, « mon parent ».
Sur fond de guerre
Deux drames marquants de l'histoire politique et religieuse d'Israël illustrent les rapports tendus entre Israélites et Ammonites. Le premier se joue au temps du roi David. Alors que les Ammonites lui font la guerre, il commet l'adultère avec Bethsabée, femme d'un certain Urie et future mère de Salomon (2 S 11). Il faut lire et relire l'émouvant discours du prophète Natân au roi David, grandi par son repentir (2 S 12,1-13).
Un deuxième événement se situe au temps de Jérémie. En 586 av. J.-C., Nabuchodonosor détruit Jérusalem et déporte une bonne partie du peuple. Il nomme un certain Godolias gouverneur du pays dévasté. Mais un complot se trame contre celui-ci : Ismaël assassine Godonias (2 R 25,22-25), fils d'Ahiqam, protecteur et grand ami de Jérémie (Jr 26,24). Pas étonnant, donc, que l'assassinat de Godolias soit rapporté en détail dans le livre même du prophète (Jr 40,13 à 41,3).
Le livre de Jérémie nous apprend, entre autres faits, que l'assassin, Ismaël, agissait sous les ordres d'un certain Baalis, roi des Ammonites (40,14) qui tenait Godolias pour un collaborateur de l'ennemi!
Qui est Baalyisha?
Cette introduction sur les Ammonites n'est pas inutile. En dehors de l'Ancien Testament, rares sont les renseignements sur eux. Voici que tout récemment, à Londres, un trafiquant jordanien vend un sceau à un collectionneur. Celui-ci s'empresse de le porter à la connaissance des historiens, vu son grand intérêt.
Nous pouvons lire le sceau sans difficulté. L'objet est taillé dans une agate brune, striée de lignes blanches. Une perforation permet de le porter au doigt, comme une bague ou au cou, suspendu par une chaînette. Le motif se présente en trois régistres, séparés par des doubles lignes. Un sphinx (lion ailé à tête humaine) occupe le centre. Les anciens l'appellent « chérub » ou chérubin (pluriel), nom d'un génie associé aux trônes divins ou royaux. Le mot melek (roi) s'intercale entre le Baalyisha (nom propre) de la première ligne de l'inscription et lebené Ammon (Ammonites) de la troisième. Des éclats sont disparus dans le coin gauche en haut, et sur le bas, mais il reste suffisamment de traces des lettres manquantes pour justifier la lecture que nous proposons.
Impossible d'en douter : le propriétaire de ce sceau, Baalyisha, est le Baalis du récit de Jérémie. Sous cette forme tronquée, le nom n'a aucun sens. L'auteur semble éviter une allusion à Baal sauveur (Baalyisha), car qui peut sauver sinon Yahveh? D'ailleurs, dans la traduction grecque du livre de Jérémie, on lit Belisa, ce qui laisse supposer un Baalyisha ou le dieu « Baal sauve ». En effet « Baal » devient « Bel » en grec, et le son sh devient s! Exactement ce que nous lisons sur le sceau.
Tenir en main le sceau personnel d'un roi ammonite tragiquement impliqué dans l'histoire d'Israël, vers 580 av. J.-C., ça vaut son pesant d'or!
Ammon et Moab règnent sur des territoires situés à l'est du Jourdain (actuelle Jordanie). Pour l'ancien Israël, ce sont des voisins turbulents. Les Ammonites surtout lui opposent une résistance armée. L'histoire du malheureux Jephté, qu'un vœu imprudent contraint d'immoler sa fille unique (Jg 10,6 à 12,7), est au cœur de cette lutte.
Ammonites et Moabites, hostiles aux Israélites, accusent pourtant des airs de cousinage avec eux, car leurs langues sont apparentées à l'hébreu. Ce lien de « parenté » s'explique aussi par leurs origines légendaires. Ammonites et Moabites ne sont-ils pas issus de l'union incestueuse d'un père ivre (Gn 19,30-38), Lot, avec ses filles? Souvenons-nous que Lot était le neveu d'Abraham (Gn 11,27). Un incident qui donne aussi le sens des noms : Moab et Ammon. Le premier signifie « issu du père »; le second, « mon parent ».
Sur fond de guerre
Deux drames marquants de l'histoire politique et religieuse d'Israël illustrent les rapports tendus entre Israélites et Ammonites. Le premier se joue au temps du roi David. Alors que les Ammonites lui font la guerre, il commet l'adultère avec Bethsabée, femme d'un certain Urie et future mère de Salomon (2 S 11). Il faut lire et relire l'émouvant discours du prophète Natân au roi David, grandi par son repentir (2 S 12,1-13).
Un deuxième événement se situe au temps de Jérémie. En 586 av. J.-C., Nabuchodonosor détruit Jérusalem et déporte une bonne partie du peuple. Il nomme un certain Godolias gouverneur du pays dévasté. Mais un complot se trame contre celui-ci : Ismaël assassine Godonias (2 R 25,22-25), fils d'Ahiqam, protecteur et grand ami de Jérémie (Jr 26,24). Pas étonnant, donc, que l'assassinat de Godolias soit rapporté en détail dans le livre même du prophète (Jr 40,13 à 41,3).
Le livre de Jérémie nous apprend, entre autres faits, que l'assassin, Ismaël, agissait sous les ordres d'un certain Baalis, roi des Ammonites (40,14) qui tenait Godolias pour un collaborateur de l'ennemi!
Qui est Baalyisha?
Cette introduction sur les Ammonites n'est pas inutile. En dehors de l'Ancien Testament, rares sont les renseignements sur eux. Voici que tout récemment, à Londres, un trafiquant jordanien vend un sceau à un collectionneur. Celui-ci s'empresse de le porter à la connaissance des historiens, vu son grand intérêt.
Nous pouvons lire le sceau sans difficulté. L'objet est taillé dans une agate brune, striée de lignes blanches. Une perforation permet de le porter au doigt, comme une bague ou au cou, suspendu par une chaînette. Le motif se présente en trois régistres, séparés par des doubles lignes. Un sphinx (lion ailé à tête humaine) occupe le centre. Les anciens l'appellent « chérub » ou chérubin (pluriel), nom d'un génie associé aux trônes divins ou royaux. Le mot melek (roi) s'intercale entre le Baalyisha (nom propre) de la première ligne de l'inscription et lebené Ammon (Ammonites) de la troisième. Des éclats sont disparus dans le coin gauche en haut, et sur le bas, mais il reste suffisamment de traces des lettres manquantes pour justifier la lecture que nous proposons.
Impossible d'en douter : le propriétaire de ce sceau, Baalyisha, est le Baalis du récit de Jérémie. Sous cette forme tronquée, le nom n'a aucun sens. L'auteur semble éviter une allusion à Baal sauveur (Baalyisha), car qui peut sauver sinon Yahveh? D'ailleurs, dans la traduction grecque du livre de Jérémie, on lit Belisa, ce qui laisse supposer un Baalyisha ou le dieu « Baal sauve ». En effet « Baal » devient « Bel » en grec, et le son sh devient s! Exactement ce que nous lisons sur le sceau.
Tenir en main le sceau personnel d'un roi ammonite tragiquement impliqué dans l'histoire d'Israël, vers 580 av. J.-C., ça vaut son pesant d'or!