Le sceau du ministre de la corvée
Dans l’Antiquité, et parfois encore de nos jours, la signature de documents, officiels ou privés, était faite à l’aide d’un sceau imprimé dans de la glaise fraîche ou de la cire molle. En Égypte, ces sceaux prenaient la forme de scarabées montés dans une bague. En Palestine, si le scarabée est rare, la pierre-sceau en conserve toutefois la forme; la partie ornementale n’est plus l’insecte évoqué avec réalisme, mais divers motifs qu’encadrent l’inscription.
Actuellement, nous connaissons plusieurs centaines de ces sceaux dont l’origine israélite ne saurait être mise en doute. En général l’inscription se limite au nom du propriétaire, ordinairement déterminé par le nom de son père, selon la formule : « X fils de Y ». Ces sceaux sont donc importants pour l’étude des noms propres israélites; comme on peut s’y attendre, un grand nombre de noms bibliques sont ainsi attestés. Parfois, au lieu du nom du père, c’est la fonction du propriétaire du sceau qui est ainsi inscrite, comme « ministre » d’un roi, « scribe », « prêtre », etc. Ces mêmes sceaux constituent donc un matériel non négligeable pour l’étude de l’administration civile et religieuse du peuple d’Israël.
Il y a plusieurs années, un tel sceau a paru sur le marché des antiquités de Jérusalem; son acquéreur a vu à ce qu’il soit publié sans tarder à cause du grand intérêt qu’il suscite. Il a la forme d’un scarabée, taillé dans un quartz vert sombre, tacheté de noir; il a été percé pour être monté sur une bague. Une première caractéristique à signaler : il est inscrit sur deux faces; c’est un cas unique! La face A se lit : « À Pelayahu (fils de) Mattityahu »; c’est la formule très connue des sceaux privés. Sur la face B on lit : « À Pelayahu qui est (ministre) de la corvée », c’est la formule du sceau officiel d’un membre de l’administration royale.
La corvée est un travail d’esclave imposé sur quelqu’un au profit non pas d’un individu, mais de l’état tout entier. Elle est bien connue dans tout le Proche-Orient ancien; les rois avaient facilement recours à ce mode de main d’œuvre pour la construction des routes et de leurs palais, pour la culture de leurs terres, etc. Les Israélites ont été astreints à un tel travail par les Égyptiens (Ex 1). En Israël, la corvée n’est mentionnée que sous David et Salomon! David, en effet, soumet les Ammonites, récemment vaincus, à ce travail forcé, mis sur pied par un certain Adoniram (2 S 12,31; 20,24). Le même personnage est toujours actif sous Salomon, qui voit à la bonne marche des grandes constructions du roi : villes, palais et temple; mais cette fois, des Israélites même sont forcés à fournir ce genre de travail, au même rang que les ennemis vaincus (1 R 4,6; 5,27-28; 11,28; 12,18; voir aussi 1 R 9,20-22). On donne le chiffre de 3300 ouvriers de corvée, dirigés par 550 surveillants (1 R 5,30; 9,23), dont un certain Jéroboam (1 R 11,28).
À la mort de Salomon, les dix tribus du Nord demandent à son fils et successeur, Roboam, de bien vouloir alléger ce joug de la corvée; comme réponse, il leur envoie Adoniram, chef des corvées, avec ce message : « Ce joug que vous a imposé mon père, je le rendrai encore plus lourd! » Jéroboam, un des chefs de corvée du nord, proclame donc l’indépendance de ces dix tribus qui forment désormais le royaume d’Israël, ayant ce même Jéroboam comme roi. Et nous n’entendons plus parler de corvée, pour des siècles, bien que nous soupçonnions qu’elle ait continué.
Le sceau de Pelayahu vient donc confirmer nos intuitions à ce sujet. Tout d’abord le nom de ce ministre de la corvée est connu à partir de l’époque exilique (VIe siècle avant J.-C.). Il signifie « Yahvé a fait merveille » ou « Yahvé, est merveilleux ». Le nom de son père figure pour la première fois à la même époque; on reconnaît le nom de Matthias, qui signifie : « (Cet enfant est) don de Yahvé ». L’étude de la forme des lettres de l’inscription (paléographie) nous permet de le dater vers la fin du VIIe, siècle ou, le début du VIe siècle av. J.-C. Vers la fin du royaume de Juda, la corvée était donc encore largement pratiquée, puisqu’un de ses chefs, sinon, son ministre, pouvait porter un sceau officiel. Nous sommes alors tentés de proposer le règne de Joiaqim (609-598) comme date de ce sceau, puisque Jérémie signale une grande activité de constructions royales sous son règne, dans des conditions de travail qui ressemblent bien à celles de la corvée : « Malheur à qui bâtit son palais sans la justice, et ses chambres hautes sans le droit; qui fait travailler pour rien son prochain, sans lui verser son salaire. » (Jr 22,13).
Que Pelayahu ait été chef de la corvée sous Joiaqim ou non, il reste que son sceau est un témoin unique et irréfutable de l’existence de ce labeur forcé, imposé au peuple à la fin de la monarchie. L’histoire de la société israélite ancienne doit désormais en tenir compte! Les protestations des prophètes contre l’exploitation du peuple pour les bénéfices personnels du roi et de son administration y reçoivent aussi un éclairage et un appui non équivoque!
Dans l’Antiquité, et parfois encore de nos jours, la signature de documents, officiels ou privés, était faite à l’aide d’un sceau imprimé dans de la glaise fraîche ou de la cire molle. En Égypte, ces sceaux prenaient la forme de scarabées montés dans une bague. En Palestine, si le scarabée est rare, la pierre-sceau en conserve toutefois la forme; la partie ornementale n’est plus l’insecte évoqué avec réalisme, mais divers motifs qu’encadrent l’inscription.
Actuellement, nous connaissons plusieurs centaines de ces sceaux dont l’origine israélite ne saurait être mise en doute. En général l’inscription se limite au nom du propriétaire, ordinairement déterminé par le nom de son père, selon la formule : « X fils de Y ». Ces sceaux sont donc importants pour l’étude des noms propres israélites; comme on peut s’y attendre, un grand nombre de noms bibliques sont ainsi attestés. Parfois, au lieu du nom du père, c’est la fonction du propriétaire du sceau qui est ainsi inscrite, comme « ministre » d’un roi, « scribe », « prêtre », etc. Ces mêmes sceaux constituent donc un matériel non négligeable pour l’étude de l’administration civile et religieuse du peuple d’Israël.
Les deux faces du sceau de Pelayahu
Il y a plusieurs années, un tel sceau a paru sur le marché des antiquités de Jérusalem; son acquéreur a vu à ce qu’il soit publié sans tarder à cause du grand intérêt qu’il suscite. Il a la forme d’un scarabée, taillé dans un quartz vert sombre, tacheté de noir; il a été percé pour être monté sur une bague. Une première caractéristique à signaler : il est inscrit sur deux faces; c’est un cas unique! La face A se lit : « À Pelayahu (fils de) Mattityahu »; c’est la formule très connue des sceaux privés. Sur la face B on lit : « À Pelayahu qui est (ministre) de la corvée », c’est la formule du sceau officiel d’un membre de l’administration royale.
La corvée est un travail d’esclave imposé sur quelqu’un au profit non pas d’un individu, mais de l’état tout entier. Elle est bien connue dans tout le Proche-Orient ancien; les rois avaient facilement recours à ce mode de main d’œuvre pour la construction des routes et de leurs palais, pour la culture de leurs terres, etc. Les Israélites ont été astreints à un tel travail par les Égyptiens (Ex 1). En Israël, la corvée n’est mentionnée que sous David et Salomon! David, en effet, soumet les Ammonites, récemment vaincus, à ce travail forcé, mis sur pied par un certain Adoniram (2 S 12,31; 20,24). Le même personnage est toujours actif sous Salomon, qui voit à la bonne marche des grandes constructions du roi : villes, palais et temple; mais cette fois, des Israélites même sont forcés à fournir ce genre de travail, au même rang que les ennemis vaincus (1 R 4,6; 5,27-28; 11,28; 12,18; voir aussi 1 R 9,20-22). On donne le chiffre de 3300 ouvriers de corvée, dirigés par 550 surveillants (1 R 5,30; 9,23), dont un certain Jéroboam (1 R 11,28).
À la mort de Salomon, les dix tribus du Nord demandent à son fils et successeur, Roboam, de bien vouloir alléger ce joug de la corvée; comme réponse, il leur envoie Adoniram, chef des corvées, avec ce message : « Ce joug que vous a imposé mon père, je le rendrai encore plus lourd! » Jéroboam, un des chefs de corvée du nord, proclame donc l’indépendance de ces dix tribus qui forment désormais le royaume d’Israël, ayant ce même Jéroboam comme roi. Et nous n’entendons plus parler de corvée, pour des siècles, bien que nous soupçonnions qu’elle ait continué.
Le sceau de Pelayahu vient donc confirmer nos intuitions à ce sujet. Tout d’abord le nom de ce ministre de la corvée est connu à partir de l’époque exilique (VIe siècle avant J.-C.). Il signifie « Yahvé a fait merveille » ou « Yahvé, est merveilleux ». Le nom de son père figure pour la première fois à la même époque; on reconnaît le nom de Matthias, qui signifie : « (Cet enfant est) don de Yahvé ». L’étude de la forme des lettres de l’inscription (paléographie) nous permet de le dater vers la fin du VIIe, siècle ou, le début du VIe siècle av. J.-C. Vers la fin du royaume de Juda, la corvée était donc encore largement pratiquée, puisqu’un de ses chefs, sinon, son ministre, pouvait porter un sceau officiel. Nous sommes alors tentés de proposer le règne de Joiaqim (609-598) comme date de ce sceau, puisque Jérémie signale une grande activité de constructions royales sous son règne, dans des conditions de travail qui ressemblent bien à celles de la corvée : « Malheur à qui bâtit son palais sans la justice, et ses chambres hautes sans le droit; qui fait travailler pour rien son prochain, sans lui verser son salaire. » (Jr 22,13).
Que Pelayahu ait été chef de la corvée sous Joiaqim ou non, il reste que son sceau est un témoin unique et irréfutable de l’existence de ce labeur forcé, imposé au peuple à la fin de la monarchie. L’histoire de la société israélite ancienne doit désormais en tenir compte! Les protestations des prophètes contre l’exploitation du peuple pour les bénéfices personnels du roi et de son administration y reçoivent aussi un éclairage et un appui non équivoque!