Le livre des morts tibétain - la grande libration bardo thdol ༢
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Livre des morts tibétain (Le)
Le Bardo Thödol ou Livre des morts est un texte du bouddhisme tibétain qui décrit les diverses étapes que les humains traversent à partir de leur mort jusqu'à leur libération du cycle des réincarnations. Bardo signifie «existence intermédiaire», Thö désigne «audition» et dol, «libération». La traduction la plus juste du titre du livre est donc : «Libération de l'état intermédiaire par l'écoute». Le Bardo Thödol est attribué à Padmasambhava (né du lotus), maître bouddhiste du huitième siècle, originaire du Cachemire ou de Kaboul, et fondateur du bouddhisme tantrique himalayen, plus connu au Tibet sous le nom de Guru Rinpoché (précieux maître). Karma Lingpa, fils aîné de Nyida Sangye, maître du tantrisme, aurait découvert à 15 ans le Bardo Thödol sur le Mont Gampodar, vers 1350, parmi plusieurs autres textes sacrés. L'histoire contemporaine du livre remonte à 1927 où il fut publié en anglais pour la première fois par W.Y. Evans-Wentz d'après la traduction du Lama Kazi Dawa Samdup. Le psychanalyste Carl Jung a cru découvrir, dans ces visions posthumes, un appui à son interprétation des archétypes de l'inconscient. L'étude du Bardo Thödol de son vivant ou la lecture par un Lama durant l'agonie sont des précieux adjuvants permettant au mourant de se préparer à la traversée de cette existence intermédiaire avec calme et sérénité. Cependant, l'engouement de l'époque contemporaine pour le Livre tibétain des morts a, parmi ses critiques, André Couture:
«En refusant d'entériner l'idée qu'il pourrait exister en l'être humain un point d'appui, un centre, le Bouddha supprimait toute possibilité d'envisager la réincarnation comme un chemin d'évolution personnelle. Dans ce contexte, on peut aussi supposer que le concept même d'existence intermédiaire, c'est-à-dire d'une existence se trouvant entre deux destinées particulières, serait l' occasion d'interminables controverses. Beaucoup de sectes, dont les Theravâdin qui représentent ce qu'on appelle ordinairement le Petit Véhicule, refusent en effet de définir un état dans lequel la série des phénomènes physiques et psychiques entrerait au moment de la mort. De même qu'il n'y a pas de transition entre deux états d'une même torche qui brûle, de même est-il inutile de spéculer sur un quelconque état intermédiaire. Pourtant, sans doute sous l'influence de croyances populaires bien enracinées, d'autres sectes bouddhiques se sont autorisées de diverses citations empruntées aux textes canoniques pour justifier l'existence d'un être intermédiaire qui se réincarnerait rapidement, soit presque immédiatement après la mort, soit au bout d'une période de sept à quarante-neuf jours pendant laquelle le mort errerait sous la forme d'un esprit et souffrirait de sa condition. Une fois acceptée, cette croyance est devenue prétexte à toutes sortes d'histoires et de rituels.
Telle est probablement l'origine du trop fameux Livre des Morts tibétain, un livre qui semble dater du XIVe siècle (de notre ère), mais que la tradition bouddhique fait remonter six siècles plus tôt. Le titre exact de ce texte est: «Libération de l'état intermédiaire par l'écoute». Les maîtres tibétains actuels n'y voient ni pratique magique ni recherche ésotérique, mais plutôt un récit censé calmer le mourant et lui rappeler une doctrine qui est au cœur de la pratique bouddhique. «Ce mot [de mort qui figure dans le titre courant de ce livre] dévie totalement le sens de l'œuvre qui réside dans l'idée de libération (13) c'est-à-dire libération des illusions de notre conscience égocentrique qui oscille perpétuellement entre naissance et mort, être et ne pas être, espoir et doute, sans parvenir à l'éveil, à la paix du nirvana, cet état stable, loin des illusions du samsara et des états intermédiaires.»( 12) Ce livre contient certes des passages philosophiques plus généraux destinés à montrer que l'apparition et la disparition des phénomènes sont liées à l'activité de la conscience. Il vise à aider la personne décédée à atteindre la libération des renaissances. Mais si l'on adopte un point de vue historique, il faudra aussi dire que ce livre reprend des idées sur la mort, le voyage après la mort, le jugement et la rétribution des actes déjà connues dans des textes hindous. Il semble aussi s'inspirer de pratiques chamaniques anciennes comportant des voyages dans l'au-delà, mais réutilisées par le bouddhisme à des fins d'éducation morale. Ce livre tardif et composite parle donc d'une libération typiquement bouddhique, mais en intégrant à son message des représentations populaires à cette époque.» (A. Couture, La réincarnation, Ottawa, Novalis, «L'horizon du croyant», 1982, p. 44-45)
Notes
12. Extrait de la Préface du Lama Anagarika Govinda à Bardo-Thôdol. Le Livre tibétain des Morts, présenté par Eva K. Dargyay, en collaboration avec Gesche Lobsang Dargyay, Paris, Albin Michel, 1981, p. 18.
13. Les caractères gras sont dans l'original.
«En refusant d'entériner l'idée qu'il pourrait exister en l'être humain un point d'appui, un centre, le Bouddha supprimait toute possibilité d'envisager la réincarnation comme un chemin d'évolution personnelle. Dans ce contexte, on peut aussi supposer que le concept même d'existence intermédiaire, c'est-à-dire d'une existence se trouvant entre deux destinées particulières, serait l' occasion d'interminables controverses. Beaucoup de sectes, dont les Theravâdin qui représentent ce qu'on appelle ordinairement le Petit Véhicule, refusent en effet de définir un état dans lequel la série des phénomènes physiques et psychiques entrerait au moment de la mort. De même qu'il n'y a pas de transition entre deux états d'une même torche qui brûle, de même est-il inutile de spéculer sur un quelconque état intermédiaire. Pourtant, sans doute sous l'influence de croyances populaires bien enracinées, d'autres sectes bouddhiques se sont autorisées de diverses citations empruntées aux textes canoniques pour justifier l'existence d'un être intermédiaire qui se réincarnerait rapidement, soit presque immédiatement après la mort, soit au bout d'une période de sept à quarante-neuf jours pendant laquelle le mort errerait sous la forme d'un esprit et souffrirait de sa condition. Une fois acceptée, cette croyance est devenue prétexte à toutes sortes d'histoires et de rituels.
Telle est probablement l'origine du trop fameux Livre des Morts tibétain, un livre qui semble dater du XIVe siècle (de notre ère), mais que la tradition bouddhique fait remonter six siècles plus tôt. Le titre exact de ce texte est: «Libération de l'état intermédiaire par l'écoute». Les maîtres tibétains actuels n'y voient ni pratique magique ni recherche ésotérique, mais plutôt un récit censé calmer le mourant et lui rappeler une doctrine qui est au cœur de la pratique bouddhique. «Ce mot [de mort qui figure dans le titre courant de ce livre] dévie totalement le sens de l'œuvre qui réside dans l'idée de libération (13) c'est-à-dire libération des illusions de notre conscience égocentrique qui oscille perpétuellement entre naissance et mort, être et ne pas être, espoir et doute, sans parvenir à l'éveil, à la paix du nirvana, cet état stable, loin des illusions du samsara et des états intermédiaires.»( 12) Ce livre contient certes des passages philosophiques plus généraux destinés à montrer que l'apparition et la disparition des phénomènes sont liées à l'activité de la conscience. Il vise à aider la personne décédée à atteindre la libération des renaissances. Mais si l'on adopte un point de vue historique, il faudra aussi dire que ce livre reprend des idées sur la mort, le voyage après la mort, le jugement et la rétribution des actes déjà connues dans des textes hindous. Il semble aussi s'inspirer de pratiques chamaniques anciennes comportant des voyages dans l'au-delà, mais réutilisées par le bouddhisme à des fins d'éducation morale. Ce livre tardif et composite parle donc d'une libération typiquement bouddhique, mais en intégrant à son message des représentations populaires à cette époque.» (A. Couture, La réincarnation, Ottawa, Novalis, «L'horizon du croyant», 1982, p. 44-45)
Notes
12. Extrait de la Préface du Lama Anagarika Govinda à Bardo-Thôdol. Le Livre tibétain des Morts, présenté par Eva K. Dargyay, en collaboration avec Gesche Lobsang Dargyay, Paris, Albin Michel, 1981, p. 18.
13. Les caractères gras sont dans l'original.
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