Le bouddhisme tibétain ou lamaïsme.
Petite histoire du Tibet.
LA RELIGION TIBETAINE
Le bouddhisme tibétain, appelé "lamaïsme" (rarement "lamisme"), est répandu au Tibet et dans les pays limitrophes (Bhoutan, Népal, Sikkim, Mustang, Mongolie).
Assez éloignée du bouddhisme primitif, il a hérité du bouddhisme tantrique "mahayana" autrefois pratiqué en Inde et de certaines croyances et pratiques propres à la région himalayenne.
Le bouddhisme tibétain constitue une tradition complète incluant de très nombreux aspects : philosophie, mode de vie, apprentissage de la vie intérieure, recherche de la libération, pratique de rituels, de la méditation, du yoga, d’offrandes, vie laïque, monastique ou érémitique, développement d’une architecture et d’un art très riches.
Les monastères lamaïstes accueillent des universités bouddhistes qui privilégient l'étude des textes sacrés tels que les tantras (ésotériques) et les mantras (incantations magiques ; le mantra le plus populaire étant celui de "Tchènrézi", en sanscrit "Avalokiteshvara", la divinité tutélaire du Tibet) qui analysent et créent, à partir du Rig, les mandalas cosmiques (figures géométriques).
Le bouddhisme comporte des centaines de déités. Dans toutes les grandes universités monastiques du Tibet, par exemple, chaque collège a, pour des raisons historiques, sa propre déité protectrice.
Le rituel tibétain consiste principalement à établir un lien avec les divinités, représentant différents aspects de la réalité éveillée, soit dans un but de transformation intérieure, soit dans le but d’atteindre certains objectifs temporels (une protection pour un voyage, une longue vie, une guérison, un enfant, la richesse, etc.).
Les cérémonies sont ponctuées d’offrandes aux divinités sous forme de figurines rituelles (tormas) et de musiques.
Les écoles
Le bouddhisme tibétain est réparti en plusieurs écoles :
- Nyingmapa : "ancien courant" ; secte des Anciens dite "Église rouge" à cause de la couleur des bonnets (bonnets rouges = dugpas), la plus ancienne et la plus orientée vers le tantrisme ;
- Sakyapa : "terre pâle", surnommée "Secte des Fleurs" ; bonnet rouge ;
- Kagyupa : "transmission orale", surnommée "Secte Blanche" car vêtue d'une robe blanche ; bonnet rouge ; elle s’est constituée au XIe siècle à partir d’enseignements indiens récemment importés et s'est rapidement divisée en de nombreuses branches, dont quatre restent notables au XXIe siècle : les plus importantes sont Karma Kagyu (Karma Bka'-brgyud-pa), au bonnet noir, fondée par le premier Karmapa Düsum Khyenpa (1110-1193), la mieux implantée en dehors des régions himalayennes, avec à sa tête le Karmapa (l'identité du 17e Karmapa fait l'objet d'une controverse) et Droukpa Kagyu ('Brug-pa Bka'-brgyud-pa), religion officielle du Bhoutan ; Drikung Kagyu et Taklung Kagyu sont deux branches moins développées ; Shangpa Kagyu, une branche parallèle disparue au XVIe siècle, a refait surface au XIXe siècle ;
- Gélugpa : "les vertueux" ; Bonnets Jaunes ; elle est axée sur la réforme du moine Tsong-kha-pa (1355-1417), la plus nombreuse ;
- Jonang ou Jonangpa : elle fait remonter ses origines au maître Yumo Mikyo Dorje (XIe siècle), disciple du Cachemiri Somanatha ; elle a été reconnue par le 14e Dalaï Lama, Tenzin Gyatso, qui l’a dotée d’un monastère en Inde, le Takten Phuntsok Ling de Shimla.
- Bön-gsar : "Nouveau Bön".
- Nouvelle Tradition Kadampa (NTK) fondée par Guéshé Kelsang Gyatso en 1991 en Angleterre ; elle s'est développée exclusivement sur la base des enseignements et des livres, publiés par Guéshé Kelsang, qui suivent une sélection d'enseignements guélugs provenant de différents textes bouddhistes mahayanas et vajrayanas ; selon les pratiquants, le bouddhisme kadampa est une école du bouddhisme mahayana fondée par le grand maître bouddhiste indien, Atisha (982-1054).
Le sigle de la secte des Bonnets Jaunes est un svastika dextrogyre ; celui de la secte des Bonnets Rouges un svastika senestrogyre. Les bön-po, pratiquants de l'ancienne religion tibétaine prébouddhique Bön, utilisent le svastika pointant vers la gauche. Le svastika est appelé "yung-drung", ce qui signifie "éternel".
Le Bön
La religion Bön existait au Tibet, avant le bouddhisme, 250 ans avant notre ère.
Les bön-po croyaient qu'un dieu créateur, uni à un principe divin féminin, avaient engendré les petits dieux, les humains et le monde.
Ils voyaient une divinité dans tous les phénomènes de la nature, comme le "Vent-cheval" (Loungsta).
Ils pratiquaient le culte des ancêtres et celui des divinités domestiques.
Leurs prêtres, souvent ermites, n'étaient pas soumis au célibat et portaient les cheveux longs ; c'étaient des chamans et des nécromanciens.
Après les pratiques animistes et chamanistes constituant le premier Bön (shes-pa bcu-gnyis), une religion structurée, le Bön Yungdrung, se dégage au XIe siècle.
L’école Bön Yungdrung qui se réclame de son mythique fondateur, le maître Tonpa Shenrab Miwoche (sTon-pa gShen-rab Mi-bo-che), est proche de l'école Nyingmapa.
Au XIVe siècle, la branche bön-gsar (Nouveau Bön) se rapproche plus étroitement du bouddhisme afin d’échapper à la discrimination.
En 1640-1641, au Tibet oriental, Gushri khan, chef des Mongols Qoshot (Khosût), détruit la puissance du prince de Be-ri, le dernier défenseur de la religion Bön.
Bien qu’il soit toujours présenté comme une religion à part, même par les Tibétains, le Bön doit aussi être compté dans les écoles du bouddhisme tibétain.
Le Bön a une forte tradition monastique ; il existe néanmoins, comme chez les Nyingmapa, un clergé marié vivant au sein de la population. Appelés "ngakpas", ils reçoivent un enseignement religieux assez similaire à celui des moines et se consacrent plus particulièrement aux services rituels (naissances, mariages, décès, exorcismes, guérisons etc.), s’appuyant pour les guérisons et exorcismes sur le pouvoir des tantras et les techniques de méditation, et non la transe proprement dite comme les chamans (pawo ou lhapa). Les moines étudient également l’astrologie et la médecine tibétaine traditionnelle. Comme dans les autres courants de la religion tibétaine, les méditations bön s’aident de yidams, divinités guides, et de leurs thangkas ou mandalas, ainsi que des sadhanas (sgrub thabs), textes en vers ou prose.
Le Bön est reconnu comme tradition religieuse tibétaine par le 14e dalaï-lama, Tenzin Gyatso.
Le clergé
Le "dalaï-lama" (Océan de sagesse) qui appartient à l’école gelugpa tient le rôle de dirigeant temporel du pays mais n’exerce pas d’autorité spirituelle directe en dehors de sa propre école.
En 1642, Gushri Khan, chef des Mongols Qoshot, entre dans le Tibet central et conquiert toute la région, dont il fait donation au dalaï-lama tout en conservant le pouvoir militaire : ainsi naît le pouvoir temporel des dalaï-lamas.
Dans l'histoire du Tibet, la lignée des panchen-lamas est une lignée de réincarnation importante, considérée comme une émanation du Bouddha Amitabha (lumière infinie).
En 1665, le 5e dalaï-lama attribue le monastère Tachi-lhoun-po et un territoire à un lama rouge, devenu jaune, auquel il donne le titre de "Pang-tchen rin-po-tche" (panchen-lama).
Le dalaï-lama initie la lignée de réincarnation du panchen-lama à qui il attribue le titre d'"émanation du Bouddha Amitabha".
Le panchen-lama est le deuxième plus haut chef spirituel du bouddhisme tibétain Gelugpa (Bonnets Jaunes) juste après le dalaï-lama.
Panchen est la combinaison de deux mots : "pandita" (érudit en sanscrit) et "chen-po" ("grand" en tibétain).
Les Tibétains reconnaissent une double hiérarchie :
- d’une part les lamas ("lama" signifie "maître spirituel") qui incarnent la transmission spirituelle à proprement parler (initiations, techniques de méditation, etc.),
- d’autre part les guéshés et les khèmpos qui représentent l’érudition garante de l’authenticité de la doctrine.
La majorité des lamas sont moines, mais il existe aussi des lamas mariés.
Tenzin Gyatso, 14e dalaï-lama, estime que le désir charnel, s'il procure une satisfaction à court terme, complique les choses, tandis que la chasteté procure une plus grande indépendance et une tranquillité d'esprit. (28 novembre 2008, Lagos)
Les monastères (il y en avait environ 6 000 avant l’invasion chinoise de 1950-1951) sont habituellement dirigés par un tulkou reconnu comme étant la réincarnation d’un maître admiré pour ses grandes qualités.
Les moniales (ou nonnes) dont les règles sont spécifiques, occupent généralement de petits couvents ; elles sont considérées comme inférieures aux moines et, parfois, presque réduites à l'état d'esclaves par ces derniers.
"Très rares sont les lamas qui se déplacent pour enseigner à leurs moniales et l'histoire du bouddhisme tibétain ne connaît que très peu de grands maîtres féminins (...) Ce dédain des sociétés religieuses et laïques à l'égard des moniales tibétaines est l'une des préoccupations du dalaï-lama. Il s'est nettement engagé contre ce vieil adage de son pays : Si tu veux un maître, fais de ton fils un moine. Si tu veux une servante, fais de ta fille une nonne." (Pierre Yves Ginet, 2002)
Au Tibet, non seulement tous les religieux, mais presque tous les laïcs, ont leur père spirituel, à qui ils font en général l'accusation de leurs péchés.
Aussitôt que le pénitent a prononcé cette formule : « J'ai péché », le directeur fait sur lui une prière pour lui obtenir le pardon qu'il demande.
Quatre fois par mois, le 14 et le 15, et ensuite le 29 et le 30 de la lune, les lamas s'assemblent pour entendre l'explication de leur règle.
Avant de paraître dans l'assemblée, le grand lama se confesse à celui à qui il a confié la direction de sa conscience ; ainsi purifié, il entre dans le temple et commence à recommander à chacun de se confesser.
Chomschim le fondateur
D'après la légende, en l'année 407, vient de l'Inde un bodhisattva (le "bodhisattva" est "un être qui s'éveille" en voie de devenir un bouddha, "un éveillé") qui s'établit sur le mont Potala autour duquel sera bâtie la sainte ville de Lhassa.
Ce bodhisattva s'appelle, dit-on, "Chomschim" (la voix qui reflète le monde).
On dit qu'il est le fondateur du lamaïsme.
Depuis cette époque, Bouddha ne cesse de s'incarner régulièrement dans la personne du dalaï-lama ou grand lama.
Le roi Songtsen Gampo
En fait, le bouddhisme paraît être introduit au Tibet par le roi Songtsen Gampo (Srong-btsan-sgam-po), fils du roi Namri Songtsen premier unificateur du Tibet (570-619), qui règne de 620 à 640.
Songtsen Gampo fait de Lhassa la capitale d’un pays puissant et unifié comprenant la majeure partie de l’Asie centrale et empiétant sur le territoire chinois (il a noué, en 634, des relations amicales avec la Chine).
On lui doit aussi l’élaboration d’une écriture, adaptée d’un alphabet indien.
Le roi compte au nombre de ses épouses une princesse népalaise et une chinoise qui sont réputées avoir apporté des images de Bouddha à Lhassa où des temples sont édifiés pour les abriter.
L’un d’entre eux existe encore ; c’est le temple principal de Lhassa, le "Jokhang" ; il a été reconstruit au cours des siècles, mais ses fondations remontent à la 1ère partie du VIIe siècle.
Srong-btsan-sgam-po sera reconnu par la suite dans la tradition bouddhique comme une manifestation du Grand Bodhisattva Avalokitesvara, le divin sauveur qui est un reflet du Grand Buddha de l’Ouest, "Amitabha" (Lumière sans borne).
Ses épouses chinoise et népalaise seront identifiées comme des manifestations de la Grande Déesse Tara, la Salvatrice, dans ses émanations Verte et Blanche.
Le mage Padmasambhava
Le philosophe indien Padmasambhava (2e moitié du VIIIe s.), né dans l’Uddiyana au sein d’une famille apparentée à la dynastie régnante, porte d’abord le nom de Padmakulisha ; celui de Padmasambhava ne lui sera conféré qu’à la fin de ses études sur les tantras.
Il étudie à l’université de Vikramashila, qui concurrence et supplante Nâlandâ.
Chargé d’un poste officiel auprès du souverain d’Uddiyana, Hayalila, il est forcé, à la mort de celui-ci, de fuir le pays et se rend au Magadha, au Kamarupa (Bengale) et au Népal.
Il revient ensuite en Uddiyana. Ce sont ses connaissances magico-alchimiques qui le font appeler au Tibet, par le roi Trisong Detsen (Khri-srong-lde-brstan).
Padmasambhava, qui est le magicien par excellence, le "yogin", le "siddha", va donc au pays des Neiges pour dompter les démons qui s’opposent à l’implantation du bouddhisme et triompher des Bon-po dans des joutes oratoires et des concours de magie.
Son nom reste lié à la fondation du monastère de Samyé ou Sam-Yas (Bsamyas) en 771.
Padmasambhava ne séjourne au Tibet que dix-huit mois, et non cinquante ans comme l’affirme la tradition (il semble qu’il ait été forcé de quitter le pays devant les menaces de gens qui voulaient attenter à sa vie).
Padmasambhava est regardé comme un nouveau Bouddha venu sur terre pour sauver les êtres. Il aurait eu comme supériorité sur tous les autres bouddhas d’être né d’un lotus et non d’une matrice humaine.
Ancêtre spirituel des rNying-ma-pa (Nyingmapas, secte des Anciens dite Église rouge à cause de la couleur des bonnets), il est combattu par les Dge-lugs-pa (Gélugpas, Bonnets Jaunes) qui ne réussissent pas à le faire disparaître ni même à faire diminuer sa popularité.
Les rNying-ma-pa lui attribuent de nombreux ouvrages, qui seraient restés cachés de manière à n’être découverts que lorsque les hommes auront acquis une plus grande maturité.
Très populaire dans le peuple aussi bien que chez les religieux, Padmasambhava (Guru Rinpoché), est représenté partout.
Sa légende, embellie par l’imagination des bardes, est conservée dans le "Pad-ma-than-yig" (le "Dit de Padma").
Le tantrisme
Le tantrisme est un courant de l'hindouisme apparu en Inde aux environs de l'an 500, en réaction contre le formalisme du brahmanisme.
Destiné à conduire à la fusion de l'individu dans le Tout, il est fondé sur des textes, les "Tantras" (en sanscrit, trame, chaîne, tissu, ensemble), et une doctrine de caractère ésotérique.
Le tantrisme utilise diverses techniques du yoga.
À partir du VIe siècle, on rencontre des cultes tantriques dans les écoles shivaïtes ou shaktistes, dans le bouddhisme mahayana et dans le bouddhisme tibétain.
Le "vajrayana" (véhicule de diamant) est une forme de bouddhisme, nommée aussi bouddhisme tantrique, dont la compréhension nécessite celles du mahayana et du bouddhisme originel. Le vajrayana est la troisième et dernière phase du bouddhisme, les deux précédentes étant le Hinayana et le Mahayana. Il contient des éléments qui l'apparentent à l'hindouisme et particulièrement au shivaïsme cachemirien. Au Tibet, le vajrayana et le bön, religion locale, se sont influencés réciproquement. (Wikipedia)
Dans le cadre de l'hindouisme, le tantrisme, fondé sur la glorification du désir, peut aboutir au shaktisme, et il constitue l'une des trois principales manifestations du culte avec le shivaïsme (culte de Shiva) et le vishnouisme (culte de Vishnu).
Au centre du culte, se trouve la "shakti", aspect féminin de la divinité qui participe à la conservation de l'Univers et à l'harmonie du monde.
L'aspect sexuel, donc créateur, est fortement marqué, les divinités symboliques du tantrisme étant représentées dans l'acte amoureux.
La "shakti", terme sanskrit signifiant "puissance, énergie, capacité d'agir", est conçue comme l'énergie féminine universelle, présente à la fois dans le Cosmos et dans chacune de ses parties. En chaque être, elle fait couple avec l'âme (tenue, en Inde, pour masculine). Il y a donc une dualité fondamentale qui rend compte du fonctionnement de l'ordre des choses.
Ainsi, la shakti est l'aspect féminin de la divinité et incarne son principe actif, sa puissance : Lakshmî est la shakti de Vishnu ; Parvati (et Kali, qui est la forme destructrice de Parvati) celle de Shiva ; Sarasvatî (ou Brahmi) celle de Brahma, etc.
Le shaktisme accorde à la déesse la prééminence sur l'aspect masculin.
En métaphysique est posée la coexistence éternelle de la Nature et de l'Esprit, et l'on enseigne que l'harmonie universelle se maintient tant que ces deux entités sont en équilibre. Ainsi, l'homme ne vit normalement que s'il a soin de maintenir un équilibre entre ce que saint Paul appelle la "chair" (la shakti) et l'esprit.
Les Tantras sont les textes fondamentaux du tantrisme.
On reconnaît traditionnellement 64 textes tantriques, mais, en fait, on compte plus de 200 Tantras, traitant de métaphysique, de physiologie, de magie, de techniques de méditation et de yoga, généralement présentés sous forme de dialogues.
Le bouddhisme tibétain est fondé sur des Tantras constituant les ouvrages de base du Vajrayana (Véhicule de Diamant). Leur révélation est attribuée au Bouddha en personne (alors que le tantrisme bouddhique semble n’avoir émergé qu’au IVe siècle de notre ère, sur des fondements hindouistes.
Selon les bouddhistes tibétains, il existe quatre catégories de Tantras constituant un système cohérent (chacune des catégories représente un degré dans l'échelle spirituelle atteint par l'adepte en marche vers la lumière du Nirvana) :
- les Tantras de l'action (Kriya-Tantra) ;
- les Tantras de la pratique (Charya-Tantra) ;
- les Yoga-Tantra ;
- et le Yoga-Tantra ultime ou suprême.
Donnant une place très importante à l'énergie féminine, les disciples du lamaïsme pratiquent le yoga tantrique (ou Kundalini-yoga ou Laya-yoga) destiné à l'éveil des chakras permettant par la contemplation la visualisation de la divine lumière.
La controverse des Karmapas
Elle est liée à l'existence de deux candidats à la succession du 16e karmapa (coiffe noire), chef de l'école Karma Kagyu (Kagyupa) du bouddhisme tibétain :
- Le 7 juin 1992, Urgyen (ou Orgyen) Trinley Dorje, proposé au Tibet par le 12e Taï Sitou Rinpoché qui se base sur une lettre du précédent Karmapa, est reconnu par le dalaï-lama ; le 27, il est reconnu par le gouvernement chinois ; en décembre 1999, il s'enfuit du Tibet et arrive à Dharamsala le 5 janvier 2000.
- Trinley Thaye Dorje est identifié par le 14e Shamar Rinpoché (coiffe rouge), qui est, selon la tradition, celui qui doit reconnaître le Karmapa ; Shamar Rinpoché annonce qu'il l'a découvert, après avoir utilisé les procédés traditionnels. D'autres grands rinpochés reconnaissent Trinley Thaye Dorje comme l'authentique Karmapa.
Le culte de Dordjé Shougdèn
Dordjé Shougdèn (Foudre puissante), Dholgyal ou Dhogyal (Roi de Dhol), qui semble avoir été à l’origine une divinité mineure dans la tradition sakyapa, est une déité tantrique du bouddhisme tibétain qui a pris une grande importance au XIXe siècle dans une partie de l’école gelugpa.
La nature exacte de Dordjé Shougdèn est controversée parmi les pratiquants du bouddhisme tibétain : déité protectrice éveillée (yidam), émanation de la sagesse de tous les bouddhas et protecteur du dharma (dharmapala) pour les uns, il est une force maléfique (démon connu sous l’appellation péjorative de dholgyal) pour les autres.
Du fait de soupçons de sectarisme à l’encontre de certains de ses pratiquants, le dalaï-lama, lui-même initié à Dordjé Shougdèn en 1959 par son maître Trijang Rinpoché et pratiquant de son culte, y a renoncé et l’a déconseillé à partir de 1978 avant de l’interdire en 1996.
En 1996, à Dharamsala, durant la session d’enseignements de printemps, le 14e dalaï-lama, Tenzin Gyatso, désapprouve, pour la première fois publiquement, la pratique de Shougdèn et condamne la déité : « Si vous voulez que je sois maudit et voulez ma mort, et si la liberté du Tibet vous indiffère, continuez donc à vénérer cet esprit démoniaque ».
Dans une interview donnée à l'hebdomadaire Newsweek en avril 1997, le dalaï-lama exprime ses préoccupations à l'égard du culte de Dordjé Shougdèn en ces termes : « Ce culte détruit la liberté de pensée religieuse ».
En janvier 2008, Tenzin Gyatso et Samdong Lama, premier ministre du gouvernement tibétain en exil, appellent l’opinion publique à se soulever contre les pratiquants du culte Shougdèn, accusés d'hérésie, de meurtres, de vol et de faire le jeu de la Chine.
Des campagnes de signatures et de prestations de serment sont organisées pour que chacun jure solennellement non seulement de renoncer à tout lien avec la déité mais aussi de renoncer à toute relation spirituelle et matérielle de quelque ordre qu’elle soit, avec tout adepte de Shugden. Les moines Shougdèn sont chassés des monastères ; toutes relations sociales avec les Shougdèn, telles que partager un repas, vivre sous le même toit ou faire du commerce ensemble, sont interdites (des boutiques arborent des écriteaux interdisant l’entrée aux adeptes de Shougdèn).
Le 15 mars 2008, une résolution, adoptée par le Parlement Tibétain en exil, stipule :
"3. Les pratiquants de Dholgyal (ou Shougdèn, ndlr) ont lancé des campagnes de terrorisme, et commis les délits suivants : rançon, vol et meurtre. Par conséquent, les Tibétains et le pays d’accueil sont tenus de continuer à répondre aux enfreintes de la loi, de les identifier sans les minimiser.
4. Certains leaders sans éducation de la République Populaire de Chine portant le masque du communisme, considèrent la religion comme du poison et utilisent les leaders de Dholgyal pour critiquer Sa Sainteté le Dalaï Lama et diviser le peuple tibétain. Le peuple tibétain, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, et les gens du monde entier qui aiment la vérité sont tenus de les identifier et ne devraient pas se méprendre sur l’argumentation."
Le 12 avril 2008, la Société des partisans de Shougdèn écrit une lettre ouverte au dalaï-lama qui restera sans réponse :
"Nous, la Société des partisans de Shougdèn, vous demandons d'accomplir 4 choses :
- 1. Laisser la liberté de vénérer Dordjé Shougdèn à quiconque souhaite s'en remettre à cette déité.
- 2. Arrêter complètement la discrimination entre les pratiquants de Shougdèn et les non-pratiquants.
- 3. Permettre à tous les moines et nonnes Shougdèn qui ont été expulsés de leur monastère de retourner dans leur monastère où ils devront bénéficier des mêmes droits matériels et spirituels que les non-pratiquants.
- 4. Dire par écrit à la communauté tibétaine dans le monde entier qu'elle doit mettre en application les trois points ci-dessus."
Selon un article de TibetInfoNet publié en mai 2008, les autorités de la République populaire de Chine soutiendraient financièrement les groupes Shougdèn 9.
En janvier 2010, Loungri Namgyél Rinpoché, le 101e Ganden Tripa (le Gandèn Tripa est le dirigeant et la plus haute autorité religieuse de l'école gélugpa) rejoint, au terme de son mandat, le monastère de Shar Gandèn, fondé en Inde par les pratiquants de Dordjé Shougdèn et indépendant du gouvernement tibétain .
La Western Shugden Society accuse le dalaï-lama de détruire les quatre grandes traditions du bouddhisme tibétain pour renforcer son emprise sur le pouvoir politique en exil et prétendre aujourd'hui que ceux qui s’opposent à cette désacralisation sont une secte minoritaire alors que ceux-ci préservent une pratique religieuse centenaire.
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Dordjé Shougdèn
Petite histoire du Tibet.
LA RELIGION TIBETAINE
Le bouddhisme tibétain, appelé "lamaïsme" (rarement "lamisme"), est répandu au Tibet et dans les pays limitrophes (Bhoutan, Népal, Sikkim, Mustang, Mongolie).
Assez éloignée du bouddhisme primitif, il a hérité du bouddhisme tantrique "mahayana" autrefois pratiqué en Inde et de certaines croyances et pratiques propres à la région himalayenne.
Le bouddhisme tibétain constitue une tradition complète incluant de très nombreux aspects : philosophie, mode de vie, apprentissage de la vie intérieure, recherche de la libération, pratique de rituels, de la méditation, du yoga, d’offrandes, vie laïque, monastique ou érémitique, développement d’une architecture et d’un art très riches.
Les monastères lamaïstes accueillent des universités bouddhistes qui privilégient l'étude des textes sacrés tels que les tantras (ésotériques) et les mantras (incantations magiques ; le mantra le plus populaire étant celui de "Tchènrézi", en sanscrit "Avalokiteshvara", la divinité tutélaire du Tibet) qui analysent et créent, à partir du Rig, les mandalas cosmiques (figures géométriques).
Le bouddhisme comporte des centaines de déités. Dans toutes les grandes universités monastiques du Tibet, par exemple, chaque collège a, pour des raisons historiques, sa propre déité protectrice.
Le rituel tibétain consiste principalement à établir un lien avec les divinités, représentant différents aspects de la réalité éveillée, soit dans un but de transformation intérieure, soit dans le but d’atteindre certains objectifs temporels (une protection pour un voyage, une longue vie, une guérison, un enfant, la richesse, etc.).
Les cérémonies sont ponctuées d’offrandes aux divinités sous forme de figurines rituelles (tormas) et de musiques.
Les écoles
Le bouddhisme tibétain est réparti en plusieurs écoles :
- Nyingmapa : "ancien courant" ; secte des Anciens dite "Église rouge" à cause de la couleur des bonnets (bonnets rouges = dugpas), la plus ancienne et la plus orientée vers le tantrisme ;
- Sakyapa : "terre pâle", surnommée "Secte des Fleurs" ; bonnet rouge ;
- Kagyupa : "transmission orale", surnommée "Secte Blanche" car vêtue d'une robe blanche ; bonnet rouge ; elle s’est constituée au XIe siècle à partir d’enseignements indiens récemment importés et s'est rapidement divisée en de nombreuses branches, dont quatre restent notables au XXIe siècle : les plus importantes sont Karma Kagyu (Karma Bka'-brgyud-pa), au bonnet noir, fondée par le premier Karmapa Düsum Khyenpa (1110-1193), la mieux implantée en dehors des régions himalayennes, avec à sa tête le Karmapa (l'identité du 17e Karmapa fait l'objet d'une controverse) et Droukpa Kagyu ('Brug-pa Bka'-brgyud-pa), religion officielle du Bhoutan ; Drikung Kagyu et Taklung Kagyu sont deux branches moins développées ; Shangpa Kagyu, une branche parallèle disparue au XVIe siècle, a refait surface au XIXe siècle ;
- Gélugpa : "les vertueux" ; Bonnets Jaunes ; elle est axée sur la réforme du moine Tsong-kha-pa (1355-1417), la plus nombreuse ;
- Jonang ou Jonangpa : elle fait remonter ses origines au maître Yumo Mikyo Dorje (XIe siècle), disciple du Cachemiri Somanatha ; elle a été reconnue par le 14e Dalaï Lama, Tenzin Gyatso, qui l’a dotée d’un monastère en Inde, le Takten Phuntsok Ling de Shimla.
- Bön-gsar : "Nouveau Bön".
- Nouvelle Tradition Kadampa (NTK) fondée par Guéshé Kelsang Gyatso en 1991 en Angleterre ; elle s'est développée exclusivement sur la base des enseignements et des livres, publiés par Guéshé Kelsang, qui suivent une sélection d'enseignements guélugs provenant de différents textes bouddhistes mahayanas et vajrayanas ; selon les pratiquants, le bouddhisme kadampa est une école du bouddhisme mahayana fondée par le grand maître bouddhiste indien, Atisha (982-1054).
Le sigle de la secte des Bonnets Jaunes est un svastika dextrogyre ; celui de la secte des Bonnets Rouges un svastika senestrogyre. Les bön-po, pratiquants de l'ancienne religion tibétaine prébouddhique Bön, utilisent le svastika pointant vers la gauche. Le svastika est appelé "yung-drung", ce qui signifie "éternel".
Le Bön
La religion Bön existait au Tibet, avant le bouddhisme, 250 ans avant notre ère.
Les bön-po croyaient qu'un dieu créateur, uni à un principe divin féminin, avaient engendré les petits dieux, les humains et le monde.
Ils voyaient une divinité dans tous les phénomènes de la nature, comme le "Vent-cheval" (Loungsta).
Ils pratiquaient le culte des ancêtres et celui des divinités domestiques.
Leurs prêtres, souvent ermites, n'étaient pas soumis au célibat et portaient les cheveux longs ; c'étaient des chamans et des nécromanciens.
Après les pratiques animistes et chamanistes constituant le premier Bön (shes-pa bcu-gnyis), une religion structurée, le Bön Yungdrung, se dégage au XIe siècle.
L’école Bön Yungdrung qui se réclame de son mythique fondateur, le maître Tonpa Shenrab Miwoche (sTon-pa gShen-rab Mi-bo-che), est proche de l'école Nyingmapa.
Au XIVe siècle, la branche bön-gsar (Nouveau Bön) se rapproche plus étroitement du bouddhisme afin d’échapper à la discrimination.
En 1640-1641, au Tibet oriental, Gushri khan, chef des Mongols Qoshot (Khosût), détruit la puissance du prince de Be-ri, le dernier défenseur de la religion Bön.
Bien qu’il soit toujours présenté comme une religion à part, même par les Tibétains, le Bön doit aussi être compté dans les écoles du bouddhisme tibétain.
Le Bön a une forte tradition monastique ; il existe néanmoins, comme chez les Nyingmapa, un clergé marié vivant au sein de la population. Appelés "ngakpas", ils reçoivent un enseignement religieux assez similaire à celui des moines et se consacrent plus particulièrement aux services rituels (naissances, mariages, décès, exorcismes, guérisons etc.), s’appuyant pour les guérisons et exorcismes sur le pouvoir des tantras et les techniques de méditation, et non la transe proprement dite comme les chamans (pawo ou lhapa). Les moines étudient également l’astrologie et la médecine tibétaine traditionnelle. Comme dans les autres courants de la religion tibétaine, les méditations bön s’aident de yidams, divinités guides, et de leurs thangkas ou mandalas, ainsi que des sadhanas (sgrub thabs), textes en vers ou prose.
Le Bön est reconnu comme tradition religieuse tibétaine par le 14e dalaï-lama, Tenzin Gyatso.
Le clergé
Le "dalaï-lama" (Océan de sagesse) qui appartient à l’école gelugpa tient le rôle de dirigeant temporel du pays mais n’exerce pas d’autorité spirituelle directe en dehors de sa propre école.
En 1642, Gushri Khan, chef des Mongols Qoshot, entre dans le Tibet central et conquiert toute la région, dont il fait donation au dalaï-lama tout en conservant le pouvoir militaire : ainsi naît le pouvoir temporel des dalaï-lamas.
Dans l'histoire du Tibet, la lignée des panchen-lamas est une lignée de réincarnation importante, considérée comme une émanation du Bouddha Amitabha (lumière infinie).
En 1665, le 5e dalaï-lama attribue le monastère Tachi-lhoun-po et un territoire à un lama rouge, devenu jaune, auquel il donne le titre de "Pang-tchen rin-po-tche" (panchen-lama).
Le dalaï-lama initie la lignée de réincarnation du panchen-lama à qui il attribue le titre d'"émanation du Bouddha Amitabha".
Le panchen-lama est le deuxième plus haut chef spirituel du bouddhisme tibétain Gelugpa (Bonnets Jaunes) juste après le dalaï-lama.
Panchen est la combinaison de deux mots : "pandita" (érudit en sanscrit) et "chen-po" ("grand" en tibétain).
Les Tibétains reconnaissent une double hiérarchie :
- d’une part les lamas ("lama" signifie "maître spirituel") qui incarnent la transmission spirituelle à proprement parler (initiations, techniques de méditation, etc.),
- d’autre part les guéshés et les khèmpos qui représentent l’érudition garante de l’authenticité de la doctrine.
La majorité des lamas sont moines, mais il existe aussi des lamas mariés.
Tenzin Gyatso, 14e dalaï-lama, estime que le désir charnel, s'il procure une satisfaction à court terme, complique les choses, tandis que la chasteté procure une plus grande indépendance et une tranquillité d'esprit. (28 novembre 2008, Lagos)
Les monastères (il y en avait environ 6 000 avant l’invasion chinoise de 1950-1951) sont habituellement dirigés par un tulkou reconnu comme étant la réincarnation d’un maître admiré pour ses grandes qualités.
Les moniales (ou nonnes) dont les règles sont spécifiques, occupent généralement de petits couvents ; elles sont considérées comme inférieures aux moines et, parfois, presque réduites à l'état d'esclaves par ces derniers.
"Très rares sont les lamas qui se déplacent pour enseigner à leurs moniales et l'histoire du bouddhisme tibétain ne connaît que très peu de grands maîtres féminins (...) Ce dédain des sociétés religieuses et laïques à l'égard des moniales tibétaines est l'une des préoccupations du dalaï-lama. Il s'est nettement engagé contre ce vieil adage de son pays : Si tu veux un maître, fais de ton fils un moine. Si tu veux une servante, fais de ta fille une nonne." (Pierre Yves Ginet, 2002)
Au Tibet, non seulement tous les religieux, mais presque tous les laïcs, ont leur père spirituel, à qui ils font en général l'accusation de leurs péchés.
Aussitôt que le pénitent a prononcé cette formule : « J'ai péché », le directeur fait sur lui une prière pour lui obtenir le pardon qu'il demande.
Quatre fois par mois, le 14 et le 15, et ensuite le 29 et le 30 de la lune, les lamas s'assemblent pour entendre l'explication de leur règle.
Avant de paraître dans l'assemblée, le grand lama se confesse à celui à qui il a confié la direction de sa conscience ; ainsi purifié, il entre dans le temple et commence à recommander à chacun de se confesser.
Chomschim le fondateur
D'après la légende, en l'année 407, vient de l'Inde un bodhisattva (le "bodhisattva" est "un être qui s'éveille" en voie de devenir un bouddha, "un éveillé") qui s'établit sur le mont Potala autour duquel sera bâtie la sainte ville de Lhassa.
Ce bodhisattva s'appelle, dit-on, "Chomschim" (la voix qui reflète le monde).
On dit qu'il est le fondateur du lamaïsme.
Depuis cette époque, Bouddha ne cesse de s'incarner régulièrement dans la personne du dalaï-lama ou grand lama.
Le roi Songtsen Gampo
En fait, le bouddhisme paraît être introduit au Tibet par le roi Songtsen Gampo (Srong-btsan-sgam-po), fils du roi Namri Songtsen premier unificateur du Tibet (570-619), qui règne de 620 à 640.
Songtsen Gampo fait de Lhassa la capitale d’un pays puissant et unifié comprenant la majeure partie de l’Asie centrale et empiétant sur le territoire chinois (il a noué, en 634, des relations amicales avec la Chine).
On lui doit aussi l’élaboration d’une écriture, adaptée d’un alphabet indien.
Le roi compte au nombre de ses épouses une princesse népalaise et une chinoise qui sont réputées avoir apporté des images de Bouddha à Lhassa où des temples sont édifiés pour les abriter.
L’un d’entre eux existe encore ; c’est le temple principal de Lhassa, le "Jokhang" ; il a été reconstruit au cours des siècles, mais ses fondations remontent à la 1ère partie du VIIe siècle.
Srong-btsan-sgam-po sera reconnu par la suite dans la tradition bouddhique comme une manifestation du Grand Bodhisattva Avalokitesvara, le divin sauveur qui est un reflet du Grand Buddha de l’Ouest, "Amitabha" (Lumière sans borne).
Ses épouses chinoise et népalaise seront identifiées comme des manifestations de la Grande Déesse Tara, la Salvatrice, dans ses émanations Verte et Blanche.
Le mage Padmasambhava
Le philosophe indien Padmasambhava (2e moitié du VIIIe s.), né dans l’Uddiyana au sein d’une famille apparentée à la dynastie régnante, porte d’abord le nom de Padmakulisha ; celui de Padmasambhava ne lui sera conféré qu’à la fin de ses études sur les tantras.
Il étudie à l’université de Vikramashila, qui concurrence et supplante Nâlandâ.
Chargé d’un poste officiel auprès du souverain d’Uddiyana, Hayalila, il est forcé, à la mort de celui-ci, de fuir le pays et se rend au Magadha, au Kamarupa (Bengale) et au Népal.
Il revient ensuite en Uddiyana. Ce sont ses connaissances magico-alchimiques qui le font appeler au Tibet, par le roi Trisong Detsen (Khri-srong-lde-brstan).
Padmasambhava, qui est le magicien par excellence, le "yogin", le "siddha", va donc au pays des Neiges pour dompter les démons qui s’opposent à l’implantation du bouddhisme et triompher des Bon-po dans des joutes oratoires et des concours de magie.
Son nom reste lié à la fondation du monastère de Samyé ou Sam-Yas (Bsamyas) en 771.
Padmasambhava ne séjourne au Tibet que dix-huit mois, et non cinquante ans comme l’affirme la tradition (il semble qu’il ait été forcé de quitter le pays devant les menaces de gens qui voulaient attenter à sa vie).
Padmasambhava est regardé comme un nouveau Bouddha venu sur terre pour sauver les êtres. Il aurait eu comme supériorité sur tous les autres bouddhas d’être né d’un lotus et non d’une matrice humaine.
Ancêtre spirituel des rNying-ma-pa (Nyingmapas, secte des Anciens dite Église rouge à cause de la couleur des bonnets), il est combattu par les Dge-lugs-pa (Gélugpas, Bonnets Jaunes) qui ne réussissent pas à le faire disparaître ni même à faire diminuer sa popularité.
Les rNying-ma-pa lui attribuent de nombreux ouvrages, qui seraient restés cachés de manière à n’être découverts que lorsque les hommes auront acquis une plus grande maturité.
Très populaire dans le peuple aussi bien que chez les religieux, Padmasambhava (Guru Rinpoché), est représenté partout.
Sa légende, embellie par l’imagination des bardes, est conservée dans le "Pad-ma-than-yig" (le "Dit de Padma").
Le tantrisme
Le tantrisme est un courant de l'hindouisme apparu en Inde aux environs de l'an 500, en réaction contre le formalisme du brahmanisme.
Destiné à conduire à la fusion de l'individu dans le Tout, il est fondé sur des textes, les "Tantras" (en sanscrit, trame, chaîne, tissu, ensemble), et une doctrine de caractère ésotérique.
Le tantrisme utilise diverses techniques du yoga.
À partir du VIe siècle, on rencontre des cultes tantriques dans les écoles shivaïtes ou shaktistes, dans le bouddhisme mahayana et dans le bouddhisme tibétain.
Le "vajrayana" (véhicule de diamant) est une forme de bouddhisme, nommée aussi bouddhisme tantrique, dont la compréhension nécessite celles du mahayana et du bouddhisme originel. Le vajrayana est la troisième et dernière phase du bouddhisme, les deux précédentes étant le Hinayana et le Mahayana. Il contient des éléments qui l'apparentent à l'hindouisme et particulièrement au shivaïsme cachemirien. Au Tibet, le vajrayana et le bön, religion locale, se sont influencés réciproquement. (Wikipedia)
Dans le cadre de l'hindouisme, le tantrisme, fondé sur la glorification du désir, peut aboutir au shaktisme, et il constitue l'une des trois principales manifestations du culte avec le shivaïsme (culte de Shiva) et le vishnouisme (culte de Vishnu).
Au centre du culte, se trouve la "shakti", aspect féminin de la divinité qui participe à la conservation de l'Univers et à l'harmonie du monde.
L'aspect sexuel, donc créateur, est fortement marqué, les divinités symboliques du tantrisme étant représentées dans l'acte amoureux.
La "shakti", terme sanskrit signifiant "puissance, énergie, capacité d'agir", est conçue comme l'énergie féminine universelle, présente à la fois dans le Cosmos et dans chacune de ses parties. En chaque être, elle fait couple avec l'âme (tenue, en Inde, pour masculine). Il y a donc une dualité fondamentale qui rend compte du fonctionnement de l'ordre des choses.
Ainsi, la shakti est l'aspect féminin de la divinité et incarne son principe actif, sa puissance : Lakshmî est la shakti de Vishnu ; Parvati (et Kali, qui est la forme destructrice de Parvati) celle de Shiva ; Sarasvatî (ou Brahmi) celle de Brahma, etc.
Le shaktisme accorde à la déesse la prééminence sur l'aspect masculin.
En métaphysique est posée la coexistence éternelle de la Nature et de l'Esprit, et l'on enseigne que l'harmonie universelle se maintient tant que ces deux entités sont en équilibre. Ainsi, l'homme ne vit normalement que s'il a soin de maintenir un équilibre entre ce que saint Paul appelle la "chair" (la shakti) et l'esprit.
Les Tantras sont les textes fondamentaux du tantrisme.
On reconnaît traditionnellement 64 textes tantriques, mais, en fait, on compte plus de 200 Tantras, traitant de métaphysique, de physiologie, de magie, de techniques de méditation et de yoga, généralement présentés sous forme de dialogues.
Le bouddhisme tibétain est fondé sur des Tantras constituant les ouvrages de base du Vajrayana (Véhicule de Diamant). Leur révélation est attribuée au Bouddha en personne (alors que le tantrisme bouddhique semble n’avoir émergé qu’au IVe siècle de notre ère, sur des fondements hindouistes.
Selon les bouddhistes tibétains, il existe quatre catégories de Tantras constituant un système cohérent (chacune des catégories représente un degré dans l'échelle spirituelle atteint par l'adepte en marche vers la lumière du Nirvana) :
- les Tantras de l'action (Kriya-Tantra) ;
- les Tantras de la pratique (Charya-Tantra) ;
- les Yoga-Tantra ;
- et le Yoga-Tantra ultime ou suprême.
Donnant une place très importante à l'énergie féminine, les disciples du lamaïsme pratiquent le yoga tantrique (ou Kundalini-yoga ou Laya-yoga) destiné à l'éveil des chakras permettant par la contemplation la visualisation de la divine lumière.
La controverse des Karmapas
Elle est liée à l'existence de deux candidats à la succession du 16e karmapa (coiffe noire), chef de l'école Karma Kagyu (Kagyupa) du bouddhisme tibétain :
- Le 7 juin 1992, Urgyen (ou Orgyen) Trinley Dorje, proposé au Tibet par le 12e Taï Sitou Rinpoché qui se base sur une lettre du précédent Karmapa, est reconnu par le dalaï-lama ; le 27, il est reconnu par le gouvernement chinois ; en décembre 1999, il s'enfuit du Tibet et arrive à Dharamsala le 5 janvier 2000.
- Trinley Thaye Dorje est identifié par le 14e Shamar Rinpoché (coiffe rouge), qui est, selon la tradition, celui qui doit reconnaître le Karmapa ; Shamar Rinpoché annonce qu'il l'a découvert, après avoir utilisé les procédés traditionnels. D'autres grands rinpochés reconnaissent Trinley Thaye Dorje comme l'authentique Karmapa.
Le culte de Dordjé Shougdèn
Dordjé Shougdèn (Foudre puissante), Dholgyal ou Dhogyal (Roi de Dhol), qui semble avoir été à l’origine une divinité mineure dans la tradition sakyapa, est une déité tantrique du bouddhisme tibétain qui a pris une grande importance au XIXe siècle dans une partie de l’école gelugpa.
La nature exacte de Dordjé Shougdèn est controversée parmi les pratiquants du bouddhisme tibétain : déité protectrice éveillée (yidam), émanation de la sagesse de tous les bouddhas et protecteur du dharma (dharmapala) pour les uns, il est une force maléfique (démon connu sous l’appellation péjorative de dholgyal) pour les autres.
Du fait de soupçons de sectarisme à l’encontre de certains de ses pratiquants, le dalaï-lama, lui-même initié à Dordjé Shougdèn en 1959 par son maître Trijang Rinpoché et pratiquant de son culte, y a renoncé et l’a déconseillé à partir de 1978 avant de l’interdire en 1996.
En 1996, à Dharamsala, durant la session d’enseignements de printemps, le 14e dalaï-lama, Tenzin Gyatso, désapprouve, pour la première fois publiquement, la pratique de Shougdèn et condamne la déité : « Si vous voulez que je sois maudit et voulez ma mort, et si la liberté du Tibet vous indiffère, continuez donc à vénérer cet esprit démoniaque ».
Dans une interview donnée à l'hebdomadaire Newsweek en avril 1997, le dalaï-lama exprime ses préoccupations à l'égard du culte de Dordjé Shougdèn en ces termes : « Ce culte détruit la liberté de pensée religieuse ».
En janvier 2008, Tenzin Gyatso et Samdong Lama, premier ministre du gouvernement tibétain en exil, appellent l’opinion publique à se soulever contre les pratiquants du culte Shougdèn, accusés d'hérésie, de meurtres, de vol et de faire le jeu de la Chine.
Des campagnes de signatures et de prestations de serment sont organisées pour que chacun jure solennellement non seulement de renoncer à tout lien avec la déité mais aussi de renoncer à toute relation spirituelle et matérielle de quelque ordre qu’elle soit, avec tout adepte de Shugden. Les moines Shougdèn sont chassés des monastères ; toutes relations sociales avec les Shougdèn, telles que partager un repas, vivre sous le même toit ou faire du commerce ensemble, sont interdites (des boutiques arborent des écriteaux interdisant l’entrée aux adeptes de Shougdèn).
Le 15 mars 2008, une résolution, adoptée par le Parlement Tibétain en exil, stipule :
"3. Les pratiquants de Dholgyal (ou Shougdèn, ndlr) ont lancé des campagnes de terrorisme, et commis les délits suivants : rançon, vol et meurtre. Par conséquent, les Tibétains et le pays d’accueil sont tenus de continuer à répondre aux enfreintes de la loi, de les identifier sans les minimiser.
4. Certains leaders sans éducation de la République Populaire de Chine portant le masque du communisme, considèrent la religion comme du poison et utilisent les leaders de Dholgyal pour critiquer Sa Sainteté le Dalaï Lama et diviser le peuple tibétain. Le peuple tibétain, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, et les gens du monde entier qui aiment la vérité sont tenus de les identifier et ne devraient pas se méprendre sur l’argumentation."
Le 12 avril 2008, la Société des partisans de Shougdèn écrit une lettre ouverte au dalaï-lama qui restera sans réponse :
"Nous, la Société des partisans de Shougdèn, vous demandons d'accomplir 4 choses :
- 1. Laisser la liberté de vénérer Dordjé Shougdèn à quiconque souhaite s'en remettre à cette déité.
- 2. Arrêter complètement la discrimination entre les pratiquants de Shougdèn et les non-pratiquants.
- 3. Permettre à tous les moines et nonnes Shougdèn qui ont été expulsés de leur monastère de retourner dans leur monastère où ils devront bénéficier des mêmes droits matériels et spirituels que les non-pratiquants.
- 4. Dire par écrit à la communauté tibétaine dans le monde entier qu'elle doit mettre en application les trois points ci-dessus."
Selon un article de TibetInfoNet publié en mai 2008, les autorités de la République populaire de Chine soutiendraient financièrement les groupes Shougdèn 9.
En janvier 2010, Loungri Namgyél Rinpoché, le 101e Ganden Tripa (le Gandèn Tripa est le dirigeant et la plus haute autorité religieuse de l'école gélugpa) rejoint, au terme de son mandat, le monastère de Shar Gandèn, fondé en Inde par les pratiquants de Dordjé Shougdèn et indépendant du gouvernement tibétain .
La Western Shugden Society accuse le dalaï-lama de détruire les quatre grandes traditions du bouddhisme tibétain pour renforcer son emprise sur le pouvoir politique en exil et prétendre aujourd'hui que ceux qui s’opposent à cette désacralisation sont une secte minoritaire alors que ceux-ci préservent une pratique religieuse centenaire.
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Dordjé Shougdèn