Ils reconnaissent une succession de sept Imams seulement: Les six premiers sont les mêmes que chez les duodécimains.
1)[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] (m. 661) 2) Hasan ( fils d'[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] et de [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], petit-fils du Prophète, m. 669) 3) Husayn (fils d'[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] et de [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], petit-fils du Prophète, m. 680) 4) 'Alî Zayn al-'Âbidîn (712) 5) Muhammad al-Bâqir (791) 6) Dja'far as-Sâdiq (765) 7) Ismâ'îl (occulté en 765)
Leur enseignement comporte un côté ésotérique marqué, réservé aux seuls initiés.
Leurs croyances sont gnostiques. les relations de Dieu avec l'univers s'effectuent au moyen de sept émanations successives. La première est l'intellect universel ('aql al-kull), la dernière est l'intellect actif (al-'aql al-fa''âl) dont la mission est de produire les formes des corps. Mohammed est l'Homme Parfait, prototype de l'humanité. L'âme humaine appartient au monde supérieur et pour y retourner doit acquérir le savoir communiqué par l'Imam et se soumettre à sa direction.
Naissance des sectes sunnite - chiite - ismaélite
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Dernière édition par Arlitto le Mar 23 Mar 2021 - 15:02, édité 1 fois
On nomme Ismaéliens les membres d'une secte chiite
On nomme Ismaéliens les membres d'une secte chiite (Islam) qui regarde Ismaël, fils de Djafar es-Sâdiq, comme ayant été le dernier des imams parus sur la terre. On leur donne aussi le nom de Bâthini (partisans du sens interne), parce qu'ils n'admettent que l'interprétation allégorique du Coran dont le sens apparent n'a pour eux aucune valeur. Lors de la mort de Djafar es-Sâdiq, en l'année 765 de notre ère, quelques chiites refusèrent d'admettre Mousa comme son successeur et attribuèrent la qualité d'imam à Ismaël que son père avait bien tout d'abord désigné, mais qu'il avait déposé ensuite et même fait périr parce qu'il s'était enivré. Fixés tout d'abord dans le Khoraçânet sur les bords de l'Indus, les Ismaéliens, aussi appelés Chiites septimains (ou septimaniens) propagèrent peu à peu leurs doctrines qui, au début, n'avaient guère trait qu'à la question de l'imamat et se confondait presque avec celles acceptées par les autres chiites. Ce fut seulement en l'année 864 qu'un certain Abd Allâh ben Maïmoun el-Qaddàh (l'oculiste) modifia à tel point les théories reçues jusqu'alors que les autres chiites eux-mêmes tinrent pour impie quiconque adoptait ses idées. Pendant longtemps les Ismaéliens, ainsi réformés, poursuivirent leur propagande sans être inquiétés, bien qu'ils eussent été en quelque sorte les promoteurs de la secte des Carmathes qui mirent un instant en péril le califat de Bagdad, mais qui finirent par être exterminés.
En 1090, un daï ou missionnaire ismaélien, appelé Hassan Sabbâh (et que l'on surnommera, ainsi que ces successeurs : le Vieux de la Montagne), songea à donner à la secte un caractère politique; il s'empara de la citadelle d'Alamout (= le nid de l'aigle), voisine de Kazbin en Perse, et fonda un petit État, indépendant en réalité quoiqu'il se fût engagé à payer un tribut annuel. Quelques années plus tard, en 1107, les Ismaéliens s'établissaient en Syrie dans quelques forteresses situées dans la montagne de Somâk qui se rattache à la chaîne du Liban. Combattus sans relâche, les Ismaéliens furent enfin chassés de la Perse et exterminés par Houlagou (1251) qui s'empara d'Alamout, mais ils persistèrent plus longtemps en Syrie, où on en retrouve encore un certain nombre répandus parmi les populations du Liban et en lutte sourde avec les Noçaïris (Alaouites). D'autres ismaéliens, installés dans la même région, mais dont la doctrine religieuse s'était forgée en Égypte , furent à l'origine de l'actuelle communauté Druze (Liban, Syrie, Nord d'Israël).
Les branches de l'Ismaélisme.
Nizari. Lorsque l'on parle aujourd'hui des Ismaéliens (sans autre précision), on fait référence à leur principale branche, qui est celle des Nizari, et dont le chef spirituel est l'Aga Khan. C'est des Nizari que furent issus, au Moyen Âge, les Assassins (Hashshashin), auquels la propagande abbasside, relayée par les Croisés, puis par Marco Polo, a fait une triste et largement injustifiée réputation. Ceci dit, nombre de personnages marquants succombèrent sous les coups des Assassins, agissant, a-t-on jadis prétendu, après absorption de drogues : si Saladin échappa au poignard qui le frappa, Conrad de Monterrat et d'autres furent moins heureux que lui.
Mustaliyya. Les Mustaliyya tirent leur nom de cleui d'al-Mustali, neuvième calife fatimide (et frère de Nizar dont se réclament les Nizari). En Inde, ils se sont divisés au cours du temps en différents courants appelés bohra : Sulaimani Bohra, Alavi Bohra, Jafari Bohra, Hentias Bohra, Dawoodi Bohra, etc.
Karamitha (Carmathes). Les Qarmathiens, du nom d'Hamdan Karmath, se rendirent invincibles pendant près de deux siècles. Après avoir altéré les pratiques du culte extérieur de l'Islam, permis l'usage du vin et du porc, s'être attribué le quint de la dîme aumônière, ils portèrent le fer et la flamme « d'un côté jusqu'aux portes de Damas, et de l'autre jusqu'aux murs de Bassorah»; La Mecque n'échappa pas à leur fureur, et le temple de la Kaaba fut arrosé du sang de plus de trois mille musulmans. Au nom du ciel, les Karamitha obligèrent le calife Mohammed VIII à leur payer, tous les ans, 25 mille ducats d'or « pour qu'ils permissent le libre exercice du culte dans le premier des temples » de l'Islam, et, obéissant à la même inspiration divine, ils rendirent la Pierre Noire qu'ils avaient conservée 20 ans et qui fut la cause de la suspension, pendant huit ans, du pèlerinage à la Ville Sainte.
Druzes. La religion des Druzes, bien que dérivée de l'Ismaélisme est parfois rangée à part (certains auteurs refusent même d'y voir une branche de l'Islam : Mahomet n'est pas pour eux le dernier prophète, et le Coran n'est pas le Livre par excellence). Plutôt ésotérique, plus nourrie encore que les autres branches de l'ismaélisme d'idées philosophiques remontant à l'Antiquité classique, la religion druze remonte au calife Al-Hakem Biamrillah, qui vivait au commencement du XIe siècle, et dans lequel les Druzes voient un dieu incarné; aussi leur chef s'appelle-t-il toujours hakem. Ce chef (auj. Walid Joumblatt) réside à Déir-el-Kamar (dans la montagne libanaise du Chouf, au Sud-Est de Beyrouth). Les Druzes ont pris, dit-on, leur nom de Durzi, un des premiers apôtres du calife Hakem, qui conduisit en Syrie ses partisans persécutés en Égypte. Retirés dans les montagnes du Liban, ils se rendirent redoutables, résistèrent longtemps aux attaques des Ottomans , et ne furent soumis au tribut qu'en 1588 par le sultan Amurat III. Ils ont été fréquemment en guerre avec les Maronites, secte de chrétiens qu'ils ont pour voisins au Nord.
Autres branches.
Plusieurs autres branches des Ismaïlïa eurent à leur tête de vrais réformateurs, soutenant, par le fer et la parole, les principes de leurs doctrines. Signalons seulement les Haramïa, du nom de Babek Harami, en établissant de nouveaux principes sur la transmigration des âmes, répandirent la terreur jusque dans Bagdad après avoir résisté pendant vingt, ans aux généraux du calife. Plus secondaires sont les branches des Bathinïa, Sebata, Babikïa, Mouamarra, dont quelques-unes ne sont cependant pas encore éteintes, semble-t-il.
La doctrine ismaélienne (nazirite).
La doctrine des Ismaéliens formulée par Abd Allâh peut se résumer ainsi : Dieu est un être dépourvu de tout attribut; il est inaccessible à la pensée. Il n'a pas créé le monde, mais il a manifesté la Raison universelle qui auparavant se confondait avec lui et en a fait ainsi une sorte de Dieu extérieur et compréhensible à qui les humains doivent adresser leur culte. La Raison universelle, aussitôt manifestée, a créé l'Âme universelle; celle-ci à son tour a créé la matière première et alors l'Espace et le Temps se sont manifestés. L'âme universelle tend à s'élever et à reproduire la Raison universelle; lorsque ce but sera atteint, la Raison universelle rentrera elle-même en Dieu et tout mouvement cessera. Pour que l'âme humaine assure son salut, il faut qu'elle acquière la science que lui a transmise le Prophète, qui est une incarnation de la Raison, afin de concourir à élever l'âme universelle. Comme la vie humaine est très courte, la même incarnation se manifeste dans une série de personnages : ainsi la Raison s'est incarnée successivement chez Adam, Noé, Abraham, Moïse, Jésus et Mohammed qu'on appelle nâtiq (parlant). De même l'âme s'est incarnée dans les asâs (base) : Seth, Sem, Ismaël, Aaron, Simon-Pierre et Ali qui ont été en quelque sorte les ministres des nâtiq. A leur suite venaient des imam, des khoddja et des daï; ces derniers étaient chargés de l'initiation.
Les principes de l'initiation.
Les principes d'initiation de l'Ismaélisme sont dus à A'bdallah ben Maïmoun. Quelques-uns se rapprochent de ceux des Soufis et de ceux de certaines confréries religieuses musulmanes. D'abord fixés à sept et gradués suivant l'intelligence des prosélytes, ils furent, plus tard, portés à neuf :
1e Seuls, les imams peuvent pénétrer les mystères de la science religieuse;
2e Les imams sont les seuls représentants de l'autorité divine sur la terre;
3e Le néophyte apprenait la distinction du dogme des Ismaïlïa, de toutes les autres branches des chiites; que le nombre des imams héréditaires est borné à sept ; la connaissance de ces sept imams (on invoquait en faveur de cette doctrine l'importance du nombre septénaire qui joue un si grand rôle dans la nature, dans la personne même de l'humain et dans les rites de la religion). On expliquait aux initiés que toute religion a deux sens : l'un apparent, l'autre secret. Le sens caché, les imams seuls pouvaient le connaître; d'où il s'ensuivait que, pour acquérir la vraie Science, il fallait s'abandonner, corps et âme, à l'imam du temps. On conçoit facilement qu'elle était la puissance de ces chefs de sectes;
4e On faisait connaître que depuis l'origine du monde, la suite des siècles se partage en sept périodes, dont chacune a eu sa religion fondée par un prophète.
Le Chef du siècle était Mohammed, petit fils d'Ali, et c'est en sa personne que se terminent toutes les doctrines des anciens et que commence la science du sens intérieur et mystique de toutes les lois précédentes. Le prosélyte qui admettait la doctrine du 4e degré cessait, par là, d'être musulman puisque, contrairement à la déclaration de Mohammed, il reconnaissait un prophète postérieur à celui des Arabes.
Le 5e degré comprenait le mépris de la tradition, la négation des religions révélées aux prophètes, et l'adoption de la philosophie enseignée par les auteurs ismaïlïa.
Au 6e, on réfutait les ordonnances légales et obligations instituées par les prophètes dans un but politique et pour le repos de la Société; on initiait le néophyte aux doctrines philosophiques anciennes, telles que celles de Platon, Aristote, Pythagore, jugées supérieures à celles des révélateurs.
Au 7e degré, le prosélyte était initié aux principes de la création de toutes choses se résumant, comme, dans le système des Égyptiens, dans le culte du Chtonisme, dans celui des Chinois et des autres nations, aux deux êtres : l'un mâle et fécondant, l'autre femelle et fécond. D'après les Ismaïlïa, la production des substances corporelles n'est pas une véritable création; ce n'est qu'une disposition ou organisation.
Ce système était développé dans le 8e degré. Au 9e, le prosélyte choisissait, parmi les systèmes philosophiques, celui qui lui plaisait davantage : éternité de la matière; intervention d'un ère intellectuel dans la formation des êtres matériels; dualisme des mages ou des mânes; doctrines philosophiques de Platon ou d'Aristote, ou combinaisons d'idées puisées dans ces deux derniers systèmes. L'initié payait à l'imam ou à l'initiateur (daï) une redevance (nadjoua) en rapport avec ses ressources, qui allait grossir le trésor de la secte.
Pour les Ismaéliens le mal n'a pas d'existence propre et le culte extérieur n'a aucune valeur. Entièrement soumis à leur daï, les Ismaéliens lui obéissaient aveuglement. (O. Houdas / O. Depont / X. Coppolani).
En librairie - F. Daftary, Les Ismaéliens, Fayard 2003. - M. Boivin, Les Ismaéliens, Brepols, 1998..
LA SECTE DES ASSASSINS - CHRONIQUES SANGLANTES D'ALAMUT
Assassin a été un mot redouté à toutes les époques, dont l’origine insolite nous emmène dans l’Asie du Moyen-Âge. Tout commence au Proche-Orient dans les années 1090...
Les Nizâriens, Nizârites, Nizaris sont une communauté mystique musulmane (shî`ite ismaélienne) active depuis le XIe siècle.
En 1094, à la suite d’une scission importante dans le chiisme ismaélien fatimide, une nouvelle prédication (da‘wa al-jadîda) fut organisé par Hasan-i Sabbâh, à partir du fort érigé sur le mont Alamut, au Sud-ouest de la mer Caspienne. À la fin du Moyen Âge, le développement de la communauté ismaélienne se poursuivit clandestinement sous le couvert du soufisme et a coïncidé avec l’essor de l’ismaélisme oriental (vingt-cinq millions de fidèles de nos jours), avec à leur tête l’Âgha Khân.
Origine de l’ismaélisme nizârien À l’origine, ceux qu’on appelle les Nizâriens ne sont que les adeptes de l’ismaélisme en Iran, c’est-à-dire une communauté chiite minoritaire dans une région sous la tutelle de vizirs sunnites. Sous la direction de leur chef charismatique Hassan ibn al-Sabbah, les Ismaéliens prennent le contrôle du fort d’Alamût en 1090 et étendent leur influence en Iran ainsi qu’en Syrie.
Après la mort du calife fâtimide Mustansir Billâh, une grave scission se produisit dans la communauté ismaélienne au sujet de la succession à l’Imâmat. Al-Mustansir avait désigné son fils Nizâr comme héritier ; par contre son jeune fils Ahmad gagna l’appui de son beau-père, le vizir al-Afdal qui le placa sur le trône avec le titre d’al-Musta‘lî.
Hasan-i Sabbâh et les Ismaéliens de Perse donnèrent allégeance à Nizâr et sa descendance. Les Ismaéliens s’emparèrent de la forteresse de Qadmûs dans la région du Jabal Bahrâ‘ en 1132 ; Masyâf, la place forte la plus importante fut prise en 1140-1141. C’est ainsi que les Ismaéliens nizâriens de Syrie furent dirigés par des délégués envoyés par les Seigneurs d’Alamût ; le plus célèbre d’entre eux était Râshid al-dîn Sinân (1162-1192) qui dirigea la prédication (da‘wa) ismaélienne en Syrie.
Selon la version ismaélienne, l’Imâm Nizâr, après s’être réfugié en Alexandrie, fut attaqué à plusieurs reprises par le vizir Malik al-Afdal . Éventuellement l’armée d’al-Afdal arrêta Nizâr et son gouverneur, et ils furent menés devant al-Musta‘lî. Le gouverneur fut tué sur le champ et l’Imâm Nizâr mourut emprisonné en 1096. Avant de mourir, Nizâr désigna son fils al-Hâdî pour le succéder au trône de l’Imâmat et ce dernier rejoignit Hasan-i Sabbâh à Alamût. L’Empire fâtimide était très affaibli par la crise économique et le manque d’unité parmi les Ismaéliens. De plus, le pouvoir militaire entre les mains du vizir Badr al-Jamâlî, un ancien esclave arménien, commençait à décliner, alors que le pouvoir à Alamût subsistera jusqu’au XIIIe siècle.
Selon Wladimir Ivanow et Henry Corbin, le petit-fils de Nizâr (al-Muhtadî ?) était amené à la forteresse d’Alamût par Hasan-i Sabbâh, qui dirigea la campagne nizârienne au nom de l’Imâm. La situation était analogue à la période de clandestinité (dawr al-satr), qui prévalait avant la montée des fâtimides, car les Imâms restaient cachés (mastûr) à la vue du public pour éviter les persécutions dont ils étaient l’objet. Cette période de l’histoire est très confuse, car nous avons très peu de sources historiques ismaéliennes, la majorité des documents disponibles sont ceux écrits par les historiens sunnites, les plus âpres adversaires des Ismaéliens nizâriens. Ces derniers croient que la descendance de Nizâr a survécu mais elle est demeurée cachée du public pour éviter les persécutions. Durant cette période d’incertitude Hasan-i Sabbâh était le représentant officiel qui entretenait une relation privilégiée avec l’Imâm pour mener la communauté à travers cette période turbulente. Ainsi les historiens sunnites, ‘Atâ-Malik Juwaynî (gouverneur de Bagdad), Rashid al-din Fadl Allah et l’auteur du livre intitulé Sargudhasht-i Sayyidnâ nous ont rapporté une version partielle et non-objective de l’ismaélisme qui s’est développé à Alamût. Hasan-i Sabbâh était à la fois un homme politique et religieux. Selon Christian Jambet, « il créa un réseau de forteresses, permettant de contrôler le territoire alentour, réseau qui, consolidé à partir de 1124 par son successeur Kiyâ Buzurg-Ummîd, comprenait des zones telles le Rudbar avec Alamût, centre de la nouvelle convocation, le Daylam et la région de Qazvin, le fief de Girdkuh plus à l’est, non loin de Damghan, la région de Ray, quelques positions au Khuzestan, une forte implantation au Quhistan, entre Nichapur et Qâ’in. » [1].
Les régions appartenant aux Ismaéliens nizâriens faisaient face aux différentes attaques de l’armée Saljûqs, de plus les abbassides voulaient isoler les Nizâriens afin de les faire disparaître de la région. Les Ismaéliens nizâriens étaient accusés de tous les maux de la terre par leur ennemis ce qui donna naissance à la légende des « assassins » consommant du haschich, etc. Le terme "assassin" et la légende qui l’entoure a été véhiculé par Marco Polo dans ses récits de voyages, fondés sur les histoires fantastiques qu’il avait entendues en prison. Il s’agit d’un récit romancé destiné à plaire à l’imagination fertile du peuple français, pas d’un document historique, et les documents de l’époque de source iranienne, maintenant disponibles en traduction, permettent d’en infirmer la validité. Le fils de Kiyâ Buzurg-Ummîd, Muhammad II, entreprit en 1138 à consolider le petit territoire nizâriens, jusqu’à sa mort en 1162. Par la suite, comme la période était plus favorable et plus paisible, l’Imâm Hasan ‘Alâ Dhikrihi al-Salâm, le descendant légitime de Nizâr, assuma pleinement la responsabilité l’administration de l’État nizârien.
La « Grande Résurrection » En 1162, Hasan II succède à son père (al-Qâhir). Il va totalement bouleverser les conceptions religieuses nizâriennes. Le 8 août 1164, il proclama la « Résurrection des Résurrections » (Qiyâmât al-Qiyâmât) devant une assemblée de croyants réunis à Alamût. Cette proclamation initiait les croyants au sens caché (bâtin) de la révélation afin de dévoiler la vérité (haqîqat), elle avait pour conséquence la levée de la loi religieuse (sharî`a), non pas en l’abolissant mais en la considérant comme une étape préliminaire avant de la parachever avec la signification intérieure. Le cycle prophétique de Mahomet désormais achevé, les Imâms avaient pour mission de dévoiler le sens caché, en expliquant la dimension intérieure du Qur’ân, en allant au sens premier, c’est-à-dire à la source de la révélation. L’Ismaélien nizârien Abû Ishâq-i Quhistânî de la fin du XVe siècle rapporte un extrait de la Grande Résurrection :
« O vous, les êtres qui peuplez les univers ! Vous, génies, hommes et anges ! Sachez que Mawlâ-nâ (notre Seigneur) est le Résurrecteur (Qâ’im al-Qiyâma). Il est le Seigneur des êtres, il est le Seigneur qui est l’existence absolue (wujûd mutlaq), excluant ainsi toute détermination existentielle, car il les transcende toutes. Il ouvre la porte de sa miséricorde, et par la lumière de sa connaissance il fait que tout être soit voyant, entendant, parlant, vivant pour l’éternité. »
Le règne de Hasan ‘Alâ Dhikrihi al-Salâm fut bref, il est tué par blessure en 1166[3]. Son successeur l’Imâm Nûr al-dîn Muhammad poursuivit cette mission spirituelle jusqu’en 1210. L’Imâm suivant Jalâl al-dîn Hasan proclama que la communauté entrait à nouveau dans une période de clandestinité (satr). Hasan III mit plus d’emphase sur la sharî‘a afin d’établir de bonnes relations avec les sunnites, cela lui permit d’acquérir de nouveaux territoires. Son fils Muhammad III donna un peu moins d’importance à la sharî‘a, il restructura la doctrine et la pratique de la dissimulation de la foi (taqiyya) fut rétablie pour entrer de nouveau en période de clandestinité (satr).
Les Nizâriens et les Croisés en Syrie Selon Isabelle Baudron, les relations entre les Templiers et les Ismaéliens d’Alamût sont attestées dans la chronique de Jean de Joinville, biographe de Saint Louis. L’auteur rapporte la visite du Vieux de la Montagne, chef des Nizâriens, à Acre. Il est alors reçu par le roi Louis IX. Au-delà de cette rencontre, il y a un échange de cadeaux entre les deux souverains, rendu possible par un frère prêcheur breton qui parlait l’arabe. Plusieurs fois, les Nizâriens ont rendu visite aux croisés à Acre et notamment aux Hospitaliers. Le Vieux de la Montagne avait demandé l’aide de St. Louis contre les Mongols qui envahissaient la Perse (et qui finirent par prendre Alamût) (Voir le récit haut en couleur de la rencontre entre les émissaires d’Alamût et St. Louis).
Les Templiers jouaient un rôle d’intermédiaires avec le monde musulman. Comme les Ismaéliens, ils étaient des chevaliers qui croyaient au même Dieu, et combattaient les envahisseurs Mongols. Ils entreprirent de travailler ensemble aux niveaux culturels et religieux : les Templiers apprirent l’usage des chiffres arabes, l’astronomie, etc., et acquirent un niveau d’évolution supérieur à celui de leurs contemporains, d’où l’essor économique de l’Ordre et son indépendance vis-à-vis des autorités[4].
Le déclin L’État ismaélien à Alamût prit fin au XIIIe siècle avec l’invasion des mongols dirigée par le conquérant Houlagou Khan ; Rukh al-Din Khurshah fut assassiné au cours de cette invasion vers 1257. Puis l’ismaélisme nizârien se perpétua en Perse, caché sous le manteau du soufisme ; un début d’émigration vers l’Inde s’amorça.
[size=128Les descendants[/size] On connaît mal l’histoire des Nizâriens dans la période qui suivit les destructions et les massacres des Mongols. Ce qui reste de la communauté se disperse en groupes isolés et tente de survivre le plus discrètement possible, toujours sous la menace de persécutions des musulmans sunnites. Le mouvement connaît une certaine résurgence au XVe siècle. La petite ville iranienne d’Anjudan est choisie comme siège de la communauté et des missionnaires sont envoyés en Inde et en Asie centrale.
Au XIXe siècle, Hasan ‘Alî Shâh, Imâm héritier de la longue succession des Imâms ismaéliens nizâriens, reçoit le titre d’Aga Khan des mains du Shâh d’Iran. Obligé de quitter l’Iran pour des raisons politiques, Hasan ‘Alî Shâh s’installe en Inde. L’administration britannique impose aux Khôjas de le reconnaitre comme leur Imâm, beaucoup refusèrent. De nos jours, c’est le prince Shâh Karîm al-Husaynî Aga Khan IV qui dirige la communauté ismaélienne.
Les Imams nizâriens du XIe au XIIe siècle Les Imâms nizâriens en Perse et en Syrie Règne Imâm Représentant de l’Imâm Région(s) 1094 - 1095 Nizâr Hassan ibn al-Sabbah Perse 1095 - 1096 ? al-Hâdî ? Hassan ibn al-Sabbah Perse et Syrie 1096 ? - 1124 al-Muhtadî ? Hassan ibn al-Sabbah Perse et Syrie 1124 - 1138 Qâhir ? Kiya Buzurg-Ummîd Perse et Syrie 1138 - 1162 Qâhir ? Muhammad Buzurg-Ummîd Perse et Syrie 1162 - 1166 Hasan II Perse et Syrie 1166 - 1210 Muhammad II Perse et Syrie 1210 - 1221 Hasan III Perse et Syrie 1221 - 1255 Muhammad III Perse et Syrie 1255 - 1257 Rukn ad-Dîn Khurshâh Perse et Syrie Notes à propos des nizârites
Doctrine du Ta‘lim Souvent défini comme l’enseignement de l’Imâm, la doctrine du ta‘lîm fut développée plus particulièrement par Hasan-i Sabbâh. Al-Ghazali utilisa le mot de ta‘lîmiyya pour désigner les Ismaéliens afin de les attaquer avec une hostilité spécialement violente dans son traité Kitâb al-Mustazhirî. Les Ismaéliens en général ne suivent pas le sens littéral du Qur’ân, mais beaucoup plus le sens ésotérique (bâtin) qui est donné par l’Imâm ; cet enseignement est appelé communément (ta‘lîm). Ainsi les Ismaéliens accordent beaucoup d’importance à l’exégèse spirituelle (ta’wîl) qui consiste à découvrir le sens caché derrière le zâhir. Le ta’wîl donné par l’Imâm éclaircit les versets allégoriques du Coran et donne le sens ésotérique des réalités transcendantales (haqâ’iq). Grâce à cet enseignement ta‘lîm le croyant (murîd) a l’opportunité de connaître et de s’unir à la Déité. La Charia|sharî`a dans le sens de religion littérale est néanmoins utile dans l’ismaélisme elle constitue la première étape de l’initiation. Comme l’Imâm est Sâmit (Silencieux) ce n’est pas lui qui enseigne les mustajîbs (néophytes), c’est le Hujja qui transmet la ta‘lîm de l’Imâm. Grâce à son inspiration divine (ta’yîd) et son raisonnement pur (‘aqlânî) le Hujja est capable de transmettre l’enseignement de l’Imâm à l’adepte. L’homme laissé à lui-même est incapable de percevoir les réalités spirituelles, car celui-ci à tendance à associer à la Déité des qualités anthropomorphiques.
Durant le Cycle d’épiphanie (Dawr al-kashf) où l’Imâm se manifeste intégralement ; le zâhir et le bâtin sont en concomitance ; les adeptes connaissent le bâtin du zâhir, la présence du Hujja n’est donc plus nécessaire. Il n’y a donc plus de ta‘lîm.
Étymologie de assassin Selon Henry Corbin, « il s’agit d’un « roman noir » qui a obscurci longtemps le nom de l’Ismaélisme en absence de textes authentiques. « Les responsables sont sans doute, en premier lieu, l’imagination des Croisés et celle de Marco Polo. Mais au XIXe siècle encore, un homme de lettres et orientaliste autrichien von Hammer-Purgstall projetant... son obsession des « sociétés secrètes », les soupçonna de tous les crimes qu’en Europe les uns attribuèrent aux Francs-Maçons, les autres aux Jésuites ; il en résulta cette Geschichte der Assassinen de 1818, qui passa longtemps pour sérieuse. À son tour, S. de Sacy, dans son Exposé de la religion des Druzes de 1838, soutient avec passion son explication étymologique du mot " Assassins " par le Hashshâshîn (ceux qui font usage du hashîsh). [...] Le plus étrange est que des Orientalistes se soient faits ainsi, en compagnie d’auteur avide de sensationnel qui se fond les complices, jusqu’à nos jours, de cette rumeur anti-ismaélienne qui aurait pour origine le califat abbasside de Baghdad. W. Ivanow et la Ismaili Society de Karachi (anciennement à Bombay), démentent cette étymologie. » Bernard Lewis dans son livre traduit et préfacé en 1984 par Maxime Rodinson, fait cette même critique en excluant la possibilité que le mot assassin vienne de l’arabe Hashshâshîn[5] mais il ne propose pas de solution.
Amin Maalouf, donne dans son roman Samarcande (mettant en scène, entre autres, Hassan ibn al-Sabbah), une étymologie différente. Le mot proviendrait de asâs[6], qui signifie « base, fondement ». "D’après les textes qui nous sont parvenus d’Alamout, Hassan aimait appeler ses adeptes "Assassiyoun", ceux qui sont fidèles au Assas, au "Fondement" de la foi, et c’est ce mot, mal compris des voyageurs étrangers, qui a semblé avoir des relents de haschich."