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L'Enuma Elish, le poème de la création de l'Univers, a été probablement rédigé dans la ville de Babylone vers le XIIè siècle avant J-C, sous le règne de Nabuchodonosor 1er (1126 - 1105 av. J-C). Comportant quelques 1 100 vers, il a été retrouvé sous la forme de 7 tablettes quasi intactes de 100 à 200 lignes de caractères cunéiformes chacune dans la bibliothèque de Ninive. Très cohérent, il pourrait être l'oeuvre d'un seul et même scribe.
Cette grande épopée relate comment les dieux, le monde et les hommes sont apparus. Elle met notamment en avant le rôle de Marduk par rapport à d'autres divinités mésopotamiennes tel Apsù (sources souterraines d'eau douce, mâle) ou Tiamat (eaux salées, femelle).
Une mise en exergue de Marduk, dont le culte siège à Babylone, qui a du sens.
Donner à une ville des origines mythiques et la présenter comme une sorte de chef-d'oeuvre créé par les dieux est une manière d'affirmer sa prédominance. Babylone est alors la capitale politique, culturelle et religieuse d'un empire fondé six siècles plus tôt en Basse-Mésopotamie, principalement autour des rives du Tigre et de l'Euphrate, et qui est en pleine expansion. De plus, " Le portrait que l'épopée fait de Marduk, courageux, intelligent, grand guerrier, est celui du roi idéal... et probablement un peu celui que voulait transmettre Nabuchodonosor 1er "
L'Enuma Elish ponctue la vie des Babylonniens. A Babylone, au 1er millénaire av J-C les fêtes du Nouvel An et de l'Akitu coïncidaient dans le calendrier et c'est notamment à cette occasion que l'on récitait l'Enuma Elish. Au cours de ces célébrations que présidait Marduk, en tant que fondateur du monde, les dieux procèdent à une sorte de bilan et déterminent les destins de l'humanité. C'était probablement un moyen de rassurer et de se rassurer sur son sort au moment clé du renouvellement du cosmos.
Babylone chute en 539 av J-C, mais l'épopée lui survit... On connait ainsi des copies très fidèles de l'Enuma Elish qui subsistent plusieurs siècles plus tard, mais aussi des versions alternatives du mythe dont un texte assyrien dans lequel Marduk est remplacé par Ashur, divinité assyrienne. Des résumés existent chez l'historien Bérose transmis par Eusèbe de Césarée ou encore chez Damascius, philosophe néoplatonicien du Vè siècle après J-C. Bien connu, ce texte a pu acquérir une certaine importance dans l'histoire de la pensée occidentale ; il a en effet influencé la mythologie grecque, où l'on retrouve notamment la querelle entre anciennes et jeunes divinités.
L'Enuma Elish
" Lorsqu'en haut le ciel n'était pas encore nommé
Qu'en bas la Terre n'avait pas de nom
Seul l'Apsû (océan d'eau douce) primordial qui engendra les dieux,
Et Tiamat (le mer) qui les enfanta tous,
Mêlaient leurs eaux en un tout.
Nul buisson de roseaux n'était assemblé,
Nulle cannaie n'était visible (la végétation n'existait pas),
Alors qu'aucun des dieux n'étais apparu,
N'étant appelé d'un nom, ni pourvu d'un destin,
En leur sein, les dieux furent créés "
L'épopée commence alors que l'Univers n'est qu'un tout indifférencié, où se distingue toutefois deux divinités primordiales, Apsû, qui représente l'eau douce, et Tiamat , l'eau salée. Ils s'unissent, et engendrent plusieurs générations de dieux... Mais la troisième, trop agitée, attire la colère d'Apsû qui décide de les détruire sur les conseils de son vizir Mummu.
L'un d'entre eux, Ea, apprend le complot et décide de le déjouer. Grace à sa magie, il plonge Apsû dans un profond sommeil et le tue, puis s'empare des profondeurs liquides où il s'installe avec son épouse Damkina. Ils ont bientôt un fils, Marduk, supérieur aux autres dieux dès sa naissance. Mais celui-ci, également turbulent, arrise la colère de certaines divinités des eaux qui persuadent Tiamat de le détruire.
Cette dernière rassemble onze monstres et serpents conduits par son fils et nouvel époux, Kingu. Alors que la guerre se profile, Marduk accepte de combattre Tiamat contre la place la plus élevée dans la hiérarchie des dieux.
Au terme d'un combat spectaculaire, il tue Tiamat, et avec sa dépouille "fendue en deux comme un poisson séché", il forme la voûte céleste et la Terre ; avec ses organes, il crée la nature, les montagnes, les rivières et les vallées ; Avec ses yeux, le Tigre et l'Euphrate.
Marduk noue enfin la queue de Tiamat et s'en sert comme d'un bouchon afin que l'Apsû Océan ne déborde pas sur Terre. Il crée ainsi un lien entre les deux parties du corps démembré de Tiamat : le voûte céleste est reliée au disque terrestre. Et pour le remercier, les dieux érigent un sanctuaire en son honneur auquel ils donnent le nom de Babylone...
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