Mormons & Francs-Maçons aux Etats-Unis d’Amérique.
Les Etats-Unis d’Amérique, après avoir élu un président franc-maçon (George Washington, le 1ER président des Etats-Unis d’Amérique en 1789), un président catholique (John Fitzgerald Kennedy, dans ce pays profondément protestant), un président afro-américain (Barack Obama), vont-ils élire dans quelques jours, le mardi 6 novembre prochain, le premier président Mormon (Mitt Romney) ?
Le 45ème président des Etats-Unis qui sera élu le 6 novembre 2012 entrera en fonction le 13 janvier 2013.
Les derniers sondages sérieux mettent les deux candidats au coude à coude à quelques jours de l’élection. Le principal handicap du candidat républicain pour beaucoup de ses détracteurs est qu’il appartienne à Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours ou en anglais The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints (en abrégé LDSC) en bref à ce que nous appelons l’église mormone.
Quelques repères historiques très succincts concernant cette église : Elle a été fondée en 1830 à New York après une vision ou révélation faite à son fondateur Joseph Smith.
Joseph Smith aurait eu une première vision en 1820. Trois ans plus tard, le soir du 21 septembre 1823, alors qu'il priait intensément, une lumière emplit sa chambre, et un messager céleste, nommé Moroni, lui serait apparu et lui aurait révélé que des annales anciennes, gravées sur des plaques d'or, étaient enterrées dans une colline voisine et que lui, Joseph Smith, devrait traduire en anglais ce texte sacré.
Ces plaques d'or, retracerait plus de mille ans d'histoire (600 av. J-C à 420 après J.-C.) d'une civilisation ayant habité l'Amérique ancienne. Le récit décrit la croyance de ces gens en la venue d'un Messie, Fils de Dieu, pour expier tous les péchés du monde et la visite de Jésus-Christ à ce peuple après sa résurrection.
La traduction en anglais qu'en aurait faite Joseph Smith est intitulée The Book of Mormon et fut publiée pour la première fois en 1830. La première version en français date de 1852.
Ce livre tire son nom de Mormon, l'un des derniers personnages du Livre de Mormon, qui, selon le document, aurait vécu de 311 à 385 après J.-C. sur le continent américain.
En 2008, la publication du Livre de Mormon avait atteint 140 millions d'exemplaires et il avait été traduit dans 107 langues.
L'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours affirme être dirigée par Jésus-Christ, par l'intermédiaire d'un prophète vivant, actuellement Thomas S. Monson, 16ème président de l'Église, et de douze apôtres et se considère comme le rétablissement de l’Église originelle de Jésus-Christ après une longue période d'apostasie et en préparation de la Seconde Venue. Selon sa doctrine, l’Église fournirait l’organisation et les moyens nécessaires pour enseigner l’Évangile de Jésus-Christ à tous sans exception, apportant l’autorité de la prêtrise qui permet d’accomplir les sacrements et ordonnances du salut pour toutes les personnes qui sont dignes et disposées à les recevoir.
Le plan de salut désigne le plan par lequel Dieu réalise l'immortalité et la vie éternelle de l'homme :
Les 10 commandements
1) La vie prémortelle avec Dieu : pour les saints des derniers jours, tous les êtres humains ont choisi dans la vie prémortelle de venir sur la terre et sont ici-bas pour faire l'expérience de la vie dans un corps de chair et d'os et pour acquérir les vertus chrétiennes avant de retourner en présence de Dieu.
2) Quitter la présence de Dieu : La chute d'Adam et Ève était une étape nécessaire à la venue au monde des enfants d'esprit du Père. Sans l'étape de la Chute, Adam et Ève n'auraient pas eu de postérité, et n'auraient pas connu le bien et le mal ni plus tard la vie éternelle (2 Néphi 2:22-25).
3) Communiquer avec Dieu : selon la doctrine, la prière, les enseignements des prophètes et l'étude des Écritures sont les moyens de communiquer avec Dieu.
4) Jésus-Christ : Le point central de la théologie mormone est Jésus-Christ : sa naissance, sa vie, son sacrifice expiatoire et sa résurrection. La création a permis la Chute qui a nécessité l'expiation de Jésus-Christ. Le sacrifice expiatoire de Jésus-Christ est considéré comme l'événement le plus important de l'histoire de l'humanité. Parce qu'il a mené une vie parfaite, le Christ était qualifié pour offrir sa vie en rançon pour les péchés de l'humanité. Le sacrifice expiatoire permet la foi au Christ et en son salut.
5) Contracter des alliances avec Dieu : la foi, la repentance, le baptême par immersion pour la rémission des péchés, le don du Saint-Esprit par imposition des mains et la persévérance dans l'obéissance aux commandements jusqu'à la fin sont nécessaires au salut. La Sainte-Cène, ayant lieu chaque dimanche, permet de renouveler les alliances contractées lors du baptême.
6) Le perfectionnement des saints : le respect du jour de sabbat, la loi de chasteté (abstinence avant le mariage et fidélité pendant), le paiement de la dîme, le jeûne, le travail et la responsabilité personnelle, la Parole de Sagesse (s'abstenir de tabac, de boissons alcoolisées, de café et de thé, de drogue), l'œuvre missionnaire, l'obéissance aux commandements permettent de se perfectionner dans les vertus chrétiennes.
7) La famille éternelle : Atteindre l'exaltation, soit la continuité des vies, nécessite d'avoir préalablement reçu le sacrement du mariage éternel dans le temple. C'est ainsi que les couples saints des derniers jours sont mariés ou « scellés » pour l'éternité et que les enfants sont « scellés » à leurs parents.
8) L'œuvre du temple et la généalogie : Selon la doctrine, l'Évangile est enseigné aux morts dans le monde des esprits où, ayant leur libre arbitre, ils peuvent accepter ou non les sacrements accomplis pour eux dans cette vie. Ces sacrements, œuvre de salut pour les morts, sont accomplis par procuration dans les temples par les membres de l'Église considérés dignes. Les saints des derniers jours font des recherches généalogiques pour découvrir les noms et dates de naissance de leurs ancêtres afin que les ordonnances salvatrices (baptême, confirmation, ordination, dotation, mariage, scellement aux parents et aux enfants) soient accomplies pour eux.
9) La vie après la mort :
Le monde des esprits post-terrestre est l'endroit où attend l'esprit de l'homme entre la mort et la résurrection. Il comporte deux parties distinctes ou états séparés : le paradis, où sont reçus ceux qui ont accepté l'Évangile ; et la prison des esprits, où sont reçus ceux qui n'ont pas obéi à l'Évangile ou qui ne l'ont pas accepté pendant qu'ils étaient sur la terre ou qui n'ont pas eu l'occasion de l'entendre. L'Évangile est enseigné dans la prison des esprits et ceux qui acceptent le sacrement du baptême célébré en leur faveur dans les temples vont dans le paradis. Ces sacrements, œuvre de salut pour les morts, sont accomplis par procuration.
La résurrection universelle : résurrection de chaque être humain avant qu'il ne soit emmené devant Dieu pour le jugement.
Le jugement dernier où il sera tenu compte de la globalité de la personne jugée (connaissance, actes, paroles, pensées, désirs, repentance).
10) L'attribution d'un degré de gloire : au jugement est attribué à chacun, selon ses choix dans la mortalité et dans l'au-delà, l'un des trois degrés de gloire : téleste, terrestre, ou céleste.
Une des caractéristique connue, à tort ou à raison, concernant l’église mormone est le mariage plural (mariage de type polygynie).
Il a été pratiqué par une partie des mormons jusqu'en 1890 : avec l'autorisation du président de l'Église, le mariage plural était célébré dans un temple de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours. Seules les femmes membres de l'Église et seuls les hommes détenteurs de la prêtrise de Melchisédek pouvaient accéder au mariage dans ces temples. Selon la doctrine mormone, le mariage plural rétablissait la pratique biblique de la pluralité des épouses, et aurait été voulu par Dieu, dans un temps donné, pour accroître son peuple.
Joseph Smith avait épousé la jeune Emma Hale Smith le 18 janvier 1827. Ils eurent 11 enfants.
Après son mariage avec Emma Hale, selon les enseignements qu'il aurait donnés sur le mariage plural, Joseph Smith aurait contracté de nombreuses unions avec d'autres femmes. Aujourd'hui, tous les historiens, mormons ou non, s'accordent sur le fait que Joseph Smith fut polygame, mais, en raison des lacunes de la documentation, la question du nombre de ses épouses reste discutée. La plupart de ces femmes auraient été épousées par Smith en 1842 et 1843, c'est-à-dire peu de temps avant sa mort (Smith a alors 37-38 ans) et sur une durée relativement courte. Certaines l'auraient épousé par procuration après son décès.
Le pourcentage de mormons polygames a varié selon les endroits et les périodes. Après l'institutionnalisation de la pratique par Brigham Young le successeur de Joseph Smith et celui qui donna un vrai essor à l’église mormone, jusqu’à sa suspension, entre 20 et 40 % des hommes entrèrent dans de tels mariages pluraux, tandis que le pourcentage de femmes polygames était 10 à 15 % plus élevé (leur nombre excédant parfois celui des femmes monogames en Utah).
Le 7 avril 1889, Wilford Woodruff, 4ème président de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, mit fin à la pratique du mariage plural.
Nous connaissons également la passion des Mormons pour la généalogie (voir plus haut le 8ème commandement des mormons).
Un fait est moins connu. Joseph Smith comme beaucoup de membres de sa famille (père et frère) ainsi que tous les premiers responsables importants de la LDSC furent francs-maçons, à commencer par Brigham Young le successeur.
C’est Joseph Smith lui-même qui parle de son initiation à la loge de Nauvoo dans l’Illinois (où Smith avait installé l’église mormone) en 1842 dans son livre « L’histoire de l’Eglise » :
“Tuesday, [March] 15. — I officiated as grand chaplain at the installation of the Nauvoo Lodge of Free Masons, at the Grove near the Temple. Grand Master Jonas, of Columbus, being present, a large number of people assembled on the occasion. The day was exceedingly fine; all things were done in order, and universal satisfaction was manifested. In the evening I received the first degree in Freemasonry in the Nauvoo Lodge, assembled in my general business office”.
History of the Church (Joseph Smith), Deseret Book, 1978, Vol.4, Ch.32, p.550-1)
« Le soir, j’ai reçu le premier degré dans la franc-maçonnerie à la loge de Nauvoo, assemblée dans mon bureau ».
Joseph Smith, History of the Church, vol. 4, page 551.
Fait assez rare mais possible dans la Franc-Maçonnerie américaine et anglo-saxonne, Joseph Smith a été fait Maître Maçon « à vue » par le Grand Maître de la Grande Loge de l’Illinois, le frère Jonas, dès le lendemain.
“Wednesday, March 16. — I was with the Masonic Lodge and rose to the sublime degree”.
Joseph Smith, History of the Church, Vol.4, Ch.32, p.552
« J’étais à la loge maçonnique et je fus élevé au degré suprême ».
Joseph Smith, History of the Church, vol. 4, page 552.
Joseph Smith n’était pas un franc-maçon isolé dans sa famille. Comme le note le frère et mormon Terry Chateau dans son livre “In The Mormon Church and Freemasonry” (2001) :
“ [The Joseph Smith family] was a Masonic family which lived by and practiced the estimable and admirable tenets of Freemasonry. The father, Joseph Smith, Sr., was a documented member in upstate New York. He was raised to the degree of Master Mason on May 7, 1818 in Ontario Lodge No. 23 of Canandaigua, New York. An older son, Hyrum Smith, was a member of Mount Moriah Lodge No. 112, Palmyra New York.
It should be noted that Hyrum Smith was not only Joseph's older brother, but succeeded their father as Patriarch to the Church and Oliver Cowdery as assistant president of the Church (they were the only two men who held this office) and was always closely relied on by Joseph Smith”.
« Son père, Joseph Smith Sr avait été initié franc-maçon en 1818 et a été reçu Maître maçon le 7 mai 1818 Dans la l’Ontario Lodge N° 23 de Canandaigua à New York. Son frère Hyrum Smith a été lui initié au sein de la loge Mount Moriah N°23 de Palmyra à New York ».
Et Terry Chateau poursuit : “The first five Presidents of the Church: Joseph Smith, Brigham Young, John Taylor, Wilford Woodruff, and Lorenzo Snow were all made Masons in Nauvoo Lodge. Also practically every member of the hierarchy was or became a Mason shortly after the Prophet was raised to the degree of Master Mason”.
« Les cinq premiers président de l’Eglise : Joseph Smith, Brigham Young, John Taylor, Wilford Woodruff, et Lorenzo Snow ont tous été fait francs-maçons à la loge de Nauvoo. Comme pratiquement tous les responsables étaient ou sont devenus francs-maçons après que le Prophète ait été élevé au grade de Maître Maçon ».
Brigham Young avec compas et équerre
Cette appartenance de tous les fondateurs de l’église mormone à la Franc-Maçonnerie a troublé ensuite beaucoup de mormons, peu favorables à l’ordre.
Ne pouvant nier l’évidence, le mormon Cecil Mc Gavin expliquait que Joseph Smith était devenu maçon « afin de nouer des relations amicales afin d’empêcher la persécution des mormons » ! Ce qui, après tout, n’est peut-être pas tout à fait faux… Mais est extrêmement réducteur comme explication.
Voici ce que dit Mc Gavin :
« Les frères mormons à Nauvoo, au courant de l’esprit fraternel de cette organisation auraient été profondément intéressés par celle-ci comme moyen de se faire des amis parmi les personnages importants et de cette façon éviter une cruelle persécution telle qu’ils l’avaient connue dans l’Etat de New York, en Ohio et au Missouri.. Il (Joseph) savait que pas mal de responsables importants de l’Etat étaient maçons et que l’esprit de fraternité était étendu aux mormons, ils pourraient ainsi éviter la prison et d’autres formes de persécution qu’ils avaient endurées dans le Missouri ».
Cecil Mc Gavin, Mormonism and Masonry, 1956, pages 12-13.
Pourtant la Franc-Maçonnerie, pour Joseph Smith était beaucoup plus que cela. D’ailleurs il faut se rappeler qu’il est initié 22 ans après sa première vision et 12 ans après la publication du Livre de Mormon. C’était donc pour lui un engagement complémentaire et essentiel de celui qu’il avait initié en créant l’église de Mormon.
Sa mort nous le prouve également. En 1844, les habitants de Nauvoo sont révoltés contre la nouvelle église mormone principalement à cause de la polygamie de ses membres. Ils veulent faire condamner Smith et ses adeptes pour polygamie.
Joseph Smith, son frère Hyrum (franc-maçon lui aussi comme nous l’avons vu) et des responsables de l’église se rendent aux autorités et sont emprisonnés à la prison de Carthage dans l’attente d’un procès. Sans attendre ce procès, dans l'après-midi du 27 juin 1844, une foule d'environ 200 émeutiers, aux visages peints en noir, prirent d'assaut la prison de Carthage. Ce fut un véritable lynchage. Compte tenu de l'inégalité des forces en présence, l'issue de l'attaque ne faisait guère de doute. Hyrum Smith, le premier, fut tué par une balle tirée à travers la porte. Puis John Taylor fut grièvement blessé. Joseph Smith fut tué alors qu'il tentait de s'enfuir par la fenêtre située au premier étage de laquelle il tomba. Son corps gisait à côté du puits extérieur. Seul William Richards en sortit indemne.
Voici le récit qu’en fait Mc Gavin après en avoir parlé avec des témoins oculaires du drame :
« Alors que l’ennemi entourait la prison et se précipitait dans l’escalier et tuait Hyrum Smith, Joseph se présenta devant la fenêtre ouverte, son cri de martyr étant : « Ô Seigneur mon Dieu ! » Ceci n’était pas le début d’une prière parce que Joseph ne priait pas de cette manière. Ce brave jeune homme qui savait que la mort était proche, commençait à répéter le signal de détresse des maçons... » .
E. Cecil Mc Gavin, Mormonism and Masonry, 1956, page 17.
Le Dr. Willard Richards, qui était un témoin oculaire rapporte :
« Joseph attempted, as the last resort, to leap the same window from whence Mr. Taylor fell, when two balls pierced him from the door, and one entered his right breast from without, and he fell outward, exclaiming, "Oh Lord, my God!" As his feet went out of the window my head went in, the balls whistling all around. He fell on his left side a dead man”.
Joseph Smith, le fondateur du mormonisme est donc mort en lançant le signal de détresse des maçons… S’il ne fut franc-maçon que deux ans (de mars 1842 à juin 1844) sont engagement fut réel et profond.
Brigham Young, son successeur, emmènera ensuite la communauté mormone à 2000 kilomètres de Nauvoo, dans l’Utah, près du Grand Lac salé, pour fonder une nouvelle ville : Salt Lake City.
Lui-aussi ne cessera de revendiquer son appartenance maçonnique… au grand dam des frères de l’Utah qui ne voulaient pas frayer avec ces frères polygames et « hérétiques ». Les frères mormons continuèrent alors à se réunir entre eux.
Les tensions devinrent si fortes entre mormons et maçons, qu’en 1925 la Grande Loge d’Utah excluait les mormons et interdisait tout rapport de quelque nature que ce soit avec eux. C’est ce que rapportait Mervin Hogan dans son livre de 1978 intitulé "The Origin and Growth of Utah Masonry and Its Conflict With Mormonism." Cette mesure prit fin en 1984 seulement. Et il fallut attendre 2008 pour qu’un Mormon, le frère Glen Cook, devienne le 1377ME Grand Maître de la Grande Loge d’Utah.
Les relations ne sont pas aussi fortes que du temps de Joseph Smith et Brigham Young entre Mormons et Maçons. Mais elles sont normalisées et pacifiées.
Et si les apports de la Franc-Maçonnerie à l’église mormone restent limitées, les quelques photographies ci-dessous rappelleront des souvenirs à certains…
Mormons et Maçons… Une histoire en devenir ?