L'histoire des Sumériens, 1ère civilisation au monde, dans le croissant fertile ou Mésopotamie
Sumer est une civilisation et une région historique située dans le sud de l'Irak, la Mésopotamie. Elle a duré de la première colonie d'Eridu dans la période d'Obeïd (fin du VIe millénaire av. J.‑C.) en passant de la période d'Uruk (IVe millénaire av. J.‑C.) et les périodes dynastiques (IIIe millénaire av. J.‑C.) jusqu'à la montée de Babylone au début du IIe millénaire av. J.‑C. Le terme sumérien s'applique à tous les locuteurs de la langue sumérienne. Elle constitue la première civilisation véritablement urbaine et marque la fin de la Préhistoire au Moyen-Orient.
Les Sumériens et leurs successeurs akkadiens possédaient une culture exceptionnellement avancée, on leur doit notamment : - la fondation des premières cités-États (Ur, Lagash, Uruk, Umma, etc.) ; - peut-être le premier système politique à deux assemblées ; - le travail du cuivre ; - l'utilisation de la brique dans la construction d'habitations ; - la première architecture religieuse connue (temples puis ziggourats) ; - le développement de la statuaire ; - la glyptique ; - l'écriture, à la base des chiffres, après pictographique, puis cunéiforme ; - les mathématiques et l'écriture des nombres en système sexagésimal : numérotation sumérienne ; - le premier système scolaire ; - les premières formes d'esclavage ; - le commerce et la notion d'argent.
La religion sumérienne a influencé l'ensemble de la Mésopotamie pendant près de 3000 ans, ainsi que les 11 premiers chapitres de la Bible. Elle est une composante très importante de la vie, privée comme publique, des Sumériens et donne naissance à des représentations artistiques comme à des œuvres littéraires.
Dans la conception sumérienne, le souverain n'est que le dépositaire de la divinité : sa fonction est sacerdotale aussi bien que politique.
La religion sumérienne est caractérisée par son polythéisme et son syncrétisme. Son panthéon compte une grande variété de dieux, structurée en une hiérarchie stricte, calquée sur la société humaine.
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Dernière édition par Arlitto le Mar 20 Fév 2024 - 7:09, édité 2 fois
Les premières villes du monde sont édifiées entre 4000 et 3000 avant notre ère en Mésopotamie, un mot grec signifiant «le pays entre les deux fleuves», le Tigre et l'Euphrate. Pour contrôler les crues de printemps qui fertilisent le sol, les paysans construisent un réseau complexe de canaux, de digues et de réservoirs, réalisations qui exigent un grand sens de l'organisation. Les communautés se développent sur ce terrain fertile et, la richesse aidant, de nouvelles activités apparaissent : l'artisanat, le commerce, l'administration. L'organisation de ces tâches impose une centralisation du pouvoir de décision, de réglementation et de contrôle qui donne naissance à la civilisation urbaine et aux États.
LES SUMÉRIENS.
Le sud de la Mésopotamie, dont l'ancien nom est Sumer, voit s'édifier entre 3500 et 3000 av. J.-C. des constructions de plus en plus vastes et élaborées, comme le Temple blanc d'Uruk, bâti sur une haute plate-forme. C'est à peu près à la même période qu'apparaît la roue, de même que l'écriture dite cunéiforme tracée sur des plaques d'argile. Chaque cité sumérienne est gouvernée par un roi dont le pouvoir émane des dieux. Pendant toute la période dite de la «dynastie archaïque» (2900-2370 avant notre ère) les rois sumériens s'affrontent pour s'assurer la suprématie sur la totalité du territoire.
Les Akkadiens et la renaissance sumérienne.
Sargon d'Akkad conquiert Sumer vers 2370 avant notre ère. Il parle une langue sémitique, le sémitique oriental ou akkadien, qui remplace le sumérien comme langue officielle. Les envahisseurs sémites font cependant de larges emprunts à la civilisation sumérienne. L'empire akkadien s'étend rapidement, mais doit affronter d'incessantes rébellions, et s'effondre sous les incursions des Goutis, un peuple venu de la montagne. Après un siècle d'anarchie, la Tire dynastie d'Ur (2113-2006 avant notre ère) est fondée par Our-Nammou, un grand guerrier. Sous son autorité et celles de ses successeurs, un État efficace et centralisé est fondé qui reconstruit les temples et favorise une renaissance de l'art et de la littérature sumériens.
Hammourabi de Babylone.
Le sac d'Ur par les Elamites, originaires du plateau iranien, marque la fin du pouvoir des Sumériens. Pendant deux siècles, les petits royaumes se battent entre eux pour assurer leur souveraineté avant de tomber sous la domination des Amorrites, d'anciens nomades sémites venus du désert de Syrie. Mais le personnage le plus célèbre de l'époque, Shamshi-Adad, qui se fait appeler "le Vainqueur de l'Univers", abat la puissance d'Akkad sans parvenir à fonder un empire durable. Les cités de Mari, Eshnounna, Larsa et Babylone ne cessent de guerroyer. Puis vient le jour où un de ces rois amorrites, Hammourabi de Babylone (1793-1750 avant notre ère), écrase les Etats rivaux d'Assur et de Mari, avant de conquérir toute la Mésopotamie. Hammourabi créa une législation qui prévoyait des sanctions très dures, mais qui prenait en compte le droit des individus. Après, la mort d'Hammourabi, l'empire s'affaiblit jusqu'à la mise à sac de Babylone par les Hittites, en 1595 avant notre ère.
Empire et diplomatie.
Le Proche-Orient est en effet envahi au début du IIe millénaire par les premiers peuples indo-européens (Hittites en Anatolie et Proto-Iraniens, ancêtres des Mèdes et des Perses). Un certain équilibre des forces s'instaure entre les Kassites de Babylonie, les Mitanniens de Palestine et de Syrie orientale, les Egyptiens qui dominent la Palestine et la Syrie méridionale, et les Hittites d'Anatolie et de Syrie du Nord.
Ces derniers ont fondé un empire vers 1650 avant notre ère, dirigé à partir de leur capitale Hattousa (Bogazköy), et qui connaît son apogée sous Souppilouliouma Ier (1380-1346 avant notre ère). S'étendant vers le sud, les Hittites se heurtent aux Egyptiens en Syrie et ce jusqu'en 1282, quand le roi hittite Hattousil III et Ramsès II signent un traité de paix.
À cette époque, l'écriture cunéiforme est répandue partout, bien que le premier alphabet ait été inventé en Syrie ou en Palestine au XVIe siècle avant notre ère. Des archives datant du XIVe avant notre ère et trouvées à Tell el-Amarna en Egypte révèlent l'existence d'une correspondance entre les «grands Rois». Ils s'échangent souvent des ambassadeurs et des présents, et s'offrent mutuellement leurs filles en mariage.
Vers 1200 avant notre ère, la plupart des royaumes du Proche-Orient s'effondrent sous les coups des Peuples de la mer venus de Méditerranée orientale, avant que ces derniers ne soient finalement vaincus par les pharaons Mineptah et Ramsès III en 1190 avant notre ère. Les royaumes de l'âge du fer.
Après 1200 avant notre ère de nouveaux peuples sortent de l'anonymat. Sur la côte sud de la Palestine vivent les Philistins, un des anciens Peuples de la mer, dont l'Ancien Testament relate les conflits avec les Hébreux. Plus au nord, sur les côtes libanaises et syriennes, les Phéniciens s'affirment comme de grands navigateurs qui commercent jusqu'en Grande-Bretagne, d'où ils rapportent l'étain de Cornouailles, et comme de grands colonisateurs avec la fondation de Carthage en Afrique du Nord. Ce sont eux qui diffusent l'alphabet et le transmettent aux Grecs. En Syrie, les Araméens guerroient contre les Assyriens et les Hébreux, et leur langue et leur écriture s'imposent dans tout le Proche-Orient. Ainsi l'araméen constitue-t-il la langue originelle de certains des livres les plus récents de l'Ancien Testament.
Successeurs de l'empire hittite, les Néo-Hittites règnent sur sept cités-Etats situées dans le nord de la Syrie. Dans un premier temps vainqueurs des Araméens, ils seront ensuite défaits par les Assyriens au VIIIe siècle avant notre ère.
L'empire assyrien.
Le royaume d'Assyrie, avec pour capitale Assur, est situé au nord de la Mésopotamie. A partir du siècle avant notre ère, ses rois s'attaquent aux Araméens, parviennent jusqu'aux rives de la Méditerranée et occupent brièvement l'Egypte. D'Assournazipal II (884 à 858) à Assourbanipal (669 à v.627), l'Empire est organisé de façon autoritaire. Les régions assujetties payent tribut en produits agricoles et en bétail, pour assurer l'entretien des garnisons assyriennes. En cas de rébellion, les Assyriens n'hésitent pas à déporter tous les habitants d'une ville ou d'une région. Mais l'Assyrie reste vulnérable, à l'est et au nord, aux attaques d'autres peuples comme les Mèdes et les Scythes. A la fin du VII siècle avant notre ère, les villes assyriennes tombent les unes après les autres. Ainsi, Ninive est détruite en 612 par une alliance des rois mèdes et chaldéens de Babylonie.
L'Empire néo-babylonien.
Le fils du fondateur de la dynastie chaldéenne de Babylone, Nabuchodonosor II (605 à 562 avant notre ère), bâtit à son tour un vaste empire. Il bat les Égyptiens à Karkemish en 605, puis s'attaque à la Syrie et à la Palestine. En 587 avant notre ère, il s'empare de Jérusalem et déporte des milliers de Juifs vers Babylone. Mais cet Empire dure peu de temps : les successeurs de Nabuchodonosor sont trop faibles, à l'image du dernier roi, Nabonide (556 à 539 avant notre ère). Babylone tombe sans résistance devant les Perses de Cyrus.
L'Empire perse.
L'Empire bâti par les Achéménides est l'empire le plus vaste de l'Antiquité. A partir de leur région d'origine, située sur le plateau iranien, les successeurs de Cyrus conquièrent l'Égypte, le nord de l'Inde et l'Asie mineure avant d'échouer devant les Grecs pour le contrôle de la Méditerranée. Darius Ier (522-486 avant notre ère) réorganise les provinces ou satrapies, réforme son armée, introduit un système monétaire, judiciaire et postal centralisé et fait creuser un canal reliant le Nil à la mer Rouge. Son successeur Xerxès, qui règne de 486 à 465 avant notre ère écrase plusieurs révoltes et met fin à la tolérance religieuse de Cyrus, qui avait libéré les juifs de Babylone et les avait autorisés à rebâtir leur temple à Jérusalem. Le déclin économique, la multiplication des conspirations de palais mènent le trône perse à sa perte. La capitale, Persépolis, est conquise par Alexandre le Grand en avril 330 avant notre ère et le dernier des Achéménides, Darius III, est assassiné la même année.
La Genèse et les mythes mésopotamiens et babyloniens
Peter Enns, auteur de cette série regroupée d’articles parus sur le blog de la Fondation BioLogos est un théologien évangélique, auteur de plusieurs livres et de commentaires, notamment de Inspiration et Incarnation.
Les mythes mésopotamiens et le « calibrage des genres littéraires »
Depuis le dix neuvième siècle, la découverte de textes et d’artéfacts a donné aux spécialistes de la Bible des informations leur permettant de comprendre plus clairement la nature de la religion du peuple d’Israël en général, et la Genèse en particulier. Les textes qui ont été découverts au dix neuvième siècle contenaient des histoires mésopotamiennes de création et de déluge. Ces histoires portent le nom de : Enuma Elish, Atrahasis et Gilgamesh.
Ces textes ont été écrits en akkadien, le langage des anciens Assyriens et Babyloniens. C’était une langue nouvelle, et les spécialistes ont mis un moment avant de pouvoir la déchiffrer. Pourtant, une fois traduits, l’impact de ces textes a été immédiat. Alors qu’auparavant, les récits bibliques de la création et du déluge étaient naturellement lus sans élément de comparaison, ces textes ont placé la religion des Israélites dans un contexte plus large. Il était inévitable que des lecteurs avertis se mettent à comparer et à discerner les différences entre Israël et ses voisins ou ses prédécesseurs.
On a parfois qualifié d’ « approche comparative » cette étude d’Israël dans son contexte culturel et religieux. Cette appellation n’est pas sans inconvénient, car certains en ont malheureusement déduit qu’Israël copiait simplement ou même « empruntait » aux nations autour de lui. Ce n’est pas le cas. La littérature hébraïque, celle de ses voisins et de ses prédécesseurs reflétait plutôt une même manière de regarder le monde environnant. La valeur de ces textes n’est pas dans le fait qu’ils nous apprendraient d’où Israël a tiré ses idées. Au lieu de cela, ces textes nous aident à comprendre la sorte de texte qu’est la Genèse. J’aime appeler cela le « calibrage des genres littéraires ».
En comparant la Genèse aux contes de création primordiale que les autres cultures de l’antiquité ont fournis, nous comprenons plus clairement la nature de la Genèse. Je comprends tout à fait l’objection de ceux qui refusent d’autoriser quelque chose d’extérieur à la Bible définir le genre littéraire de celle-ci. On aurait pour ainsi dire l’impression de mettre une histoire antique profane au même niveau que le récit biblique. Mais c’est un fait que des lecteurs fidèles de la Bible ont permis que des choses extérieures à celle-ci les éclairent dans la compréhension des textes inspirés. Un simple cou d’œil à toute bonne Bible d’étude servira à vous convaincre de la nécessité de replacer la Bible dans son contexte ancien.
Dit d’une autre façon, le calibrage des genres littéraires nous guide dans ce que nous sommes en droit d’attendre de la Genèse. En allant droit au but, quelques soient les éléments uniques contenus dans les premiers chapitres de la Genèse, la comparaison et la mise en contraste de celle-ci avec les textes mésopotamiens découverts au dix neuvième siècle (pour ne pas mentionner toutes les découvertes ultérieures concernant le contexte plus large du Proche Orient ancien) nous conduisent à la conclusion, inévitable à mes yeux, que les 11 premiers chapitres de la Genèse tels qu’ils ont été écrits ne peuvent répondre aux types de questions qui préoccupent les historiens et les scientifiques modernes.
Les descriptions bibliques de la création et du déluge sont des textes anciens qui répondent à des préoccupations anciennes dans le cadre d’un mode de connaissance ancien. Ces histoires ne devraient pas être lues comme si elles anticipaient ou nous informaient dans nos investigations scientifiques à propos des origines de l’homme ou avec nos conceptions modernes de l’historiographie. Penser qu’elles sont capables de répondre à de telles attentes, c’est tout simplement se méprendre sur leur identité au niveau le plus fondamental. Il y a pourtant quelque chose de plus important pour nous que d’exclure simplement certaines options à propos du genre littéraire de la Genèse. Le calibrage de ce genre selon des critères anciens nous permettra de comprendre positivement sa nature réelle, en respectant son contexte. Dans le dialogue Genèse/science, il ne suffit pas de dire « nous savons que la Genèse n’est pas un récit scientifique », et d’en être satisfait. Nous devons aussi essayer d’articuler, d’une manière aussi directe que possible ce qu’est la Genèse. Dans quel but la Genèse a-t-elle été écrite ?
Répondre à cette question nous permettra d’articuler positivement sur la façon dont la Genèse contribue à la pensée chrétienne. La synthèse de l’évolution et de la Genèse est trop souvent perçue comme une démarche qui appauvrit le texte (sa valeur littérale historique et scientifique), et ne laisse rien derrière. Au contraire, une approche comparative nous permettra d’appréhender positivement et correctement la façon dont la Genèse a contribué à la pensée d’Israël, et dont elle contribue aujourd’hui à la pensée chrétienne, et dans quelle mesure cette dynamique toute entière peut être incorporée dans la discussion christianisme/évolution.
Une approche comparative a donc aidé les lecteurs modernes à « calibrer » le genre littéraire de la Genèse, et les a ainsi aidé à comprendre comment la lire.
Genèse 1 et un récit babylonien de création
L’original de cet article paru sur le site de la fondation Biologos est consultable [ltr]ici[/ltr]
Au milieu du dix-neuvième siècle, des archéologues creusaient dans la bibliothèque du Roi Assourbanipal (668-627 av. JC) dans la ville antique de Ninive. Ils découvrirent des milliers de tablettes d’argile écrites dans une langue désormais appelée l’Akkadien (un cousin éloigné et bien plus ancien que l’Hébreu).
Ces tablettes contenaient notamment des lois, des questions administratives et des récits littéraires. C’était comme si on avait déterré une capsule de temps qui permettait de voir à quoi ressemblait la vie dans le Proche-Orient antique il y a 3000 à 4000 ans. Mais ce furent les textes religieux qui y furent découverts qui retinrent le plus l’attention. L’un des textes comportait des similitudes frappantes avec Genèse 1. La manière de regarder la Genèse ne serait jamais plus la même.
C’est au milieu des ruines que fut découvert un récit Babylonien sur la création, aujourd’hui nommé Enuma Elish. Il s’agit de l’histoire d’une famille divine très perturbée engagée dans une lutte majeure pour le pouvoir à l’aube des temps. Le cœur de l’histoire est le point où le Dieu Mardouk tue sa Némésis Tiamat puis fend son corps en deux, créant le ciel d’une moitié et la terre de l’autre. Mardouk revendique donc le trône du Dieu le plus grand dans le panthéon.
Les spécialistes ont nommé Enuma Elish la « Genèse Babylonienne ». La raison en est que les deux récits ont en commun certains concepts qui furent immédiatement apparents.
Dans les deux récits, la matière existe quand la création commence. Comme Enuma Elish, Genèse 1 décrit Dieu mettant en ordre le chaos, et non créant à partir de rien.
Les ténèbres précèdent les actes de création.
Dans Enuma Elish, le symbole du chaos est la déesse Tiamat qui personnifie la mer. La Genèse fait référence à l’abîme. Le mot Hébreu est tehom, qui est apparenté linguistiquement à Tiamat.
Dans les deux récits, la lumière existe avant la création du soleil, de la lune et des étoiles.
Dans les deux récits, il y a séparation entre les eaux d’en haut et les eaux d’en bas, avec une barrière qui retient les eaux d’en haut.
La séquence de la création est similaire, avec la séparation des eaux, la terre sèche, les luminaires, et l’humanité, tous suivi de repos.
Les spécialistes surent qu’ils étaient sur une piste, et cela conduisit à des questions prévisibles, à la fois dans les cercles académiques et populaires. Peut-être la Genèse n’est-elle pas du tout de l’Histoire, pensèrent-ils, mais juste un autre récit comme Enuma Elish. En fait, peut-être la Genèse est-elle juste une version Hébreu plus récente de ce récit Babylonien plus ancien.
On ne peut pas vraiment blâmer les gens qui posent ces questions, si on considère le choc qu’ils viennent de subir. Jusqu’alors, Genèse 1 était unique. A présent, nous avons un mythe Babylonien précédemment inconnu qui est similaire à l’Ecriture de manière frappante.
A l’époque, de nombreux spécialistes pensèrent que l’auteur de Genèse 1 avait emprunté des éléments à Enuma Elish. Cela conduisit à la controverse « Bible et Babel » (« Babel » est le mot Hébreu pour Babylone). En fait, les spécialistes pensaient communément que la culture Babylonienne était la source de toutes les religions anciennes, y compris du Christianisme (c’est-à-dire le « Pan-Babylonisme »).
Mais avec les découvertes ultérieures faites dans d’autres cultures (Sumériennes, Egyptiennes, Cananéennes) et à d’autres périodes, les spécialistes arrivèrent à une conclusion plus modérée, à savoir que la culture Babylonienne n’avait pas une influence si importante et que Genèse 1 ne dépendait pas directement d’Enuma Elish.
Au contraire, ces textes sont deux exemples des genres de thèmes théologiques qui imprégnèrent de nombreuses cultures à travers les siècles. Les récits ne sont pas directement liés, mais ils reflètent des manières communes de penser sur le commencement. Ils « ont la même odeur ».
Les spécialistes en vinrent aussi à évaluer les différences entre Genèse 1 et Enuma Elish. Une différence essentielle est que le Dieu d’Israël crée lui seul, sans mélodrame divin ou sans une longue intrigue. Le Dieu d’Israël oeuvre seul et dans l’espace de seulement 31 versets (et non en 900 lignes comme dans Enuma Elish). Genèse 1 n’est pas juste une version légèrement retouchée de récits de création plus anciens. C’est une oeuvre unique de théologie israélite.
Mais cela ne signifie pas que les similitudes puissent être minimisées. Certains spécialistes sont allés à l’autre extrême en disant qu’il n’y avait pas de valeur réelle à comparer Genèse 1 et Enuma Elish.
Seulement un très petit nombre de spécialistes pense ainsi, toutefois. Il est bien clair que ces récits ont une même façon – antique – de parler du commencement du cosmos. Ils participent à un « monde conceptuel » similaire où des barrières solides tiennent les eaux séparées, une matière chaotique préexiste à la matière ordonnée, et la lumière préexiste au soleil, à la lune et aux étoiles.
On ne devrait ni exagérer ni minimiser ces similitudes. Mais elles nous parlent : bien que la Genèse soit unique, et bien que la Genèse fasse partie de l’Ecriture, il s’agit d’un texte antique qui reflète des façons de penser antiques.
Genèse 1 demande à être comprise dans son contexte antique, et pas en dehors. Des récits tels qu’Enuma Elish nous donnent un aperçu bref mais important sur la manière dont les peuples du Proche-Orient antique voyaient le commencement de toutes choses. Comme je l’ai évoqué dans une parution précédente, les textes antiques comme Enuma Elish nous aident à calibrer le genre [littéraire] de la Genèse. C’est de cette façon que nous pouvons apprendre à poser les questions que l’auteur de Genèse 1 voulait traiter, plutôt que d’imposer nos propres questions.
Une des questions principales posées par les Israélites était quel rang occupait leur Dieu parmi les douzaines de dieux du monde antique – à savoir, qu’est ce qui le rendait plus digne de dévotion que les dieux des superpuissances comme Babylone et l’Egypte. Lire la Genèse comme de la littérature antique met en valeur cette dimension polémique.
Genèse 1 est une déclaration audacieuse selon laquelle c’est le Dieu d’une nation minuscule avec un passé trouble qui est à l’origine de tout ce qu’on voit. Ce ne sont pas les dieux des superpuissances, c’est Yahvé. Dans le monde antique, ce sont là des mots agressifs.
Genèse 1 n’est certainement pas seulement une version Hébreu d’Enuma Elish. Mais nous ne pouvons pas pleinement apprécier la théologie distincte de Genèse 1 sans voir d’abord qu’elle a des points communs avec Enuma Elish et d’autres récits antiques. Comprendre les liens entre Genèse 1 et les autres textes antiques tels Enuma Elish nous rappelle que nous causons un préjudice à Genèse 1 quand on la considère seulement avec un oeil moderne.
La seconde histoire biblique de la création et l’épopée d’Atrahasis
L’original de cet article paru sur le site de la fondation Biologos est consultable [ltr]ici[/ltr]
Nous avons abordé Genèse 1 et Enuma Elish. Un autre découverte importante dans la bibliothèque d’Ashurbanipal est une épopée que l’on appelle l’épopée d’Atrahasis. Bien que l’on n’ait retrouvé que des fragments de cette histoire au dix neuvième siècle, on en a retrouvé une version plus complète en 1965, cette version a été datée du dix septième siècle avant J.C.Atrahasis est le nom d’un personnage très semblable à Noé et cela signifie « excessivement » sage » . L’épopée d’Atrahasis et une autre histoire ancienne appelée l’épopée de Gilgamesh ont beaucoup en commun, ainsi qu’avec le récit biblique du déluge.
Pourtant, l’épopée d’Atrahasis est plus qu’une histoire supplémentaire de déluge. C’est l’histoire de l’origine des dieux (théogonie) et de celle du cosmos (cosmologie). Atrahasis est important pour les spécialistes de la Bible à cause de ses similarités avec Genèse 2-9. Les deux récits ont en commun un fil conducteur : la création, l’augmentation de la population et la rébellion, puis le déluge. Certains détails importants sont aussi partagés.
Le degré de ressemblance entre ces deux histoires a conduit certains spécialistes à penser que Genèse 2-9 pourrait être une version israélite d’Atrahasis. Il ne faut pourtant pas être trop dogmatique sur ce point. Il est toutefois évident que ces deux textes ont un fond conceptuel commun.
La meilleure façon de montrer les similarités est de les mettre en parallèle. La comparaison dessous est de Daniel Harlow, qui l’a adaptée d’un tableau de Bernard F. Batto. J’ai simplement fait quelques petits ajustements pour la clarté de mon propos.
Atrahasis : agriculture par irrigation. Genèse: le jardin d’Eden est irrigué par l’eau.
Atrahasis :les dieux inférieurs (Igigi) sont des agriculteurs. Genèse: Yahweh plante un jardin.
Atrahasis : les dieux supérieurs (Annunaki) jouissent de privilèges de rang divin. Genèse: Yahweh a un jardin privé, avec des arbres spéciaux de la vie et de la sagesse
Atrahasis : Les premiers hommes (Lullu) sont créés comme des travailleurs pour les dieux. Modelés à partir de l’argile et du sang des dieux rebelles, et créés implicitement immortels (pas de mort naturelle). Genèse: le premier homme (ha-adam) a été créé pour prendre soin du jardin de Yahweh. Modelé de l’argile et du souffle divin, potentiellement immortel (arbre de la vie)
Atrahasis : institution du mariage. Genèse: institution du mariage
Atrahasis : Lullu se rebelle contre la souveraineté divine. Genèse: Ha-adam se rebelle contre Yahweh
Atrahasis : Lullu est puni. Sa vie est diminuée par la peste, la soif et la famine. Genèse: Ha-adam est puni: sa vie diminue par l’exil du jardin d’Eden, travail rendu difficile, et n’a plus accès à l’arbre de la vie.
Atrahasis : Le dieu Enlil envoie un déluge pour faire taire le bruit des hommes et contrôler la surpopulation. Genèse : Yahweh envoie un déluge pour punir le péché de l’humanité et recréer le cosmos.
Atrahasis : Le dieu Enlil dit à Atrahasis de construire une arche pour échapper au fleuve.. Genèse:Yahweh dit à Noé de construire une arche pour échapper au fleuve.
Atrahasis : Atrahasis survit au déluge et offre un sacrifice. Genèse:Noé survit au déluge et offre un sacrifice.
Atrahasis : Les dieux sentent le sacrifice et bénissent les survivants. Genèse: Yahweh sent le sacrifice et bénit la création.
Atrahasis : Enlil est réconcilié avec l’humanité. Genèse: Yahweh est réconcilié avec l’humanité déchue.
Atrahasis : des limitations sont imposées sur les hommes, Lullu deviennent des hommes normaux. Genèse: des limitations sont imposés aux humains: ha-adam a une durée de vie au maximum de 120 ans.
Il va sans dire qu’il y a des différences très claires entre les deux histoires (ce que nous avons vu en plus grand détails avec le récit du déluge). Mais comme nous l’avons remarqué dans notre comparaison de Genèse 1 et d’Enuma Elish, (1) on ne remarque les différences qu’à cause des similarités, (2) l’existence de différences ne minimise pas la présence de ressemblances.
Comme Genèse 1 et Enuma Elish, Genèse 2-9 et Atrahasis « respirent le même air ». Ces deux textes ont en commun une façon typique de la Mésopotamie ancienne de parler des origines . C’est là une indication claire que cette deuxième histoire ne parle pas de science contemporaine. Ainsi, (1) ce texte ne peut pas et ne devrait pas être harmonisé avec la science moderne, (2) il ne devrait pas faire autorité en matière de ce que la science est sensée découvrir.Genèse 2-9 est de l’histoire ancienne se préoccupant de problèmes anciens.
La compréhension de ce contexte ancien nous gardera d’interroger ce texte sur des questions qui ne sont pas de son ressort. Cela nous aidera aussi à creuser dans la profondeur théologique dans le contexte des Israélites anciens, il y a trois millénaires en arrière!Les deux récits de la création d’Israël sont clairement différents, ce qui nous conduit à nous interroger sur la raison de leur présentation côte à côte dans le texte biblique.
Malheureusement, la Genèse ne contient pas de notice introductive expliquant les motivations de l’auteur et ce qu’il a exactement fait.L’explication généralement retenue pourrait être grossièrement résumée ainsi. La seconde histoire de la création dans la Genèse est en réalité la plus ancienne des deux, peut-être écrite pendant les premiers temps de la monarchie et comprenant des traditions mésopotamiennes communes avec Atrahasis. Le premier récit a été écrit ensuite, après le retour de l’exil à Babylone (539 avant J.C.), et a été influencé par la longue expérience babylonienne de captivité.Genèse 1 met en avant le contrôle complet de Dieu sur la création, employant et transformant des thèmes mésopotamiens familiers tels que le motif de la bataille cosmique. Cette histoire a été placée en tête de l’Ecriture juive.
L’histoire plus ancienne a été placée ensuite pour montrer sa subornation à Genèse 1.Comme je l’ai déjà suggéré, on peut voir ceci ainsi: ce qui avait été l’histoire original de la création d’Israël (l’histoire d’Adam) a été transformé en une histoire de la création d’Israël.Comme je l’ai déjà souligné, une telle suggestion ne met pas un terme à la discussion mais au contraire la stimule.
La signification des récits de création d’Israël a été étudiée avant même la venue de Christ, et personne ne devrait croire qu’on peut clore ce débat en un ou deux articles sur internet.Quelque soit notre conclusion à propos des histoires de la création d’Israël, les histoires extra-bibliques ne devraient pas être tenues à distance de la Genèse. Ces histoires ont un rôle capital à jouer dans la compréhension de la nature de la Genèse et sur sa signification pour nous aujourd’hui.