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La Tour de Babel :: l'origine de l'empire mondial des religions

    Les Ottomans, à la croisée de l'Islam et de Constantinople

    Arlitto
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    Message  Arlitto Mer 18 Nov 2020 - 18:48

    Les Ottomans, à la croisée de l'Islam et de Constantinople


    Le sultanat ottoman fut la dernière dynastie à détenir l'autorité califale. En revanche, les successeurs des Mamelouks et des Abbassides ont été grandement influencés par Constantinople pour organiser leur vaste territoire. Un héritage qui dessina le sécularisme puis la laïcité en Turquie.


    L'Empire ottoman, cette troisième Rome

    « L'héritage byzantin est fondamental pour comprendre les Ottomans, davantage que l'islam concernant la structure de l'État. Ils se considéraient comme la troisième Rome tout comme Moscou, ce qui ne manquait pas d'exacerber les tensions entre les deux puissances », souligne Ali Kazancigil, politologue et journaliste spécialiste de la Turquie.

    Les Ottomans observaient « le modèle byzantin des relations entre le basileus (empereur) et l'Église orthodoxe. Cette relation fut appelée par les historiens le césaropapisme ». L'empereur concentrait les pouvoirs civil, militaire et religieux tandis que le patriarche, à la tête de l'Église, lui était soumis.

    Dès la chute de Constantinople en 1453, « les Ottomans ont progressivement importé cette dualité relative, contraire à la tradition sunnite, en créant un chef religieux appelé le grand mufti. Personnage clé de l'empire après le sultan et le grand vizir, il détenait donc officieusement le pouvoir religieux tout en dépendant du calife ».

    Ce rapport à l'Empire romain d'Orient était donc très étroit pour les Ottomans et un élément capital pour asseoir la légitimité de leur empire à prétention universelle. Mehmet II le Conquérant, celui qui fit tomber Constantinople, s'arrogea le titre de « Successeur des Césars ». Au-delà de ses exploits militaires, Mehmet II le Conquérant avait compris qu'il fallait compiler les textes juridiques. À la manière des Compilations de Justinien Ier, « il fit rédiger un corpus législatif totalement séculier et donc séparé du Coran et de la shariah appelé Kanun-il-osmani ou le Code Ottoman. » Le plus célèbre Code Ottoman reste celui de Soliman le Magnifique qui lui valut le surnom de « Sultan Législateur ».

    Gérer les minorités pour préserver l'empire

    Il fallait également statuer sur la gestion des minorités protégées par le pouvoir, les millet (le terme sera utilisé pour désigner les nations). Si la taxe de capitation est un héritage musulman, « elle était plus inspirée par le système fiscal byzantin dans sa mise en pratique ».

    Soliman le Magnifique allégea les peines prévues dans les Codes précédents ainsi que les impôts pour les minorités protégées. L'allègement fiscal n'allait pas forcément de pair avec la diminution des pratiques discriminatoires. Cependant, dans les millet à majorité chrétienne, les interdictions quant au port de certains vêtements étaient peu, voire pas, mises en application. Suivant la politique des dirigeants à leur égard, les minorités pouvaient profiter de périodes tolérantes ou subir d'intenses persécutions. Après le règne de Soliman le Magnifique, commençea un lent et long déclin pour l'empire ottoman. Le système de millet perdit progressivement de son efficacité.

    Du système séculier à la laïcité

    Sous Mahmoud II, sultan de 1808 à 1839, « les deux soulèvements qui conduisirent à l'autonomie de la Serbie ont sonné le début de l'échec du modèle historique de gérance des minorités». Malgré les différentes prétentions indépendantistes des Grecs et des Égyptiens, le Sultanat maintient la majorité de ses territoires. Une ère de modernisation (Tanzimat) débuta alors. Ces réformes sont engagées par le fils de Mahmoud II, Abdülmecit Ier. De nombreux codes furent rédigés tel un code administratif qui réorganisa, notamment, les millet par une centralisation accrue.

    En 1855, le statut de dhimmi fut aboli avec l'acceptation des oulémas. L'année suivante, l'Hatti-Humayoun, un décret royal (firman) promulgua l'égalité entre citoyens entérinant l'accès progressif des non-musulmans aux fonctions centrales du pouvoir. Ainsi, trois chrétiens comptent parmi les membres de la commission chargée de rédiger la Constitution ottomane de 1876.

    Une Constitution qui sera abrogée, deux ans plus tard, par Abdülhamid II avant d'être remis par les Jeunes-Turcs après la Révolution de 1908.

    Vingt ans plus tard, l'empire multinational ottoman démembré lors du Traité de Sèvres (1920) devient une République dont l'islam n'est plus religion d'État. Le principe de laïcité est inscrit dans la Constitution.

    « Les Kémalistes étaient des rationalistes inspirés par les Lumières. Ils voulaient une citoyenneté de droit mais la citoyenneté turque se gorge de religion. Il y a peut-être des limites dans le kémalisme qui fut une réforme brutale car rapide contre l'islam. Par exemple, il y a une éthique du travail en islam qui n'est pas un obstacle à la notion de progrès défendu par les Kémalistes. » D'autant plus que la Turquie a su toujours être à la croisée de deux mondes.

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