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Science - "L'immortalité biologique"
Nous mourons, mais la science ne sait pas pourquoi
Christian Magnan
Collège de France, Paris
Université de Montpellier II
Pas plus qu'elle ne sait écrire le programme permettant à l'embryon de se développer, la science ne sait mettre en évidence les mécanismes conduisant le corps à se dégrader partiellement, puis à mourir. Elle est par exemple incapable d'expliquer pourquoi telle espèce se trouve dotée de telle durée de vie : la souris, deux ans ; le chien, une douzaine ; l'être humain, une petite centaine. Certes la biologie reconnaît que certains mécanismes se mettent en jeu petit à petit, aux niveaux moléculaire et cellulaire, et plus rapidement à un certain stade. Mais elle ne sait pas ce qui provoque ces réactions et ce qui, en définitive, déclenche la mort.
La mort n'est pas d'origine virale ; elle ne s'attrape pas comme la grippe.
Il est d'ailleurs frappant de constater la franche disproportion entre le caractère radical et inévitable de la mort, donc sa présence effective et son enracinement profond au sein même de l'individu, et l'incapacité totale de la science à reconnaître et à cerner l'origine d'une force au pouvoir si absolu.
Alors que ce nouveau-né est « appelé » irrévocablement à mourir, il est étonnant qu'on ne puisse pas découvrir dans ses cellules la moindre trace de programmation de mort. La science ne peut pas dire par exemple que l'individu secrèterait telle substance qui l'empoisonnerait lentement, que sais-je, ou que tel mécanisme latent serait prêt à agir sous l'effet de telle cause repérable. Elle se borne à constater, puis tente d'expliquer, mais seulement après coup, une fois que les événements fatals se produisent.
Comment la mort est-elle inscrite au « programme » biologique ? Son origine à ce niveau demeure donc un mystère. Je dirais volontiers que la mort échappe (encore ?) à la science, royalement.
Est-il utile de préciser que dans ces conditions les espoirs de « remèdes » contre la mort apparaissent absurdes ? La quête de l'immortalité est un vieux rêve de l'humanité mais il me semble que la science n'a pas le droit, en quelque sorte, de les alimenter car, si elle le fait, elle trahit la vérité. Les mythes de jouvence, avec leur puissance évocatrice, sont une chose, tandis que la science se situe à un autre niveau : elle n'a pas vocation à servir Faust ou les magiciens.
Ainsi, les recherches scientifiques visant de façon avouée à vaincre la mort se situent bien au-delà d'une lutte légitime en faveur de la santé et du bien-être. Ne peut-on pas dire qu'elles relèvent plutôt de la folie d'un homme impuissant à vivre sa condition ? Pas plus qu'elle n'a prise sur ce qui nous fait vivre ou mourir, la science ne nous fera ressusciter ou ne nous rendra immortels.
J'ai dit ailleurs que ce fantasme d'éternité m'apparaissait comme un défaut bien masculin. De là à en déduire que ces rêves sont une manifestation parmi d'autres de la volonté masculine de prendre le pouvoir, il y a un pas que je veux bien franchir.
Revenons aux sciences dites « exactes » (que je n'aurais pas dû quitter). Si la biologie est incapable d'énoncer une « loi de mort », la physique ...
https://lacosmo.com/Pomme185.html
Christian Magnan est un astrophysicien français, sous-directeur de laboratoire honoraire au Collège de France. Il a exercé son travail de recherche à l'Institut d'astrophysique de Paris et au Groupe de recherche en astronomie et astrophysique du Languedoc à l'université de Montpellier.