Les animaux ont-ils une âme ?
Article de H.P. Blavatsky publié en anglais dans le revue Theosophist de janvier, février et mars 1886, sous le titre "Have Animals Souls". Copyright de la traduction : Textes Theosophiques, Paris.
Chapitre I
« La terre entière, continuellement imbibée de sang, n'est qu'un autel immense où tout ce qui vit doit être immolé sans fin, sans mesure, sans relâche... » Comte Joseph De Maistre, Soirées de st. Petersburg, vo1.II, p.35
Nombreuses sont en Orient les « superstitions religieuses du temps jadis » que les nations occidentales tournent souvent en dérision, sans sagesse : mais aucune n'est autant raillée et méprisée dans la pratique que le grand respect voué par l'Oriental à la vie animale. Les gens carnivores ne peuvent sympathiser avec ceux qui s'abstiennent totalement de viande. Nous, Européens, sommes des nations de barbares civilisés, que quelques millénaires seulement séparent de nos ancêtres cavernicoles qui suçaient le sang et la moelle des os crus. Ainsi, il est bien naturel que ceux qui font si bon marché de la vie humaine dans leurs guerres fréquentes, et souvent iniques, ne se soucient absolument pas des conditions atroces où meurent les bêtes, et sacrifient chaque jour des millions de vies innocentes et inoffensives ; car nous sommes trop épicuriens pour dévorer des biftecks de tigre ou des côtelettes de crocodile il nous faut de tendres agneaux et des faisans au plumage doré. Tout cela est bien conforme à notre période de canons Krupp et de vivisecteurs scientifiques. Et il n'y a pas lieu d'être trop surpris si l'Européen, que rien n'arrête, se moque de l'hindou plein de douceur qui frémit d'horreur à la seule pensée de tuer une vache, ou s'il refuse de sympathiser avec les bouddhistes, ou les jaïns, dans le respect qu'ils ont pour la vie de chaque créature ― de l'éléphant au moucheron.
Mais si, parmi les nations occidentales, le régime camé est vraiment devenu une nécessité vitale ― prétexte que se donne le tyran ―, si dans chaque ville, bourg et village du monde civilisé, il faut absolument que des légions de victimes soient quotidiennement massacrées dans des temples dédiées à la divinité qu'a dénoncée st Paul et à laquelle rendent un culte les hommes « dont le Dieu est leur ventre », si tout cela, et bien plus, ne peut être évité dans notre « âge de fer », qui peut mettre en avant la même excuse quand il s'agit de tuer pour se distraire ? La pêche, le tir aux animaux vivants, la chasse à courre ― les plus passionnants de tous les ―amusements― de la vie civilisée ― sont certainement les plus répréhensibles du point de vue de la philosophie occulte, les plus coupables aux yeux de ceux qui suivent les systèmes religieux qui viennent en droite ligne de la Doctrine Ésotérique ― l'hindouisme et le bouddhisme. Est-ce vraiment sans une bonne raison que les fidèles de ces deux religions, qui sont maintenant les plus vieilles du monde, considèrent l'ensemble des animaux ― depuis l'énorme quadrupède jusqu'à l'insecte infiniment petit ― comme leurs « frères cadets », aussi ridicule que paraisse cette idée à un Européen. Cette question recevra dans ce qui suit la considération qu'elle mérite.
Quoi qu'il en soit, aussi exagérée que semble cette notion, il est certain que peu d'entre nous sont capables de se représenter, sans frémir, les scènes qui ont lieu tôt chaque matin dans les innombrables abattoirs du monde soi-disant civilisé, ou même celles qui se déroulent journellement pendant la « saison de la chasse ». Le premier rayon du soleil n'a pas encore éveillé la nature endormie que, de tous les points cardinaux, des myriades d'hécatombes se préparent pour saluer le lever du luminaire. Jamais le Moloch païen ne s'est réjoui autant d'un cri d'agonie de ses victimes comparable au misérable gémissement qui, dans tous les pays chrétiens, retentit comme un hymne sans fin de souffrance dans toute la nature, jour après jour et du matin au soir. Dans l'ancienne Sparte ― dont les sévères citoyens étaient toujours les moins sensibles aux délicats sentiments du cœur humain ― un garçon reconnu coupable d'avoir torturé un animal par amusement était mis à mort, comme un être dont la nature était à ce point complètement avilie qu'on ne pouvait lui permettre de vivre. Mais, dans l'Europe civilisée, ― qui fait de rapides progrès en tout sauf en vertus chrétiennes ― la force reste à ce jour synonyme de droit. La pratique, entièrement inutile et cruelle, consistant, par simple amusement, à tirer au fusil d'innombrables quantités d'oiseaux et de quadrupèdes n'a nulle part de plus grands fervents que dans l'Angleterre protestante, où la miséricorde prêchée par le Christ n'a guère attendri le coeur humain plus qu'il n'était aux jours de Nemrod ― « le puissant chasseur devant le Seigneur ». La morale chrétienne se transforme tout aussi commodément en syllogismes paradoxaux que celle des païens. Un jour, l'auteur de cet article a entendu d'un chasseur l'avis suivant : puisque « pas un moineau ne tombe au sol sans la volonté du Père », celui qui, pour se distraire, en tue, disons, une centaine, fait de la sorte cent fois la volonté de son Père !
Article de H.P. Blavatsky publié en anglais dans le revue Theosophist de janvier, février et mars 1886, sous le titre "Have Animals Souls". Copyright de la traduction : Textes Theosophiques, Paris.
Chapitre I
« La terre entière, continuellement imbibée de sang, n'est qu'un autel immense où tout ce qui vit doit être immolé sans fin, sans mesure, sans relâche... » Comte Joseph De Maistre, Soirées de st. Petersburg, vo1.II, p.35
Nombreuses sont en Orient les « superstitions religieuses du temps jadis » que les nations occidentales tournent souvent en dérision, sans sagesse : mais aucune n'est autant raillée et méprisée dans la pratique que le grand respect voué par l'Oriental à la vie animale. Les gens carnivores ne peuvent sympathiser avec ceux qui s'abstiennent totalement de viande. Nous, Européens, sommes des nations de barbares civilisés, que quelques millénaires seulement séparent de nos ancêtres cavernicoles qui suçaient le sang et la moelle des os crus. Ainsi, il est bien naturel que ceux qui font si bon marché de la vie humaine dans leurs guerres fréquentes, et souvent iniques, ne se soucient absolument pas des conditions atroces où meurent les bêtes, et sacrifient chaque jour des millions de vies innocentes et inoffensives ; car nous sommes trop épicuriens pour dévorer des biftecks de tigre ou des côtelettes de crocodile il nous faut de tendres agneaux et des faisans au plumage doré. Tout cela est bien conforme à notre période de canons Krupp et de vivisecteurs scientifiques. Et il n'y a pas lieu d'être trop surpris si l'Européen, que rien n'arrête, se moque de l'hindou plein de douceur qui frémit d'horreur à la seule pensée de tuer une vache, ou s'il refuse de sympathiser avec les bouddhistes, ou les jaïns, dans le respect qu'ils ont pour la vie de chaque créature ― de l'éléphant au moucheron.
Mais si, parmi les nations occidentales, le régime camé est vraiment devenu une nécessité vitale ― prétexte que se donne le tyran ―, si dans chaque ville, bourg et village du monde civilisé, il faut absolument que des légions de victimes soient quotidiennement massacrées dans des temples dédiées à la divinité qu'a dénoncée st Paul et à laquelle rendent un culte les hommes « dont le Dieu est leur ventre », si tout cela, et bien plus, ne peut être évité dans notre « âge de fer », qui peut mettre en avant la même excuse quand il s'agit de tuer pour se distraire ? La pêche, le tir aux animaux vivants, la chasse à courre ― les plus passionnants de tous les ―amusements― de la vie civilisée ― sont certainement les plus répréhensibles du point de vue de la philosophie occulte, les plus coupables aux yeux de ceux qui suivent les systèmes religieux qui viennent en droite ligne de la Doctrine Ésotérique ― l'hindouisme et le bouddhisme. Est-ce vraiment sans une bonne raison que les fidèles de ces deux religions, qui sont maintenant les plus vieilles du monde, considèrent l'ensemble des animaux ― depuis l'énorme quadrupède jusqu'à l'insecte infiniment petit ― comme leurs « frères cadets », aussi ridicule que paraisse cette idée à un Européen. Cette question recevra dans ce qui suit la considération qu'elle mérite.
Quoi qu'il en soit, aussi exagérée que semble cette notion, il est certain que peu d'entre nous sont capables de se représenter, sans frémir, les scènes qui ont lieu tôt chaque matin dans les innombrables abattoirs du monde soi-disant civilisé, ou même celles qui se déroulent journellement pendant la « saison de la chasse ». Le premier rayon du soleil n'a pas encore éveillé la nature endormie que, de tous les points cardinaux, des myriades d'hécatombes se préparent pour saluer le lever du luminaire. Jamais le Moloch païen ne s'est réjoui autant d'un cri d'agonie de ses victimes comparable au misérable gémissement qui, dans tous les pays chrétiens, retentit comme un hymne sans fin de souffrance dans toute la nature, jour après jour et du matin au soir. Dans l'ancienne Sparte ― dont les sévères citoyens étaient toujours les moins sensibles aux délicats sentiments du cœur humain ― un garçon reconnu coupable d'avoir torturé un animal par amusement était mis à mort, comme un être dont la nature était à ce point complètement avilie qu'on ne pouvait lui permettre de vivre. Mais, dans l'Europe civilisée, ― qui fait de rapides progrès en tout sauf en vertus chrétiennes ― la force reste à ce jour synonyme de droit. La pratique, entièrement inutile et cruelle, consistant, par simple amusement, à tirer au fusil d'innombrables quantités d'oiseaux et de quadrupèdes n'a nulle part de plus grands fervents que dans l'Angleterre protestante, où la miséricorde prêchée par le Christ n'a guère attendri le coeur humain plus qu'il n'était aux jours de Nemrod ― « le puissant chasseur devant le Seigneur ». La morale chrétienne se transforme tout aussi commodément en syllogismes paradoxaux que celle des païens. Un jour, l'auteur de cet article a entendu d'un chasseur l'avis suivant : puisque « pas un moineau ne tombe au sol sans la volonté du Père », celui qui, pour se distraire, en tue, disons, une centaine, fait de la sorte cent fois la volonté de son Père !