Syncrétisme
Def : 1. Fusion de différents cultes ou de doctrines religieuses; en partic., tentative de conciliation des différentes croyances en une nouvelle qui en ferait la synthèse. Synon. œcuménisme.La croyance des Druses n'est qu'un syncrétisme de toutes les religions et de toutes les philosophies antérieures (Nerval, Voy.
Le syncrétisme
(le mélange des religions) a mauvaise presse.
Les Églises le condamnent, les organisations interreligieuses se défendent énergiquement de le favoriser. On n’aime pas qu’un chrétien emprunte une pratique au bouddhisme ou une croyance à l’Islam. On parle alors d’une spiritualité de supermarché où chacun prend sur les rayons des produits hétéroclites pour les mixer dans une salade indigeste.
Et pourtant !
[ltr]Rudolf Bultmann[/ltr]
a écrit que la Bible est le livre le plus syncrétiste qui soit. Elle s’inspire de textes égyptiens, mésopotamiens, iraniens et grecs. Les apports païens au christianisme n’ont pas tous été négatifs. Dans le dialogue interreligieux, nous répétons que nous avons beaucoup à apprendre et à recevoir les uns des autres. Ce qui implique des échanges, des évolutions, des influences, et donc une certaine dose, qui doit certes être réfléchie et contrôlée, de syncrétisme.
Il ne s’agit pas de préconiser une spiritualité sans cohérence ni structures, faite de bric et de broc. Mais ne préférons-nous pas trop souvent la pureté à la fécondité et la rigidité à l’ouverture ? N’est-il pas temps de réhabiliter, au moins partiellement, le syncrétisme ?
[ltr]André Gounelle, Professeur honoraire de la Faculté libre de théologie protestante (IPT, Montpellier) [/ltr]
Les Églises le condamnent, les organisations interreligieuses se défendent énergiquement de le favoriser. On n’aime pas qu’un chrétien emprunte une pratique au bouddhisme ou une croyance à l’Islam. On parle alors d’une spiritualité de supermarché où chacun prend sur les rayons des produits hétéroclites pour les mixer dans une salade indigeste.
Et pourtant !
[ltr]Rudolf Bultmann[/ltr]
a écrit que la Bible est le livre le plus syncrétiste qui soit. Elle s’inspire de textes égyptiens, mésopotamiens, iraniens et grecs. Les apports païens au christianisme n’ont pas tous été négatifs. Dans le dialogue interreligieux, nous répétons que nous avons beaucoup à apprendre et à recevoir les uns des autres. Ce qui implique des échanges, des évolutions, des influences, et donc une certaine dose, qui doit certes être réfléchie et contrôlée, de syncrétisme.
Il ne s’agit pas de préconiser une spiritualité sans cohérence ni structures, faite de bric et de broc. Mais ne préférons-nous pas trop souvent la pureté à la fécondité et la rigidité à l’ouverture ? N’est-il pas temps de réhabiliter, au moins partiellement, le syncrétisme ?
[ltr]André Gounelle, Professeur honoraire de la Faculté libre de théologie protestante (IPT, Montpellier) [/ltr]
Définition
En linguistique, le terme signifie la fusion en un seul élément de plusieurs traits.
Tendance philosophico-religieuse cherchant à rapprocher et à fusionner plusieurs doctrines. Ce fut le cas pour les cultes gréco-romains et orientaux dont la théorie fut exprimée par les néo-platoniciens. Le syncrétisme est aussi un mouvement vers le monothéisme ou vers la transcendance des religions.
Terme de l'analyse historique et sociologique des religions, le syncrétisme désigne les pratiques religieuses provenant d'interactions entre plusieurs religions. Elles peuvent consister en une réinterprétation de la religion indigène au contact de la religion allogène ou au contraire se traduire par l'influence de croyances traditionnelles dans une religion importée.
Les rites syncrétiques les plus connus sont ceux issus des interférences entre religions chrétiennes et animistes : cultes afro-brésiliens (candomblé) ou afro-antillais (vaudou).
En linguistique, le terme signifie la fusion en un seul élément de plusieurs traits.
Tendance philosophico-religieuse cherchant à rapprocher et à fusionner plusieurs doctrines. Ce fut le cas pour les cultes gréco-romains et orientaux dont la théorie fut exprimée par les néo-platoniciens. Le syncrétisme est aussi un mouvement vers le monothéisme ou vers la transcendance des religions.
Terme de l'analyse historique et sociologique des religions, le syncrétisme désigne les pratiques religieuses provenant d'interactions entre plusieurs religions. Elles peuvent consister en une réinterprétation de la religion indigène au contact de la religion allogène ou au contraire se traduire par l'influence de croyances traditionnelles dans une religion importée.
Les rites syncrétiques les plus connus sont ceux issus des interférences entre religions chrétiennes et animistes : cultes afro-brésiliens (candomblé) ou afro-antillais (vaudou).
Le syncrétisme,
une perversion ?
Des critiques virulentes
Selon l’étymologie, le syncrétisme renvoie à l’entente entre deux Crétois, réputés, comme chacun sait, menteurs; entente dans le but évident de tromper leur monde. D’entrée de jeu, nous sommes sur nos gardes !
De fait, le mot a, par définition, un sens péjoratif puisqu’il désigne la combinaison peu cohérente de propositions contradictoires ou d’éléments disparates empruntés à des systèmes de pensée différents, que ceux-ci soient philosophiques ou religieux.
Si l’intégration de ces éléments s’est poursuivie dans la recherche d’une certaine cohérence, alors, selon Lalande, il faut préférer le mot « éclectisme ». Cependant, même définie positivement, cette démarche (éclectique ou syncrétique) n’éveille guère de sympathie. Depuis Victor Cousin, elle évoque la synthèse, académique et superficielle, d’idées trop générales pour être porteuses d’un sens concret.
Ajoutons que les appareils ecclésiastiques suspecteront vite dans ces amalgames quelque dérive individuelle dangereuse pour les Églises. L’œcuménisme lui-même-même, pourtant très différent, n’a pas toujours eu bonne presse ! Et pourtant toutes les religions n’ont-elles pas intégré, dans leurs textes fondamentaux eux-mêmes, des éléments d’origines diverses ? Et ne sont-elles pas traversées, aujourd’hui encore, par des courants doctrinaux ou spirituels très différents ?
Un shopping spirituel ?
De nos jours, les critiques formulées contre le syncrétisme sont tout aussi virulentes. Peut-être plus. Citons au hasard quelques exemples empruntés au compte rendu d’un colloque consacré à la rencontre entre bouddhistes et francs-maçons.
une perversion ?
Des critiques virulentes
Selon l’étymologie, le syncrétisme renvoie à l’entente entre deux Crétois, réputés, comme chacun sait, menteurs; entente dans le but évident de tromper leur monde. D’entrée de jeu, nous sommes sur nos gardes !
De fait, le mot a, par définition, un sens péjoratif puisqu’il désigne la combinaison peu cohérente de propositions contradictoires ou d’éléments disparates empruntés à des systèmes de pensée différents, que ceux-ci soient philosophiques ou religieux.
Si l’intégration de ces éléments s’est poursuivie dans la recherche d’une certaine cohérence, alors, selon Lalande, il faut préférer le mot « éclectisme ». Cependant, même définie positivement, cette démarche (éclectique ou syncrétique) n’éveille guère de sympathie. Depuis Victor Cousin, elle évoque la synthèse, académique et superficielle, d’idées trop générales pour être porteuses d’un sens concret.
Ajoutons que les appareils ecclésiastiques suspecteront vite dans ces amalgames quelque dérive individuelle dangereuse pour les Églises. L’œcuménisme lui-même-même, pourtant très différent, n’a pas toujours eu bonne presse ! Et pourtant toutes les religions n’ont-elles pas intégré, dans leurs textes fondamentaux eux-mêmes, des éléments d’origines diverses ? Et ne sont-elles pas traversées, aujourd’hui encore, par des courants doctrinaux ou spirituels très différents ?
Un shopping spirituel ?
De nos jours, les critiques formulées contre le syncrétisme sont tout aussi virulentes. Peut-être plus. Citons au hasard quelques exemples empruntés au compte rendu d’un colloque consacré à la rencontre entre bouddhistes et francs-maçons.
[*]Il ne s’agit pas, dit l’un des participants, «de faire du shopping spirituel, de batifoler de droite et de gauche, dans des formes de syncrétisme dans le mauvais sens du terme, c’est-à-dire de l’éparpillement, de la dispersion et des distractions».
[*]Un autre évoque le risque, le danger «de syncrétisme et de confusion.»,… «J’ai comme l’impression, intervient Bernard Besret, qu’on est en train de faire du syncrétisme le dernier des péchés capitaux.»
Bref, le syncrétisme se confondrait-il avec le shopping spirituel ? Si oui, qu’est-ce que ça veut dire ? Faut-il automatiquement médire de cette forme de commerce ? Faut-il fermer les frontières de l’esprit! Ou ne les ouvrir qu’aux fonctionnaires patentés qui ont la charge de nos âmes ?
La question mérite d’être élargie. Aujourd’hui les cadres académiques ayant éclaté, la tentation et la peur du syncrétisme prennent leur source dans une réalité beaucoup plus profonde et plus angoissante : celle de la mondialisation. Le shopping ne porte pas que sur des marchandises (l’habitat, les modes vestimentaires ou l’alimentation).
L’internationalisation des marchés suscite la rencontre des cultures, bref le phénomène bien connu de l’acculturation. Et chacun sait que cette confrontation risque d’altérer la structure des sociétés les plus fragiles et ne laisse d’ailleurs aucune indemne.
La poudre à lessiver ou les traditions totalitaires ?
Le premier risque, c’est la banalisation, l’uniformisation. Des articles identiques envahissent les marchés (sans tenir compte d’ailleurs des besoins réels des peuples). Certes, il faut résoudre le problème du logement en Chine. Mais quand des immeubles tours d’un goût douteux poussent sur les ruines du vieux Pékin, on ne peut s’empêcher de s’inquiéter. A quoi bon encore voyager ? Et quand les autoroutes d’un syncrétisme superficiel auront gommé la particularité des chemins spirituels, à la longue, il y aura de quoi décourager le tourisme philosophique lui-même !
On peut déplorer aussi l’effet de mode. Grâce à des méthodes publicitaires analogues, on peut lancer une poudre à lessiver ou une thérapie spirituelle. Déboussolés et souvent incultes dans ce domaine, certains sont prêts à avaler n’importe quoi. Sans aucun sens critique… Ceci les amène parfois à troquer l’orthodoxie de leur enfance contre l’enfermement pire de groupes fanatiques (je préfère ne pas utiliser le mot «sectes» qui recouvre n’importe quoi). D’autres au contraire restent peut-être trop ouverts de façon permanente. Sans se donner le temps de faire le point. Ils empruntent à la fois plusieurs chemins et, par la force des choses, ils réduisent leur engagement au discours conceptuel. Sans essayer d’en faire l’application concrète. Autrement, ils se sentiraient écartelés.
Cependant ce qu’on a appelé parfois la «déterritorialisation» n’explique pas seule l’émergence de nouvelles formes de syncrétisme. La mondialisation actuelle (libre circulation des marchandises et des idées) a été précédée, grâce notamment à la laïcisation des sociétés, d’une émancipation des individus par rapport à leur communauté traditionnelle. Déjà, à l’intérieur de leurs frontières nationales, ils ont acquis la possibilité de choisir entre plusieurs confessions religieuses, de les rejeter toutes ou même, éventuellement, de se livrer à ce que d’aucuns appelleront du shopping. Ils sont apparemment libres. Certains diront qu’ils flottent.
En réaction contre un individualisme, jugé égoïste et dépourvu d’esprit communautaire, les intégristes de tous bords ont prôné à la fois la fermeture des frontières économiques et le retour à des traditions totalitaires.
Est-ce la solution ?
En fait, la rencontre des systèmes de valeurs et des systèmes symboliques qui les véhiculent est inéluctable. Inutile de s’enfermer dans des traditions closes et tournées uniquement vers leur passé. Les ondes dues au choc des cultures ébranleront tous les blocs fermés (cf. les mouvements actuels qui font surface en Iran).
Une dialectique toujours possible
Plutôt que de se lamenter contre ce monde décoiffant, voué au changement et à l’ouverture, sans doute vaudrait-il mieux former des individus assez solides pour les affronter et les gérer.
Ici, il convient peut-être d’arrêter un instant notre attention sur la notion d’individualisme. On a coutume aujourd’hui d’identifier l’individualisme et l’égoïsme «dérégulé» de l’homo economicus néolibéral.
Or qui dit que l’individu est incapable de générosité ? Qui dit qu’il se construit seul dans n’importe quel milieu social, qu’il n’a pas faim de justice et qu’il n’a pas besoin d’aimer et d’être aimé ?
Et si l’individualisme pouvait désigner aussi un effort pour développer la maturité des individus, maturité qui leur permettrait d’accéder à l’autonomie, c’est-à-dire de se respecter les uns les autres, de décréter ensemble les règles économiques, sociales et politiques qui assureraient le meilleur développement possible pour tous et pour chacun… On peut rêver. On doit rêver. Ou alors renoncer à la démocratie. Défendre la dignité de l’individu postule une réflexion et une action sur la société où il est appelé à vivre.
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme est construite dialectiquement autour de ces deux pôles : respect des individus contre l’arbitraire du pouvoir, obligations des États à l’égard des individus. Beaucoup en parlent, mais souvent à des fins de propagande. Si les États s’en inspiraient réellement, la mondialisation serait moins menaçante et acquerrait une dimension éthique qui lui manque cruellement. Malgré les efforts de quelques-uns. Et peut-être alors, le réflexe de repli sur soi, de fermeture et de crispation sur un passé révolu, réflexe qui suscite les fondamentalismes, ferait-il place a plus de sérénité.
Vers un apprentissage du respect
Si j’ai cru nécessaire de faire un détour allusif en traversant à la hâte les plans économique, politique, social et éthique, il nous faut redescendre plus profondément jusqu’au niveau où l’esprit, la sensibilité et le corps s’enracinent dans le monde (ou parfois s’en détachent). Dans cet univers sans frontières, tous les chemins peuvent s’entrecroiser et donner lieu à ce que d’aucuns stigmatiseront aussi sous le nom de syncrétisme.
Je ne tiens pas au nom, mais à la chose. Ce syncrétisme d’un nouveau genre, si syncrétisme il y a, ne consiste plus à faire coexister des systèmes, ni à bricoler des parures exotiques. Il s’agirait plutôt pour chaque homme, pour chaque femme, de poursuivre son propre chemin spirituel le plus concret, qui, certes, prend son départ, son origine dans un environnement proche, mais peut, par la suite, trouver dans d’autres verts pâturages de quoi se nourrir ou de quoi se reconnaître.
Un tel voyage intérieur demande et en même temps développe cette maturation dont nous avons déjà parlé, maturation qui confère aux êtres le pouvoir de se gouverner soi-même, en s’assumant et en se dépassant. Sans ce pouvoir, toute action risque de dévier et de se corrompre.
Cette maturation ne peut se poursuivre dans un milieu fermé et trop protégé. Mais elle ne peut non plus s’orienter sans une formation culturelle solide et approfondie par la connaissance critique des grands textes de l’humanité.
Il serait urgent de mettre au point cette formation dans tout programme éducatif. Ce serait le meilleur moyen de défendre les jeunes contre les influences délétères de certains prosélytes, mais surtout de leur donner la capacité de comprendre les autres dans leurs diversités et dans toutes leurs nuances particulières. C’est à ce prix seulement que les nouvelles générations pourront trouver un équilibre.
Le shopping, après tout, cela s’apprend, qu’il soit spirituel ou non !
Marthe Van de Meulebroecke, Philosophe agnostique.