La Bible dans l’Eglise ancienne : Irénée de Lyon
Il reste de lui deux œuvres. La plus connue est Réfutation de la gnose au nom menteur, qu’on appelle généralement Contre les hérésies. Il reste aussi une Démonstration de la prédication apostolique
L’Ancien Testament
Concernant le canon de l’Ancien Testament, Irénée cite le Livre de Baruch, qu’il considère comme une partie du Livre de Jérémie. Il semble aussi connaître le Livre de la Sagesse, mais sa façon de citer, nous empêche de déterminer le statut de ce livre.
Cependant Irénée est surtout connu pour être un des grands défenseurs de la Septante, comme le montre ce long extrait que nous allons commenter :
« Dieu s’est donc fait homme, et le Seigneur lui- même nous a sauvés en nous donnant lui-même le signe de la vierge.
On ne saurait dès lors donner raison à certains, qui osent maintenant traduire ainsi l’Écriture : « Voici que la jeune femme concevra et enfantera un fils .» Ainsi traduisent en effet Théodotion d’Ephèse et Aquila du Pont, tous les deux prosélytes juifs [NDLR : ils traduisent conformément au texte massorétique ]. Ils sont suivis par les Ebionites, qui disent Jésus né de Joseph, détruisant ainsi autant qu’il est en eux cette grande « économie» de Dieu et réduisant à néant le témoignage des prophètes, qui fut l‘œuvre de Dieu. Il s’agit en effet d’une prophétie qui fut faite avant la déportation du peuple à Babylone, c’est-à- dire avant l’hégémonie des Mèdes et des Perses,
Cette prophétie fut ensuite traduite en grec par les Juifs eux-mêmes, longtemps avant la venue de notre Seigneur, en sorte que personne ne puisse les soupçonner d’avoir traduit comme ils l’ont fait dans l’éventuelle pensée de nous faire plaisir : car, s’ils avaient su que nous existerions un jour et que nous utiliserions les témoignages tirés des Écritures, ils n’auraient certes pas hésité à brûler de leurs mains leurs propres Ecritures […]
En effet, avant que les Romains n’eussent établi leur, empire, alors que les Macédoniens tenaient encore l’Asie sous leur pouvoir, Ptolémée, fils de Lagos, qui avait fondé à Alexandrie une bibliothèque et ambitionnait de l’orner des meilleurs écrits de tous les hommes, demanda aux Juifs de Jérusalem une traduction grecque de leurs Ecritures.
Ceux-ci, qui dépendaient encore des Macédoniens à cette époque, envoyèrent à Ptolémée les hommes de chez eux les plus versés dans les Ecritures et dans la connaissance des deux langues, c’est-à-dire soixante-dix Anciens [NDLR : d'où le nom de Septante, qui veut dire soixante-dix] , pour exécuter le travail qu’il voulait. Lui, désireux de les mettre à épreuve et craignant au surplus que, s’ils s’entendaient entre eux, il ne leur arrivât de dissimuler par leur traduction la vérité contenue dans les Écritures, les sépara les uns des autres et leur ordonna à tous de traduire le même ouvrage ; et il fit de même pour tous les livres. Or lorsqu’ils se retrouvèrent ensemble auprès de Ptolémée et qu’ils comparèrent les unes aux autres leurs traductions, Dieu fut glorifié et les Écritures furent reconnues pour vraiment divines, car tous avaient exprimé les mêmes passages par les mêmes expressions et les mêmes mots, du commencement à la fin, de sorte que même les païens qui étaient là reconnurent que les Ecritures avaient été traduites sous l’inspiration de Dieu . Il n’est d’ailleurs nullement ; surprenant que Dieu ait opéré ce prodige : [c]
quand les Ecritures eurent été détruites lors de la captivité du peuple sous Nabuchodonosor » et qu’après soixante-dix ans les juifs furent revenus dans leur pays, n’est-ce pas Dieu lui-même qui, par la suite, au temps d’Artaxerxès, roi des Perses, inspira Esdras, prêtre de la tribu de Lévi, pour rétablir de mémoire toutes les paroles des prophètes antérieurs et rendre au peuple la Loi donnée par Moïse ? [c] Ainsi donc, puisque c’est avec tant de vérité et par une telle grâce de Dieu qu’ont été traduites les Ecritures, par lesquelles Dieu a préparé et formé par avance notre foi en son Fils- […]et puisque cette traduction des Ecritures a été faite avant que notre Seigneur ne descendît sur la terre et avant que n’apparussent les chrétiens […] ils font vraiment montre d’impudence et d’audace, ceux qui veulent présentement faire d’autres traductions, lorsqu’à partir de ces Ecritures mêmes nous les réfutons et les acculons à croire en la venue du fils de Dieu. Solide en revanche, non controuvée et seule vraie est notre foi – elle qui reçoit une preuve manifeste de ces Ecritures traduites de la manière que nous venons de dire- [b]et la prédication de l’Église est pure de toute altération,[a]car les apôtres, qui sont plus anciens que tous ces gens-là, sont en accord avec la version susdite, et cette version est en accord avec la tradition des apôtres : Pierre, Jean, Matthieu, Paul, tous les autres apôtres et leurs disciples ont repris tous les textes prophétiques sous la forme même sous laquelle ils sont contenus dans la version des Anciens [a].
C’est en effet un seul et même Esprit de Dieu qui, chez les prophètes, a annoncé la venue du Seigneur et ce qu’elle serait, et qui, chez les Anciens, a bien traduit ce qui avait été bien prophétisé, et c’est encore lui qui, chez les apôtres, a annoncé que la plénitude du temps de la filiation adoptive était arrivée , que le royaume des cieux était proche et qu’il résidait au-dedans des hommes qui croyaient en l’Emmanuel né de la Vierge. » Contre les hérésies III, 21[/b]