Makpéla : tombeau des patriarches
À la mort de Sara, le vieil Abraham, encore nomade doit faire l’achat d’une grotte funéraire pour y enterrer sa femme (Gn 23,1-20). Cette grotte, connue sous le nom de Makpéla, était située à la proximité de la ville d’Hébron. L’auteur biblique nous laisse bien voir qu’il s’agit ici de la première « conquête », en quelque sorte, d’un premier coin du pays que Dieu avait promis au patriarche. C’est auprès de Sara qu’Isaac et Israël enterreront, plus tard, leur père Abraham (Gn 25,9). Jacob, vers la fin de son séjour en Égypte, nous apprend qu’Isaac et Rébecca, et Léah, une de ses femmes, y avaient aussi reçu leurs propres sépultures (Gn 49,31); il demande donc, à ses fils de ramener ses os en Canaan et de les déposer à côté de ceux de ses pères, à Makpéla (Gn 50,13). De tous les ancêtres de cette première période de l’histoire du peuple hébreu, seule Rachel, épouse bien-aimée de Jacob, fut enterrée à Bethléem (Gn 35,19) et Joseph, à Sichem (Ex 13,19; Jos 24,32). On ne parlera plus de ce lieu de sépulture patriarcale dans le reste de l’Ancien Testament; d’après des notes très tardives du Talmud (IIIe-IVe siècle après J.- C.), Esaü, les douze fils de Jacob, et même Adam et Ève, ont été unis à cette très vénérable famille ancestrale!
Trois grandes religions actuelles, soit le Judaïsme, l’Islam et le Christianisme, vont prier sur ces tombes patriarcales dans un sanctuaire bien connu sous le nom de « Haram el-Khalil », « lieu sacré de l’ami (de Dieu) » (Abraham), situé maintenant en plein cœur de la ville d’Hébron, au sud de Juda.
Il s’agit essentiellement d’une magnifique enceinte de belles pierres de taille, de forme rectangulaire, mesurant 34 m par 59 m. Le mur atteint jusqu’à 18 m de hauteur, et est épais de 2,65 m. La partie supérieure de ce mur est décorée de piliers engagés, juste en-dessous de la corniche qui le couronnait et s’appuyant sur une plinthe en biseau. Cette enceinte n’avait pour fonction que d’enfermer un lieu rocheux, en forme de colline, qui disparaît sous un magnifique dallage, légèrement incliné vers l’ouest; des caniveaux sur les dalles nous indiquent que le lieu était à ciel ouvert, puisqu’il faut voir à l’évacuation des eaux de pluie, pendant la saison hivernale.
Au VIe siècle après J.-C., des chrétiens élevèrent une église à la mémoire de ces pères à l’intérieur de l’enclos, dont il ne reste rien. Les Croisés érigent une autre église qui est transformée ensuite en mosquée par les musulmans, à la fin du XIIe siècle; elle subsiste jusqu’à nos jours, entourée d’autres bâtiments secondaires, au cours des siècles subséquents. Mais qui avait fait construire l’enceinte autour de cette colline? On soupçonnait très sérieusement Hérode le Grand, seul capable de réaliser un ouvrage aussi beau et colossal; mais pourquoi Flavius Josèphe n’en dit mot, lui qui a si longuement décrit toutes les constructions hérodiennes?
Ce soupçon est levé depuis une quinzaine d’années, suite aux découvertes faites à Jérusalem autour de l’enceinte du Temple : nous y relevons la même technique de taille de pierres et le même style architectural. C’est bien Hérode qui fit enfermer ainsi la grotte de Makpéla, dissimulée sous le gros dallage de la cour. Nous sommes donc devant le monument le mieux conservé de l’ère hérodienne.
Qu’y a-t-il sous ce dallage? Deux petites entrées, dont l’une est scellée, permettaient peut-être d’y avoir accès; mais depuis le XIIIe siècle, personne ne s’y aventure : ce lieu est très saint pour les musulmans, et le visiteur qui oserait aller troubler le repos des patriarches mettrait sa vie en danger!
On sait que des moines augustins l’ont visité, avant la conquête arabe, au début du XIIe siècle. Un récit assez détaillé de l’événement nous rapporte qu’on y découvrit deux sortes de puits, reliés par un étroit et bas couloir; dans un des puits, à la coupole en forme de cathédrale, de petites entrées donnent accès à des grottes où des jarres d’ossements furent découvertes : il va de soi qu’il s’agit là des restes de tous ces patriarches dont le souvenir est célébré en ces lieux.
En 1919, le père L.-H. Vincent de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem étudie le monument, mais pas question qu’il aille scruter ce que recouvre ce dallage!
La première visite de ces lieux cachés, depuis celle des moines du XIIe siècle, eut lieu en 1967, peu après la guerre des six jours. Le général d’armée et archéologue amateur Moshe Dayan fit descendre une fillette toute menue et sans peur par l’ouverture étroite du puits; il la munit de lumière, d’instruments à mesurer et d’un appareil photographique pour qu’elle puisse ramener une description assez précise des lieux. La présente chronique porte à l’attention de ses lecteurs les grandes lignes du rapport peu connu (en hébreu) de Dayan.
Comme l’entrée B (voir le plan) est solidement scellée par des grosses tiges de fer, et qu’il fallait faire vite, l’expédition devait emprunter l’entrée A. D’abord la fillette dut passer par une cheminée de onze pouces de diamètre, pour s’élargir ensuite à 24 pouces, sur une hauteur de 3 pieds, avant d’aboutir dans une salle à peu près carrée, 9,65 x 9,26 pieds, haute de 12 à 13 pieds, dont le sommet a une forme octogonale. Dans cette salle, outre les monnaies et prières inscrites sur bouts de papier lancés là par des dévots, la fillette ne découvrit que trois dalles de pierre, dont l’une est inscrite d’un passage du Coran qui constitue une confession de foi monothéiste au seul Dieu Allah! Aucune entrée à des grottes, selon le témoignage des moines du Moyen-Âge. Elle découvrit toutefois le couloir conduisant à une autre salle. Il est de belles pierres de taille, long de 57 pieds, large de 2 pieds et haut de 3,5 pieds! Dans cette deuxième salle, dont l’entrée est scellée en B, elle ne découvrit qu’un escalier de 16 marches qui aboutit à l’entrée de ce couloir; cela devrait être l’entrée normale, à une époque ancienne, à la salle intérieure en A.
Les photos des murs des salles et du couloir laissent entrevoir une qualité de taille de pierre qui pourrait remonter aussi à Hérode le Grand. Mais le rapport de cette visite récente doit s’arrêter ici. Nous n’en savons pas davantage. Seules des fouilles sous le dallage, autour de l’enceinte, pourraient nous révéler la nature plus vraie des lieux : y a-t-il une ou des grottes dans cette colline rocheuse? Si nous examinons le plan bien connu maintenant de ces deux salles en forme de puits et reliées par un étroit couloir, nous pensons aussitôt que c’est là le plan commun des tombes de Canaan, aux XIXe et XVIIIe siècle avant J-C.! Hérode aurait tout simplement fait aménager en belles pierres de taille une tombe très ancienne du début du IIe millénaire avant J.-C., tombe que la tradition locale attribuait aux patriarches. Mais saura-t-on jamais? Une étude archéologique minutieuse seule pourrait répondre à ces interrogations, mais il faudra peut-être encore attendre des siècles!
Hébron. Le Haram el-Khalil : la tombe des patriarches.
(photo : BiblePlaces.com)
(photo : BiblePlaces.com)
À la mort de Sara, le vieil Abraham, encore nomade doit faire l’achat d’une grotte funéraire pour y enterrer sa femme (Gn 23,1-20). Cette grotte, connue sous le nom de Makpéla, était située à la proximité de la ville d’Hébron. L’auteur biblique nous laisse bien voir qu’il s’agit ici de la première « conquête », en quelque sorte, d’un premier coin du pays que Dieu avait promis au patriarche. C’est auprès de Sara qu’Isaac et Israël enterreront, plus tard, leur père Abraham (Gn 25,9). Jacob, vers la fin de son séjour en Égypte, nous apprend qu’Isaac et Rébecca, et Léah, une de ses femmes, y avaient aussi reçu leurs propres sépultures (Gn 49,31); il demande donc, à ses fils de ramener ses os en Canaan et de les déposer à côté de ceux de ses pères, à Makpéla (Gn 50,13). De tous les ancêtres de cette première période de l’histoire du peuple hébreu, seule Rachel, épouse bien-aimée de Jacob, fut enterrée à Bethléem (Gn 35,19) et Joseph, à Sichem (Ex 13,19; Jos 24,32). On ne parlera plus de ce lieu de sépulture patriarcale dans le reste de l’Ancien Testament; d’après des notes très tardives du Talmud (IIIe-IVe siècle après J.- C.), Esaü, les douze fils de Jacob, et même Adam et Ève, ont été unis à cette très vénérable famille ancestrale!
Le tombeau d'Abraham.
(photo : BiblePlaces.com)
(photo : BiblePlaces.com)
Trois grandes religions actuelles, soit le Judaïsme, l’Islam et le Christianisme, vont prier sur ces tombes patriarcales dans un sanctuaire bien connu sous le nom de « Haram el-Khalil », « lieu sacré de l’ami (de Dieu) » (Abraham), situé maintenant en plein cœur de la ville d’Hébron, au sud de Juda.
Plan du complexe funéraire.
Il s’agit essentiellement d’une magnifique enceinte de belles pierres de taille, de forme rectangulaire, mesurant 34 m par 59 m. Le mur atteint jusqu’à 18 m de hauteur, et est épais de 2,65 m. La partie supérieure de ce mur est décorée de piliers engagés, juste en-dessous de la corniche qui le couronnait et s’appuyant sur une plinthe en biseau. Cette enceinte n’avait pour fonction que d’enfermer un lieu rocheux, en forme de colline, qui disparaît sous un magnifique dallage, légèrement incliné vers l’ouest; des caniveaux sur les dalles nous indiquent que le lieu était à ciel ouvert, puisqu’il faut voir à l’évacuation des eaux de pluie, pendant la saison hivernale.
Au VIe siècle après J.-C., des chrétiens élevèrent une église à la mémoire de ces pères à l’intérieur de l’enclos, dont il ne reste rien. Les Croisés érigent une autre église qui est transformée ensuite en mosquée par les musulmans, à la fin du XIIe siècle; elle subsiste jusqu’à nos jours, entourée d’autres bâtiments secondaires, au cours des siècles subséquents. Mais qui avait fait construire l’enceinte autour de cette colline? On soupçonnait très sérieusement Hérode le Grand, seul capable de réaliser un ouvrage aussi beau et colossal; mais pourquoi Flavius Josèphe n’en dit mot, lui qui a si longuement décrit toutes les constructions hérodiennes?
Ce soupçon est levé depuis une quinzaine d’années, suite aux découvertes faites à Jérusalem autour de l’enceinte du Temple : nous y relevons la même technique de taille de pierres et le même style architectural. C’est bien Hérode qui fit enfermer ainsi la grotte de Makpéla, dissimulée sous le gros dallage de la cour. Nous sommes donc devant le monument le mieux conservé de l’ère hérodienne.
Vue plongeante de l'entrée scellée.
(photo : BiblePlaces.com)
(photo : BiblePlaces.com)
Qu’y a-t-il sous ce dallage? Deux petites entrées, dont l’une est scellée, permettaient peut-être d’y avoir accès; mais depuis le XIIIe siècle, personne ne s’y aventure : ce lieu est très saint pour les musulmans, et le visiteur qui oserait aller troubler le repos des patriarches mettrait sa vie en danger!
On sait que des moines augustins l’ont visité, avant la conquête arabe, au début du XIIe siècle. Un récit assez détaillé de l’événement nous rapporte qu’on y découvrit deux sortes de puits, reliés par un étroit et bas couloir; dans un des puits, à la coupole en forme de cathédrale, de petites entrées donnent accès à des grottes où des jarres d’ossements furent découvertes : il va de soi qu’il s’agit là des restes de tous ces patriarches dont le souvenir est célébré en ces lieux.
En 1919, le père L.-H. Vincent de l’École biblique et archéologique française de Jérusalem étudie le monument, mais pas question qu’il aille scruter ce que recouvre ce dallage!
La première visite de ces lieux cachés, depuis celle des moines du XIIe siècle, eut lieu en 1967, peu après la guerre des six jours. Le général d’armée et archéologue amateur Moshe Dayan fit descendre une fillette toute menue et sans peur par l’ouverture étroite du puits; il la munit de lumière, d’instruments à mesurer et d’un appareil photographique pour qu’elle puisse ramener une description assez précise des lieux. La présente chronique porte à l’attention de ses lecteurs les grandes lignes du rapport peu connu (en hébreu) de Dayan.
Reconstitution des salles et du couloir sous le complexe.
Comme l’entrée B (voir le plan) est solidement scellée par des grosses tiges de fer, et qu’il fallait faire vite, l’expédition devait emprunter l’entrée A. D’abord la fillette dut passer par une cheminée de onze pouces de diamètre, pour s’élargir ensuite à 24 pouces, sur une hauteur de 3 pieds, avant d’aboutir dans une salle à peu près carrée, 9,65 x 9,26 pieds, haute de 12 à 13 pieds, dont le sommet a une forme octogonale. Dans cette salle, outre les monnaies et prières inscrites sur bouts de papier lancés là par des dévots, la fillette ne découvrit que trois dalles de pierre, dont l’une est inscrite d’un passage du Coran qui constitue une confession de foi monothéiste au seul Dieu Allah! Aucune entrée à des grottes, selon le témoignage des moines du Moyen-Âge. Elle découvrit toutefois le couloir conduisant à une autre salle. Il est de belles pierres de taille, long de 57 pieds, large de 2 pieds et haut de 3,5 pieds! Dans cette deuxième salle, dont l’entrée est scellée en B, elle ne découvrit qu’un escalier de 16 marches qui aboutit à l’entrée de ce couloir; cela devrait être l’entrée normale, à une époque ancienne, à la salle intérieure en A.
Les photos des murs des salles et du couloir laissent entrevoir une qualité de taille de pierre qui pourrait remonter aussi à Hérode le Grand. Mais le rapport de cette visite récente doit s’arrêter ici. Nous n’en savons pas davantage. Seules des fouilles sous le dallage, autour de l’enceinte, pourraient nous révéler la nature plus vraie des lieux : y a-t-il une ou des grottes dans cette colline rocheuse? Si nous examinons le plan bien connu maintenant de ces deux salles en forme de puits et reliées par un étroit couloir, nous pensons aussitôt que c’est là le plan commun des tombes de Canaan, aux XIXe et XVIIIe siècle avant J-C.! Hérode aurait tout simplement fait aménager en belles pierres de taille une tombe très ancienne du début du IIe millénaire avant J.-C., tombe que la tradition locale attribuait aux patriarches. Mais saura-t-on jamais? Une étude archéologique minutieuse seule pourrait répondre à ces interrogations, mais il faudra peut-être encore attendre des siècles!