Une petite-fille de renom
Voici un ossuaire dont la découverte remonte à une vingtaine d'années (fig. 1). Son intérêt est double : une triple arcade gravée dans la pierre orne l'un de ses côtés et une inscription en araméen se découpe sur trois lignes au centre du motif (fig. 2).
Ossuaire de Jeanne et son inscription (plus bas).
Rappelons que l'osssuaire est un simple coffret de calcaire tendre destiné à recevoir des ossements humains. On y grave parfois des éléments décoratifs et le nom du défunt. Rarement, s'ajoute une double information sur sa famille, comme c'est le cas ici.
Yehohanah (Jeanne), dont le nom figure sur les deux premières lignes de l'inscription, est la fille d'un certain Yehohanan (Jean) et la petite-fille du grand-prêtre Théophilos. Ce nom nous renvoie à une dynastie de grands-prêtres qui occupe le centre de l'histoire religieuse et politique d'Israël, tout au long du premier siècle de notre ère.
Une famille de grands-prêtres
Le célèbre historien juif, Flavius Josèphe, nous a laissé beaucoup de renseignements sur cette famille de grands-prêtres. Hanan, ou Annas (Anne), la forme brève de « Jean », un nom très populaire à cette époque, fonde la dynastie. Il doit sa nomination au légat romain Quirinius, celui-là même qui ordonna le recensement de la Palestine romaine, lequel coïncida avec la naissance de Jésus (Luc 2,2).
Déposé par un autre gouverneur romain en l'an 15 de notre ère, Hanan (Anne) demeure influent, car cinq de ses fils lui succèdent dans cette haute fonction de grand-prêtre. Une de ses filles épouse un certain Joseph, surnommé Caiaphas (Caïphe), qui devient donc son gendre, appelé, lui aussi, à l'exercice de la même fonction!
Théophilos, un des fils d'Anne, occupe le poste de grand-prêtre autour de l'an 37 de notre ère. C'est bien lui, le grand-père de Jeanne. Selon Flavius Josèphe, il eut deux fils : un certain Yehohanan (Jean), le père de Jeanne, et un Matthias, son oncle, grand-prêtre vers l'an 65.
Les ascendants paternels de la défunte ont marqué l'histoire juive de l'époque. Ils ne sont pas étrangers à celle du christianisme naissant. De fait, trois événements sont directement reliés à cette famille.
La dynastie des grands-prêtres sert de point de repère pour situer dans le temps la prédication de Jean le Baptiste : c'est sous le pontificat d'Anne et de Caïphe que Jean se manifeste (Luc 3,2). C'est Caïphe qui occupe le poste, mais l'influence de son beau-père semble évidente. Nous retrouvons les mêmes personnages lors du procès de Jésus. Après son arrestation, Jésus est conduit chez Anne pour un bref interrogatoire. Dehors, Pierre le renie... Puis, Anne le remet à son gendre, Caïphe. Sans autre forme de procès, ce dernier le livre à Pilate (Jean 18,12-24).
Au lendemain de l'Ascension, Pierre et Jean sont accusés de pervertir le peuple par leur prédication. Trois grands-prêtres les soumettent à un interrogatoire avant leur comparution devant le Sanhédrin. Qui sont-ils? Anne et Caïphe, encore associés, et Jonathan, fils d'Anne et successeur de Caïphe! (Actes 4,1-6). Ce Jonathan n'eut qu'un bref pontificat (36-37 ap. J.-C.); Théophilos, le grand-père de Jeanne, lui succéda.
Le dernier fils d'Anne, aussi nommé Anne, fut grand-prêtre en 62. Irascible et injuste dans ses jugements, il fut vite déposé! Il eut quand même le temps d'ordonner la lapidation d'un certain Jacques, frère de Jésus. Flavius Josèphe témoigne de ce malheureux événement.
Voilà ce qu'une simple inscription sur un ossuaire peut faire revivre dans nos esprits! L'archéologie sera donc toujours riche en surprises!
Guy Couturier, CSC
Professeur émérite, Université de Montréal
Voici un ossuaire dont la découverte remonte à une vingtaine d'années (fig. 1). Son intérêt est double : une triple arcade gravée dans la pierre orne l'un de ses côtés et une inscription en araméen se découpe sur trois lignes au centre du motif (fig. 2).
Ossuaire de Jeanne et son inscription (plus bas).
- Yéhohanah
- Yéhohanah fille de Yehohanan
- Fils de Théophilos le grand-prêtre
Rappelons que l'osssuaire est un simple coffret de calcaire tendre destiné à recevoir des ossements humains. On y grave parfois des éléments décoratifs et le nom du défunt. Rarement, s'ajoute une double information sur sa famille, comme c'est le cas ici.
Yehohanah (Jeanne), dont le nom figure sur les deux premières lignes de l'inscription, est la fille d'un certain Yehohanan (Jean) et la petite-fille du grand-prêtre Théophilos. Ce nom nous renvoie à une dynastie de grands-prêtres qui occupe le centre de l'histoire religieuse et politique d'Israël, tout au long du premier siècle de notre ère.
Une famille de grands-prêtres
Le célèbre historien juif, Flavius Josèphe, nous a laissé beaucoup de renseignements sur cette famille de grands-prêtres. Hanan, ou Annas (Anne), la forme brève de « Jean », un nom très populaire à cette époque, fonde la dynastie. Il doit sa nomination au légat romain Quirinius, celui-là même qui ordonna le recensement de la Palestine romaine, lequel coïncida avec la naissance de Jésus (Luc 2,2).
Déposé par un autre gouverneur romain en l'an 15 de notre ère, Hanan (Anne) demeure influent, car cinq de ses fils lui succèdent dans cette haute fonction de grand-prêtre. Une de ses filles épouse un certain Joseph, surnommé Caiaphas (Caïphe), qui devient donc son gendre, appelé, lui aussi, à l'exercice de la même fonction!
Théophilos, un des fils d'Anne, occupe le poste de grand-prêtre autour de l'an 37 de notre ère. C'est bien lui, le grand-père de Jeanne. Selon Flavius Josèphe, il eut deux fils : un certain Yehohanan (Jean), le père de Jeanne, et un Matthias, son oncle, grand-prêtre vers l'an 65.
Les ascendants paternels de la défunte ont marqué l'histoire juive de l'époque. Ils ne sont pas étrangers à celle du christianisme naissant. De fait, trois événements sont directement reliés à cette famille.
La dynastie des grands-prêtres sert de point de repère pour situer dans le temps la prédication de Jean le Baptiste : c'est sous le pontificat d'Anne et de Caïphe que Jean se manifeste (Luc 3,2). C'est Caïphe qui occupe le poste, mais l'influence de son beau-père semble évidente. Nous retrouvons les mêmes personnages lors du procès de Jésus. Après son arrestation, Jésus est conduit chez Anne pour un bref interrogatoire. Dehors, Pierre le renie... Puis, Anne le remet à son gendre, Caïphe. Sans autre forme de procès, ce dernier le livre à Pilate (Jean 18,12-24).
Au lendemain de l'Ascension, Pierre et Jean sont accusés de pervertir le peuple par leur prédication. Trois grands-prêtres les soumettent à un interrogatoire avant leur comparution devant le Sanhédrin. Qui sont-ils? Anne et Caïphe, encore associés, et Jonathan, fils d'Anne et successeur de Caïphe! (Actes 4,1-6). Ce Jonathan n'eut qu'un bref pontificat (36-37 ap. J.-C.); Théophilos, le grand-père de Jeanne, lui succéda.
Le dernier fils d'Anne, aussi nommé Anne, fut grand-prêtre en 62. Irascible et injuste dans ses jugements, il fut vite déposé! Il eut quand même le temps d'ordonner la lapidation d'un certain Jacques, frère de Jésus. Flavius Josèphe témoigne de ce malheureux événement.
Voilà ce qu'une simple inscription sur un ossuaire peut faire revivre dans nos esprits! L'archéologie sera donc toujours riche en surprises!
Guy Couturier, CSC
Professeur émérite, Université de Montréal