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    Une autre histoire de l’Arabie préislamique

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    Message  Arlitto Mer 18 Nov 2020 - 17:33

    Une autre histoire de l’Arabie préislamique





    Histoire. Le Trône d’Adoulis, une autre histoire de l’Arabie préislamique

    Un trône éthiopien renaît de ses cendres. Une passionnante enquête de Glen W. Bowersock, professeur d’histoire ancienne à l’université de Princeton, dévoile les relations tumultueuses des royaumes éthiopien et yéménite au VIe siècle. En jeu : la domination des contrées qui, quelques années plus tard, allaient abriter la religion islamique.

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    Détail de la couverture du livre Le Trône d'Adoulis, de Glen W. Bowersock (Albin Michel).

    Au début du VIe siècle, le sud de l’Arabie était en proie aux conflits opposant le royaume chrétien d’Aksum (s’étendant sur l’Éthiopie et l’Érythrée) et le royaume juif d’Himyar au Yémen. Ces deux acteurs régionaux bénéficiaient de l’appui des superpuissances de l’époque : l’Empire byzantin et l’Empire perse. Méconnue, cette période a pourtant profondément marqué les terres où la révélation coranique a eu lieu. Professeur d’histoire ancienne à Princeton, Glen W. Bowersock en propose un décryptage dans son dernier livre, Le Trône d’Adoulis (Albin Michel, 2014).

    Ce trône de marbre blanc, aujourd’hui disparu, se situait dans la ville portuaire d’Adoulis, dans l’actuelle Érythrée. Les textes gravés sur le monument demeurent une source importante pour comprendre cette époque.

    « Les textes du trône narrent les conquêtes militaires des rois d’Aksum, les Négus », explique Glen W. Bowersock. Au début du VIe siècle, le Négus Kaleb convoitait les territoires perdus d’Arabie conquis par le royaume juif d’Himyar. « Pour Kaleb, ces textes légitimaient ses ambitions guerrières ».

    Si l’Arabie a connu, du IIIe au VIe siècle, un royaume juif, celui de Himyar, c’est parce qu’un roi yéménite s’était converti au judaïsme pour des raisons encore inconnues. Allié des Perses sassanides, ce royaume va s’imposer dans le sud de l’Arabie contre l’Éthiopie chrétienne. Le judaïsme himyarite, d’abord vu comme une variante épurée et éloignée de l’orthodoxie, a progressivement été reconsidéré en « un judaïsme total, des textes jusqu’aux rites, mais aussi par la connaissance de l’hébreu [qu’il demandait] ».

    Si l’existence d’un royaume juif arabe est remarquable en soi, la religion juive était pratiquée par plusieurs tribus de la péninsule arabique. « Théophile l’Indien, un missionnaire chrétien à Aksum, capitale royale et épicentre de l’Église éthiopienne orthodoxe, nous informe sur la pluralité du judaïsme sur la côte de l’Arabie occidentale ».  La ville de Yathrib, future Médine, abritait des tribus réputées pour être « les descendants d’exilés de Jérusalem après la chute du Second Temple ».

    Non loin du royaume d’Himyar se trouvait une communauté chrétienne à Najran, au sud-ouest de l’actuelle Arabie saoudite. En 523, Himyar attaque cette cité chrétienne et massacre sa population. Cette « étrangeté de l’histoire » peut s’expliquer par « l’influence des Perses », qui ont utilisé le royaume himyarite pour freiner les ardeurs conquérantes chrétiennes.

    Les Éthiopiens disposaient désormais d’un prétexte pour mener une expédition militaire, forte de 120 000 hommes. Si Himyar est soutenu par les Perses, Aksoum est encouragé par les Byzantins, malgré quelques dissensions dogmatiques. « Ici, la politique a donc transcendé les différences religieuses », note l’universitaire.

    Mieux comprendre les premiers musulmans

    Grâce à ces sources préislamiques, Glen W. Bowersock brosse le contexte de la première migration des musulmans. Avant l’Hégire – l’exil de Muhammad et ses premiers disciples vers Médine –, un groupe de musulmans a fui les persécutions dont ils étaient l’objet et quitté La Mecque en destination du royaume chrétien éthiopien.

    Comme les Perses étaient les alliés « des juifs d’Arabie et de Palestine, les musulmans, tout comme les polythéistes, cherchaient un soutien auprès des chrétiens. Cela explique la nature des relations cordiales des premiers musulmans avec le Négus qui a refusé de les livrer aux païens ».

    Lorsque l’islam s’étendra plus loin que les terres d’Arabie, les armées musulmanes partiront à la conquête de l’Empire perse. Au-delà du contexte militaire, le choix d’attaquer les Sassanides, et non les Byzantins, « peut sembler plus politique que religieux afin d’affermir leur alliance avec l’Éthiopie ».

    Le mystérieux terme coranique d’hanif

    Glen W. Bowersock conclut son ouvrage par une passionnante étude du mot hanif, « assez négligé par les spécialistes de l’islam », juge le chercheur.

    Dans la tradition islamique, le hanafisme désigne le monothéisme existant avant la révélation coranique. Une sourate précise : « Abraham ne fut ni juif ni chrétien, mais fut monothéiste [“hanifan”] et soumis [“musliman”] à Dieu. Et il n’était point du nombre des Associateurs [qui associent Dieu à d’autres divinités] » (Coran 3,67).

    Hanif, mot de racine sémitique, désigne « celui qui s’éloigne » en arabe. Toutefois, « en syriaque il signifie “apostat” ou “païen” ». Pour le professeur de l’université de Princeton, le terme englobe « toutes les problématiques de cette religion en cette période de transition. Hanif est une zone de basculement entre les traditions ».

    Le rapport entre « le Prophète et Abraham est alors saisissant. Par exemple, le père d’Abraham était polythéiste tout comme celui de Muhammad, Abdallah ». Ainsi, le verset peut évoquer le fait qu’Abraham vivait parmi les associateurs tout en demeurant tourné vers le Dieu unique. À l’image de Muhammad vivant parmi les Mecquois polythéistes, tout en n’ayant jamais été tenté par le culte des idoles.

    Brosser le contexte de l’époque de l’islam primitif présente des difficultés. « Certaines sources ont été contaminées par des préoccupations internes aux politiques califales, à l’exemple des Chroniques de l’historien et exégète Tabari (839-923). » Toutefois, à la lumière des plus récentes découvertes, « nous pouvons supposer que les sources arabes sont relativement correctes ». Dans tous les cas, « il n’y a pas de méthode simple pour comprendre l’islam historique », conclut-il.
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    Message  Arlitto Mer 18 Nov 2020 - 17:33

    Les Ottomans, à la croisée de l'Islam et de Constantinople


    Le sultanat ottoman fut la dernière dynastie à détenir l'autorité califale. En revanche, les successeurs des Mamelouks et des Abbassides ont été grandement influencés par Constantinople pour organiser leur vaste territoire. Un héritage qui dessina le sécularisme puis la laïcité en Turquie.


    L'Empire ottoman, cette troisième Rome

    « L'héritage byzantin est fondamental pour comprendre les Ottomans, davantage que l'islam concernant la structure de l'État. Ils se considéraient comme la troisième Rome tout comme Moscou, ce qui ne manquait pas d'exacerber les tensions entre les deux puissances », souligne Ali Kazancigil, politologue et journaliste spécialiste de la Turquie.

    Les Ottomans observaient « le modèle byzantin des relations entre le basileus (empereur) et l'Église orthodoxe. Cette relation fut appelée par les historiens le césaropapisme ». L'empereur concentrait les pouvoirs civil, militaire et religieux tandis que le patriarche, à la tête de l'Église, lui était soumis.

    Dès la chute de Constantinople en 1453, « les Ottomans ont progressivement importé cette dualité relative, contraire à la tradition sunnite, en créant un chef religieux appelé le grand mufti. Personnage clé de l'empire après le sultan et le grand vizir, il détenait donc officieusement le pouvoir religieux tout en dépendant du calife ».

    Ce rapport à l'Empire romain d'Orient était donc très étroit pour les Ottomans et un élément capital pour asseoir la légitimité de leur empire à prétention universelle. Mehmet II le Conquérant, celui qui fit tomber Constantinople, s'arrogea le titre de « Successeur des Césars ». Au-delà de ses exploits militaires, Mehmet II le Conquérant avait compris qu'il fallait compiler les textes juridiques. À la manière des Compilations de Justinien Ier, « il fit rédiger un corpus législatif totalement séculier et donc séparé du Coran et de la shariah appelé Kanun-il-osmani ou le Code Ottoman. » Le plus célèbre Code Ottoman reste celui de Soliman le Magnifique qui lui valut le surnom de « Sultan Législateur ».

    Gérer les minorités pour préserver l'empire

    Il fallait également statuer sur la gestion des minorités protégées par le pouvoir, les millet (le terme sera utilisé pour désigner les nations). Si la taxe de capitation est un héritage musulman, « elle était plus inspirée par le système fiscal byzantin dans sa mise en pratique ».

    Soliman le Magnifique allégea les peines prévues dans les Codes précédents ainsi que les impôts pour les minorités protégées. L'allègement fiscal n'allait pas forcément de pair avec la diminution des pratiques discriminatoires. Cependant, dans les millet à majorité chrétienne, les interdictions quant au port de certains vêtements étaient peu, voire pas, mises en application. Suivant la politique des dirigeants à leur égard, les minorités pouvaient profiter de périodes tolérantes ou subir d'intenses persécutions. Après le règne de Soliman le Magnifique, commençea un lent et long déclin pour l'empire ottoman. Le système de millet perdit progressivement de son efficacité.

    Du système séculier à la laïcité

    Sous Mahmoud II, sultan de 1808 à 1839, « les deux soulèvements qui conduisirent à l'autonomie de la Serbie ont sonné le début de l'échec du modèle historique de gérance des minorités». Malgré les différentes prétentions indépendantistes des Grecs et des Égyptiens, le Sultanat maintient la majorité de ses territoires. Une ère de modernisation (Tanzimat) débuta alors. Ces réformes sont engagées par le fils de Mahmoud II, Abdülmecit Ier. De nombreux codes furent rédigés tel un code administratif qui réorganisa, notamment, les millet par une centralisation accrue. 

    En 1855, le statut de dhimmi fut aboli avec l'acceptation des oulémas. L'année suivante, l'Hatti-Humayoun, un décret royal (firman) promulgua l'égalité entre citoyens entérinant l'accès progressif des non-musulmans aux fonctions centrales du pouvoir. Ainsi, trois chrétiens comptent parmi les membres de la commission chargée de rédiger la Constitution ottomane de 1876.

    Une Constitution qui sera abrogée, deux ans plus tard, par Abdülhamid II avant d'être remis par les Jeunes-Turcs après la Révolution de 1908.

    Vingt ans plus tard, l'empire multinational ottoman démembré lors du Traité de Sèvres (1920) devient une République dont l'islam n'est plus religion d'État. Le principe de laïcité est inscrit dans la Constitution.

    « Les Kémalistes étaient des rationalistes inspirés par les Lumières. Ils voulaient une citoyenneté de droit mais la citoyenneté turque se gorge de religion. Il y a peut-être des limites dans le kémalisme qui fut une réforme brutale car rapide contre l'islam. Par exemple, il y a une éthique du travail en islam qui n'est pas un obstacle à la notion de progrès défendu par les Kémalistes. » D'autant plus que la Turquie a su toujours être à la croisée de deux mondes.

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