" Mahomet " ou " Mohamed " ?
Lorsqu’un nom propre d’une langue donnée passe à une autre langue, il est parfois pris tel quel avec sa forme originelle. Mais on sait que, surtout lorsqu’il devient familier dans la langue d’accueil, il tend le plus souvent à être prononcé en fonction des habitudes de cette langue. Cette intégration peut aller de la simple adaptation au système phonologique jusqu’à un remodelage qui donne l’illusion que le mot fait partie du patrimoine de la langue d’accueil (ex. en fr. : Douvres, Londres, La Haye, Turin, Saladin, etc…).
Si l’on envisage le nom arabe du prophète Muhammad, on voit donc que, par exemple en anglais contemporain, il a subi une distorsion minimale (Mohammad). Il en est de même en allemand ou en néerlandais (Mohammed). Tel n’est pas le cas en anglais médiéval ou dans les langues romanes occidentales où l’on observe des altérations insolites :
anc.fr. Macomet ; lat. Machumetus, Machometus, Machometha ; it. Macometto ; fr. Mahomet (> pol. do; russe Magomet) ; m.angl. Mac(h)amethe, Makomete, Makamete, Machomet(e).
anc.fr. Mahum, Maho ; esp., cat. Mahoma ; sarde Maòm(ma), Maòmo, Meòmo, Maùmma ; it. Macone ; m.angl. Mahum, Mahun, Mahoun(e), Mahon(e), Mawhown, Machoun, Mahownd, Machound, Mahound, Mauhound.
Bien entendu, on ne s’étonnera pas que le redoublement du m soit peu respecté, ni que la laryngale ait été interprétée comme g, k, h, f ou même rien du tout. Cependant trois phénomènes peuvent surprendre :
le rendu des deux premières voyelles : u par a et a par o, u (et une fois par i). On attendrait l’inverse. le passage de –d final à la sourde –t (ou –th). dans certains cas, l’apocope des phonèmes finaux. On peut rendre compte du passage de –d à –t par une prononciation régionale. Elle semble confirmée, d’une part, par des notations grecques et, d’autre part, par des transcriptions d’anthroponymes dans le domaine espagnol2. La métathèse des voyelles est elle aussi attestée dans ces mêmes transcriptions d’anthroponymes. Cependant, s’il est vrai qu’on peut admettre une transmission du nom par certains dialectes comportant ces particularités, il reste que rien n’explique l’apocope.
D’autre part, l’interprétation des deux premières distorsions par des faits dialectaux ne laisse pas de surprendre. En effet :
s’il est vrai que ces particularités dialectales sont attestées, elles paraissent avoir été minoritaires et elles n’ont apparemment laissé aucune trace dans les dialectes modernes. pour aboutir à une forme telle que Mahomet, il aura fallu que ces particularités dialectales minoritaires soient simultanément représentées dans la source de l’emprunt.
Le contact entre romanophones et arabophones n’a pas été ponctuel mais multiple dans le temps mais aussi dans l’espace : Andalousie mais aussi Italie méridionale et, auparavant, sans doute Afrique du nord. Encore s’agit-il là du contact le plus direct, celui de la conquête musulmane mais, avant même l’arrivée sur place des envahisseurs, des informations avaient déjà pu circuler sur leur culture, sur leur religion.
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Lorsqu’un nom propre d’une langue donnée passe à une autre langue, il est parfois pris tel quel avec sa forme originelle. Mais on sait que, surtout lorsqu’il devient familier dans la langue d’accueil, il tend le plus souvent à être prononcé en fonction des habitudes de cette langue. Cette intégration peut aller de la simple adaptation au système phonologique jusqu’à un remodelage qui donne l’illusion que le mot fait partie du patrimoine de la langue d’accueil (ex. en fr. : Douvres, Londres, La Haye, Turin, Saladin, etc…).
Si l’on envisage le nom arabe du prophète Muhammad, on voit donc que, par exemple en anglais contemporain, il a subi une distorsion minimale (Mohammad). Il en est de même en allemand ou en néerlandais (Mohammed). Tel n’est pas le cas en anglais médiéval ou dans les langues romanes occidentales où l’on observe des altérations insolites :
anc.fr. Macomet ; lat. Machumetus, Machometus, Machometha ; it. Macometto ; fr. Mahomet (> pol. do; russe Magomet) ; m.angl. Mac(h)amethe, Makomete, Makamete, Machomet(e).
anc.fr. Mahum, Maho ; esp., cat. Mahoma ; sarde Maòm(ma), Maòmo, Meòmo, Maùmma ; it. Macone ; m.angl. Mahum, Mahun, Mahoun(e), Mahon(e), Mawhown, Machoun, Mahownd, Machound, Mahound, Mauhound.
Bien entendu, on ne s’étonnera pas que le redoublement du m soit peu respecté, ni que la laryngale ait été interprétée comme g, k, h, f ou même rien du tout. Cependant trois phénomènes peuvent surprendre :
le rendu des deux premières voyelles : u par a et a par o, u (et une fois par i). On attendrait l’inverse. le passage de –d final à la sourde –t (ou –th). dans certains cas, l’apocope des phonèmes finaux. On peut rendre compte du passage de –d à –t par une prononciation régionale. Elle semble confirmée, d’une part, par des notations grecques et, d’autre part, par des transcriptions d’anthroponymes dans le domaine espagnol2. La métathèse des voyelles est elle aussi attestée dans ces mêmes transcriptions d’anthroponymes. Cependant, s’il est vrai qu’on peut admettre une transmission du nom par certains dialectes comportant ces particularités, il reste que rien n’explique l’apocope.
D’autre part, l’interprétation des deux premières distorsions par des faits dialectaux ne laisse pas de surprendre. En effet :
s’il est vrai que ces particularités dialectales sont attestées, elles paraissent avoir été minoritaires et elles n’ont apparemment laissé aucune trace dans les dialectes modernes. pour aboutir à une forme telle que Mahomet, il aura fallu que ces particularités dialectales minoritaires soient simultanément représentées dans la source de l’emprunt.
Le contact entre romanophones et arabophones n’a pas été ponctuel mais multiple dans le temps mais aussi dans l’espace : Andalousie mais aussi Italie méridionale et, auparavant, sans doute Afrique du nord. Encore s’agit-il là du contact le plus direct, celui de la conquête musulmane mais, avant même l’arrivée sur place des envahisseurs, des informations avaient déjà pu circuler sur leur culture, sur leur religion.
Mwamet, mwameq, mwcameq à côté de mouamed et mamed. Toutes ces formes,
citées par le dictionnaire de Sophoclès, datent des VIIIe et IXe siècle. La forme moderne
de Mahomet est mwcamethj mais mahométan se dit mwameqanoj. Cf. Evangelinos
Apostolidès Sophoclès, Greek Lexikon of the Roman and Byzantine Periods,
New-York, Leipzig: C. Scrinbner’s sons, ed. 1904.
2 Elias TERÉS, « Antroponimia Hispanoarabe reflejada por las fuentes latino-romances
», Anaquel de estudios àrabes, n° 1, 1990, p. 164 sq. Information d'Omar Bencheikh .
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