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La Tour de Babel :: l'origine de l'empire mondial des religions

    " Mahomet " ou " Mohamed " ?

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    Message  Arlitto Mar 10 Nov 2020 - 14:11

    " Mahomet " ou " Mohamed " ?

    Lorsqu’un nom propre d’une langue donnée passe à une autre langue, il est parfois pris tel quel avec sa forme originelle. Mais on sait que, surtout lorsqu’il devient familier dans la langue d’accueil, il tend le plus souvent à être prononcé en fonction des habitudes de cette langue. Cette intégration peut aller de la simple adaptation au système phonologique jusqu’à un remodelage qui donne l’illusion que le mot fait partie du patrimoine de la langue d’accueil (ex. en fr. : Douvres, Londres, La Haye, Turin, Saladin, etc…).

    Si l’on envisage le nom arabe du prophète Muhammad, on voit donc que, par exemple en anglais contemporain, il a subi une distorsion minimale (Mohammad). Il en est de même en allemand ou en néerlandais (Mohammed). Tel n’est pas le cas en anglais médiéval ou dans les langues romanes occidentales où l’on observe des altérations insolites :

    anc.fr. Macomet ; lat. Machumetus, Machometus, Machometha ; it. Macometto ; fr. Mahomet (> pol. do; russe Magomet) ; m.angl. Mac(h)amethe, Makomete, Makamete, Machomet(e).
    anc.fr. Mahum, Maho ; esp., cat. Mahoma ; sarde Maòm(ma), Maòmo, Meòmo, Maùmma ; it. Macone ; m.angl. Mahum, Mahun, Mahoun(e), Mahon(e), Mawhown, Machoun, Mahownd, Machound, Mahound, Mauhound.

    Bien entendu, on ne s’étonnera pas que le redoublement du m soit peu respecté, ni que la laryngale ait été interprétée comme g, k, h, f ou même rien du tout. Cependant trois phénomènes peuvent surprendre :

    le rendu des deux premières voyelles : u par a et a par o, u (et une fois par i). On attendrait l’inverse. le passage de –d final à la sourde –t (ou –th). dans certains cas, l’apocope des phonèmes finaux. On peut rendre compte du passage de –d à –t par une prononciation régionale. Elle semble confirmée, d’une part, par des notations grecques et, d’autre part, par des transcriptions d’anthroponymes dans le domaine espagnol2. La métathèse des voyelles est elle aussi attestée dans ces mêmes transcriptions d’anthroponymes. Cependant, s’il est vrai qu’on peut admettre une transmission du nom par certains dialectes comportant ces particularités, il reste que rien n’explique l’apocope.

    D’autre part, l’interprétation des deux premières distorsions par des faits dialectaux ne laisse pas de surprendre. En effet :

    s’il est vrai que ces particularités dialectales sont attestées, elles paraissent avoir été minoritaires et elles n’ont apparemment laissé aucune trace dans les dialectes modernes. pour aboutir à une forme telle que Mahomet, il aura fallu que ces particularités dialectales minoritaires soient simultanément représentées dans la source de l’emprunt.

    Le contact entre romanophones et arabophones n’a pas été ponctuel mais multiple dans le temps mais aussi dans l’espace : Andalousie mais aussi Italie méridionale et, auparavant, sans doute Afrique du nord. Encore s’agit-il là du contact le plus direct, celui de la conquête musulmane mais, avant même l’arrivée sur place des envahisseurs, des informations avaient déjà pu circuler sur leur culture, sur leur religion.

    Mwamet, mwameq, mwcameq  à côté de mouamed et mamed. Toutes ces formes,
    citées par le dictionnaire de Sophoclès, datent des VIIIe et IXe siècle. La forme moderne
    de Mahomet est mwcamethj mais mahométan se dit mwameqanoj. Cf. Evangelinos
    Apostolidès Sophoclès, Greek Lexikon of the Roman and Byzantine Periods,
    New-York, Leipzig: C. Scrinbner’s sons, ed. 1904.
    2 Elias TERÉS, « Antroponimia Hispanoarabe reflejada por las fuentes latino-romances
    », Anaquel de estudios àrabes, n° 1, 1990, p. 164 sq. Information d'Omar Bencheikh .

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    Message  Arlitto Mar 10 Nov 2020 - 14:12

    MAHOMET

    Bulletin de la SELEFA n° 2, 2003 et, en particulier, sur le nom du Prophète. Dans ces conditions, il est hautement improbable que les romanophones aient été exposés uniquement à un arabe hypothétiquement caractérisé par l’assourdissement du –d en –t et par la métathèse a/o et si, d’aventure, ils l’ont été, il aura fallu qu’intervienne quelque chose qui interdise toute modification par une forme plus communément représentée.

    Pour trouver la solution à ce problème ainsi qu’à celui que pose l’aphérèse dans les formes de type Mahoma, il pourrait être instructif d’examiner les mots romans formés à partir de ce nom propre. Pour ce faire, l’on se reportera à la rubrique Mahomet du FEW, t. XIX.

    Comme on peut s’y attendre, on y trouvera des mots qui se réfèrent à la religion musulmane comme mahomerie « mosquée » (aussi mahumerie, mahommerie). Mais on observe 4 autres orientations sémiques beaucoup moins banales :

    1) mahoumet « mauvais génie, esprit » ; maumet « satan » ; mahons « dieux païens » + « diable » (+ sic. Maumma « diable » [aussi « turc, infidèle »] ; + Mahonin « démon de la 3e hiérarchie » 4. Cf. aussi esp.and. mahomìa « mauvaise action »).

    2) moumo « statue » ; mahomet « idole » ; mawoumet « caricature, homme de paille qu’on place à proximité de la demeure d’un homme qu’on veut ridiculiser » (+ « nuit du 1er mai » ; + m.angl. mahum « idole »).

    On a supposé (voir en particulier Georges S. Colin, « Note sur l’origine du nom de “Mahomet” », Hespéris 1925, I : 129) que la forme du prénom avait été altérée par les arabophones
    eux-mêmes soit pour que le mauvais oeil se détourne du prénommé, soit pour que le nom du Prophète ne soit pas souillé par des infidèles. L’hypothèse n’est pas absurde mais elle reste très fragile car, dans le monde musulman, elle ne semble pas corroborée par d’autres exemples de distorsion apotropaïques de ce genre, ni pour les prénoms, ni pour les réalités tenues pour sacrées (nom de Dieu ou du Coran par ex.).
    4 Cf. Roland Villeneuve, Dictionnaire du Diable, Paris : éd. Omnibus, 1998, s.v.

    3) mahom « lourd et grossier » ; magon « homme malpropre » + « épouvantail » (+ and. majoma « lourdaud »).

    4 ) mahoume « compagne des loups-garous = femme de mauvaise vie ». (+ anc.fr. mahomet « favori, mignon », DAF, s.v. « Mahom », aussi mahomes).


    Roland Laffitte nous signale aussi mahomet « pénis » et mahométiser « sod...... », acceptions vraisemblablement nées dans l’argot des troupes coloniales. En m.angl. les noms de Mahomet mentionnés ci-dessus peuvent être utilisés aussi avec les sens de « idole », « monstre » et « diable» (voir OED, t. IX, s.v. « Mahomet, mahound, maumet »).

    Bien entendu, on aura reconnu dans cette exploitation du nom du Prophète la motivation xénophobe la plus délirante, celle de gens totalement christianisés pour lesquels toute croyance étrangère relève de l’abomination. La haine ainsi manifestée par les chrétiens à l’endroit de l’islam pouvait encore être accentuée du fait qu’ils avaient été attaqués et vaincus à plate couture et, pire, peut-être craignaient-ils aussi qu’après avoir écrasé le christianisme de ses domaines asiatiques et africains, les musulmans ne s’apprêtent à les anéantir partout définitivement.

    On remarquera avec intérêt que ces 4 directions sémantiques se trouvent représentées dans le sémiogramme de MARM- et de MOMqui, rappelons-le, sont articulées autour du nom du singe/chat :

    Alfred Delvau, Dictionnaire érotique moderne, par un professeur de langue verte,
    Bruxelles : J. Gay, 1864, p. 191.
    Pierre Guiraud, Dictionnaire érotique, Paris : éd. Payot & Rivages, 1993, p. 423.
    Voir à ce sujet Lazare Sainean, La création métaphorique en français et en roman,
    in Zeitschrift für romanische Philologie, Beihefte 1, Halle am Saale : M. Niemeyer,
    1905 (= S) ; Pierre Guiraud, Structures étymologiques du lexique français, Paris : Larousse,
    1967 ; et Michel Masson, « Mystères de singe », communication au GLECS
    2002, à paraître dans les Comptes rendus du GLECS.


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    Message  Arlitto Mar 10 Nov 2020 - 14:12

    MAHOMET

    MARM-

    1. prov. marmau « ogre » (S, p. 71 et 90).
    2. fr. marmouset « figure grotesque » (S, p. 91) ; marmotte « poupée» (S, p. 95) ; sic. marramau « épouvantail » (S, p. 71).
    3. it. marmotto « lourdaud », marmocchio « benêt » (S, p. 93); esp.marmolillo « niais ».
    4. fr. marmite « prostituée ».MOM-

    1. sarde momo « monstre » ; cal. mommu « fantôme ».
    2. roum. momîie « épouvantail ».
    3. fr. môme « sot » (FEW) ; cal. mommu « idiot ».
    4. fr. môme « giton ».

    D’autre part, on retrouve deux des orientations sémantiques des dérivés de Mahomet, dans au moins trois familles lexicales associées au nom du singe/chat :

    anc.fr. monet « idiot » (3) + it. monello « giton » + mone « singe ». * prov. babau « fantôme » + babouin « sot » + babouin « singe ».

    Dans ces conditions, l’on comprend ce qui a dû se passer :
    le nom du Prophète aura été déformé pour pouvoir être intégré dans le dispositif péjoratif relatif au singe/chat. En effet, si l’on admet que le nom a pris une forme de type mahomet parce qu’il est passé dans certaines langues d’Europe par l’intermédiaire d’un dialecte comportant les deux premières distorsions mentionnées plus haut, on voit que la terminaison et coïncide avec la forme d’un suffixe diminutif (correspondant dans les langues modernes à -et, -etto, -ito).

    Or, pour la plupart des anthroponymes, le suffixe peut être utilisé de façon facultative pour indiquer la familiarité ; mais, à côté du diminutif Pierrot, la forme simple Pierre reste disponible, de même en it. Giocometto fonctionne en tandem avec Giacomo tout comme en esp. Alfonsito avec Alfonso. Dans ces conditions, face à une forme suffixée Mahom-et, une forme *Mahom sans suffixe est a priori non moins disponible. Or, cette forme, avec son accent sur le -ò se rapproche des formes en MOM- et de leurs valeurs péjoratives. Nous décrivons là un processus bien connu de cacophémie réalisé sous forme de calembour. Il est confirmé par le fait que, dans de nombreux cas, la même démarche a été utilisée. On se contentera de citer quelques exemples associés au monde musulman :

    C’est ainsi que, pour ne pas quitter l’adaptation du nom de Mahomet, on observe qu’il se trouve dans le domaine anglais sous la forme mahound : la rime avec hound « chien » se passe de commentaire.

    NB. Le sens spécifique de « chien de chasse » est relativement récent A l’époque où mahound s’employait, hound avait le sens générique de « chien ». De même, en italien, on observe que l’adj. arabico a pu recevoir le sens de « bizarre, difforme, laid » ; en espagnol arabe signifie aussi « s........ » (cité par le DEA) ; cf. aussi en fr. l’enchainement arbi « arabe » > arbicot > bicot > bique.

    De même encore on trouve en occitan moustafa « gros bonhomme laid » (avec jeu de mot sur moustous « barbouillé de mout ») ; en it. sic. marabuttu « crapule » (par croisement avec
    farabutto « do°») et en port. turco « rustre », esp. turco « une cuite ». Quant au nom des Tatares, on sait qu’il s’est trouvé associé sous la forme Tartares à tartarin « singe » et tartarasse « prostituée ».

    Mais le cas le plus probant est sans doute celui du mot ar. mamlūk est passé dans différentes langues romanes non seulement avec son sens originel mamlūk (cf. FEW, s.v.) mais aussi, d’une part, avec celui de « Imbéc... » (sic. mammaluco, esp. mameluco ; fr.fl. mamulot), d’autre part, dans l’italien mammalucco avec celui de « jeune homme débauché et efféminé » (aussi « eunuque »).

    D’autre part, sont attestés aussi les sens de « marotte de fou » (anc.fr. mamelue) et de « fantôme» (fr. land. marmuques).

    On voit donc qu’on retrouve là les quatre orientations sémantiques caractérisant le nom de Mahomet énumérées plus haut et qui sont aussi celles de MARM- et de MOM.

    On remarquera que dans le domaine français apparaît la forme Baphomet qui désigne une idole censée avoir été adorée par les Templiers. Or, il est vrai que la proximité phonétique du b et du m est très grande mais il est non moins vrai que les langues romanes possèdent un m et que, a priori, il n’y a pas de raison que ce b surgisse. La mutation s’explique sans doute par le désir d’associer le nom de façon incongrue à des notions comme bafouiller, bafouer, prov. bafar « se moquer ».

    La cacophémie explique donc l’aphérèse subie par le nom de Mahomet mais elle permet aussi de résoudre les difficultés d’interprétation de la métathèse des voyelles et de l’assourdissement du d. En effet, ou bien les faits dialectaux invoqués plus haut n’ont jamais existé et la démarche cacophémique suffit à rendre compte de ces distorsions ; ou bien ils sont effectivement intervenus, sans doute de façon minoritaire, mais les romanophones auront choisi de privilégier cette réalisation insolite du nom du Prophète parce que c’était celle qui se rapprochait le plus de mots romans évoquant des réalités désagréables et leur permettait de faire des calembours de goût douteux pour dénigrer leurs ennemis. On imagine assez ce qui a pu constituer le moteur de cet humour de bas étage : c’est la démarche raciste qui consiste à assimiler un être humain plus ou moins basané à un singe, à quoi il faut ajouter à l’époque le fait que l’infidèle est
    nécessairement une créature de Satan, exactement donc comme le singe. Or, on sait enfin que, au Moyen Âge, le singe, comme le chat, est tenu pour une créature infernale. Le
    jugement de Luther résume bien l’opinion générale : « Les serpents et les singes sont sujets du diable plus que tous les autres animaux… Je crois que le diable habite les singes et les guenons pour qu’ils puissent aussi bien contrefaire les humains. » En cela, comme le signale Feinberg, le singe est proche « des sorciers, des assassins, des maquereaux et des idolâtres » mais aussi, comme le rappelle Janson « des païens, des apostats et des hérétiques ».

    Il importe de remarquer que la forme brève du nom de Mahomet apparaît dans la Chanson de Roland (mahum, -erie), c’est-à-dire dès le XIe siècle mais il est clair que la cacophémie est antérieure de quelques années au minimum et probablement plus. Depuis que les musulmans avaient commencé à envahir les pays chrétiens d’occident au VIIIe siècle, des contacts avaient lieu et il est très vraisemblable que le nom de Mahomet ait été connu dans les pays romanophones bien avant que la Chanson de Roland n’ait été notée par écrit.

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    Message  Arlitto Mar 10 Nov 2020 - 14:13

    Les noms du prophète de l'islam à travers les langues du monde


    Le prophète de l'islam est appelé en arabe Mohamed, qui veut dire : "celui qui est louangé". 

    Les Iraniens l'appellent dans leur langue Mahmoud et les Turques Mehmet.

    C'est à partir de la traduction turque Mehmet ou Mehemet que le nom du prophète de l'islam atteignit le continent européen en passant par l'intermédiaire latin : "Mahometus".


    Puis, cette racine latine va se décliner dans les différentes langues européennes. Ainsi, les Français l'appellent Mahomet et les Espagnols Mahoma.

    On dit Maomé en portugais, Maometto en italie, Mahomed en roumain. Les Anglo-Saxons appellent le prophète Muhammad [comme les Egyptiens : reste de la colonisation ?] mais ils l'ont aussi appelé à l'époque médiévale Mahound ou Mahowne. Les Allemands utilisent Machomet tandis que Mahomet se dit Mohand en langue berbère. Enfin, les musulmans d'Afrique occidentale le désignent sous le nom de Mamadou.



    Comme le signale le site Hérodote :"Regrettons qu'en France, dans un souci de bienséance politique, certains auteurs contemporains utilisent la version anglaise Muhammad (Encyclopedia Universalis), d'autres Mohammed (Histoire de 2e, Hatier, 2001), Mohamed ou encore Mouhammad... "



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