Quinze mille témoins de Jéhovah bible en main
Un coup de sonnette, la porte s'ouvre devant un homme, le plus souvent muni d'un porte-documents, comme tout représentant qui se respecte. À la place du balai-brosse miracle, il propose une bible,
dispense la bonne parole et annonce la fin du monde. C'est l'image péjorative, mais désormais classique, du témoin de Jéhovah.
Ils étaient près de quinze mille réunis, le vendredi 1er août, au stade de Colombes pour leur assemblée régionale annuelle. Aux quatre coins de France, des réunions semblables rassembleront, durant le week-end, des milliers de fidèles.
Le Monde
Publié le 04 août 1975Article réservé aux abonnés
Sur la pelouse Verte du stade, de grandes lettres blanches, harmonieusement disposées, annoncent le thème de l'assemblée 1975 : " La souveraineté divine ".Entassés dans les gradins, de curieux spectateurs écoutent la bonne parole. Bloc-notes ou magnétophone sur les genoux, la bible d'une main, un éventail de l'autre, ils écoutent en silence, comme dans un amphithéâtre d'étudiants consciencieux.
L'orateur condamne la société actuelle basée sur l'argent, cite un passage de l'Écriture sainte, et, dans un bruissement de feuilles tournées, l'ensemble des témoins vérifie, bible en main. À voix basse, ils relisent le verset correspondant et notent ses références.
Toutes les deux ou trois minutes, le même manège immuable se déroule. Il semble impensable à un témoin de discuter, d'argumenter, d'écouter, sans se référer constamment à la Bible.
Ainsi, cet homme commande un sandwich et interpelle la serveuse :
" Sœur, l'annonce du gouvernement divin se situe dans quel passage de saint Luc ?
- Chapitre 21, verset 24, répond la serveuse en tendant le morceau de pain.
Le témoin sans sa bible est un marin sans navire.
En fait, cette référence systématique est l'instrument même de sa foi. " La bible détient la vérité, dit l'un d'eux. Elle est donc le moyen d'accéder à la voie tracée par Dieu. "
Dans l'attente d'un monde nouveauIls furent nombreux, dans la matinée de vendredi, à décider par le baptême de consacrer leur vie à l'approche de cette " voie divine ". Un jeune de vingt-cinq ans, témoin depuis deux heures, explique : " Je me suis fait baptiser, car j'ai réalisé qu'aucun remède en dehors des Saintes Écritures ne pouvait contribuer à l'amélioration du monde actuel. "
Désormais, il a choisi de se couper du reste de la société, non pas qu'il la rejette ouvertement - le témoin est un citoyen, - mais il refusera de soutenir un quelconque gouvernement humain. Il ne prendra part à aucun vote, n'adhérera à aucun parti. Tels sont les commandements négatifs des fidèles de Jéhovah.
Abdication ? C'est un reproche qu'ils entendent fréquemment. En fait, selon eux, " la véritable abdication est de favoriser le maintien du monde actuel, condamné par l'avènement d'un monde nouveau de gouvernement divin ".
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